Centre d’arbitrage et de m�diation de l’OMPI
D�CISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Redcats SA contre Joseli da Costa Oliveira
Litige n� D2007-1125
1. Les parties
La requ�rante est la soci�t� Redcats SA, Roubaix, France, repr�sent�e par le Cabinet Andr� R. Bertrand & Associ�s, France.
La d�fenderesse est Joseli da Costa Oliveira, Icarai-Caucai, Ceara, Br�sil.
2. Nom de domaine et unit� d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <so-redoute.com>.
L’unit� d’enregistrement aupr�s de laquelle le nom de domaine est enregistr� est Schlund + Partner.
3. Rappel de la proc�dure
Une plainte a �t� d�pos�e par la requ�rante aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le “Centre”) en date du 1er ao�t 2007. La plainte �tait dirig�e � l’encontre de Monsieur Charles Pires, � Cenon, en France.
Le 3 ao�t 2007, le Centre a adress� une requ�te � l’unit� d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Schlund + Partner, aux fins de v�rification des �l�ments du litige, tels que communiqu�s par la requ�rante. L’unit� d’enregistrement a communiqu� un ensemble de donn�es du litige par e-mail du 6 ao�t 2007. Selon les informations re�ues de l’unit� d’enregistrement, le titulaire du nom de domaine n’�tait plus Monsieur Charles Pires, mais Madame Joseli da Costa Oliveira. Le Centre a imm�diatement sollicit� des informations compl�mentaires au sujet de cette diff�rence. Par e-mail du 8 ao�t 2007, l’unit� d’enregistrement a pr�cis� que l’identit� du titulaire avait �t� modifi�e entre le moment o� l’unit� d’enregistrement a re�u la requ�te de v�rification et celui o� elle l’a trait�e.
Le Centre a par ailleurs v�rifi� que la plainte r�pond bien aux Principes directeurs r�gissant le R�glement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-apr�s d�nomm�s “Principes directeurs”), aux R�gles d’application des Principes directeurs (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles d’application”), et aux R�gles suppl�mentaires de l’OMPI (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles suppl�mentaires”) pour l’application des Principes directeurs pr�cit�s.
Le 8 ao�t 2007, le Centre a adress� � la requ�rante une notification d’irr�gularit� de la plainte, en raison de plusieurs irr�gularit�s dont elle �tait entach�e, y compris le fait que la personne mentionn�e comme d�fendeur dans la plainte n’�tait pas le titulaire actuel du nom de domaine. Conform�ment � cette notification, la requ�rante disposait d’un d�lai de cinq jours pour corriger les irr�gularit�s relev�es par le Centre. Le 9 ao�t 2007, la requ�rante a communiqu� au Centre un correctif � sa plainte, lequel modifiait notamment l’identit� du d�fendeur.
Conform�ment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des R�gles d’application, le 14 ao�t 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative a �t� adress�e � la d�fenderesse. Conform�ment au paragraphe 5(a) des R�gles d’application, le dernier d�lai pour faire parvenir une r�ponse �tait le 3 septembre 2007. Sur requ�te de la d�fenderesse, ce d�lai a �t� prolong� par le Centre jusqu’au 8 septembre 2007. La d�fenderesse a fait parvenir sa r�ponse le 6 septembre 2007.
En date du 21 septembre 2007, le Centre nommait dans le pr�sent litige comme expert unique Fabrizio La Spada. La Commission administrative constate qu’elle a �t� constitu�e conform�ment aux Principes directeurs et aux R�gles d’application. La Commission administrative a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment au paragraphe 7 des R�gles d’application.
