Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Velosolex America LLC contre Sinbar S.A.R.L.

LITIGE N° D2010-1231

1. Les parties

La Requérante est Velosolex America LLC, New Jersey, Etats-Unis d'Amérique, représenté par NABER PC, Etats-Unis d'Amérique.

La Défenderesse est Sinbar S.A.R.L., Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <velosolex.com>, enregistré le 9 juillet 2004.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Indom SA, France.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Velosolex America LLC auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") le 23 juillet 2010.

Le 26 juillet 2010, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Indom SA, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 2 août 2010, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

En date du 4 août 2010, le Centre a adressé à la Requérante une notification d’irrégularité de la plainte due à l’absence de déclaration de sa part d’acceptation de la compétence judiciaire d’au moins un for expressément désigné, l’invitant à y remédier dans un délai de cinq jours calendaires.

Le même jour, le Centre a communiqué aux deux parties un document rédigé tant en anglais qu’en français relatif à la langue de la procédure, la plainte ayant été déposée en anglais quand bien même la langue du contrat d’enregistrement était le français. A cette occasion, le Centre a imparti à la Requérante un délai au 7 août 2010 pour se prononcer sur la question de la langue de la procédure, soit en apportant la preuve d’un accord entre les parties faisant de l’anglais la langue de la procédure, soit en déposant une nouvelle plainte rédigée en français, soit en déposant une requête motivée justifiant que l’anglais soit retenu comme langue de la procédure. Le Centre a également imparti un délai au 9 août 2010 à la Défenderesse pour se prononcer au sujet de la langue de la procédure.

Le 9 août 2010, la Défenderesse a fait savoir au Centre qu’il n’existait aucun accord entre les parties ni aucun motif venant justifier une dérogation au principe suivant lequel la procédure devait se dérouler en français, soit la langue du contrat d’enregistrement.

Le 11 août 2010, la Requérante a déposé une plainte amendée accompagnée d’une demande d’acceptation du dépôt tardif de cette écriture, ainsi que ses déterminations sur la langue de la procédure.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés les "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités. Malgré le dépôt tardif de la plainte amendée, et vu demande d’admissibilité malgré le dépôt tardif formulée par la Requérante, le Centre a pris la décision de procéder et de notifier la plainte à la Défenderesse et de laisser la décision ultime quant à l’admissibilité de la plainte amendée à la Commission administrative.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 12 août 2010, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée à la Défenderesse. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 1 septembre 2010. Dans la notification de la plainte, le Centre a indiqué aux parties qu’une réponse pouvait lui être adressée aussi bien en anglais qu’en français, laissant ainsi à la Commission administrative le soin de trancher la question de la langue de la procédure. La Défenderesse a fait parvenir sa réponse en français le 31 août 2010.

En date du 13 septembre 2010, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Philippe Gilliéron. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Requérante est une société américaine active dans le domaine du cyclisme, dont le siège se situe dans le New Jersey, aux Etats-Unis d’Amérique. La Requérante est l’actuelle détentrice de la marque figurative américaine VS VELOSOLEX No. 780 733 22, enregistrée en classe 12 le 8 octobre 2002 avec une date de priorité remontant au 11 juillet 2001, acquise du précédent titulaire, la société américaine Ascione Rent-A-Car.

La Défenderesse est une société française titulaire des marques SOLEX et VELOSOLEX dans différents pays. La Défenderesse est notamment titulaire des marques françaises VELOSOLEX No. 3082811 et 3573399, respectivement enregistrées avec une date de priorité remontant au 14 janvier 2001 en classes 7 et 12 pour la première et au 30 avril 2008 en classes 9, 12 et 37 pour la seconde. Elle détient également les marques internationales VÉLOSOLEX No. 279816 et VELOSOLEX No. 988121, respectivement enregistrées les 14 février 1964 en classes 11 et 12 pour la première et le 20 octobre 2008 en classes 9, 12 et 37 pour la seconde.

