WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Europages contre Société Cosmopolite Production

Litige n° D2009-0641

1. Les parties

Le requérant est la société Europages, de Neuilly Sur Seine, France, représenté par le cabinet DS Avocats, France.

Le défendeur est la société Cosmopolite Production, de La Courneuve, France.

2. Nom de domaine et unité d'enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <europages.pro>, enregistré le 25 février 2009.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Europages auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 12 mai 2009.

En date du 13 mai 2009, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le requérant. Le 14 mai 2009, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.

Le 26 mai 2009, le requérant a déposé un amendement le 26 mai 2009 dans lequel il confirme remplir les conditions d'enregistrement du gTLD “.pro”.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d'application”), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 3 juin 2009, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 23 juin 2009. Le défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 24 juin 2009, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 30 juin 2009, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Christophe Caron. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

4. Les faits

Le requérant est la société Europages, créée le 27 août 1986, qui édite et diffuse des annuaires professionnels en ligne, faisant l'objet de 41 000 visites quotidiennes.

Le requérant, qui a pour dénomination sociale Europages depuis le 4 décembre 2006, est propriétaires de plusieurs marques protégeant l'expression “europages” (et notamment des signes suivants : marque française semi-figurative EUROPAGES, déposée le 31 décembre 1982 pour désigner des produits et services classes 16, 35, 38 et 41 ; marque française semi-figurative EUROPAGES, déposée le 21 janvier 1994 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38, 41 ; marque communautaire semi-figurative EUROPAGES, déposée le 9 janvier 2008, pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38 et 41). Le requérant est également propriétaire de plusieurs noms de domaine composés de l'expression “europages” (par exemple <europages.com>).

Le requérant a découvert que, le 25 février 2009, le défendeur avait enregistré le nom de domaine litigieux, <europages.pro>, qu'il exploite afin de désigner un site constitué de liens commerciaux pointant notamment vers des sites qui proposent également des annuaires professionnels directement concurrents de ceux du requérant.

Par courrier recommandé avec accusé de réception du 31 mars 2009, le requérant a mis en demeure le défendeur de lui transférer sans délai le nom de domaine litigieux. Ce dernier aurait refusé, selon le requérant, de lui transférer gratuitement le nom de domaine <europages.pro>, mais aurait accepté de le lui céder à titre onéreux.

C'est pourquoi le requérant a saisi le Centre afin d'obtenir le transfert, à son profit, du nom de domaine <europages.pro>.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

En premier lieu, le requérant prouve qu'il est propriétaire de plusieurs marques qui protègent l'expression “europages” pour désigner notamment des services d'annuaires professionnels accessibles en ligne. Il considère que le nom de domaine litigieux est identique à ses marques de produits ou de services sur lesquelles il a des droits. Il souligne qu'il existe donc un risque de confusion puisque les internautes ne manqueront pas de considérer que les services proposés via le nom de domaine <europages.pro> le sont par le requérant.

En second lieu, le requérant indique ensuite que le défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache. En effet, il n'a aucun lien avec la société Europages et ne bénéficie d'aucune autorisation d'utilisation de l'expression “europages”. Il n'a jamais été connu sous cette appellation et, de surcroît, ne dispose d'aucun droit de propriété intellectuelle sur cette expression.

En dernier lieu, le requérant souligne que le nom de domaine litigieux a été enregistré par le défendeur dans l'unique but de détourner les internautes qui pensent accéder au site de la société Europages. Il ne pouvait, en effet, ignorer le fait que le nom de domaine litigieux était identique à la dénomination de la société du requérant. Le défendeur a également utilisé de mauvaise foi le nom de domaine <europages.pro> afin de créer un trafic vers son site et pour contraindre le requérant à racheter le nom de domaine. En outre, il est constant que l'utilisation de ce nom de domaine a été faite de mauvaise foi puisqu'il est actuellement à vendre.

Le requérant considère donc que le nom de domaine <europages.pro> doit lui être transféré.

B. Défendeur

Le défendeur n'a pas apporté de réponse aux arguments du requérant.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera à l'application des Principes directeurs. Il s'agit donc de vérifier, pour prononcer ou refuser un transfert de nom de domaine, que les conditions exprimées par les Principes directeurs sont cumulativement réunies.