La Commission rel�ve que les parties ont chacune produit une �criture suppl�mentaire, outre la requ�te et la r�ponse. Ainsi, le 17 septembre 2007, la requ�rante adressait au Centre et � la d�fenderesse une r�plique, non sollicit�e, � la r�ponse de la d�fenderesse. De son c�t�, celle-ci a dupliqu�, par e-mail non sollicit� adress� au Centre et � la requ�rante le 26 septembre 2007. La Commission rel�ve que les Principes directeurs, les R�gles d’application et les R�gles suppl�mentaires ne donnent pas la possibilit� aux parties de d�poser de leur propre chef des �critures suppl�mentaires. L’article 12 des R�gles d’application pr�voit toutefois que, “outre la plainte et la r�ponse, la commission peut, dans l’exercice de son pouvoir souverain d’appr�ciation, requ�rir la production d’autres �critures ou pi�ces par les parties”. En outre, les articles 10(a) et (b) des R�gles d’application disposent que la Commission conduit la proc�dure administrative de la fa�on qu’elle juge appropri�e et que, dans tous les cas, elle veille � ce que les parties soient trait�es de fa�on �gale et � ce que chacune ait une possibilit� �quitable de faire valoir ses arguments.
La Commission consid�re qu’il convient de se montrer restrictif en examinant l’admissibilit� d’�changes suppl�mentaires dont la production n’a �t� ni sollicit�e ni autoris�e par la Commission. De tels �changes peuvent toutefois �tre autoris�s dans des circonstances particuli�res, notamment lorsqu’il s’agit de permettre aux parties d’exercer leur droit d’�tre entendues et d’�tre trait�es de mani�re �gale. En l’esp�ce, les �changes des 17 et 26 septembre 2007 concernaient la question de la modification de l’identit� du d�fendeur et l’incidence que cette modification avait sur les conditions pos�es par les Principes directeurs. Dans la mesure o� le transfert du nom de domaine est intervenu apr�s le d�p�t de la plainte, et qu’en cons�quence la requ�rante ne pouvait s’exprimer � ce propos dans sa plainte, la Commission consid�re que les �changes suppl�mentaires doivent �tre admis � la proc�dure, chaque partie ayant par ailleurs pris l’initiative de s’exprimer.
4. Les faits
La requ�rante est une soci�t� anonyme ayant son si�ge � Roubaix, en France. Elle est titulaire des marques suivantes :
- marque communautaire LA REDOUTE, N� 000659151, enregistr�e le 16 ao�t1999 (date de d�p�t : 3 octobre 1997) en classes internationales 1 � 42;
- marque communautaire REDOUTE, non encore enregistr�e, d�pos�e le 16 octobre 2006 en classes internationales 16, 25 et 38;
- marque fran�aise LA REDOUTE, N� 1402362, d�pos�e le 6 avril 1987 en classes internationales 1 � 34;
- marque fran�aise REDOUTE, non encore enregistr�e, d�pos�e le 16 octobre 2006 en classes internationales 16, 25 et 38.
La requ�rante est �galement titulaire des noms de domaine <laredoute.fr>, <redoute.com>, <laredoute.com> et <redoute.fr>.
Le nom de domaine litigieux a �t� cr�� le 13 octobre 2006. Au jour du d�p�t de la plainte, le 1 ao�t 2007, le titulaire de ce nom de domaine �tait Charles Pires, Cenon, France. Le nom de domaine a ensuite �t� transf�r� � la d�fenderesse, le 6 ao�t 2007. L’adresse indiqu�e par la d�fenderesse lors du transfert du nom de domaine �tait une adresse � Mimizan, France. Le nom de domaine objet de la plainte ne renvoie vers aucun site Internet.
En ce qui concerne l’utilisation du signe “Redoute” par la requ�rante, le dossier permet notamment de constater que celle-ci a ouvert, d�s le d�but de l’ann�e 2006 en tout cas, plusieurs points de vente � l’enseigne “So Redoute”. L’ouverture des magasins “So Redoute” a �t� accompagn�e d’une importante campagne dans la presse fran�aise en 2006 et 2007. Les articles parus dans la presse en 2006 mentionnent notamment que la d�signation “So Redoute” est destin�e � moderniser, sous une nouvelle d�nomination, l’enseigne “La Redoute”.
