Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Groupement d’achats des opticiens lunetiers-GADOL contre Multiramys

Litige No. D2012-2254

1. Les parties

Le Requérant est Groupement d’achats des opticiens lunetiers-GADOL de Clamart, France, représenté par le Cabinet Germain & Maureau, France.

Le Défendeur est Multiramys de Colmar, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <optic2000chezvous.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est Register.it S.p.A.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par le Groupement d’achats des opticiens lunetiers-GADOL, qui est une société coopérative à forme anonyme à capital variable, auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 15 novembre 2012.

En date du 15 novembre 2012, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Register.it S.p.A., aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 16 novembre 2012, l’unité d’enregistrement Register.it S.p.A. a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 novembre 2012, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 13 décembre 2012. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 14 décembre 2012, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 4 janvier 2013, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Marie-Emmanuelle Haas. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est le Groupement d’achats des opticiens lunetiers-GADOL. Il est notamment titulaire des marques françaises:

- OPTIC 2000 n° 3 170 791 (semi-figurative) déposée le 24 juin 2002 en classes 5, 9, 35, 38 et 42;

- OPTIC 2000 n° 3 170 790 (semi-figurative) déposée le 24 juin 2002 en classes 5, 9, 35, 38 et 42;

- OPTIC 2000 n° 3 558 031 (verbale) déposée le 22 février 2008 en classes 9 et 35.

Le Requérant est titulaire des noms de domaine <optic2000.com> créé le 1er avril 1997, <optic-2000.com> créé le 15 janvier 2012, <optic2000.fr> créé le 1er août 1997, <optic-2000.fr> créé le 15 juin 2000, <optic2000.eu> créé le 12 avril 2006, <optic-2000.eu> créé le 8 avril 2006, <optic2000.org> créé le 24 novembre 1999, <optic-2000.org> et <optic2000.net> créés le 22 mai 2000, <optic-2000.biz> créé le 1er décembre 2004, <crm-optic2000.com> créé le 20 janvier 2012, <fondationoptic2000.fr> créé le 31 août 2010 et <clubo2-optic2000.fr> créé le 9 décembre 2009, exploités dans le domaine de l’optique.

Le 8 janvier 2011, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com>, donnant accès à une page blanche. Il enregistrait le même jour le nom de domaine <optic2000chezvous.fr>.

Le Défendeur exerce une activité de parapharmacie et exploite un site ‘‘www.multiramis.fr’’, qui est une parapharmacie en ligne.

Le 4 novembre 2011, le Requérant a mis en demeure le Défendeur de lui rétrocéder le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com>, ainsi que le nom de domaine <optic2000chezvous.fr>, sur le fondement de ses droits de propriété intellectuelle. L’avis de réception de cet envoi n’est pas communiqué.

Dans le même temps, le Requérant a procédé à une procédure extrajudiciaire Syreli afin d’obtenir le transfert du nom de domaine <optic2000chezvous.fr>.

Selon la décision Syreli du 23 avril 2012, il était exploité pour donner accès à un site parking proposant des liens commerciaux vers des sites dédiés à l’optique et donc concurrents du Requérant.

Cette décision a ordonné le transfert de <optic2000chezvous.fr> au Requérant, et le Défendeur ayant pris acte de cette décision dans un courrier du 28 juin 2012, dans laquelle il déclarait “Nous vous transférons volontairement <optic2000chezvous.fr>, après notre inaction lors de votre demande Syreli”.

Le Requérant a, par courriers en dates des 31 juillet 2012 et 23 août 2012, réitéré au Défendeur sa demande de transfert volontaire du nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com>, sans réaction. Aucun avis de réception n’est communiqué.

C’est dans ce contexte que le Requérant a engagé la présente procédure devant le Centre, aux fins d’obtenir la transmission du nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> à son profit.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant est le Groupement d’achats des opticiens lunetiers-GADOL, créé en 1962. Il fait valoir ses droits sur la dénomination “Optic 2000”, au titre des marques suivantes:

- marque française semi-figurative OPTIC 2000 n° 3 170 791 déposée le 24 juin 2002 en classes 05, 09, 35, 38, 42 et en particulier pour “Produits d’hygiène pour lentilles, servant à nettoyer, stériliser les lentilles de contact ou cornéennes. Appareils et instruments optiques comprenant notamment: lunettes, verres, montures, étuis à lunettes, lentilles de contact ou cornéennes”;

