WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE L'EXPERT

Compagnie Gervais Danone v. Karim Basrire

Litige n° DMA2009-0002

1. Les parties

Le Requérant est Compagnie Gervais Danone, Paris, France, représenté par le Cabinet Dreyfus & associés.

Le Défendeur est Karim Basrire, Courbevoie, France.

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <danone.ma>.

Le prestataire Internet est la société Nic.ma.

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 28 juillet 2009, par courrier électronique et le 4 août 2009, par courrier postal.

Le 30 juillet 2009, le Centre a adressé à l'Agence Nationale de Réglementation des Télécommunications (ci-après l'“ANRT”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 31 juillet 2009, l'ANRT a confirmé l'ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du .ma (ci-après le “Règlement”) adopté le 1er août 2007 en conformité avec à la Charte de nommage du .ma adoptée par l'ANRT.

Conformément à l'article 15(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur le 10 août 2009. Conformément à l'article 16(a) du Règlement, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 août 2009. Le Défendeur n'a pas fait parvenir de réponse, le Centre a notifié le défaut de défendeur le 31 août 2009.

Le 17 septembre 2009, le Centre nommait Brahim Chentouf comme Expert dans le présent litige. L'Expert constate qu'il a été nommé conformément au Règlement. L'Expert a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément à l'article 5 du Règlement.

4. Les faits

Le Requérant est une filiale de la société Danone qui est l'un des leaders mondiaux de l'industrie agroalimentaire, le Requérant est pour sa part l'un des leaders mondiaux dans le domaine des produits laitiers frais. Il compte près de 90,000 salariés sur les cinq continents et représente presque 20% du marché mondial des produits laitiers frais.

La marque DANONE constitue l'une des premières marques mondiales dans le domaine des produits laitiers frais.

Le Requérant est titulaire de plusieurs enregistrements de marques au Maroc :

DANONE n°71981, déposée le 23 décembre 1999 et couvrant des produits et services dans les classes 16, 18, 42, 41, 35, 36.

DANONE n° 9838 déposée le 30 juin 1994 et couvrant des produits et services dans les classes 25, 28, 32, 33, 41, 5, 3, 30, 29, 21, 35, 31, 36, 42.

DANONE n°16862, déposée le 31 décembre 1999 et couvrant des produits et services dans les classes 42, 16, 18, 35, 36, 41.

Le Requérant est également titulaire de plusieurs marques internationales désignant le Maroc :

DANONE n°228184, enregistrée le 2 février 1960, dument renouvelée et couvrant des produits dans les classes 01, 05, 29, 30, 31, 32 et 33.

DANONE n° 639073, enregistrée le 6 janvier 1995, dument renouvelée, et couvrant des produits et services dans les classes 01, 02, 03, 04, 05, 06, 07, 08, 09, 10, 11, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 23, 24, 25, 26, 27, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41 et 42.

DANONE n° 849889, enregistrée le 29 octobre 2004 et couvrant des produits et services dans les classes 05, 29, 30, 32, 35, 38 et 43.

Le Requérant est en outre titulaire de divers noms de domaine parmi lesquels figurent en particulier <danone.com>, <danone.fr>, <danone.co.uk>, <danone.ca>, <danone.us>, <danone.org>, <donone.net>, <danone.ch>.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine, objet du litige, le 3 octobre 2007.

Le nom de domaine n'est pas utilisé activement par le Défendeur.

Une lettre de mise en demeure en anglais a été envoyée par courriel et lettre recommandée le 24 octobre 2008 par le Requérant au Défendeur, la lettre recommandée a été retournée au Requérant par le service postal fin novembre 2008, signifiant ainsi que l'adresse était inexacte. Le Défendeur a répondu par courriel au Requérant pour lui signifier qu'il ne comprenait pas totalement la lettre en anglais. Un courriel fut envoyé le 5 novembre 2008 en version française par le Requérant au Défendeur le demandant de procéder au transfert du nom de domaine litigieux, le Défendeur n'a pas répondu à ce courriel.

Le 9 janvier 2009 le Défendeur, joint par téléphone par le Requérant, a déclaré que le nom de domaine litigieux serait une référence aux grades des ceintures noires dans les arts martiaux. En effet il a assuré que l'expression “dan one” serait la traduction anglaise du rang de premier “dan”, et ce dernier se sera le nom d'une association de judo et de karaté sur Rabat.