5. Argumentation des parties
A. Requ�rante
En ce qui concerne la premi�re condition selon les Principes directeurs, la requ�rante pr�tend que sa marque LA REDOUTE est une marque qui dispose d’une exceptionnelle notori�t� sur le territoire europ�en, et particuli�rement sur le territoire fran�ais. En effet, selon la requ�rante, la marque LA REDOUTE est une marque faisant l’objet d’un usage de longue dur�e (depuis 1928), d’une activit� publicitaire importante, d’une exploitation constante, massive et prosp�re et jouit d’une r�putation de premier plan. A cet �gard, la requ�rante rel�ve que le Tribunal de Grande Instance de Nanterre, dans une d�cision rendue le 31 janvier 2000, a reconnu le caract�re notoire de cette marque. Par cons�quent, il convient d’appr�cier strictement le risque de confusion. En l’esp�re, selon la requ�rante, le nom de domaine litigieux pr�sente des similitudes visuelles et phon�tiques �videntes avec la marque LA REDOUTE. La requ�rante rel�ve que la seule diff�rence entre sa marque et le nom de domaine r�side dans la substitution du d�terminant “la” par le terme “so”, lequel est parfaitement appr�hend� par le public comme signifiant “tellement” en langue anglaise. Il serait ainsi ind�niable que le consommateur ne pourra que consid�rer le nom de domaine <so-redoute.com> comme un actif de la requ�rante, et plus particuli�rement de sa soci�t� filiale La Redoute.
En ce qui concerne la deuxi�me condition selon les Principes directeurs, la requ�rante indique que la d�fenderesse ne dispose d’aucun int�r�t l�gitime dans l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Selon la requ�rante, la seule motivation de la r�servation du nom de domaine par la d�fenderesse est d’entretenir dans l’esprit du public une confusion avec la marque notoire LA REDOUTE.
Enfin, en ce qui concerne la troisi�me condition selon les Principes directeurs, la requ�rante soutient que Monsieur Pires, r�sidant fran�ais, ne pouvait pas ignorer l’existence de la d�nomination “Redoute”, compte tenu de sa tr�s forte notori�t� sur le territoire fran�ais. En outre, selon la requ�rante, Monsieur Pires a en tout �tat de cause pris connaissance de l’ouverture d’enseignes “So Redoute”, ant�rieure � l’enregistrement du nom de domaine litigieux, et enregistr� celui-ci en vue d’emp�cher les propri�taires l�gitimes de la marque d’y proc�der. La requ�rante mentionne �galement que Monsieur Pires aurait, par le truchement de manœuvres de pression, tent� de monnayer grossi�rement le transfert du nom de domaine, en laissant supposer � la requ�rante l’existence de n�gociations avec “un op�rateur sud-am�ricain” int�ress� par l’acquisition du nom de domaine.
Dans son �criture compl�mentaire du 17 septembre 2007, la requ�rante rel�ve que la d�fenderesse, � qui Charles Pires a transf�r� le nom de domaine, a d�clar� une adresse en France et ne pouvait raisonnablement ignorer la pr�sente proc�dure. Selon la requ�rante, c’est en toute connaissance de cause que la d�fenderesse a d�cid� d’acqu�rir le nom de domaine, en fraude des droits de la requ�rante. La requ�rante soutient que cette attitude est constitutive de mauvaise foi, ce d’autant que la d�fenderesse reconna�t �tre pleinement consciente des droits de la requ�rante sur la marque LA REDOUTE au Br�sil et reconna�t pleinement les ressemblances pouvant exister entre cette marque et le nom de domaine.
Pour l’ensemble de ces raisons, la requ�rante sollicite le transfert du nom de domaine.
B. D�fendeur
Dans sa r�ponse, la d�fenderesse conteste les arguments de la requ�rante.
En premier lieu, la d�fenderesse pr�cise que le nom de domaine litigieux, qu’elle a achet�, est pr�t� � titre gracieux � la soci�t� Diamantina Joias, dont elle est la g�rante, et ce � des fins commerciales. Elle pr�cise par ailleurs que cette soci�t� a enregistr� au Br�sil la marque “so redoute.com” dans le but “de commercialiser et de faire la propagande d’une gamme de bijoux semi-pr�cieux et d’accessoires de mode en Am�rique du Sud et principalement au Br�sil”. La d�fenderesse rel�ve que la requ�rante a d�pos� la marque LA REDOUTE au Br�sil, mais que cette demande est toujours pendante.