Le nom de domaine litigieux a déjà fait l’objet de deux procédures de règlement de différend du présent Centre, et deux décisions ont été rendues à l’issue de ces procédures. A l’occasion du litige Magneti Marelli Motorpropulsion France S.A.S. v. Mopex S.A., Litige OMPI No. D2003-0187, le nom de domaine litigieux avait été transféré au requérant Magneti Marelli, ancien titulaire des marques françaises et internationales VELOSOLEX susmentionnées, par la décision de la Commission administrative du 12 mai 2003. En outre, dans le litige Sinbar v. Forsyte Corporation, Litige OMPI No. D2008-1667, la Défenderesse au présent litige était alors requérante et avait obtenu le transfert du nom de domaine litigieux qui avait fait l’objet d’un nouvel enregistrement jugé de mauvaise foi par la décision de la Commission administrative le 21 décembre 2008.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

La Requérante fait valoir en premier lieu dans sa plainte que les parties au litige, soit Velosolex America LLC et Sinbar S.A.R.L. ont conclu le 12 juillet 2006 un accord de règlement amiable dans le cadre d’une procédure d’opposition de marque se déroulant aux Etats-Unis d’Amérique. La Requérante soutient qu’en vertu de cet accord, auquel était également partie l’ancienne détentrice de la marque opposante, la société Magenti Marelli Motopropulsion France S.A.S., la Défenderesse se serait engagée à ne pas contester les droits de la Requérante sur le nom de domaine <velosolex.com> et à ne pas procéder à l’enregistrement de noms de domaines similaires.

La Requérante reprend par la suite les conditions des Principes directeurs en affirmant que le nom de domaine est semblable, au point de prêter à confusion, à sa marque VS VELOSOLEX, car il incorpore sa marque dans son intégralité, réserve étant faite de l’extension gTLD ".com", qui n’aurait toutefois pas de force distinctive. La Requérante poursuit en affirmant que la Défenderesse n’a pas de droits ni d’intérêts légitimes dans l’utilisation du nom de domaine litigieux, indiquant que la Défenderesse n’aurait enregistré ce nom de domaine qu’en date du 7 juin 2010 et n’en aurait fait usage que pendant quatre semaines. La Requérante ajoute que le site relié au nom de domaine litigieux ne serait qu’une passerelle renvoyant directement au site principal de la Défenderesse.

Enfin, le Requérant affirme que la mauvaise foi de la Défenderesse résulterait de la violation de l’accord de règlement amiable du 12 juillet 2006 d’une part, et du fait que le nom de domaine ne serait utilisé que pour détourner les consommateurs et la promotion de leurs propres produits.

B. Défenderesse

La Défenderesse a déposé sa réponse en temps utile le 31 août 2010.

A titre préliminaire, la Défenderesse fait valoir que la plainte aurait dû être rejetée par le Centre pour des motifs procéduraux, puisque la Requérante n’a déposé une plainte amendée que le 11 août 2010, soit 4 jours après l’expiration du délai fixé par le Centre.

La Défenderesse poursuit en indiquant qu’aucun accord au sujet de la langue de la procédure n’a été conclu entre les parties, et que la langue de la procédure devrait dès lors être le français.

Sur le fond, la Défenderesse soutient que la Requérante n’est titulaire aux Etats-Unis d’Amérique que de la marque figurative VS VELOSOLEX, qui n’est pas identique au nom de domaine litigieux.

La Défenderesse poursuit en faisant valoir qu’elle a des droits sur le nom de domaine litigieux en raison des marques SOLEX et VELOSOLEX dont elle est titulaire et qu’elle exploite commercialement. La Défenderesse fait valoir qu’elle développe des véhicules à deux roues entre autres sous la marque VELOSOLEX et que le nom de domaine litigieux redirige les internautes vers son site institutionnel afin de leur permettre de découvrir leur gamme de produits.

