Centre d'arbitrage et de m�diation de l'OMPI
D�CISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Pfizer Inc. contre Tahar Aoudia
Litige n� D2004-0958
1. Les parties
Le requ�rant est Pfizer Inc., New York, New York,Etats-Unis d�Am�rique, repr�sent� par Kaye Scholer, LLP, Etats-Unis d�Am�rique.
Le d�fendeur est Tahar Aoudia, Vallangoujard, France.
2. Nom de domaine et unit� d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <pfizerfrance.com>.
L’unit� d’enregistrement aupr�s de laquelle le nom de domaine est enregistr� est BookMyName SAS.
3. Rappel de la proc�dure
Une plainte a �t� d�pos�e par Pfizer Inc.en langue anglaise aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le “Centre”) en date du�12�novembre�2004.
En date du�15�novembre�2004, le Centre a adress� une requ�te � l’unit� d’enregistrement du nom de domaine litigieux, BookMyName SAS, aux fins de v�rification des �l�ments du litige, tels que communiqu�s par le Requ�rant. L’unit� d’enregistrement a confirm� les donn�es du litige en date du�16�novembre�2004.
Puisque, selon les informations fournies par l’unit� d’enregistrement, le contrat relatif � l’enregistrement dudit nom de domaine avait �t� �tabli en langue fran�aise, le Centre en a inform� la requ�rante le�17�novembre 2004 et celle-ci a d�pos� une version fran�aise de la plainte le�24�novembre�2004.
Le Centre a par la suite v�rifi� que la plainte r�pond bien aux Principes directeurs r�gissant le R�glement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-apr�s d�nomm�s “Principes directeurs”), aux R�gles d’application des Principes directeurs (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles d’application”), et aux R�gles suppl�mentaires de l’OMPI (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles suppl�mentaires”) pour l’application des Principes directeurs pr�cit�s.
Conform�ment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des R�gles d’application, le 9�d�cembre�2004 une notification de la plainte valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative, a �t� adress�e au d�fendeur. Conform�ment au paragraphe 5(a) des R�gles d’application, le dernier d�lai pour faire parvenir une r�ponse �tait le�29�d�cembre�2004. Le d�fendeur n’a fait parvenir aucune r�ponse. En date du�12�janvier�2005, le Centre notifiait le d�faut du d�fendeur.
En date du�27�janvier�2005 le Centre nommait dans le pr�sent litige comme expert-unique Monsieur Daniel Gervais La Commission administrative constate qu’elle a �t� constitu�e conform�ment aux Principes directeurs et aux R�gles d’application. La Commission administrative a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment au paragraphe 7 des R�gles d’application.
La Commission a aussi not� que plusieurs messages ont �t� �chang�s car l’enregistrement du nom de domaine arrivait � son terme le�23�d�cembre�2004. Les r�gles d’ICANN pr�voient le gel d’un nom de domaine pendant une proc�dure engag�e en vertu des Principes directeurs, mais pas du renouvellement. Apr�s avoir communiqu� avec ICANN, il a �t� d�cid� de proc�der au renouvellement. Sans ce renouvellement, cette d�cision aurait �t� caduque et il semble donc que la bonne d�cision ait �t� prise afin que les Principes directeurs puissent trouver application en l’instance.
4. Les faits
La requ�rante Pfizer Inc. est une des plus grandes entreprises pharmaceutiques au monde, �tablie dans plusieurs pays et notamment en France. Elle d�tient de nombreux enregistrements pour la marque PFIZER et ce, dans plusieurs pays et territoires. Sa filiale en France est connue sous le nom PFIZER FRANCE, comme en t�moignent de nombreux communiqu�s de presse et autres documents d�pos�s en preuve par la requ�rante. La requ�rante g�re des sites web auxquels on peut acc�der en utilisant par exemple les noms de domaine <pfizer.com> et <pfizer.fr>.