La d�fenderesse admet “qu’il puisse y avoir une certaine ressemblance entre “La Redoute” et “so redoute.com”, comme il peut y avoir une similitude entre HONDA et HYUNDAI ou m�me compl�te pour le constructeur automobile SAMSUNG qui n’appartient pas au Conglom�rat Cor�en SAMSUNG”. La d�fenderesse consid�re ainsi avoir le droit d’utiliser le nom de domaine litigieux, bien distinct de “laredoute.com”.
La d�fenderesse insiste par ailleurs sur le fait que les domaines d’activit� des parties sont diff�rents et qu’il ne peut pas y avoir de confusion entre les entreprises.
La d�fenderesse argumente �galement ce qui suit, afin d’expliquer son choix du nom de domaine litigieux : “L’adverbe so en portugais veut dire en fran�ais seulement et la traduction du verbe portugais temer est redout�; il s’agit pour moi d’associer les deux langues et de pr�ciser que ma marque sera dans le futur redout�e, reconnue”. La d�fenderesse insiste sur le fait que si elle �tait oblig�e de changer de nom de domaine, cela signifierait l’arr�t imm�diat de son activit� commerciale et lui causerait un grand pr�judice.
Selon la d�fenderesse, si la requ�rante attachait r�ellement de l’importance au nom de domaine litigieux, elle l’aurait enregistr� elle-m�me.
La d�fenderesse r�p�te qu’elle a achet� le nom de domaine litigieux en toute bonne foi dans l’intention de l’utiliser � des fins commerciales pour la vente de ses produits et non dans le but de d�tourner les clients de la requ�rante. Elle pr�cise que son site Internet est pr�t � fonctionner et � �tre ouvert, mais qu’elle ne fera le “transfert de serveur” que si la d�cision dans le cadre du pr�sent litige lui est favorable.
Enfin, la d�fenderesse indique qu’elle n’a en aucun cas enregistr� le nom de domaine litigieux pour le revendre � la requ�rante, qu’elle ne connaissait d’ailleurs pas avant d’�tre impliqu�e dans cette proc�dure. Elle pr�cise � ce sujet qu’elle n’a que 23 ans et que sa culture g�n�rale est plut�t ax�e sur le Br�sil et l’Am�rique du Sud.
Enfin, la d�fenderesse indique qu’elle n’a pas l’intention de se lancer dans la vente par correspondance ou par catalogue, ni par Internet, activit� qui n�cessite une logistique qu’elle n’a pas � sa disposition.
Dans son �criture compl�mentaire du 26 septembre 2007, la d�fenderesse indique qu’elle n’avait pas connaissance des contacts entre la requ�rante et Monsieur Pires, dont elle n’a �t� inform�e que par la lettre de la requ�rante du 17 septembre 2007. Elle explique qu’elle a �t� contrainte d’utiliser une adresse en France pour acqu�rir le nom de domaine, parce que le registre n’acceptait pas d’adresse �trang�re. Elle confirme cependant qu’elle r�side au Br�sil.
6. Discussion et conclusions
Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d’obtenir gain de cause dans cette proc�dure et obtenir le transfert du nom de domaine, la requ�rante doit prouver que chacun des trois �l�ments suivants est satisfait :
1. Le nom de domaine est identique ou semblable au point de pr�ter � confusion � une marque de produits ou de services sur laquelle la requ�rante a des droits (voir ci-dessous, section A); et
2. La d�fenderesse n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun int�r�t l�gitime qui s’y attache (voir ci-dessous, section B); et
3. Le nom de domaine a �t� enregistr� et est utilis� de mauvaise foi (voir ci-dessous, section C).
Le paragraphe 4(a) in fine des Principes directeurs indique qu’il appartient au requ�rant d’apporter la preuve que ces trois �l�ments sont r�unis.
A. Identit� ou similitude pr�tant � confusion
Cette condition soul�ve deux questions : (1) la requ�rante a-t-elle des droits sur une marque de produits ou de services et (2) le nom de domaine est-il identique ou semblable � cette marque au point de pr�ter � confusion?
