Centre d’arbitrage et de m�diation de l’OMPI
D�CISION DE L’EXPERT
TOURAVENTURE S.A. contre MAGIC DAY
Litige n� DFR�2006-0008
1. Les parties
Le Requ�rant est la soci�t� TOURAVENTURE S.A., dont le si�ge social est � Montreuil, France, repr�sent�e par HERBERT SMITH LLP, Paris France.
Le D�fendeur est la soci�t� MAGIC DAY, repr�sent�e par la SCP Patrick Fran�ois et associ�s, Paris, France.
2. Nom de domaine et prestataire Internet
Le litige concerne le nom de domaine <lecadeau.fr> enregistr� le�14�juin�2004.
Le prestataire Internet est la soci�t� MailClub.
3. Rappel de la proc�dure
Une plainte d�pos�e par le Requ�rant aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le “Centre”) a �t� re�ue le�4�octobre�2006.
Le 6�octobre�2006, le Centre a adress� � l’Association Fran�aise pour le Nommage Internet en Coop�ration (ci-apr�s “Afnic”) une demande aux fins de v�rification des �l�ments du litige et de gel des op�rations.
Le 9�octobre�2006, l’Afnic a confirm� l’ensemble des donn�es du litige.
Le Centre a v�rifi� que la plainte r�pond bien au R�glement sur la proc�dure alternative de r�solution des litiges du “.fr” et du “.re” par d�cision technique (ci-apr�s�le�”R�glement”) en vigueur depuis le 11�mai�2004, et applicable � l’ensemble�des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conform�ment � la Charte de nommage de l’Afnic (ci-apr�s la�“Charte”).
Conform�ment � l’article�14(c) du R�glement, une notification de la plainte, valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative, a �t� adress�e au D�fendeur le�30�octobre �2006. Le 17 novembre 2006 le D�fendeur a pr�sent� une r�ponse au Centre, qui a accus� r�ception de cette r�ponse le�20�novembre�2006.
Le 24�novembre�2006, le Centre nommait Nathalie Dreyfus comme Expert dans le pr�sent litige. L’Expert constate qu’il a �t� nomm� conform�ment au R�glement et a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment � l’article 4�du R�glement.
4. Les faits
Le Requ�rant est titulaire de l’enregistrement de marque fran�aise LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES du 28�novembre�2003, N� 03 3 260 032 pour d�signer notamment les produits et services suivants des classes 16, 35, 38 et 41 “la promotion et le marketing de tous produits de loisirs et de divertissement; services de diffusion d’informations par r�seaux de communication mondiale (internet); le divertissement, les activit�s sportives et culturelles”.
Le 14�juin�2004, le D�fendeur a enregistr� le nom de domaine <lecadeau.fr>, utilis� � des fins de redirection vers son site internet ��www.magicday.fr��.
Par lettre du 24�mars�2006, le Requ�rant a mis en demeure le D�fendeur de transf�rer le nom de domaine <lecadeau.fr>.
Par r�ponse du 24�avril�2006, le D�fendeur a refus� de d�f�rer � cette mise en demeure.
5. Argumentation des parties
A. Requ�rant
Le Requ�rant soutient que la r�servation et l’usage du nom de domaine <lecadeau.fr> constituent l’imitation de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES tant visuellement, phon�tiquement, qu’intellectuellement.
- Visuellement et phon�tiquement, le nom de domaine <lecadeau.fr> reprend � l’identique les trois syllabes d’attaque de l’enregistrement de l’enregistrement de marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES. L’ajout du terme “.fr” est induit par les contraintes d’adressage sur internet et ne doit par cons�quent pas �tre pris en compte (CA Paris 29�mars�2006).
- Intellectuellement, le nom de domaine <lecadeau.fr> et la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES renvoient � la m�me notion d’objet que l’on donne � quelqu’un dans l’intention de lui �tre agr�able.
Le Requ�rant soutient que le nom de domaine cr�e ainsi un risque de confusion dans l’esprit du public avec la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES, le nom de domaine redirigeant vers un site proposant des services de loisir identiques ou similaires � ceux vis�s par la marque�LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES.�
Par ailleurs, le Requ�rant all�gue que le D�fendeur a commis des actes de concurrence d�loyale d�clinant le m�me concept que celui d�velopp� sur son site internet ��www.nouvelles-frontieres.fr��.
Qu’en sa qualit� de professionnel, la soci�t� MAGIC DAY ne pouvait ignorer l’existence de droit sur la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES enregistr�e le�28�novembre�2003.
Par ailleurs, la soci�t� MAGIC DAY n’est pas connue sous la d�nomination LE�CADEAU.
La soci�t� MAGIC DAY n’aurait donc aucun int�r�t l�gitime � avoir d�pos� le nom de domaine <lecadeau.fr> et � l’utiliser pour rediriger les internautes vers son site <magicday.fr>.
