WIPO

Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Alain Afflelou Franchiseur contre Artempora Artempora

Litige n° DTV2009-0005

1. Les parties

Le requérant est Alain Afflelou Franchiseur, Aubervilliers, France, représenté par Novagraaf, France.

Le défendeur est Artempora Artempora, Newark, Delaware, Etats-Unis d'Amérique.

2. Nom de domaine et unité d'enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <afflelou.tv> (“le Nom de Domaine”).

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est GoDaddy.com, Inc.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Alain Afflelou Franchiseur auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 7 avril 2009.

En date du 7 avril 2009, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, GoDaddy.com, Inc., aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 7 avril 2009, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d'application”), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l'application des Principes directeurs précités.

Le 20 avril 2009, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant notifiant d'un défaut de la plainte dès lors que le paragraphe 8 de celle-ci ne comportait pas le choix du Requérant de se soumettre à la compétence des tribunaux compétents spécifiés au paragraphe 3(b)(iii) des Règles d'application et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé un amendement le 21 avril 2009.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 28 avril 2009, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 18 mai 2009. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 19 mai 2009, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 8 juin 2009, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jacques de Werra. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

4. Les faits

Le Requérant est titulaire de nombreuses marques françaises et internationales comportant le terme AFFLELOU parmi lesquelles figurent les marques suivantes (“les Marques”):

- Marque française AFFLELOU déposée et enregistrée le 5 septembre 2005 sous le n° 053378651 en classes 5 et 9;

- Marque internationale ALAIN AFFLELOU n° 555412A enregistrée le 21 juin 1990 en classe 9.

Le Requérant est également titulaire de différents noms de domaine dont <afflelou.com>, <afflelou.net>, <afflelou.info>, <afflelou.net> et <afflelou.org>.

Le Nom de Domaine a été enregistré le 28 octobre 2008.

Par courrier du 21 novembre 2008 (rédigé en anglais), le conseil du Requérant a mis en demeure le Défendeur de cesser l'utilisation du Nom de Domaine et de transférer le Nom de Domaine au Requérant ou de le radier dans un délai de quinze jours.

Par courrier non daté reçu par le conseil du Requérant le 30 janvier 2009, le Défendeur a donné suite au courrier de mise en demeure précité. Dans ce courrier, il a tout d'abord indiqué que l'extension “.tv” ne fait pas partie des extensions de domaines internationales comme le suffixe “.com” de sorte que les noms de domaine relevant de cette extension ne sont soumis à aucune restriction et que cette extension est entièrement locale. Le Défendeur a en outre relevé que Requérant n'a pas enregistré de marques dans le territoire de Tuvalu auquel correspond l'extension “.tv”.

Sur cette base, le Défendeur a proposé au Requérant le rachat du Nom de Domaine pour un montant de Euro 8500.-, l'offre comprenant les frais de dossier pour le transfert et le changement de propriété du Nom de Domaine. Dans ce courrier, le Défendeur a également indiqué que le Nom de Domaine a été référencé sur des sites de ventes aux enchères et que ce référencement pourra être retiré pendant la période de négociation sur simple demande écrite faite par le Requérant. Il ressort en effet des pièces produites par le Requérant que le Nom de Domaine a été offert à la vente sur un site de vente aux enchères pour un montant de Euro 7500.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient en premier lieu que le Nom de Domaine est identique ou quasi-identique aux Marques du Requérant comportant le terme AFFLELOU, et que le Requérant s'est développé sur le plan international depuis plusieurs années et jouit d'une certaine notoriété sur le plan international.

Le Requérant indique ensuite que le Défendeur n'a aucun droit ni aucun intérêt légitime sur le Nom de Domaine, le Défendeur n'étant pas lié à l'activité du Requérant et n'étant investi d'aucune autorisation lui permettant d'enregistrer le Nom de Domaine. Le Défendeur n'est en outre pas connu sous le nom AFFLELOU et n'a aucun droit ni intérêt légitime sur ce nom qui ne correspond pas à sa dénomination sociale ni à une éventuelle marque qu'il détiendrait. En raison de la notoriété des Marques du Requérant, le Défendeur ne saurait effectuer aucun usage du Nom de Domaine sans souhaiter indûment tirer profit desdites Marques. Il ne saurait pas plus arguer d'une éventuelle coïncidence quant au choix du Nom de Domaine, dès lors que le Défendeur a enregistré le Nom de Domaine en ayant connaissance du fait que le Requérant n'avait pas réservé cette extension comme cela ressort de son courrier reçu le 30 janvier 2009.

Le Requérant soutient enfin que le Nom de Domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur au motif que le Nom de Domaine a été enregistré essentiellement aux fins de vendre, de louer ou céder d'une autre manière l'enregistrement du Nom de Domaine, que le Nom de Domaine a été enregistré en vue d'empêcher le propriétaire de la marque de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine et que le Défendeur est coutumier d'une telle pratique et que le Nom de Domaine a été enregistrée essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d'un concurrent. Sur la base du courrier du Défendeur reçu le 30 janvier 2009 comportant une offre de vente du Nom de Domaine au prix de Euro 8500 et de l'offre de vente de celui-ci sur une plate-forme de vente aux enchères, le Requérant conclut à l'utilisation de mauvaise foi du Nom de Domaine par le Défendeur.

B. Défendeur

Le Défendeur n'a transmis aucune réponse.

6. Langue de la procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d'application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d'enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu'il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.

En l'espèce, l'unité d'enregistrement auprès de laquelle le Nom de Domaine a été enregistré a informé le Centre le 7 avril 2009 que la langue du contrat d'enregistrement était l'anglais.

