Centre d’arbitrage et de m�diation de l’OMPI
D�CISION DE L’EXPERT
Soci�t� SAS contre Daniel Fuehrer
Litige n� DFR2008-0017
1. Les parties
Le Requ�rant est la soci�t� SOCIETE SAS, Paris, France, repr�sent�e en interne.
Le D�fendeur est Daniel Fuehrer, Linden, Allemagne.
2. Nom de domaine et prestataire Internet
Le litige concerne les noms de domaine <bilan.fr> et <kbis.fr>, tous deux enregistr�s le 5 novembre 2007.
Le prestataire Internet est la soci�t� EDICIEL, Saint-Leu-la-For�t, France.
3. Rappel de la proc�dure
Une demande d�pos�e par le Requ�rant aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le “Centre”) a �t� re�ue le 11 avril 2008, par courrier �lectronique et le 16 avril 2008, par courrier postal.
Le 15 avril 2008, le Centre a adress� � l’Association Fran�aise pour le Nommage Internet en Coop�ration (ci-apr�s l’“Afnic”) une demande aux fins de v�rification des �l�ments du litige et de gel des op�rations.
Le 15 avril 2008, l’Afnic a confirm� l’ensemble des donn�es du litige.
Le Centre a v�rifi� que la demande r�pond bien au R�glement sur la proc�dure alternative de r�solution des litiges du “.fr” et du “.re” par d�cision technique (ci-apr�s le “R�glement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable � l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conform�ment � la Charte de nommage de l’Afnic (ci-apr�s la “Charte”).
Par courrier �lectronique en date du 18 avril 2008, le Centre a demand� au Requ�rant de lui indiquer si d’�ventuelles proc�dures judiciaires relatives aux noms de domaine litigieux, �taient actuellement en cours.
Le Requ�rant a confirm� le 23 avril 2008, par courrier �lectronique de retour, l’absence de proc�dures judiciaires � l’encontre du D�fendeur.
Conform�ment � l’article 14(c) du R�glement, une notification de la demande, valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative, a �t� adress�e au D�fendeur le 29 avril 2008. Conform�ment � l’article 15(a) du R�glement, le dernier d�lai pour faire parvenir une r�ponse �tait le 19 mai 2008. Le D�fendeur n’a pas fait parvenir de r�ponse.
Une notification de d�faut de r�ponse a �t� adress�e par le Centre au D�fendeur ainsi qu’au Requ�rant par courrier �lectronique le 20 mai 2008.
Le 27 mai 2008, le Centre nommait Christiane F�ral-Schuhl comme Expert dans le pr�sent litige. L’Expert constate qu’il a �t� nomm� conform�ment au R�glement. L’Expert a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment � l’article 4 du R�glement.
4. Les faits
Le Requ�rant est la soci�t� SOCIETE, S.A.S, qui propose principalement sur le territoire fran�ais, la communication d’informations li�es aux entreprises. Le Requ�rant exerce cette activit� via son site internet “www.societe.com”.
Les termes “kbis.fr”, “bilan” et “bilans”, sont mentionn�s � titre d’enseigne dans l’extrait K-bis du Requ�rant, et ce depuis son immatriculation au Registre du Commerce et des Soci�t�s en 1999, selon le Requ�rant.
Le Requ�rant �tait �galement titulaire des noms de domaine <bilan.fr> et <kbis.fr>, respectivement depuis le 14 septembre 2000 et le 25 septembre 2000 et ce jusque fin 2007. Ces noms de domaine redirigeaient les internautes vers le site internet officiel du Requ�rant, “www.societe.com”.
Le D�fendeur, Daniel Fuehrer, a proc�d� � l’enregistrement des noms de domaine <bilan.fr> et <kbis.fr> lors de la p�riode de renouvellement, le 5 novembre 2007. Les pi�ces vers�es au dossier par le Requ�rant montrent que selon les p�riodes, ces noms de domaines sont soit inactifs, soit renvoient vers des “pages de parking” listant des liens commerciaux divers et vari�s.
Le Requ�rant, intervenant par l’interm�diaire de son Directeur g�n�ral, a tent� par r�glement amiable d’obtenir le transfert des noms de domaine, objets de la pr�sente proc�dure, directement aupr�s de Monsieur Daniel Fuehrer, par courrier recommand� avec accus� de r�ception du 8 f�vrier 2008.
