Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D Lec contre Groupe ARG, Noelle Gasperin

Litige n° D2012-1098

1. Les parties

Le Requérant est l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D Lec, d’Ivry-sur-Seine, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.

Le Défendeur est Groupe ARG, Noelle Gasperin de Florac, France.

2. Noms de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine <prospectusleclerc.com> et <prospectusleclerc.org>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est Gandi SARL.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D Lec auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 25 mai 2012.

En date du 25 mai 2012, le Centre a adressé une requête à Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 29 mai 2012, Gandi SARL a transmi sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 5 juin 2012, une notification de la Plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une Réponse était le 25 juin 2012. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune Réponse. En date du 27 juin 2012, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

Le 4 juillet 2012, le Défendeur a contacté le Centre pour indiquer son accord pour céder gratuitement les noms de domaine litigieux. Les 5 et 9 juillet 2012, le Centre a accusé réception de la communication envoyée par le Défendeur et a informé le Requérant de la possibilité de demander une suspension de la procédure. Le 9 juillet 2012, le Requérant a informé le Centre et le Défendeur de son accord de suspendre la procédure “à la condition que le Défendeur confirme préalablement par écrit qu’il accepte de céder à son profit et à titre gracieux les deux noms de domaine visés dans le cadre de cette procédure”. Le 10 juillet 2012, le Centre a informé le Requérant que celui-ci devait demander la suspension auprès du Centre avant le 12 juillet 2012 et de la continuation de la procédure si aucune demande de suspension n’était présentée. Le Requérant n’a pas présenté aucune demande de suspension.

En date du 20 juillet 2012, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique André R. Bertrand.

La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit que: “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable”.

En conséquence, la Commission administrative s’est attachée à vérifier, au vu des seuls arguments et pièces disponibles, si les noms de domaine litigieux sont identiques ou similaires au point de prêter à confusion avec une marque du Requérant et si le Défendeur peut justifier de droits ou intérêts légitimes sur les noms de domaine litigieux et si les noms de domaine ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi.

Il ressort de la Plainte et des pièces annexées à celle-ci, que le Requérant est une association française appartenant à l’enseigne française de commerçants indépendants, le Mouvement Leclerc, qui doit son nom à son fondateur, monsieur Edouard Leclerc.

Le Requérant est le légitime propriétaire de nombreuses marques françaises, communautaires et/ou internationales composées du, ou comprenant le mot “leclerc”, notamment la marque communautaire No. 002700656 LECLERC, déposée le 17 mai 2002 et renouvelé le 27 mai 2012.

Cette marque communautaire, qui est également l’enseigne de plus de 600 magasins, est exploitée en France notamment en relation avec des services de distribution a acquis en France, avec notamment 18% de parts de marché dans le secteur de la distribution, une certaine notoriété et jouit dans ce pays “d’une renommée”.

Le Requérant qui est également le propriétaire du nom de domaine <zeroprospectus.com>, réservé le 13 juillet 2010, qui redirige les internautes vers son sites officiel “www.mouvement-leclerc.com”, et de la marque française ZERO PROSPECTUS, déposée en France le 16 septembre 2010 sous le No. 103767004, a lancé en septembre 2010 une campagne visant à la suppression définitive des prospectus papier.

Le Défendeur, qui semble être une agence de communication, a réservé les deux noms de domaines litigieux, à savoir <prospectusleclerc.com> et <prospectusleclerc.org>, après le démarrage de cette campagne “Zero Prospectus”.

En réponse à une mise en demeure envoyée par le Requérant, le Défendeur a invité le Requérant par écrit, le 13 décembre 2010, à lui faire une proposition afin d’acquérir les noms de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant affirme que les noms de domaines litigieux, à savoir <prospectusleclerc.com> et <prospectusleclerc.org>, portent atteinte à ses droits antérieurs et notamment à son enseigne et sa marque renommée LECLERC, ainsi qu’à sa marque ZERO PROSPECTUS

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu formellement aux arguments du Requérant.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant, désireux d’obtenir le transfert à son profit des noms de domaine litigieux enregistré par le Défendeur, de prouver contre le dit Défendeur, cumulativement, que:

(i) Les noms de domaine litigieux son identiques ou semblables au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits;

(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaines litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

(iii) Les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Les noms de domaines litigieux <prospectusleclerc.com> et <prospectusleclerc.org>, qui ont été enregistrés par le Défendeur, dont l’enseigne et la marque LECLERC jouissent d’une renommée, alors que celui-ci avait lancé depuis quelques jours sa campagne “Zero Prospectus”.