Le d�fendeur a enregistr� le nom de domaine et l’a utilis� pour rediriger les utilisateurs d’Internet vers des sites non reli�s aux produits et services de la requ�rante. Depuis, il a cess� d’utiliser le nom de domaine, qui est donc “dormant”.
5. Argumentation des parties
A. Requ�rant
La requ�rante soutient qu’elle d�tient un droit dans la marque Pfizer, que cette marque est notoire et que le nom de domaine est similaire au point de pr�ter � confusion avec les marques de la requ�rante.
Le d�fendeur n’a aucun droit ni int�r�t l�gitime dans les marques de la requ�rante. Il n’est pas autoris� � en faire usage et n’en fait pas un usage l�gitime ou de bonne foi.
Le d�fendeur est de mauvaise foi car il connaissant les marques notoires de la requ�rante. PFIZER n’est pas un mot qu’on int�gre � un nom de domaine par hasard. Le d�fendeur a enregistr� le nom de domaine afin d’attirer des utilisateurs d’Internet vers son site. Il a �galement fourni des informations erron�es lors de l’enregistrement du nom de domaine, ce qui constitue un indice additionnel de mauvaise foi.
B. D�fendeur
Le d�fendeur n’a pas r�pondu et son d�faut a �t� d�ment constat� et notifi�.
6. Discussion et conclusions
Le paragraphe 15(a) des R�gles pr�voit que “La Commission statue sur la plainte au vu des �critures et des pi�ces qui lui ont �t� soumises et conform�ment aux Principes directeurs, aux pr�sentes R�gles et � tout principe ou r�gle de droit qu’elle juge applicable”.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requ�rant de prouver contre le D�fendeur cumulativement que:
(a) Son nom de domaine est identique ou semblable au point de pr�ter � confusion, � une marque de produits ou de services sur laquelle le Requ�rant a des droits.
(b) Il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun int�r�t l�gitime qui s’y attache.
(c) Son nom de domaine a �t� enregistr� et est utilis� de mauvaise foi.
C’est � la Requ�rante de faire la preuve des trois �l�ments �nonc�s ci-dessus (paragraphe 4 in fine). Toutefois, le paragraphe 14(b) pr�cise que, en l’absence de circonstances exceptionnelles, si une partie ne se conforme pas aux dispositions ou conditions des pr�sentes r�gles ou � une instruction de la commission, celle-ci peut en tirer les conclusions qu’elle juge appropri�es.
A. Identit� ou similitude pr�tant � confusion
Cette premi�re partie de l’analyse se scinde en deux branches. En premier lieu, la Requ�rante a-t-elle fait la preuve qu’elle d�tient des droits dans une marque? En second lieu, le nom de domaine en litige est-il similaire au point de pr�ter � confusion avec une marque dont la Requ�rante est titulaire?
Dans le cas qui nous occupe, la r�ponse aux deux questions qui pr�c�dent ne fait aucun doute. La Requ�rante d�tient la marque PFIZER et le nom de domaine, qui l’incorpore, peut pr�ter � confusion avec cette marque car il incorpore ladite marque et y ajoute un nom de pays (France) dans lequel la Requ�rante a des op�rations scientifiques et commerciales d’envergure.
La Commission conclut donc en faveur de la Requ�rante sur ce premier point.
B. Droits ou l�gitimes int�r�ts
Selon le paragraphe 4(c) des Principes directeurs, le D�fendeur peut faire la preuve de son droit ou int�r�t l�gitime�”en particulier, par l’une des circonstances ci-apr�s:
i) avant d’avoir eu connaissance du litige, vous (le d�fendeur) avez utilis� le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des pr�paratifs s�rieux � cet effet;
ii) vous (individu, entreprise ou autre organisation) (le d�fendeur) �tes connu sous le nom de domaine consid�r�, m�me sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
iii) vous (le d�fendeur) faites un usage non commercial l�gitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de d�tourner � des fins lucratives les consommateurs en cr�ant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”
La requ�rante doit cependant d�poser en preuve des �l�ments qui d�montrent qu’� premi�re vue (prima facie) le d�fendeur n’a ni droit, ni int�r�t l�gitime. Une fois ces �l�ments d�pos�s en preuve, il incombe au d�fendeur de prouver son droit ou int�r�t.