Enfin, la Défenderesse insiste sur le fait qu’elle n’a pas enregistré le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, puisque ce dernier lui a été transféré en date du 19 février 2009 suite à une décision du Centre. La Défenderesse poursuit en indiquant que le nom de domaine litigieux n’a pas été proposé à la revente, qu’il n’a pas été enregistré dans le but de perturber les affaires commerciales de la Requérante, laquelle n’a du reste jamais choisi de procéder elle-même à l’enregistrement, et que les sites Internet des deux parties sont très différents au point qu’un risque de confusion ne peut pas naître dans l’esprit des consommateurs.

6. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir:

i) si le nom de domaine est identique à une marque de produit ou de service appartenant à la Requérante ou suffisamment proche pour engendrer la confusion ; et

ii) si la Défenderesse n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine; et

iii) si la Défenderesse a enregistré et utilise le nom de domaine avec mauvaise foi.

Dans le cas d’espèce, il importe toutefois que la Commission administrative se prononce dans un premier temps sur les questions procédurales soulevées par la Défenderesse.

A. Langue de la procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d’application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d’enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.

En l’espèce, l’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux a été enregistré a informé le Centre le 2 août 2010 que la langue du contrat d’enregistrement était le français.

La Requérante a déposé sa plainte en anglais en se prévalant de l’accord intervenu entre les parties le 12 juillet 2006, dont il résulterait que tout différend relatif à la dénomination VELOXOLEX devrait être tranchée en anglais. A l’appui de son argumentation, la Requérante invoque le fait que le règlement du 12 juillet 2006 comprend une clause d’élection de for en faveur des tribunaux de l’Etat du New Jersey pour toute action découlant de cet accord. Pour la Requérante, il en résulterait que la Défenderesse a implicitement accepté que la langue de la procédure relatif à tout différend en la matière soit l’anglais. Partant, la langue de la procédure devrait être l’anglais.

L’argumentation développée par la Requérante tombe à faux. L’accord mentionné par la Requérante, intervenu entre les parties dans le cadre d’une procédure d’opposition aux Etats-Unis, porte majoritairement sur la question de coexistence de marques aux Etats-Unis d’Amérique. Partant, la clause d’élection de for de cet accord ne saurait en aucun cas satisfaire la condition de convention contraire du paragraphe 11(a) des Règles d’application.

Aucun motif ne venant justifié une dérogation au principe suivant lequel la procédure doit être tenue dans la langue du contrat d’enregistrement, la Commission administrative décide que la langue de la procédure administrative est le français.

La Commission administrative a également le pouvoir de demander à la Requérante de traduire l’ensemble de sa plainte ainsi que l’ensemble des pièces justificatives pour des raisons d’équité, de manière à ce que la Défenderesse puisse comprendre l’ensemble des éléments de la plainte. La Commission administrative constate toutefois que la Défenderesse a également produit des pièces justificatives en anglais sans les accompagner d’une traduction en français. Dès lors, la Commission administrative est d’avis que le Défenderesse maitrise suffisamment bien la langue anglaise et renonce à demander la traduction de la plainte et des pièces qui l’accompagnent.

B. Irrégularité de la plainte et dépôt tardif

Conformément au paragraphe 4(b) des Règles d’application, le Centre a notifié à la Requérante le 4 août 2010 une communication officielle l’informant que la plainte déposée comportait une irrégularité, impartissant un délai de cinq jours à compter de la date de la notification pour réparer l’irrégularité.

La Requérante n’a réparé cette irrégularité en déposant une déclaration d’acceptation de la compétence judiciaire d’au moins un for expressément désigné que le 11 août 2010, soit trois jours après l’expiration du délai qui lui avait été imparti. La Requérante a accompagné sa déclaration d’une requête d’acceptation de dépôt tardif.

Conformément au paragraphe 4(b) des Règles d’application, si les irrégularités relevées par le Centre ne sont pas corrigées dans un délai de cinq jours à compter de la date de notification, la plainte est normalement réputée retirée, le requérant restant toutefois libre de présenter une nouvelle plainte ultérieurement.