Le Requ�rant a �galement transmis copie de ce courrier au prestataire internet, la soci�t� EDICIEL, par courrier recommand� avec accus� de r�ception le 22 f�vrier 2008, ainsi qu’� la soci�t� European internet Agency.
En l’absence de r�ponse du D�fendeur et des soci�t�s tierces pr�cit�es, le Requ�rant a engag� la pr�sente proc�dure aux fins de se voir transf�rer les noms de domaine <bilan.fr> et <kbis.fr>.
5. Argumentation des parties
A. Requ�rant
Le Requ�rant soutient qu’il d�tient des droits ant�rieurs sur les noms de domaine <kbis.fr> et <bilan.fr> et que le D�fendeur porte donc atteinte � ses droits pour les raisons suivantes.
Le Requ�rant indique avoir inscrit � titre d’enseigne les termes <kbis.fr>, “bilans” et “bilan” lors de son immatriculation au registre du Commerce et des Soci�t�s le 26 novembre 1999 et soutient les utiliser depuis � titre d’enseigne et de nom commercial.
Le Requ�rant fait valoir en effet, qu’il a r�serv� les noms de domaine <kbis.fr> et <bilan.fr> d�s les 14 et 20 septembre 2000, ce qu’atteste par courrier en date du 7 f�vrier 2008, le pr�sident de la soci�t� Online.net qui a proc�d� � la r�servation, Monsieur Cyril Poidatz.
Le Requ�rant pr�cise que ces deux noms de domaine �taient utilis�s pour rediriger vers le site internet officiel du Requ�rant, “www.societe.com”. Le Requ�rant produit � l’appui de cette assertion un constat d’huissier qui pr�cise que l’adresse IP des noms de domaine <kbis.fr> et <bilan.fr> serait identique � celle du site internet du Requ�rant, soit “www.societe.com”.
Le Requ�rant affirme �galement �tre titulaire d’un droit privatif sur les termes “kbis” et “bilan” � titre de nom commercial, conform�ment � l’article 8 de la Convention de Paris du 20 mars 1883, qui stipule qu’il n’est pas n�cessaire de proc�der � un quelconque d�p�t ou enregistrement.
Le Requ�rant consid�re donc que Daniel Fuehrer a port� atteinte � ses droits ant�rieurs en proc�dant � l’enregistrement des noms de domaine <kbis.fr> et <bilan.fr>.
De plus, le Requ�rant consid�re qu’il appartenait, conform�ment � l’article 12 de la Charte de l’Afnic, au D�fendeur de s’assurer que les noms de domaine nouvellement r�serv�s ne portaient pas atteinte aux droits ant�rieurs de tiers.
En l’esp�ce, le Requ�rant fait valoir que la r�servation des noms de domaine par le D�fendeur est frauduleuse, consid�rant que ce dernier ne pouvait ignorer l’existence d’une exploitation ant�rieure et r�guli�re des noms de domaine correspondants aux noms commerciaux du Requ�rant, puisque Daniel Fuehrer, les a utilis�s pour rediriger vers des activit�s concurrentes de la soci�t� SOCIETE.
Le Requ�rant estime en cons�quence, que cette nouvelle exploitation fait na�tre un risque de confusion dans l’esprit des internautes, lesquels pensent acc�der � son site internet officiel.
Par ailleurs, le Requ�rant rel�ve que Daniel Fuehrer, a fourni � l’Afnic, la marque communautaire “Sex”, comme identifiant, sans qu’un lien puisse �tre �tabli avec les noms de domaine r�serv�s.
En cons�quence, le Requ�rant sollicite le transfert des noms de domaine, <kbis.fr> et <bilan.fr> � son profit.
B. D�fendeur
Le D�fendeur n’a adress� aucune r�ponse au Centre.
6. Discussion
L’Expert constate que le Requ�rant invoque un enregistrement ou une utilisation de noms de domaine litigieux par le D�fendeur en violation de ses droits et sollicite en cons�quence la transmission de ces noms de domaine � son b�n�fice.
Conform�ment au paragraphe 20 (c), l’Expert “fait droit � la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le D�fendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que d�finie � l’article 1 du pr�sent r�glement et au sein de la Charte et, si la mesure de r�paration demand�e est la transmission du nom de domaine, lorsque le Requ�rant a justifi� de ses droits sur l’�l�ment objet de ladite atteinte et sous r�serve de sa conformit� avec la Charte”.