Concernant la premi�re question, la requ�rante a d�montr� qu’elle est titulaire de marques verbales LA REDOUTE, enregistr�es en France et en tant que marque communautaire en 1987 et 1999 respectivement.
Concernant la seconde question, l’expert constate que le nom de domaine n’est pas identique � la marque de la requ�rante. Il est en revanche extr�mement similaire, dans la mesure o� la seule diff�rence consiste en la particule “so” � la place de l’article “la”, ainsi que la pr�sence d’un trait d’union. La Commission consid�re que la pr�sence du terme “so” en lieu et place de signe “la” ne permet pas de distinguer le nom de domaine de la marque de la requ�rante au point d’�viter un risque de confusion (voir �galement Redcats SA contre Eric Vaudon, Litige OMPI No. D2007-1126). La Commission rel�ve �galement que le risque de confusion est accru par le fait que la marque de la requ�rante peut �tre consid�r�e comme une marque notoire, ainsi que l’a jug� un tribunal fran�ais. En outre, la requ�rante a d�montr� utiliser les termes “so redoute” � titre d’enseigne.
La Commission rel�ve que le fait que la d�fenderesse envisage d’utiliser le nom de domaine en relation avec des produits et/ou services diff�rents de ceux pour lesquels les marques de la requ�rante sont enregistr�es n’est pas pertinent au regard de la premi�re condition pos�e par les Principes directeurs.
La Commission consid�re par cons�quent que le nom de domaine est similaire au point de pr�ter � confusion � la marque de la requ�rante.
B. Droits ou int�r�ts l�gitimes
La requ�rante affirme que la d�fenderesse n’a aucun droit sur le nom de domaine, ni d’int�r�t l�gitime s’y rapportant. La d�fenderesse soutient quant � elle qu’elle a acquis le nom de domaine afin de l’utiliser � des fins commerciales, pour vendre des produits. Elle indique �galement que le choix du nom est li�, en particulier, � la volont� d’associer ce nom � l’id�e que sa marque serait “redout�e, reconnue”.
Selon le paragraphe 4(c) des Principes directeurs, un d�fendeur peut prouver ses droits sur un nom de domaine et les int�r�ts l�gitimes qui s’y attachent en d�montrant l’une des circonstances ci-apr�s :
“i) avant d’avoir eu connaissance du litige, vous [d�fendeur] avez utilis� le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des pr�paratifs s�rieux � cet effet;
ii) vous [d�fendeur] (individu, entreprise ou autre organisation) �tes connu sous le nom de domaine consid�r�, m�me sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
iii) vous [d�fendeur] faites un usage non commercial l�gitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de d�tourner � des fins lucratives les consommateurs en cr�ant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”
Dans le cas d’esp�ce, la d�fenderesse a expos� qu’elle envisageait d’utiliser le nom de domaine, par l’interm�diaire de sa soci�t� Diamantina Joias, afin de faire le commerce de bijoux et d’accessoires de mode en Am�rique du Sud et en particulier au Br�sil. Elle a indiqu� � cet �gard qu’elle avait d�velopp� un site Internet pr�t � fonctionner et n’attendait que le r�sultat de la pr�sente proc�dure pour faire le “transfert de serveur”. La d�fenderesse n’a toutefois produit aucun �l�ment probant permettant d’�tayer ses all�gations. Il ne ressort en outre pas des explications de la d�fenderesse que les produits qu’elle entend commercialiser seraient offerts sous le signe “so redoute”, ni que les “pr�paratifs s�rieux” qu’elle all�gue avoir entrepris seraient en rapport avec ce nom.