Le Requérant s'est proposé de rembourser les frais d'enregistrement du nom de domaine litigieux, et de trouver un nom de domaine alternatif ne reprenant pas directement la marque.

En date du 29 janvier 2009, le Défendeur a fait valoir que lui et les membres de l'association étaient prêts à transférer le nom de domaine objet du litige pour une somme de 1,000 euros HT.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux reproduit sa marque DANONE et que l'ajout du ccTLD “.ma” ne suffit pas à distinguer le nom de domaine de la marque du Requérant.

Le Requérant indique que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime s'y rapportant. En précisant que le Défendeur n'est ni affilié au Requérant ni autorisé par le Requérant à enregistrer ou à utiliser la marque DANONE ou encore à demander l'enregistrement de tout nom de domaine incorporant cette marque.

Le Requérant soutient enfin que le nom de domaine objet du litige a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur. En effet, le Requérant considére que la marque DANONE est une marque notoire, et la connaissance de cette marque, au moment de l'enregistrement du nom de domaine litigieux, est considérée comme un indice de mauvaise foi.

Le Requérant sollicite, par conséquent, le transfert du nom de domaine <danone.ma> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a adressé aucune réponse au Centre.

6. Discussion.

L'article 2 du Règlement prévoit qu'il appartient au Requérant de prouver contre le Défendeur cumulativement que :

(a). Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de fabrique, de commerce ou de service protégée au Maroc sur laquelle le Requérant a des droits.

(b). Le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y rapportant.

(c). Le nom de domaine a été enregistré ou est utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, il y a lieu de s'attacher à vérifier que chacune de ces conditions est bien remplie par le Requérant.

A Identité ou similitude prêtant à confusion

L'Expert constate que le Requérant est titulaire de plusieurs enregistrements de marques au Maroc, et titulaire aussi de plusieurs marques internationales désignant le Maroc, et tous portant sur le terme “danone”.

L'Expert conclu que le nom de domaine <danone.ma> reproduit la marque DANONE du Requérant à l'identique. L'Expert considère que l'incorporation d'une marque dans son intégralité est généralement suffisante pour établir que le nom de domaine litigieux est identique ou similaire à la marque enregistrée du Requérant.

Vu ces circonstances, l'Expert considère que la première condition de l'article 2 du Règlement a(i) est remplie.

B Droit ou intérêt légitime

L'Expert constate que le Défendeur n'a pas contesté les affirmations du Requérant ni fourni d'informations de nature à démontrer un quelconque droit ou intérêt légitime à l'utilisation du nom de domaine objet du litige.

Le Défendeur n'est pas affilié au Requérant, et n'a pas été autorisé par ce dernier à enregistrer ou à utiliser un nom de domaine comportant une quelconque marque du Requérant en particulier la marque DANONE.

Vu ces constatations et au vu des éléments développés ci-dessous, l'Expert considère que la condition posée à l'article 2(a)(ii) du Règlement à savoir le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime est remplie.

C Enregistrement ou usage de mauvaise foi

La proposition du Défendeur de céder le nom de domaine litigieux au Requérant contre des couts excessifs, la présence du nom de domaine objet du litige à la revente sur un site web spécialiste, la non exploitation du nom de domaine litigieux depuis son enregistrement, démontrent que les actes du Défendeur tombent sous le coup de l'article 2(b)(i) du Règlement. Cet article précise “que la preuve de la mauvaise foi peut résulter des faits montrant que le défendeur a enregistré […] le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d'une autre manière l'enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de fabrique, de commerce ou de service protégée au Maroc […] à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le défendeur peut prouver avoir déboursés en rapport direct avec ce nom de domaine.

En conséquence de quoi, l'Expert estime que le critère posé à l'article 2(a)(iii) du Règlement est rempli

Vu les motifs ci-dessus exposés, l'Expert décide que le nom de domaine <danone.ma> enregistré par le Défendeur le 3 octobre 2007 est identique au point de prêter à confusion avec la marque DANONE du Requérant, que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur, et que ce dernier n'a aucun intérêt légitime et aucun droit sur le nom de domaine.

7. Décision

L'Expert ordonne la transmission du nom de domaine <danone.ma> au profit du Requérant conformément aux articles 21(b) et (c) du Règlement.


Brahim Chentouf
Expert Unique

Le 25 septembre 2009