L’atteinte aux droits des tiers d�finis � l’article 1 du pr�sent r�glement, s’entend, au titre de la Charte, comme “une atteinte aux droits des tiers prot�g�s en France et en particulier � la propri�t� intellectuelle (propri�t� litt�raire et artistique et/ou propri�t� industrielle), aux r�gles de la concurrence et du comportement loyal en mati�re commerciale et au droit au nom, au pr�nom, ou au pseudonyme d’une personne”.
Il appartient ainsi � l’Expert de v�rifier si l’enregistrement ou l’utilisation des noms de domaine <kbis.fr> et <bilan.fr> portent atteinte aux droits du Requ�rant, et si celui-ci justifie de droits lui permettant de solliciter la transmission de ces noms de domaine � son profit.
Toutefois, en raison de l’absence de marque d�pos�e par le Requ�rant, et au regard du caract�re g�n�rique des termes en cause, l’Expert estime opportun dans ce litige de se prononcer en premier lieu sur les droits du Requ�rant.
A – Droits du Requ�rant sur les noms de domaine
Le Requ�rant invoque des droits � titre de nom de commercial et d’enseigne, sur les termes “kbis.fr” et “bilan”, correspondants aux noms de domaine, objets de la pr�sente proc�dure.
Le Requ�rant affirme avoir exploit� les termes “kbis.fr” et “bilan” � titre de noms de domaine, lorsqu’il �tait titulaire des noms de domaine <kbis.fr> et <bilan.fr>, la dite exploitation consistant en la mise en place d’une redirection vers son site internet officiel “www.societe.com”.
1�) L’existence de droits du Requ�rant � titre de nom commercial
L’Expert constate que le Requ�rant justifie exclusivement avoir mentionn� � titre d’enseigne les termes “kbis.fr”, “bilan” et “bilans” lors de son immatriculation au Registre du Commerce et des Soci�t�s le 26 novembre 1999, comme en atteste l’extrait k-bis vers� au dossier du Requ�rant.
L’affirmation de d�tention de droits sur le nom commercial n’est quant � elle, �tay�e par aucun �l�ment justificatif.
Or m�me si le nom commercial ne n�cessite aucun d�p�t ni enregistrement, encore faut-il justifier de l’exercice effectif des termes en tant que nom commercial, ce qui n’est pas �tabli par le Requ�rant.
L’Expert consid�re en cons�quence que le Requ�rant n’a pas d�montr� l’existence de droits sur les noms de domaine en cause � titre de nom commercial.
2�) L’existence de droits du Requ�rant � titre d’enseigne
La doctrine consid�re que la d�claration de termes � titre d’enseigne, y inclus au Registre du Commerce et des Soci�t�s, ne suffit pas � constituer l’existence d’un droit. Celui-ci s’acquiert par l’usage public.
La doctrine s’accorde ainsi pour consid�rer que les noms de domaine peuvent �tre assimil�s � des enseignes sur internet, d�s lors qu’ils ont pour finalit� d’informer et d’attirer une client�le.
Au vu de l’activit� internet du Requ�rant et en l’absence d’information contraire dans le dossier, l’Expert estime que les enseignes d�sign�es dans le k-bis ne sont pas utilis�es en association avec un local physique. C’est donc leur exploitation en tant que nom de domaine qui doit �tre prise en compte.
En l’esp�ce, le Requ�rant justifie avoir �t� titulaire et avoir utilis� pendant pr�s de sept ans les noms de domaine litigieux. N�anmoins, cette utilisation semblait consister avant tout, aux termes m�mes du Requ�rant, en un moyen de redirection des internautes vers le site du Requ�rant “www.societe.com”. Or, l’Expert doute qu’une telle utilisation suffise � caract�riser la volont� de ce dernier de faire un usage r�ellement public de ces noms de domaine, ainsi que d’informer et d’attirer une client�le sous ces noms de domaines en tant qu’enseignes.
Rien dans les �l�ments produits par le Requ�rant � l’appui de sa plainte ne permettent en effet � l’Expert de conclure qu’il est �tabli que le Requ�rant se soit fait conna�tre aupr�s du public sous les enseignes “kbis.fr” et “bilan”. En r�alit�, le mode d’utilisation des noms de domaine mis en place par le Requ�rant, � savoir une redirection vers un seul et m�me site, semble plut�t s’apparenter � une utilisation de termes g�n�riques comme mots cl�s de recherche, permettant d’augmenter la fr�quentation de son site officiel par un moyen de captation des internautes.