Le Requ�rant soutient en cons�quence que le D�fendeur aurait enregistr� et utilis� le nom de domaine <lecadeau.fr> pour d�tourner la client�le de la soci�t� TOURAVENTURE vers son site www.magicday.fr et aurait donc commis un acte de concurrence d�loyale et de d�tournement de client�le.
B. D�fendeur
Le D�fendeur rappelle qu’il existe 52 marques fran�aises prot�g�es contenant le vocable “le cadeau”.
Le D�fendeur soutient que le risque de confusion entre le nom de domaine <lecadeau.fr> et l’enregistrement de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES est inexistant.
En effet, au plan calligraphique, le nom de domaine <lecadeau.fr>�occupe un tiers de l’espace n�cessaire pour l’�criture de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES.
Par ailleurs, visuellement la marque du Requ�rant est constitu�e de cinq vocables et ne comporte pas moins de dix syllabes alors que le nom de domaine contest� est constitu� de deux vocables et s’articule en tout et pour tout sur trois syllabes.
Le D�fendeur soutient que le choix du Requ�rant d’associer le vocable “le cadeau” � la marque ant�rieurement d�velopp�e et mondialement reconnue NOUVELLES FRONTIERES prive le mot “cadeau” de sa pl�nitude de sens.
Il soutient par ailleurs que le site internet a �t� exploit� pendant deux ans sans aucune r�action de la part du Requ�rant.
En outre, le D�fendeur conteste le fait que le vocable “cadeau” soit associ� dans l’esprit du consommateur moyen irr�m�diablement et automatiquement � la marque LE CADEAU�NOUVELLES FRONTI�RES.
Enfin, le D�fendeur soutient que l’absence d’identit� ou de similarit� entre la marque et le nom de domaine d’une part, entre le contenu et le concept attach�s � l’une et � l’autre d’autre part font obstacle � la reconnaissance d’actes de concurrence d�loyale.
6. Discussion
L’Expert constate que le Requ�rant invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine litigieux par le D�fendeur en violation de ses droits et sollicite en cons�quence sa transmission � son profit.
L’Expert rappelle que, conform�ment � l’article�20(c) du R�glement, il “fait droit � la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le D�fendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que d�finie � l’article 1 du pr�sent R�glement et au sein de la Charte et, si la mesure de r�paration demand�e est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requ�rant a justifi� de ses droits sur l’�l�ment objet de ladite atteinte et sous r�serve de sa conformit� avec la Charte”.
L’Expert rappelle �galement que l’article 1 du R�glement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers prot�g�s en France et en particulier � la propri�t� intellectuelle (propri�t� litt�raire et artistique et/ou propri�t� industrielle), aux r�gles de la concurrence et du comportement loyal en mati�re commerciale et au droit au nom, au pr�nom ou au pseudonyme d’une personne”.
En cons�quence, l’Expert s’est attach� � v�rifier, au vu des arguments et pi�ces soumis par les parties, si l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine <lecadeau.fr>, objet de la pr�sente proc�dure, porte atteinte aux droits de tiers et si le Requ�rant, sollicitant la transmission de ce nom de domaine � son profit, justifie de droits sur ce nom de domaine.
A. Enregistrement ou utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers
L’Expert constate que le Requ�rant justifie �tre titulaire de l’enregistrement de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES, laquelle fait l’objet d’une protection sur le territoire fran�ais pour des produits et services dans les classes 16, 35, 38 et 41 depuis le 28�novembre�2003.
L’Expert constate que le nom de domaine <lecadeau.fr> a �t� r�serv� le�14�juin�2004 par le D�fendeur, soit post�rieurement � l’enregistrement de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES.
Le nom de domaine <lecadeau.fr> reproduit partiellement l’enregistrement de marque ant�rieure LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES en reprenant son �l�ment d’attaque.
L’Expert a pris connaissance des arguments du D�fendeur quant � la tol�rance de l’utilisation du nom de domaine pendant 2 ans. L’Expert rappelle cependant que seule une tol�rance pendant une p�riode ininterrompue de 5 ans peut donner lieu � forclusion et ce uniquement sur d�cision judiciaire (art. L.716-5 du Code de la propri�t� intellectuelle). Il appartient alors � l’Expert d’envisager s’il existe une imitation illicite de la marque et des actes de concurrence d�loyale.
- Sur les actes de contrefa�on
L’imitation illicite par reproduction partielle d’une marque complexe rel�ve de l’article L.713-3 du Code de la Propri�t� Intellectuelle et implique imp�rativement la d�monstration d’un risque de confusion dans l’esprit du public.
Le risque de confusion doit �tre appr�ci� globalement en prenant en compte tous les facteurs pertinents au cas d’esp�ce, impliquant une certaine interd�pendance entre les facteurs pris en compte et notamment la similitude des signes, celle des produits et services et la notori�t� du signe ant�rieur (CA Paris 27�mars�2002).
