Le Requérant est le Crédit du Nord S.A.dont le siège est à Lille, France, représenté par Maître Gilbert Parleani, France.
Les Défendeurs sont Y. I. et D. I. domiciliés en France.
Le litige concerne les noms de domaine <credit-du-nord.pro> enregistré le 17 septembre 2008 et <creditdunord.pro> enregistré le 7 octobre 2008.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est OVH France.
Une plainte a été déposée par le Crédit du Nord auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 23 avril 2009 par courrier électronique. Elle a été reçue par le Centre sous forme papier le 27 avril 2009 qui en a le même jour accusé réception aux parties.
En date du 24 avril 2009, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux OVH aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 24 avril 2009, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Requérant a déposé un amendement le 15 mai 2009.
Le Centre a vérifié que la plainte ainsi que l'amendement répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d'application”), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 18 mai 2009, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée aux Défendeurs. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 7 juin 2009. Les Défendeurs n'ont fait parvenir aucune réponse. En date du 9 juin 2009, le Centre notifiait le défaut du défendeur.
En date du 18 juin 2009, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jean-Claude Combaldieu. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
La société Crédit du Nord est une société bien connue qui offre tous types de services bancaires et qui dispose de nombreuses agences notamment dans le Nord de la France. Elle a déposé trois marques CREDIT DU NORD au cours de l'année 2000.
Elle également enregistré en 1999 les noms de domaine <creditdunord.fr> et <credit-du-nord.fr>.
S'étant récemment aperçu que les Défendeurs avaient déposé en 2008 les deux noms de domaines susvisés reproduisant à l'identique ses marques mais aussi sa dénomination sociale, elle a engagé la présente procédure UDRP devant le Centre.
Le Requérant articule son argumentation autour des trois critères classiques des Principes directeurs qui peuvent justifier une plainte:
1. Les noms de domaine sont identiques ou semblables, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou services sur laquelle le Requérant a des droits:
- Le Requérant fait valoir en premier lieu les marques dont il est titulaire:
- Marque française CREDIT DU NORD déposée le 20 mars 2000 et enregistrée sous le numéro 3015470 pour la classe 36 (assurances, affaires financières, affaires monétaires, affaires immobilières).
- Marque internationale semi figurative CREDIT DU NORD enregistrée le 25 août 2000 sous le N° 741778 pour la classe 36. Les pays désignés sont l'Autriche, le Benelux, la Suisse, l'Allemagne, l'Italie, l'Espagne, Monaco, le Portugal, le Danemark, la Finlande, la Grande Bretagne, la Norvège, la Suède.
- Marque française semi figurative CREDIT DU NORD déposée le 5 octobre 2000 et enregistrée sous le numéro 3055918 pour les classes 36 et 38.
- Il fait valoir ensuite que les noms de domaine litigieux reproduisent à l'identique les éléments des marques CREDIT DU NORD appartenant à la société CREDIT DU NORD depuis l'an 2000. Cette atteinte à ses droits de propriété intellectuelle antérieurs crée à l'évidence un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle actuelle ou potentielle d'autant plus qu'il s'agit de signes distinctifs notoires.
- Le choix du gTLD “.pro” dans les noms de domaine litigieux ne fait qu'accentuer le risque de confusion auprès d'une clientèle de professionnels à laquelle s'adresse aussi la société Crédit du Nord.
2. Les Défendeurs n'ont aucun droit sur le ou les noms de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache.
- Le Requérant rappelle que spécialisé dans les services bancaires, il bénéficie d'une notoriété incontestable sous le nom de CREDIT DU NORD qui est aussi sa dénomination sociale. Il dispose de 99 Etablissements dans toute la France.
- Les Défendeurs sont totalement inconnus sous les noms de domaine qu'ils ont enregistré et d'ailleurs ne font aucun usage commercial ou non commercial des noms de domaine litigieux. Leur seul but ne peut être que de détourner des consommateurs à des fins lucratives et de ternir les marques du Requérant.
