Centre d’arbitrage et de m�diation de l’OMPI
D�CISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Denios Sarl contre Telemediatique France
Litige n� D2007-0698
1. Les parties
Le Requ�rant est Denios Sarl, Nassandres, France, repr�sent� en interne.
Le D�fendeur est Telemediatique France, Paris, France.
2. Nom de domaine et unit� d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <deniosfrance.com>.
L’unit� d’enregistrement aupr�s de laquelle le nom de domaine est enregistr� est Network Solutions, LLC.
3. Rappel de la proc�dure
Une plainte a �t� d�pos�e par Denios Sarl aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le “Centre”) en date du 10 mai 2007.
En date du 24 mai 2007, le Centre a adress� une requ�te � l’unit� d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Network Solutions, LLC, aux fins de v�rification des �l�ments du litige, tels que communiqu�s par le Requ�rant. L’unit� d’enregistrement a confirm� l’ensemble des donn�es du litige en date du 24 mai 2007.
Le Centre a v�rifi� que la plainte r�pond bien aux Principes directeurs r�gissant le R�glement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-apr�s d�nomm�s “Principes directeurs”), aux R�gles d’application des Principes directeurs (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles d’application”), et aux R�gles suppl�mentaires de l’OMPI (ci-apr�s d�nomm�es les “R�gles suppl�mentaires”) pour l’application des Principes directeurs pr�cit�s.
En r�ponse � une notification d’irr�gularit� en date du 30 mai 2007 le Requ�rant a pr�sent� une plainte r�gularis�e, en langue fran�aise, et a sollicit� en m�me temps que le fran�ais soit retenu comme langue de proc�dure.
Conform�ment aux paragraphes 2(a) et 4(a) des R�gles d’application, le 14 juin 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative, a �t� adress�e au D�fendeur. Conform�ment au paragraphe 5(a) des R�gles d’application, le dernier d�lai pour faire parvenir une r�ponse �tait le 4 juillet 2007. Le D�fendeur n’a fait parvenir aucune r�ponse. En date du 5 juillet 2007, le Centre notifiait le d�faut du D�fendeur.
En date du 16 juillet 2007, le Centre nommait dans le pr�sent litige comme expert unique William Lobelson. La Commission administrative constate qu’elle a �t� constitu�e conform�ment aux Principes directeurs et aux R�gles d’application. La Commission administrative a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment au paragraphe 7 des R�gles d’application.
4. Les faits
Le Requ�rant est une soci�t� fran�aise immatricul�e depuis le 12 janvier 2000 sous la raison sociale Denios. Elle est filiale de la soci�t� allemande Denios AG, laquelle est propri�taire d’une marque communautaire de la marque DENIOS d�pos�e le 9 juin 2000 et enregistr�e sous le n� 1 695 774.
Le Requ�rant avait confi� � un prestataire informatique, la soci�t� Telemediatique France, la t�che d’enregistrer pour son compte le nom de domaine <deniosfrance.com>.
Le nom de domaine a bien �t� enregistr� aupr�s de Network Solutions Inc. en date du 21 janvier 2000 mais au nom de Telemediatique France, et non pas au nom de Denios.
La soci�t� Denios entend donc se voir r�troc�der la propri�t� du nom de domaine <deniosfrance.com> au moyen de la pr�sente proc�dure.
5. Argumentation des parties
A. Requ�rant
Le Requ�rant fait valoir que :
- le nom de domaine contest� est identique et similaire d’une part � sa raison sociale Denios et d’autre part � la marque communautaire DENIOS dont est propri�taire sa maison m�re ;
- le D�fendeur n’a aucun int�r�t l�gitime dans le nom de domaine contest� dans la mesure o� sa raison sociale ne co�ncide pas avec le nom de domaine, qu’il n’a pas fait usage du nom de domaine contest� et que son domaine d’activit� est sans rapport avec celui du Requ�rant;
- le D�fendeur a enregistr� le nom de domaine en son nom propre sans y avoir �t� autoris� par le Requ�rant;
- le D�fendeur n’ayant plus aujourd’hui d’existence l�gale, la pr�sente plainte est le seul moyen pour le Requ�rant de se voir r�troc�der le nom de domaine.
B. D�fendeur
Le D�fendeur n’a pr�sent� aucune observation ni argument en r�ponse � la Plainte, et a �t� d�clar� en d�faut par une notification du Centre en date du 5 juillet 2007.