Dans le cas présent, le Centre a choisi d’accepter le dépôt tardif de la correction de l’irrégularité de la plainte par la Requérante et la Défenderesse ne s’est pas opposée à cette décision dans sa réponse, son argumentation s’étant uniquement concentrée sur le dépôt tardif des déterminations de la Requérante s’agissant de la langue de la procédure.

Selon la Commission administrative, l’argumentation développée par la Requérante faisant état de sa négligence ne peut être tenue comme un motif justificatif excusant ce retard. L’avis adressé par le Centre indique expressément un délai de cinq jours calendaires. A partir du moment où l’admission de la plainte amendée est toutefois sans conséquences sur l’issue de la procédure, la Commission administrative décide de l’accepter.

C. Identité ou similitude prêtant à confusion

Conformément au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, le requérant doit en premier lieu démontrer la titularité d’une marque puis démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou similaire, de façon à créer un risque de confusion, à ladite marque du requérant.

En l’espèce, la Requérante a démontré être titulaire de la marque figurative américaine VS VELOSOLEX, n° 780 733 22 déposée en classe 12, le 11 juillet 2001. La marque figurative de la Requérante contient le terme "velosolex" également contenu dans le nom de domaine litigieux. La différence entre la marque de la Requérante et le nom de domaine litigieux consiste en la présence des deux lettres " v" et "s" au début de la marque et en l’extension ".com" du nom de domaine. Le terme "velosolex" est un terme connu du public français, en relation avec la fameuse bicyclette motorisée qui a fait son apparition après la Seconde Guerre Mondiale, et ce terme a dès lors une forte force distinctive (voir Ferrero S.p.A. c. Mr. Jean-François Legendre, Litige OMPI No. D2000-1534). Les adjonctions "vs" à la marque figurative et l’extension ".com" au nom de domaine litigieux n’ont pas de grande force distinctive, et l’on peut donc en conclure que le nom de domaine litigieux est similaire au point de créer un risque de confusion avec la marque de la Requérante.

Partant, la Commission administrative considère que le critère posé au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est rempli.

D. Droits ou intérêts légitimes

S’agissant de la preuve d’un fait négatif, la Commission administrative estime que lorsque le requérant a allégué avec des documents à l’appui le fait que le défendeur n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine comme en l’espèce, il incombe au défendeur d’établir le contraire, puisque lui seul détient les informations nécessaires pour ce faire.

Le défendeur peut dès lors renverser la présomption d’absence d’intérêt légitime en démontrant un usage de bonne foi du nom de domaine litigieux en relation avec la vente de produits ou services avant le dépôt de la plainte (voir Rapido TV Limited c. Jan Duffy-King, Litige OMPI No. D2000-0449).

En l’espèce, la Défenderesse a démontré dans sa réponse qu’elle était titulaire des marques françaises n° 3082811 et 3573399, ainsi que des marques internationales n° 279 816 et 988 121 comprenant toutes le terme VELOSOLEX. La Défenderesse a également démontré qu’elle commercialisait des vélos motorisés sous ladite marque VELOSOLEX, non seulement en France mais également dans certains pays d’Europe. La Défenderesse a établi dans sa réponse que ces produits étaient sur le marché depuis octobre 2009 et que le nom de domaine litigieux redirigeait les internautes vers son site général afin de permettre aux internautes de consulter l’ensemble de sa gamme de produits.

La Requérante fonde l’essentiel de son argumentation sur l’accord intervenu le 12 juillet 2006 entre les parties pour démontrer que la Défenderesse n’aurait aucun droit sur le nom de domaine litigieux. A première vue en effet, l’accord en question interdit à la Défenderesse de contester la titularité de la Requérante sur le nom de domaine <velosolex.com> ainsi que son utilisation. Une lecture plus poussée suscite toutefois de nombreuses interrogations.