Par ailleurs, la d�fenderesse n’a apport� aucun �l�ment laissant appara�tre qu’elle, ou son entreprise, serait connue sous le nom de domaine. A cet �gard, la Commission rel�ve que le nom de domaine ne correspond ni ne ressemble au nom de la d�fenderesse ou � celui de sa soci�t�, Diamantina Joias. La d�fenderesse a all�gu� qu’elle avait d�pos�, au Br�sil, la marque “so redoute.com”. Elle n’a toutefois produit aucune pi�ce attestant de ce fait, que la Commission n’est pas parvenue, malgr� ses recherches dans le registre des marques br�silien, � v�rifier ind�pendamment. Il n’existe enfin aucun �l�ment au dossier �tablissant que la d�fenderesse aurait utilis� le nom “so redoute”, de quelque mani�re que ce soit, avant le d�p�t de la plainte.
La d�fenderesse a par ailleurs clairement expos� qu’elle entendait faire un usage commercial du nom de domaine. Elle ne peut par cons�quent se pr�valoir de la circonstance d�crite au paragraphe 4(c)(iii) des Principes directeurs.
Pour ces motifs, la Commission consid�re que la d�fenderesse n’a pas de droits ou d’int�r�ts l�gitimes � utiliser le nom de domaine.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
La requ�rante soutient que la d�fenderesse a enregistr� le nom de domaine de mauvaise foi. Dans sa requ�te, qui �tait dirig�e contre Charles Pires, ancien titulaire du nom de domaine, elle ne se prononce bien entendu pas sur la mauvaise foi de la d�fenderesse. Elle indiquait toutefois que Monsieur Pires, r�sident fran�ais, ne pouvait ignorer la notori�t� des marques de la requ�rante, ainsi que l’ouverture par celle-ci d’enseignes “So Redoute”. Dans son �criture compl�mentaire du 17 septembre 2007, la requ�rante all�gue que c’est en toute connaissance de cause que la d�fenderesse a d�cid� d’acqu�rir le nom de domaine, en fraude des droits de la requ�rante.
La d�fenderesse explique en revanche avoir acquis le nom de domaine de bonne foi, dans l’intention de l’utiliser � des fins commerciales l�gitimes, et sans connaissance des droits – par ailleurs contest�s au Br�sil – de la requ�rante.
A titre pr�liminaire, la Commission rel�ve que le nom de domaine a �t� enregistr� par Charles Pires, r�sident fran�ais, le 13 octobre 2006. D’apr�s les informations fournies par l’unit� d’enregistrement, c’est lui qui �tait titulaire du nom de domaine au moment du d�p�t de la plainte, et c’est d’ailleurs lui contre qui la plainte �tait initialement dirig�e. Monsieur Pires a ensuite, quelques jours apr�s le d�p�t de la plainte, proc�d� au transfert du nom de domaine � la d�fenderesse. En r�ponse � la plainte, qui lui a �t� notifi�e par le Centre, il s’est limit� � r�pondre: “I’m sorry because there is a mistake I don’t have any domain named so-redoute.com please check sincerely Charles PIRES”. Ces faits sont constitutifs de ce que la jurisprudence relative aux Principes directeurs d�signe sous le terme “cyberflying” (voir, par exemple, British Broadcasting Corporation v. Data Art Corporation / Stoneybrook, Litige OMPI No. D2000-0683; BolognaFiere S.p.A. v. Currentbank-Promotools, SA. Inc/Isidro Sentis a/k/a Alex Bars, Litige OMPI No. D2004-0830; Jagex Limited v. Jagex Ltd c/o Domain Administrator, Litige NAF FA0975548).
Un tel transfert est contraire aux Principes directeurs, dont l’article 8 pr�voit ce qui suit: “Vous ne pouvez pas transf�rer l’enregistrement de votre nom de domaine � un autre d�tenteur i) pendant qu’une proc�dure administrative vis�e au paragraphe 4 est en instance et pendant les quinze (15) jours ouvrables (selon la pratique constat�e au lieu de notre principal �tablissement) suivant la cl�ture de cette proc�dure […]”. Plusieurs commissions administratives ont d’ailleurs consid�r� que le cyberflying pouvait constituer un indice de mauvaise foi au sens des Principes directeurs (voir par exemple Fifth Third Bancorp v. Secure Whois Information Service, Litige OMPI No. D2006-0696; Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG v. Domains by Proxy, Inc. and Vladimir Putinov, Litige OMPI No. D2004-0311).