En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n'est applicable qu'en ce qui concerne un litige relatif à une accusation d'enregistrement abusif d'un nom de domaine sur la base des critères suivants :

(i) Le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits; et

(ii) Le détenteur du nom de domaine n'a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et

(iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, dont le paragraphe 4(b) des Principes directeurs donne quelques exemples non limitatifs.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant prouve qu'il est titulaire de plusieurs marques qui protègent l'expression “Europages” (v. la marque française semi-figurative EUROPAGES, déposée le 31 décembre 1982 pour désigner des produits et services classes 16, 35, 38 et 41 ; la marque française semi-figurative EUROPAGES, déposée le 21 janvier 1994 pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38, 41, ; la marque communautaire semi-figurative EUROPAGES, déposée le 9 janvier 2008, pour désigner des produits et services des classes 9, 16, 35, 38 et 41) pour désigner notamment des services d'annuaires professionnelles en ligne.

Etant donné que les extensions telles que “.pro” n'ont pas à être prises en considération pour procéder à la comparaison entre le nom de domaine litigieux et les marques du requérant, la Commission administrative constate l'identité entre le nom de domaine <europages.pro> et les différentes marques de la société Europages.

En outre, la Commission administrative constate également que les marques du requérant désignent des services d'annuaires professionnels en ligne qui sont également proposés, sous forme de lien, sur le site internet désigné par le nom de domaine litigieux.

Il existe donc une stricte identité entre les signes en présence et entre certains des services désignés.

La Commission administrative constate donc que le premier critère du paragraphe 4(a) est rempli.

B. Droits ou légitimes intérêts

Bien que la charge de la preuve relative à l'absence de droits ou d'intérêts légitimes du défendeur incombe au requérant, il est généralement admis que ce dernier ne doit qu'établir prima facie cette absence de droits ou d'intérêts légitimes. En l'espèce, il n'est pas prouvé que le défendeur soit titulaire de droits qui lui permettraient d'utiliser licitement l'expression “europages” sous forme de nom de domaine.

Il n'est pas davantage prouvé que le défendeur ait un intérêt légitime à utiliser cette expression puisqu'il n'a aucun lien avec le requérant et n'a pas été autorisé par ce dernier à utiliser l'expression “europages”. Il n'est pas non plus prouvé que le défendeur ait une raison personnelle ou professionnelle d'utiliser cette expression.

La Commission administrative constate donc que le second critère du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

En procédant à l'enregistrement du nom de domaine litigieux, le défendeur ne pouvait pas ignorer que le terme “europages” désignait un site internet dédié aux annuaires professionnels en ligne (v. les noms de domaine du requérant <europages.fr> et <europages.com>). En tout état de cause, il aurait dû vérifier que le nom de domaine choisi ne portait pas atteinte aux droits des tiers. Il en résulte donc que le nom de domaine a été enregistré essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales du requérant. Etant donné qu'il est prouvé que, de l'aveu même du défendeur sur son site, le nom de domaine litigieux est déjà à vendre, il faut en déduire que ce nom de domaine a été enregistré essentiellement aux fins de vendre ou de céder d'une autre manière l'enregistrement de ce nom de domaine, le cas échéant au requérant comme cela semble avoir été proposé oralement, même si la omission administrative constate qu'un tel fait n'est pas prouvé.

En utilisant le nom de domaine <europages.pro>, le défendeur a sciemment tenté d'attirer les utilisateurs de l'internet sur son site web en créant une possibilité de confusion avec la marque du requérant. Etant donné que le site internet du défendeur permet d'accéder à une page dite “parking” qui comprend de nombreux liens commerciaux, y compris vers des annuaires professionnels, il faut en déduire que le défendeur a tenté de bénéficier, à des fins lucratives, d'un détournement de clientèle au détriment du requérant.

Au regard de ce qui précède, la Commission administrative constate que le défendeur a enregistré et à utilisé le nom de domaine <europages.pro> de mauvaise foi, ce qui signifie que le troisième critère du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.

7. Décision

Vu les paragraphes 4(a) et 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission administrative constate que :

- Le nom de domaine <europages.pro> est identique à plusieurs marques de produits ou de services sur lesquelles le requérant a des droits.

- Le défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s'y attache.

- Le nom de domaine <europages.pro> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le défendeur.

La Commission administrative constate que les trois conditions requises par le paragraphe 4 a) des Principes directeurs sont cumulativement réunies et que le requérant a prouvé remplir les conditions d'enregistrement du gTLD “.pro”. La Commission administrative ordonne en conséquence le transfert du nom de domaine <europages.pro> au requérant1.


Christophe Caron
Expert Unique

Le 6 juillet 2009


1 Le RegistryPro Ltd. étant la seule autorité habilitée à apprécier les conditions d'enregistrement d'un tel nom de domaine, la Commission administrative ordonne subsidiairement l'annulation du nom de domaine <europages.pro> dans l'hypothèse où RegistryPro Ltd. refuserait de transférer le nom de domaine litigieux au requérant.