L’Expert doute ainsi que l’utilisation de <kbis.fr> et <bilan.fr> caract�rise une utilisation publique au sens de la doctrine, permettant d’assimiler les deux noms de domaine en cause � une enseigne et donc, l’existence m�me d’un droit.
En toute hypoth�se, m�me si des droits devaient �tre reconnus au Requ�rant, ce dernier n’a pas �tabli, pour les raisons d�taill�es ci-apr�s que l’enregistrement ou l’utilisation des noms de domaine litigieux par le D�fendeur porterait atteinte � ses droits.
B – Enregistrement et utilisation de noms de domaine en violation des droits des tiers, en l’occurrence du Requ�rant
Le Requ�rant invoque une utilisation des noms de domaine par le D�fendeur, en violation de ses droits.
En premier lieu, l’Expert rappelle que, depuis une r�forme de la Charte en date du 11 mai 2004, toutes les personnes identifiables en ligne sur des bases de donn�es publiques et nationales (entreprises, artisans, associations immatricul�es � l’INSEE, d�tenteurs de marques...), peuvent obtenir le nom de domaine qu’elles souhaitent sans que ce dernier figure sur quelque document que ce soit.
Ainsi, bien que la marque communautaire “Sex” du D�fendeur n’ait effectivement aucun lien avec les noms de domaine en cause d�pos�s par ce dernier comme le rel�ve le Requ�rant dans sa plainte, pour autant, il �tait loisible au D�fendeur de d�poser ces deux noms de domaine, la seule condition �tant qu’un tel enregistrement ou utilisation ne porte pas atteinte aux droits de tiers, en l’occurrence les droits dont se pr�vaut le Requ�rant sur les enseignes “kbis.fr”, “bilan” et “bilans”.
L’Expert rappelle que conform�ment � l’article 711-4 du Code la propri�t� intellectuelle, la violation du droit ant�rieur revendiqu� par le Requ�rant, n�cessite la r�union de deux conditions, � savoir une enseigne connue sur l’ensemble du territoire et l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public.
En l’esp�ce, relativement � la premi�re condition, le Requ�rant soutient que les noms de domaine <bilan.fr> et <kbis.fr> renvoyaient vers son site officiel “www.societe.com”.
L’Expert rel�ve que le Requ�rant n’apporte pas d’autres informations, et en particulier de documents marketing ou publicitaires ou autres �l�ments qui d�montreraient que le Requ�rant a communiqu� aupr�s du public fran�ais sur son activit�, non seulement sous son site “www.societe.com” mais �galement sous ces enseignes <bilan> et <kbis.fr>.
Par ailleurs, comme �voqu� pr�c�demment, l’usage des noms de domaine litigieux consistait aux dires du Requ�rant, � rediriger vers son site officiel, ce qui renforce la conviction de l’Expert que ce dernier est avant tout connu sous son nom de domaine principal <societe.com>.
Concernant la seconde condition, l’Expert constate que le Requ�rant n’a pas �tabli que les termes “kbis.fr” et “bilan” �taient directement associ�s dans l’esprit du public fran�ais aux services propos�s par le Requ�rant.
En effet, le terme “ kbis” n’apparait � aucun moment sur le site internet du Requ�rant, lequel ne fournit d’ailleurs pas ce type de document. En effet, ces derniers rel�vent uniquement de la comp�tence des greffes des juridictions.
Le Requ�rant fournit en effet des fiches d’identit� comportant des informations issues d’extrait k-bis, mais ne fournit pas en soit de k-bis.
Concernant, le terme “bilan”, bien qu’il soit utilis� pour proposer des bilans de soci�t�s disponibles sur le site du Requ�rant, il ne s’agit que de bilans d�j� d�pos�s aupr�s des greffes des juridictions. Au demeurant, le terme “bilan” est un terme g�n�rique utilis� par tout un chacun dans la vie des affaires.
En cons�quence et bien que l’Expert consid�re qu’il soit manifeste que le D�fendeur a profit� d’une d�faillance du Requ�rant dans le renouvellement des noms de domaine litigieux et que le D�fendeur est apparemment coutumier de ce type de comportement, pour autant, l’Expert conclut pour le pr�sent litige, qu’il ne peut relever aucune violation des droits du Requ�rant, � supposer que ce dernier en aient, qui justifierait le transfert des noms de domaine sollicit�.
7. D�cision
Conform�ment aux articles 20(b) et (c) du R�glement, l’Expert rejette la demande du Requ�rant.
Christiane F�ral-Schuhl
Expert
Date : Le 10 juin 2008