La Commission constate qu’en l’esp�ce, le nom de domaine a �t� transf�r� par Monsieur Pires � la d�fenderesse apr�s le d�p�t de la plainte, mais avant l’ouverture de la proc�dure administrative par le Centre. La Commission consid�re toutefois, comme l’ont fait d’autres commissions, que ce transfert est contraire � l’article 8 des Principes directeurs, qui doit trouver application d�s le d�p�t de la plainte (voir notamment British Broadcasting Corporation v. Data Art Corporation / Stoneybrook, Litige OMPI No. D2000-0683; Dr. Ing. h.c. F. Porsche AG v. Domains by Proxy, Inc. and Vladimir Putinov, Litige OMPI No. D2004-0311 et d�cisions cit�es).
La Commission rel�ve cependant que Monsieur Pires, titulaire du nom de domaine au moment du d�p�t de la plainte, et qui est � l’origine du transfert, n’est pas partie � la pr�sente proc�dure. En effet, � la suite de la notification d’irr�gularit� de la plainte adress�e par le Centre � la requ�rante, celle-ci n’a pas simplement ajout� Madame Joseli da Costa Oliveira comme seconde d�fenderesse; elle a au contraire modifi� sa plainte pour ne plus la diriger que contre Madame Joseli da Costa Oliveira. Or, la mauvaise foi du titulaire pr�c�dant ne peut sans autre �tre imput�e � l’acqu�reur du nom de domaine, qui pourrait l’avoir acquis de bonne foi (voir par exemple CompuCredit Corporation, CompuCredit Intellectual Property Holdings Corporation III v. Domain Capital and Aspire Prints, Litige OMPI No. D2007-0407). Il est par cons�quent n�cessaire d’examiner si, ind�pendamment du comportement de Monsieur Pires, la d�fenderesse est de mauvaise foi au sens des Principes directeurs (voir XM Satellite Radio Inc. v. Michael Bakker, Litige NAF FA0861120).
La Commission consid�re, au vu de l’ensemble des circonstances de l’esp�ce, que la d�fenderesse a enregistr� (en l’occurrence obtenu le transfert) du nom de domaine de mauvaise foi et se propose de l’utiliser de mauvaise foi. Les pi�ces produites par la requ�rante d�montrent en effet que sa marque LA REDOUTE est notoirement connue, � tout le moins en France. En outre, ces pi�ces �tablissent que l’ouverture par la requ�rante de points de vente � l’enseigne “So Redoute” a fait l’objet d’une importante campagne de presse, en France, d�s 2006. On peut par cons�quent retenir que la d�fenderesse avait connaissance de cette marque lors de son acquisition, ce d’autant qu’elle n’offre aucune explication document�e sur les raisons qui l’auraient pouss�e � choisir ce nom de domaine, qui n’est pas un terme descriptif et ne correspond ni � son nom ni � celui de la soci�t� pour laquelle elle entend l’utiliser. La Commission rel�ve que la d�fenderesse, qui a communiqu� pour elle-m�me une adresse au Br�sil et a all�gu� dans sa r�ponse ne pas avoir de liens avec la France, a en r�alit� indiqu�, comme sa propre adresse de contact, une adresse en France. La Commission consid�re que la notori�t� de la marque de la requ�rante dans ce pays peut ainsi lui �tre oppos�e. Enfin, la Commission constate que les affirmations de la d�fenderesse selon lesquelles elle n’aurait appris les contacts entre la requ�rante et Charles Pires qu’� la lecture de la lettre de la requ�rante du 17 septembre 2007 ne correspondent pas � la r�alit�, dans la mesure o� elle a �t� inform�e de ces contacts � r�ception de la plainte et de ses annexes, au mois d’ao�t 2007.
Pour l’ensemble de ces motifs, la Commission consid�re que la condition pos�e par les Principes directeurs est r�alis�e.
7. D�cision
Conform�ment aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des R�gles d’application, l’expert ordonne que le nom de domaine <so-redoute.com> soit transf�r� � la requ�rante.
Fabrizio La Spada
Expert Unique
Le 17 octobre 2007