6. Discussion et conclusions
A. Sur la langue de proc�dure
En application du paragraphe 11(a) des R�gles d’application, la langue de proc�dure est la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine sauf convention contraire entre les parties.
Dans la pr�sente esp�ce, il appara�t que le contrat d’enregistrement aupr�s de l’unit� d’enregistrement Network Solution, LLC est r�dig� en langue anglaise.
Toutefois, ce m�me paragraphe 11(a) pr�cise in fine que la commission administrative peut d�cider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la proc�dure administrative.
De pr�c�dentes d�cisions en application des Principes directeurs ont admis que la langue commune aux deux parties pouvait �tre pr�f�r�e � la langue du contrat d’enregistrement Groupe Industriel Marcel Dassault, Dassault Aviation v. Mr. Minwoo Park, Litige OMPI n� D2003-0989.
Au cas particulier, il doit �tre soulign� que le Requ�rant et le D�fendeur sont des soci�t�s fran�aises.
En outre, le site attach� au nom de domaine litigieux est r�dig� en fran�ais et n’est pas pr�sent� dans une langue �trang�re.
Dans ces conditions, au vu des circonstances de l’esp�ce, la Commission administrative accepte que la langue de proc�dure soit le fran�ais.
B. Identit� ou similitude pr�tant � confusion
Le nom de domaine contest� est <deniosfrance.com>.
Le Requ�rant invoque � l’appui de sa plainte une marque communautaire DENIOS d�tenue par sa maison m�re Denios AG, dont la Commission administrative peut pr�sumer, au regard des circonstances de l’esp�ce, qu’elle est exploit�e en France par le Requ�rant avec l’autorisation tacite de sa maison m�re.
M�me si cela est plus pertinent au regard du deuxi�me et troisi�me �l�ment des Principes directeurs, la Commission administrative observe toutefois que cette marque communautaire a �t� d�pos�e post�rieurement au nom de domaine contest�.
Cette circonstance n’est toutefois pas de nature � motiver un rejet de la plainte. De pr�c�dentes d�cisions en application des Principes directeurs ont admis qu’une marque m�me post�rieure au nom de domaine contest� pouvait servir de fondement � une plainte d�s lors que des droits existent au moment de la soumission de la plainte Voir notamment “WIPO Overview of WIPO Panel Views on Selected UDRP Questions” paragraphe 1.4.
La Commission administrative constate �galement, ainsi qu’il sera expos� ci-apr�s sous la Section D, il ne fait aucun doute que le D�fendeur ne pouvait ignorer les droits du Requ�rant sur le nom “Denios” - acquis ant�rieurement au d�p�t de marque communautaire pr�cit� - lors de l’enregistrement du nom de domaine contest�.
Le Requ�rant justifie en effet de ses droits ant�rieurs sur la raison sociale Denios.
Il a �t� jug� � plusieurs reprises que le droit sur une raison sociale, c’est-�-dire une d�nomination commerciale utilis�e dans la vie des affaires, peut s’assimiler � un droit de marque dans le cadre d’une proc�dure UDRP d�s lors que cette d�nomination commerciale a �t� utilis�e � la fa�on d’une marque Jeanette Winterson v. Mark Hogarth, Litige OMPI n� D2000-0235; Citicorp, Citibank Na. y Citibank Espa�a, S.A v D. Patricio Moralo Rueda, Litige OMPI n� D2001-1377.
La Commission administrative estime que le nom de domaine <deniosfrance.com> est de nature � pr�ter � confusion avec le nom “Denios” sur lequel le Requ�rant a des droits, dans la mesure o� la seule adjonction du nom g�ographique “France” apr�s le nom “Denios” n’a pas pour effet de faire perdre � ce dernier son individualit� ni son pouvoir attractif propre. Au contraire, la pr�sence du nom g�ographique “France” apr�s “Denios” accr�dite la th�se selon laquelle le nom de domaine contest� sert � permettre l’acc�s au site web de la filiale fran�aise du Groupe Denios.
L’extension “.com” �tant tout aussi inop�rante et ne permettant pas non plus de conjurer tout risque de confusion ou de rapprochement entre le nom de domaine contest� et la marque DENIOS du Requ�rant Magnum Piering, Inc. v. The Mudjackers and Garwood S. Wilson, Sr., Litige OMPI n� D2000-1525; Phenomedia AG v. Meta Verzeichnis Com, Litige OMPI n� D2001-0374], la Commission administrative conclut que les conditions pos�es au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs sont satisfaites.