Sont consid�r�s comme similaires les produits et services qui sont notamment destin�s au m�me public ou qui ont la m�me fonction (CJCE, 29 septembre 1998, Canon). Il convient en cons�quence d’examiner l’activit� du site attach� au nom de domaine contest� au regard des produits et services vis�s par la marque ant�rieure.
En l’esp�ce, les produits et services vis�s par l’enregistrement de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES sont notamment le divertissement ainsi que les activit�s sportives et culturelles.
Le nom de domaine <lecadeau.fr> redirige vers le site ��www.magicday.fr�� offrant pr�s de 60 activit�s de divertissement (cascade, quad, buggy) ainsi que des activit�s sportives (rafting, golf) et culturelles (cours de cuisine).
L’Expert est ainsi satisfait que les produits et services vis�s par la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES sont pour certains identiques ou � tout le moins similaires � ceux offerts par le D�fendeur.
Quant � la comparaison des signes, l’Expert rappelle qu’il est de jurisprudence constante que le suffixe ‘.fr’ doit �tre �cart� pour �valuer la similitude entre les signes en pr�sence en raison de son caract�re technique (Compagnie G�n�rale des �tablissements Michelin – Michelin et Cie contre EUROSTATIC Ltd., Litige OMPI n� DFR2005-0013).
En cas de reproduction partielle de marque, l’imitation partielle est constitu�e d�s lors que se trouve repris l’�l�ment essentiel de la marque susceptible d’exercer tout ou partie de sa fonction distinctive (CA Paris 18 f�vrier 1998).
En l’esp�ce, la partie de la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES reproduite est le vocable “le cadeau”.
Le terme “cadeau” est d�fini comme �tant ‘une chose offerte � quelqu’un’ (Le petit Larousse).
L’Expert constate que le vocable “le cadeau” a fait l’objet d’un d�p�t dans 35�marques fran�aises en classes 16, 35, 38 et 41 ( et non 52 comme il est soutenu par le D�fendeur), dont la marque SELECTOUR LE CADEAU justement relev�e par le D�fendeur. La marque du Requ�rant a donc pr�cis�ment pour objet de d�signer des produits et services ayant vocation � �tre des cadeaux offerts � un autre. Le terme “le cadeau” �voque clairement une caract�ristique de ses produits ou services, � d�faut de d�signer des objets offerts, cette marque pourrait �tre consid�r�e comme trompeuse pour le consommateur.
L’Expert consid�re au vu de ces �l�ments que le vocable “le cadeau” n’est pas susceptible d’exercer tout ou partie de la fonction distinctive de la marque.
L’Expert est en cons�quence d’avis qu’il n’existe pas de risque de confusion dans l’esprit du public d’attention moyenne entre la marque LE CADEAU NOUVELLES FRONTIERES et le nom de domaine <lecadeau.fr>.
- Sur les actes de concurrence d�loyale
Il est de jurisprudence constante que les faits constitutifs de concurrence d�loyale et de parasitisme doivent �tre distincts de ceux qui r�alisent la contrefa�on (CA�Paris,�14�juin�2006).
Concr�tement, le Requ�rant doit d�montrer qu’un �l�ment non compris dans l’enregistrement de la marque a �t� reproduit ou imit� illicitement en cr�ant un risque de confusion.
Il peut s’agir notamment du graphisme de la marque, du d�cor, du conditionnement ou encore de la forme du produit consid�r� (Cass. Com. 17�mars�2004).
La faute peut �galement consister dans l’�conomie r�sultant de l’appropriation du travail d’autrui et dans le d�tournement de client�le en r�sultant (C.�Com.�5�juillet�2006).
En l’esp�ce, l’Expert est d’avis qu’aucun fait distinct de concurrence d�loyale n’est d�montr�.
Le Requ�rant n’all�gue ni ne prouve �tre connu sous la d�nomination “le cadeau”. Ainsi, en enregistrant et en utilisant sciemment le nom de domaine <lecadeau.fr>, le D�fendeur n’a pas cherch� � profiter de la r�putation du Requ�rant.
L’Expert estime ainsi pouvoir l�gitimement d�duire de ces consid�rations que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <lecadeau.fr> par le D�fendeur ne sauraient �tre consid�r�s comme une utilisation de mauvaise foi.
En cons�quence, l’Expert consid�re que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine <lecadeau.fr> par le D�fendeur ne portent pas atteinte aux droits du Requ�rant.
B. Droit du Requ�rant sur le nom de domaine litigieux
Comme expos� pr�alablement, l’Expert estime que le Requ�rant ne d�montre pas que l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine contest� a �t� effectu� en fraude de droits des tiers.
De ce fait, l’Expert consid�re que le Requ�rant n’est pas bien fond� � demander la transmission du nom de domaine <lecadeau.fr> � son profit.
7. D�cision
Conform�ment aux articles 20(b) et (c) du R�glement, l’Expert rejette la demande de transmission � son profit du nom de domaine <lecadeau.fr> formul�e par le Requ�rant.
Nathalie DREYFUS
Expert
Le 8 d�cembre 2006