Tout d’abord, la clause pertinente (II/2) du dit accord de transaction ne fait qu’interdiction à la Défenderesse de revendiquer quelque droit que ce soit sur le nom de domaine <velosolex.com> une fois celui-ci enregistré par la Requérante ; or, cette dernière n’a jamais enregistré le nom de domaine litigieux, et n’a d’ailleurs pas agi en 2008 afin d’obtenir son transfert quand celui-ci avait été enregistré de mauvaise foi par la société Forsyte Corporation. Pour le surplus, la dite clause ne fait qu’interdiction à la Défenderesse d’enregistrer comme nom de domaine la marque faisant l’objet de l’accord, soit "VS VELOSOLEX" sous un domaine de premier ou de second niveau autre que le « .com ». Autrement dit, à lire l’accord, aucune interdiction n’aurait été faite à la Défenderesse d’enregistrer le nom de domaine litigieux en ".com". L’interprétation à donner à la clause en question est donc sujette à caution.

A cela s’ajoute le fait que l’accord du 12 juillet 2006 ne mentionnait comme parties que la Défenderesse et la société américaine Ascione Rent a Car, Inc., à l’exclusion de la Requérante, qui ne faisait que contresigner l’accord en s’engageant à reprendre les obligations mises à la charge de la société Ascione Rent a Car, Inc. A aucun moment l’accord ne prévoit que la Défenderesse s’engageait de son côté vis-à-vis de la Requérante, et aucun document ne semble l’attester. La Commission administrative ajoutera que la clause I/4 de l’accord exigeait que tout transfert de l’accord fasse l’objet d’un acte documenté mentionnant expressément l’autre partie comme bénéficiaire en droit de faire valoir l’ensemble des droits découlant de l’accord. Or, à partir du moment où la Requérante n’apparaissait pas directement comme partie à l’accord, on peut se demander si elle n’était pas soumise à l’obligation ancrée à la clause I/4, hypothèse dans laquelle elle aurait dû produire un document mentionnant la Requérante comme bénéficiaire.

En définitive, ces quelques explications démontrent que le complexe contractuel et l’ensemble des circonstances ayant entouré la conclusion de l’accord du 12 juillet 2006 exigent une analyse et une instruction que le cadre limité de la présente procédure ne permet pas de régler à satisfaction. Une interprétation plus poussée de l’accord en question ne relève pas du pouvoir ni de la compétence de la Commission administrative. Partant, la Commission administrative renvoie la Requérante à saisir les tribunaux étatiques compétents, plus à même de trancher un litige de nature essentiellement contractuelle qui ne relève pas de la présente procédure UDRP.

En conséquence, au vu des éléments exposés ci-dessus, le critère posé au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs n’est pas rempli dans la présente affaire.

E. Enregistrement et usage de mauvaise foi

L’enregistrement d’un nom de domaine de mauvaise foi suppose que le défendeur ait eu connaissance de la marque du requérant au moment de l’enregistrement. En l’espèce, il ne peut être nié que la Défenderesse connaissait la marque de la Requérante, puisqu’un accord de coexistence avait été conclu le 12 juillet 2006 au sujet de dite marque. Il découle également de ces circonstances que la Requérante connaissait l’existence de la marque de la Défenderesse ainsi que l’usage commercial qu’elle en faisait.

Comme évoqué ci-dessus, la Requérante n’a toutefois pas établi que la Défenderesse avait procédé à un enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, l’obtention d’un nom de domaine à la suite d’une décision rendue par une décision UDRP ne pouvant être considérée comme étant survenue de mauvaise foi. Or, depuis le transfert du nom de domaine litigieux à la Défenderesse, cette dernière ne l’a pas proposé à la revente, et n’a pas non plus tenté de créer un risque de confusion avec la marque de la Requérante afin d’en détourner la clientèle. L’exploitation du nom de domaine litigieux par la Défenderesse consiste en effet à rediriger les internautes vers son site institutionnel, ce dernier ayant d’ailleurs une apparence très différente de celle du site de la Requérante.

La Commission ne constate donc pas, en raison des éléments relevés ci-dessus, que la Requérante ait établi que la Défenderesse ait procédé à un enregistrement et un usage du nom de domaine en cause de mauvaise foi.

7. Décision

En conséquence, conformément au paragraphe 4(i), des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission ordonne le rejet de la plainte.

Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 21 septembre 2010