C. Droits ou l�gitimes int�r�ts
Si la charge de la preuve de l’absence de droits ou int�r�ts l�gitimes du d�fendeur incombe au requ�rant, les commissions administratives consid�rent qu’il est difficile de prouver un fait n�gatif. Il est donc g�n�ralement admis que le requ�rant doit �tablir prima facie que le d�fendeur n’a pas de droit ni d’int�r�t l�gitime sur le nom de domaine litigieux. Il incombe ensuite au d�fendeur d’�tablir le contraire. S’il n’y parvient pas, les affirmations du requ�rant sont r�put�es exactes. Voir par exemple Croatia Airlines d.d. v. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI n� D2003-0455; Belupo d.d. v. WACHEM d.o.o., Litige OMPI n� D2004-0110.
Le Requ�rant affirme que le D�fendeur n’a ni droit ni int�r�t l�gitime dans le nom de domaine contest�. En l’absence de r�ponse du D�fendeur � ces all�gations, la Commission Administrative est en droit de consid�rer que les affirmations du Requ�rant sont fond�es.
Au surplus, force est de constater que le nom de domaine contest� pointe vers le site web actif du Requ�rant, ce qui ne peut que confirmer si besoin �tait que le D�fendeur n’a eu aucun int�r�t propre dans le nom de domaine.
La Commission administrative conclut que les conditions pos�es au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs sont satisfaites.
D. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Le Requ�rant affirme qu’il avait charg� le D�fendeur d’enregistrer le nom de domaine contest� en son nom, mais que le D�fendeur s’est d�clar� propri�taire du nom de domaine de sa propre initiative et sans l’accord du Requ�rant.
Le D�fendeur n’ayant pr�sent� aucune observation en r�ponse � ces all�gations, la Commission administrative est fond�e, dans le contexte du pr�sent litige, � leur accorder tout cr�dit et ce d’autant que les faits de l’esp�ce tendent � confirmer les assertions du Requ�rant.
Il est constat� en effet que le nom de domaine litigieux pointe bien vers le site web du Requ�rant.
La Commission administrative juge donc que le D�fendeur, qui agissait en qualit� de mandataire du Requ�rant - c’est-�-dire pour le compte de ce dernier - lors de l’enregistrement du nom de domaine devait r�server celui-ci de bonne foi, c’est-�-dire en d�clarant le Requ�rant comme propri�taire du nom de domaine.
En faisant enregistrer le nom de domaine en son nom propre, alors que du fait de ses relations d’affaires avec le Requ�rant il ne pouvait ignorer les droits de ce dernier sur le nom “Denios”, le D�fendeur a agit de mauvaise foi.
Par la suite, en s’abstenant d’informer le Requ�rant du fait que le nom de domaine ne lui appartenait pas et n’engageant aucune d�marche dans le but de r�tablir le Requ�rant dans ses droits, et alors m�me qu’en sa qualit� de contact administratif et technique du nom de domaine incrimin� le D�fendeur organisait la redirection du nom de domaine vers le site web du Requ�rant et ne pouvait donc ignorer les droits privatifs de ce dernier sur le nom “Denios”, le D�fendeur s’est rendu coupable de r�tention injustifi�e du nom de domaine, c’est-�-dire d’un usage passif de mauvaise foi de ce dernier.
Pour toutes ces raisons, la Commission administrative a la conviction que le D�fendeur a enregistr� et utilis� le nom de domaine de mauvaise foi, selon les termes des paragraphes 4(a)(iii) et 4(b) des Principes directeurs.
7. D�cision
Au vu de l’analyse des faits et de l’examen des pi�ces et arguments des parties, la Commission administrative estime que les conditions pos�es aux paragraphes 4(a)(i), (ii) et (iii) des Principes directeurs sont satisfaites, � savoir que le nom de domaine contest� est susceptibles de pr�ter � confusion avec la marque sur laquelle le Requ�rant d�tient des droits, que le D�fendeur ne justifie d’aucun droit ou int�r�t l�gitime dans le nom de domaine contest� et que celui-ci a �t� enregistr� et utilis� de mauvaise foi.
En cons�quence, et conform�ment aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des R�gles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <deniosfrance.com> au profit du Requ�rant.
William Lobelson
Expert Unique
Le 23 juillet 2007