WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Société Alsacienne de Publications contre Daniel Fuehrer

Litige n° DFR2008-0007

 

1. Les parties

Le Requérant est la Société Alsacienne de Publications, Mulhouse, France, représenté par Meyer et Partenaires, Strasbourg, France.

Le Défendeur est Monsieur Daniel Fuehrer, Linden, Allemagne.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <alsapresse.fr> enregistré le 29 août 2007.

Le prestataire Internet est la société Ediciel, Saint-Leu-La-Forêt, France.

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 25 janvier 2008, par courrier électronique et le 29 janvier 2008, par courrier postal.

Le 29 janvier 2008, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 29 janvier 2008, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le “Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 4 février 2008. Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 25 février 2008.

Le 11 mars 2008, le Centre nommait Christophe Caron comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

La société Alsacienne de Publications édite le journal “l’Alsace” qui est un important quotidien de la presse régionale ayant plus de 300.000 lecteurs chaque jour.

Dans le cadre du développement de ce journal sur le réseau internet, un portail a été créé dès 1999. Le nom de domaine <alsapresse.com>, enregistré par le Requérant le 24 novembre 1997, permet d’accéder à ce portail qui a toujours connu un grand succès et réunit actuellement 10.000 visiteurs tous les jours.

Lorsque le Requérant a eu connaissance de l’enregistrement du nom de domaine <alsapresse.fr>, il a informé le Défendeur de ses droits dans une lettre de mise en demeure datée du 26 octobre 2007 à laquelle il n’a pas été répondu.

C’est dans ces circonstances que le Requérant a saisi le Centre pour solliciter le transfert à son profit du nom de domaine <alsapresse.fr>.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant considère qu’il a un droit sur le nom de domaine <alsapresse.com> car il prouve qu’il l’a enregistré. Par ailleurs, il démontre l’antériorité de l’usage de ce nom de domaine par rapport au signe contesté. Enfin, il relève qu’il existe un risque de confusion dans l’esprit du public entre son nom de domaine et celui qui a été enregistré par le Défendeur.

Le Requérant revendique également des droits sur la dénomination “alsapresse” au titre du droit d’auteur.

Le Requérant estime ensuite que le nom de domaine litigieux <alsapresse.fr> porte atteinte à ses droits car il a été enregistré en parfaite connaissance de cause par le Défendeur dans le seul but de porter atteinte à ses droits et de nuire à ses activités sur le réseau internet.

Le Requérant souligne enfin que le Défendeur est coutumier des activités de spéculation de noms de domaine.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et l’utilisation des noms de domaine litigieux par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite, en conséquence, la transmission des noms de domaine à son profit.

L’Expert rappelle que, conformément à l’article 20(c) du Règlement : “Il fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le Défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers tels que définis à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requérant a justifié de ses droits sur l’élément, objet de ladite atteinte et sous réserve de sa conformité avec la Charte.”

L’Expert rappelle également que l’article 1 du Règlement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers”, au titre de la Charte, “une atteinte aux droits des tiers protégés en France et en particulier à la propriété intellectuelle (propriété littéraire et artistique et/ou propriété industrielle), aux règles de la concurrence et du comportement loyal en matière commerciale et aux droits au nom, au prénom et au pseudonyme d’une personne”.

En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par les parties, si l’enregistrement et l’utilisation des noms de domaine litigieux portaient atteinte aux droits du Requérant et, le Requérant sollicitant la transmission des noms de domaine à son profit, s’il justifiait de droits sur ce nom de domaine.

Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le Requérant ne prouve pas que le terme “alsapresse”, qui est constitué de la contraction inversée des mots “alsace” et “presse”, exprime une originalité susceptible de lui conférer une protection, en tant qu’œuvre de l’esprit, par le droit d’auteur. Il en résulte que le Requérant n’apporte pas la preuve qu’il bénéficie d’un droit de propriété intellectuelle qui protégerait le terme “alsapresse”.

En revanche, même en l’absence d’un droit de propriété intellectuelle opposable, l’enregistrement d’un nom de domaine en violation du comportement loyal en matière commerciale est susceptible de constituer une atteinte aux droits des tiers.

En l’espèce, il importe de constater que le Requérant prouve avoir enregistré et utilisé le nom de domaine <alsapresse.com> antérieurement à l’enregistrement par le Défendeur du nom de domaine <alsapresse.fr>. Il prouve également que le nom de domaine <alsapresse.com> désigne un site Internet qui a toujours connu un grand succès chez les internautes.

Par conséquent, le Défendeur, dont il est par ailleurs prouvé qu’il est coutumier des pratiques de spéculation sur les noms de domaine, ne pouvait pas ignorer que, en procédant à l’enregistrement du nom de domaine <alsapresse.fr>, il portait forcément atteinte aux droits du Requérant. En effet, le nom de domaine litigieux ne peut que susciter un fort risque de confusion au détriment des internautes. Par ailleurs, il importe de souligner que le Défendeur ne justifie d’aucun intérêt légitime à enregistrer ce nom de domaine.

L’enregistrement du nom de domaine litigieux porte donc atteinte aux droits du Requérant sur son nom de domaine et constitue une violation des usages honnêtes en matière commerciale.

Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

En l’absence d’arguments du Requérant sur une utilisation du nom de domaine en violation de ses droits, il n’appartient pas à l’Expert de se prononcer sur ce point. Il est néanmoins constant que le seul enregistrement du nom de domaine litigieux en violation des droits du Requérant suffit à justifier le transfert.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <alsapresse.fr>.


Christophe Caron
Expert

Date : Le 25 mars 2008