- marque française semi-figurative OPTIC 2000 n° 3 170 790 déposée le 24 juin 2002 en classes 05, 09, 35, 38, 42 et en particulier pour “Produits d’hygiène pour lentilles, servant à nettoyer, stériliser les lentilles de contact ou cornéennes. Appareils et instruments optiques comprenant notamment : lunettes, verres, montures, étuis à lunettes, lentilles de contact ou cornéennes”;

- marque française verbale OPTIC 2000 n° 3 558 031 déposée le 22 février 2008 en classes 9 et 35 pour “Appareils et instruments optiques, lentilles de contact, articles de lunetterie, lunettes (optiques), lunettes de soleil, étuis à lunettes, verres de lunettes, verres correcteurs, étuis pour lentilles de contact ou cornéennes, montures de lunettes”.

Le Requérant affirme que la notoriété de la marque OPTIC 2000 auprès du public français est incontestable.

Il communique un article du Figaro faisant état de sa part de 20% du marché de l’optique en France. Il communique aussi un extrait du “Grand livre des marques” qui l’identifie comme le “leader des enseignes de l’optique en France avec près de 1 200 magasins”.

Le Requérant est titulaire des noms de domaine <optic2000.com> créé le 1er avril 1997, <optic-2000.com> créé le 15 janvier 2012, <optic2000.fr> créé le 1er août 1997, <optic-2000.fr> créé le 15 juin 2000, <optic2000.eu> créé le 12 avril 2006, <optic-2000.eu> créé le 8 avril 2006, <optic2000.org> créé le 24 novembre 1999, <optic-2000.org> et <optic2000.net> créés le 22 mai 2000, <optic-2000.biz> créé le 1er décembre 2004, <crm-optic2000.com> créé le 20 janvier 2012, <fondationoptic2000.fr> créé le 31 août 2010 et <clubo2-optic2000.fr> créé le 9 décembre 2009, exploités dans le domaine de l’optique.

Le Requérant estime que le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> reproduit intégralement la marque OPTIC 2000, sans que l’ajout de l’expression “chez vous” ou de l’extension “.com” permettent d’exclure le risque de confusion ou d’association qui ne peut manquer de naître dans l’esprit du public.

Le Requérant ajoute que le Défendeur ne peut justifier d’aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. Il considère qu’il n’en fait pas un usage commercial loyal, dans la mesure où le nom de domaine n’est pas exploité en relation avec une offre réelle de produits ou services.

Le Requérant relève que le Défendeur n’est titulaire d’aucune marque formée du nom OPTIC 2000, n’a pas déclaré ce nom à titre de nom commercial ou d’enseigne, ni n’exerce de réelle activité, commerciale ou non, sous le nom de domaine litigieux. Il n’est pas membre du réseau des opticiens OPTIC 2000 animé par le Requérant et n’a pas été autorisé par cette dernière à utiliser de quelque manière que ce soit le nom OPTIC 2000.

Le nom de domaine <optic2000chezvous.com> donne accès à une page blanche et non pas à un site présentant une offre réelle de produits ou services.

Le Requérant revendique la notoriété de sa marque OPTIC 2000, grâce aux publicités mettant en scène des artistes connus dans des spots publicitaires, diffusés notamment à la télévision. Il considère que le Défendeur se livre à une exploitation du nom de domaine litigieux en toute mauvaise foi, en exploitant la notoriété de la marque OPTIC 2000 pour susciter la confusion dans l’esprit des internautes.

Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur ayant été mis en demeure de mettre un terme à de tels agissements, à plusieurs reprises, il ne peut plus nier avoir connaissance des droits auxquels il porte atteinte. En refusant de rétrocéder le nom de domaine litigieux à son légitime propriétaire, il se rend coupable d’un usage passif de mauvaise foi, par rétention injustifiée du nom de domaine litigieux.

Le Requérant ajoute que le Défendeur a fait l’objet en 2012 d’une plainte Syreli concernant le nom de domaine <optic2000chezvous.fr> et que par décision du 23 avril 2012, l’Association française pour le nommage Internet en coopération (AFNIC) a ordonné le transfert de ce nom de domaine au profit du Requérant, et cette décision a été exécutée.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.

6. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 15(a) des Règles d’application, “La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable”.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant, le Groupement d’achats des opticiens lunetiers- GADOL, est une société coopérative gestionnaire du réseau d’enseignes des opticiens OPTIC 2000, leader dans le domaine de l’optique en France, avec 1160 points de vente sur tout le territoire national.

Le Requérant est titulaire de plusieurs marques en vigueur OPTIC 2000 et a enregistré de nombreux noms de domaine contenant le terme “Optic 2000”.

Le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> reproduit intégralement la marque OPTIC 2000, y ajoutant les termes génériques “chez vous”.

Il est constant dans les précédentes décisions UDRP que l’ajout d’un terme générique à une marque est insuffisant pour exclure tout risque de confusion.

Le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> est susceptible de faire naître un risque de confusion dans l’esprit du public, qui peut penser que <optic2000chezvous.com> est un nom de domaine du Requérant, servant à designer plus particulièrement un service en ligne personnalisé permettant aux internautes de consulter, commander ou bénéficier des produits et services de l’enseigne OPTIC 2000 depuis chez eux, sans avoir à se déplacer en boutique.

La Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> est semblable, au point de prêter à confusion, aux marques de produits ou de services sur lesquelles le Requérant a des droits, conformément au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Défendeur ne peut justifier d’aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

Le Défendeur n’est titulaire d’aucune marque formée du nom “Optic 2000”, n’a pas déclaré ce nom à titre de nom commercial ou d’enseigne, ni n’exerce de réelle activité commerciale ou non sous le nom de domaine litigieux.

Il n’est pas membre du réseau des opticiens OPTIC 2000 animé par le Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à utiliser de quelque manière que ce soit le nom OPTIC 2000.

Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache conformément au paragraphe 4(a)(ii) et 4(c) des Principes directeurs .

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le Requérant est une société implantée en France, dont la marque OPTIC 2000 est très connue, notamment du fait de l’impact sur le public français de ses publicités mettant en scène des artistes français très connus, dont notamment la personne de Johnny Hallyday.

Le Défendeur étant lui-même résident en France ne pouvait ignorer la marque OPTIC 2000 et avait nécessairement à l’esprit la marque du Requérant lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> donne accès à une page blanche.

Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs pose le critère de la mauvaise foi lors de l’enregistrement et de l’usage du nom de domaine litigieux. Les cas cités ne le sont qu’à titre d’exemple et cette liste n’est pas limitative. Il n’existe aucune obligation de faire usage d’un nom de domaine enregistré.

Il appartient à la Commission administrative d’apprécier si le comportement du Défendeur atteste de sa mauvaise foi, y compris lorsque le nom de domaine n’a pas été exploité (Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003; Viko Elektrik Ve Elektronik Endüstrisi Sanayi Ve Ticaret Anonim Şirketi c. UniqueBrandNames, Litige OMPI No. D2010-1856).

La marque opposée est très connue en France et le Requérant est très largement présent sur tout le territoire français. Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte et aucun élément ne permet de retenir un quelconque usage de bonne foi du nom de domaine litigieux, qui serait de son fait.

Le Défendeur est un professionnel de la parapharmacie et un commerçant en ligne en France. Il a donc parfaitement connaissance de l’enjeu des noms de domaine et de l’Internet.

Le Défendeur a agi de façon organisée, puisqu’il a enregistré le même jour les noms de domaine <optic2000chezvous.fr> et <optic2000chezvous.com>.

Le nom de domaine <optic2000chezvous.fr> a été exploité pour donner accès à un site parking dédié à l’optique et donc à des sites exploités par des concurrents du Requérant.

Suite à la décision Syreli qui a ordonné le transfert de <optic2000chezvous.fr>, le Défendeur a adressé un courrier du 28 juin 2012, dans lequel il déclarait “Nous vous transférons volontairement <optic2000chezvous.fr>, après notre inaction lors de votre demande Syreli”.

Le Défendeur peut donc être considéré comme coutumier de cette pratique, au sens du paragraphe 4(b)(ii) des Principes directeurs.

L’ensemble de ces éléments caractérise la mauvaise foi du Défendeur.

Pour ces raisons, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur, selon les paragraphes 4(a)(iii) et 4(b) des Principes directeurs.

7. Décision

Conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <optic2000chezvous.com> au Requérant.

Marie-Emmanuelle Haas
Expert Unique
Le 18 janvier 2013