3. Le ou les noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.
- Les faits montrent que les noms de domaine litigieux ont pu être déposés dans l'espoir de les vendre au Requérant à un prix supérieur à celui de l'enregistrement.
- In fine le Requérant souligne que le fait d'avoir déposé les deux noms de domaine litigieux reproduisant à l'identique les signes distinctifs de la société Crédit du Nord sans en faire une quelconque utilisation démontre la mauvaise foi et l'intention de parasiter l'image du véritable titulaire des droits. Le refus de répondre aux deux sommations d'huissier qui ont été faites est une preuve supplémentaire de la mauvaise foi.
- En conclusion générale, le Requérant demande à la Commission administrative le transfert à son bénéfice des deux noms de domaine litigieux. Dans son amendement daté du 14 mai 2009 le Requérant justifie que la nature de ses activités justifie qu'il répond bien aux conditions pour pouvoir bénéficier du gTLD “.pro”.
Les Défendeurs n'ont pas répondu à la notification qui leur a été faite par le Centre. Ils sont donc défaillants.
Le paragraphe 15(a) des Règles d'application indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l'occasion d'une plainte: la Commission doit décider sur la base des exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et Règles d'application ainsi que toutes les règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.
Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le Requérant doit prouver chacun des points suivants :
(i) Les noms de domaine enregistrés par les Défendeurs sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion à la marque invoquée par le Requérant; et
(ii) Les Défendeurs n'ont aucun droit sur les noms de domaine enregistrés ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et
(iii) Les noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.
Si, comme il est d'usage, le gTLD “.pro” n'a pas à être pris en considération pour comparer les noms de domaine litigieux avec les marques antérieures du Requérant, il est clair en l'espèce que lesdits domaines litigieux reprennent à l'identique les marques du Requérant. La première condition édictée par les Principes directeurs est donc parfaitement remplie.
Le fardeau de preuve relativement à l'absence de droits ou intérêts légitimes d'un défendeur incombe au requérant. Néanmoins, il est généralement admis que le requérant doit établir prima facie que le défendeur n'a pas de droits ni d'intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Il incombe ensuite au défendeur d'établir le contraire. S'il n'y parvient pas, les affirmations du requérant sont réputées exactes.
En l'espèce, la Commission administrative constate que les noms de domaine litigieux ne sont pas utilisés par les Défendeurs et estime que le Requérant a établi prima facie l'absence de droits ou intérêts légitimes des Défendeurs. En effet, étant donné la non-exploitation des noms de domaines, force est de constater que les Défendeurs n'utilisent pas ces derniers en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, pas plus qu'ils n'en font un usage non commercial légitime ou loyal.
La Commission administrative constate enfin que les Défendeurs étant défaillants, ils ne justifient d'aucun droit ou intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux.
La deuxième condition est également remplie.
Le choix des termes “Credit du Nord” pour enregistrer des noms de domaine ne peut être le fait du hasard en raison de la notoriété du Requérant. Ce choix ne peut résulter que de l'espoir soit d'en tirer un bénéfice quelconque en vendant ces noms de domaines soit d'essayer de nuire ou de tromper les internautes et de détourner la clientèle du Requérant.
L'absence de réponse aux sommations faites par le Requérant est aussi un élément tendant à laisser présumer de la mauvaise foi. Il en est de même de l'absence de réponse dans le cadre du présent litige.
Enfin, la non utilisation d'un nom de domaine est, dans certaines circonstances et selon une jurisprudence constante des Commissions administratives, considérée comme un usage de mauvaise foi.
On peut donc conclure à un enregistrement et un usage de mauvaise foi.
Vu les paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, il est ordonné le transfert des noms de domaine <creditdunord.pro> et <credit-du-nord.pro> au profit du Requérant.
Jean-Claude Combaldieu
Expert Unique
Le 23 juin 2009