La Requ�rante a d�montr� que le D�fendeur ne fait pas un usage non commercial l�gitime ou un usage loyal du nom de domaine, qu’il n’est pas connu sous ce nom. Compte tenu de la notori�t� de la marque de la Requ�rante, il est presque impossible de parler de pr�paratifs de bonne foi par le D�fendeur qui, � tout �v�nement, n’a pas d�pos� de preuves.
La Requ�rante a donc gain de cause sur ce second point.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Le paragraphe 4(b) des Principe directeurs �nonce ce qui suit:
“… la preuve de ce que le nom de domaine a �t� enregistr� et est utilis� de mauvaise foi peut �tre constitu�e, en particulier, pour autant que leur r�alit� soit constat�e par la commission administrative, par les circonstances ci-apr�s:
i) les faits montrent que le D�fendeur a enregistr� ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de c�der d’une autre mani�re l’enregistrement de ce nom de domaine au requ�rant qui est le propri�taire de la marque de produits ou de services, ou � un concurrent de celui-ci, � titre on�reux et pour un prix exc�dant le montant des frais que le D�fendeur peut prouver avoir d�bours� en rapport direct avec ce nom de domaine, �
ii) Le D�fendeur a enregistr� le nom de domaine en vue d’emp�cher le propri�taire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et le D�fendeur est coutumier d’une telle pratique, �
iii) Le D�fendeur a enregistr� le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les op�rations commerciales d’un concurrent ou �
iv) en utilisant ce nom de domaine, le D�fendeur a sciemment tent� d’attirer, � des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne appartenant au D�fendeur, en cr�ant une probabilit� de confusion avec la marque du requ�rant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation du site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est propos�. �
Le nom de domaine a clairement �t� utilis� aux fins d’attirer, � des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne appartenant au D�fendeur, en cr�ant une probabilit� de confusion avec la marque de la requ�rante. Par la suite, le nom de domaine est demeur� inutilis�, ce qui peut, en particulier dans le cas de marques notoires, constitu� un cas de mauvaise foi. Voir � ce sujet la d�cision tr�s souvent cit�e dans l’affaire Telstra Corporation Limited C./ Nuclear Marshmallows, OMPI Litige No. D2000-0003. S’ajoute aussi le fait que des informations erron�es ont �t� inscrites au registre. Voir � ce sujet Marie Claire Album S.A. C./ Buy This Domain, OMPI Litige No. D2002-0677 et Dell Computer Corporation C./. Clinical Evaluations, OMPI Litige No. D2002-0423.
Il appara�t donc que le nom de domaine a �t� enregistr� et utilis� de mauvaise foi, telle que ce concept est d�fini dans les Principes directeurs.
7. D�cision
Pour les raisons ci-dessus, la Commission administrative d�cide que le nom de domaine enregistr� par le D�fendeur est similaire au point de pr�ter � confusion en sa partie distinctive avec la marque PFIZER dont la Requ�rante est titulaire; que le D�fendeur n’a pas de droit ni d’int�r�t l�gitime � faire valoir sur ledit nom de domaine; et que les circonstances permettent de conclure que le nom de domaine a �t� enregistr� et utilis� de mauvaise foi par le D�fendeur.
En cons�quence, conform�ment au paragraphe 4(i) des Principes directeurs et 15 des R�gles, la Commission requiert que l’enregistrement du nom de domaine <pfizerfrance.com> soit transf�r� � la Requ�rante.
Daniel Gervais
Expert Unique
Le 1 f�vrier 2005