Les noms de domaines litigieux reproduisent de manière identique la marque LECLERC du Requérant. Il est indifférent que les noms de domaine litigieux fassent précéder le mot “leclerc” par celui de “prospectus”. La présence du mot “prospectus”, qui est un mot générique et descriptif, ne modifie pas la perception du consommateur moyennement avisé et attentif qui immanquablement fait un lien entre les noms de domaines litigieux et la campagne “Zero Prospectus” de LECLERC.

Par ailleurs, aux termes d’une jurisprudence constante en vertu des Principes directeurs (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003), le suffixe d’extension “.com” ou “.org”, nécessaire pour l’enregistrement du nom de domaine peut ne pas être considéré lors de l’appréciation du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

Pour mémoire, dans ce sens, il a été jugé dans ce sens que la marque LECLERC était totalement reproduite dans les noms de domaines <leclerc-pompes-funebres.com>, <leclerc-pompesfunebres.com>, <leclercpompesfunebres.com>, <pff-leclerc.com>, <pffleclerc.com>, <pompesfunebresleclerc.biz>, <pompesfunebres-leclerc.com>, <pompesfunebresleclerc.com>, <pompesfunebresleclerc.info>, <pompesfunebresleclerc.net> et <pompesfunebresleclerc.org> (Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D. Lec v. Maxence Delattre, Litige OMPI No. D2011-0744), dans le nom de domaine <leclercassurance.com> (Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D. Lec v. Domain Administrator, Litige OMPI No. D2011-0117) et dans le nom de domaine <leclercvacances.com> (Association des Centres Distributeurs E. Leclerc v. Patrick Becker, Litige OMPI No. D2006-1375).

La Commission administrative estime donc que les noms de domaines litigieux sont similaires au point de prêter à confusion, à la marque notoire du Requérant.

B. Droits ou intérêts légitimes

Dès lors que le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant, il est impossible de savoir si celui-ci peut justifier de droits sur le nom patronymique “Leclerc”.

Au regard des la plainte et des pièces annexées, notamment de la lettre du Défendeur du 13 décembre 2010, il ne semble pas que cela soit le cas.

En conséquence et vu l’ensemble des arguments soulevés par le Requérant en ce sens, la Commission administrative estime que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaines litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’attache à ceux-ci.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Commission administrative estime qu’est :

- un enregistrement fait de mauvaise foi l’enregistrement des noms de domaines litigieux, à savoir <prospectusleclerc.com> et <prospectusleclerc.org>, après le démarrage de la campagne “Zero Prospectus” des établissements Leclerc;

- une utilisation de mauvaise foi la redirection des noms de domaines litigieux vers le site "www.centpourcentgratuit.fr", afin de détourner ainsi les internautes des sites officiels du Requérant.

La Commission administrative relève aussi que l’invitation au Requérant de la part du Défendeur de lui faire une proposition afin d’acquérir les noms de domaine litigieux (lettre du 13 décembre 2010) constitue un usage de mauvaise foi des noms de domaines litigieux établissant que le Défendeur n’avait aucun droit ou intérêt légitime dans les noms de domaine litigieux, sinon de tenter de les monnayer.

Au vu de l’ensemble des éléments mentionnés ci-dessus, la Commission administrative est convaincue que les noms de domaines litigieux ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi.

7. Décision

Pour toutes les raisons exposées ci-dessus, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative estime que le Requérant a établi que les noms de domaines litigieux sont similaires au point de prêter à confusion, à des marques sur lesquelles le Requérant a des droits; que le Défendeur n’a aucun droit sur les dits noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache et que les noms de domaines litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.

C’est pourquoi la Commission administrative ordonne que les noms de domaines litigieux <prospectusleclerc.com> et <prospectusleclerc.org> soient transférés au Requérant, l’Association des Centres Distributeurs E. Leclerc - A.C.D Lec.

André R. Bertrand
Expert Unique
Le 25 Juillet 2012