Le Requérant a déposé sa plainte en français sans justifier le choix de cette langue. En date du 20 avril 2009, le Centre a invité le Requérant à se prononcer sur ce choix et à déposer, cas échéant, une demande afin que le français soit la langue de la procédure. En date du 21 avril 2009, le Requérant a notifié au Centre sa demande que la langue de la procédure soit le français dans la mesure où le Défendeur a répondu spontanément en français (dans un courrier non daté reçu le 30 janvier 2009) à la lettre de mise en demeure rédigée en anglais que lui avait envoyée le Requérant en date du 21 novembre 2008. Sur cette base, le Requérant a conclu que les parties au litige maîtrisent parfaitement le français ce qui permet que la langue de la procédure soit le français.

La Commission relève au demeurant que dans ledit courrier le Défendeur a invité le Requérant à prendre contact avec son représentant en France dont elle a communiqué les nom et coordonnées.

Sur la base de ce courrier rédigé en français par le Défendeur, la Commission peut conclure que le Défendeur doit se laisser imputer une maîtrise suffisante de la langue française.

Au demeurant, le Défendeur avait la possibilité de faire valoir dans le cadre de la procédure qu'il souhaitait que la langue de la procédure soit l'anglais (qui est la langue du contrat d'enregistrement relatif au Nom de Domaine), ce qu'il a choisi de ne pas faire. Voir Société des Hôtels Méridien v. ABC-Consulting, Litige OMPI No. D2004-0792.

Par conséquent, au vu des circonstances du cas d'espèce, la Commission décide que la langue de la procédure administrative est le français.

7. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir:

i) si le Nom de Domaine est identique à une marque de produit ou de service appartenant au Requérant ou suffisamment proche pour engendrer la confusion ; et

ii) si le Défendeur n'a pas un droit ou un intérêt légitime à l'utilisation du Nom de Domaine; et

iii) si le Défendeur a enregistré et utilise le Nom de Domaine avec mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission administrative constate que le Requérant est titulaire des Marques portant sur le terme AFFLELOU, ce terme (qui correspond au nom du fondateur du groupe homonyme) jouissant d'une certaine force distinctive voire d'une notoriété en tous les cas en France (ce qui n'est toutefois pas déterminant sachant que le Défendeur a son siège aux Etats-Unis d'Amérique). En tout état, le Nom de Domaine reprend à l'identique le terme AFFLELOU sans y ajouter une quelconque adjonction.

Dans ces circonstances, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou légitimes intérêts

Si la charge de la preuve de l'absence de droits ou intérêts légitimes du défendeur incombe au requérant, les commissions administratives considèrent qu'il est difficile de prouver un fait négatif. Il est donc généralement admis que le requérant doit établir prima facie que le défendeur n'a pas de droit ni d'intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Il incombe ensuite au défendeur d'établir le contraire. S'il n'y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes. Voir Denios Sarl contre Telemediatique France, Litige OMPI No. D2007-0698

En l'espèce, la Commission administrative constate tout d'abord que le Défendeur n'a pas contesté les affirmations du Requérant ni fourni d'informations de nature à démontrer un quelconque droit ou intérêt légitime à l'utilisation du Nom de Domaine.

Même si le Défendeur n'a pas soumis de réponse dans le cadre de la présente procédure, il a néanmoins offert le Nom de Domaine à la vente tant sur une plate-forme de ventes aux enchères en ligne que directement au Requérant par un courrier non daté reçu le 30 janvier 2009.

La Commission administrative relève en outre que le terme AFFLELOU comme élément unique ou caractéristique des Marques du Requérant est distinctif de sorte que l'enregistrement par le Défendeur du Nom de Domaine qui comporte le terme AFFLELOU comme élément distinctif unique ne peut être le fruit du hasard. La Commission administrative relève de surcroît que le Défendeur n'est pas affilié au Requérant et n'a pas été autorisé par ce dernier à utiliser les Marques du Requérant dans le Nom de Domaine.

Dans cette mesure, force est de constater que le Défendeur n'utilise pas le Nom de Domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services pas plus qu'il ne fait un usage non commercial légitime ou loyal du Nom de Domaine.

La Commission administrative estime sur cette base que le Défendeur n'a pas de droit ni d'intérêt légitime sur le Nom de Domaine et que, partant, la seconde condition figurant au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est également remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Commission administrative constate qu'en raison du caractère distinctif du terme AFFLELOU qui correspond aux Marques, le Défendeur qui n'avait aucune autre raison légitime de choisir ce terme comme élément d'un nom de domaine ne pouvait pas ignorer l'existence de celles-ci au moment de l'enregistrement du Nom de Domaine de sorte que la Commission administrative peut en conclure que le Nom de Domaine a été enregistré de mauvaise foi par le Défendeur.

La Commission relève en outre que le Défendeur a offert de vendre le Nom de Domaine au Requérant pour un montant de Euro 8500 selon courrier non daté reçu par le conseil du Requérant en date du 30 janvier 2009.

Or, une telle offre de vente constitue précisément une preuve de l'enregistrement et de l'utilisation du Nom de Domaine de mauvaise foi en vertu du paragraphe 4(b)(i) des Principes directeurs.

La Commission administrative est dès lors convaincue que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi le Nom de Domaine et que la troisième condition figurant au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est ainsi remplie.

8. Décision

Pour les motifs ci-dessus exposés, la Commission administrative décide que le Nom de Domaine enregistré par le Défendeur présente une similarité propre à créer une confusion avec les Marques dont le Requérant est titulaire, que le Défendeur n'a aucun intérêt légitime sur le Nom de Domaine, et que ce dernier a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Conformément au principe des paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne le transfert au Requérant du nom de domaine <afflelou.tv>.


Jacques de Werra
Expert Unique

Le 22 juin 2009