Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Conforama Holding contre Confort Cuir / Dahan Simon

Litige No. D2013-0055

1. Les parties

Le Requérant est Conforama Holding, Marne La Vallée, France, représenté par Cabinet Santarelli, France.

Le Défendeur est Confort Cuir / Dahan Simon, Lyon, France, représenté par Dreyfus & associés, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine litigieux <confocuir.com>.

L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Conforama Holding auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 10 janvier 2013. A la même date, le Centre a adressé une requête à OVH aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 10 janvier 2013, OVH a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige. Le 14 janvier 2013, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant en lui notifiant que sa plainte présentait des irrégularités. Le Requérant a déposé un amendement le 15 janvier 2013.

Le 15 janvier 2013, le Centre a reçu une communication électronique de la Société Avanim, l’entreprise de développement du site Internet, en tant que contact administratif, technique et comptable du nom de domaine litigieux, qui avait été destinataire de la plainte. Elle annonçait qu’elle allait s’en entretenir le lendemain avec son client.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 janvier 2013, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 février 2013. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 11 février 2013.

En date du 21 février 2013, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Marie-Emmanuelle Haas. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La société Conforama Holding est titulaire des marques suivantes:

- marque française verbale CONFO No. 1322277 déposée et enregistrée le 5 septembre 1985 en classes 1 à 45;

- marque française verbale CONFO No. 3170431 déposée et enregistrée le 21 juin 2002 en classe 35, notamment en relation avec les “meubles de bureau”;

- marque internationale verbale CONFO No. 500627, enregistrée en date du 28 février 1986, protégée en classes 9, 11, 22, 21, 24 et 27;

- marque française semi figurative CONFO HOME No. 3661956 déposée et enregistrée le 3 juillet 2009 en classe 24;

- marque française semi-figurative ECO CONFO No. 3564939 déposée et enregistrée le 26 mars 2008 en classes 20, 24, 35 et 42;

- marque française semi figurative en couleurs WING BY CONFO No. déposée et enregistrée le 27 juin 2008 en classe 20;

- marque française semi figurative en couleurs CAP CONFO ENSEMBLE FAIRE LA DIFFERENCE No. 3701407 déposée le 28 décembre 2009 en classes 16, 35 et 41.

Le Réquerant est titulaire des noms de domaine <confo.fr> enregistré le 18 juin 2004, <confo.com> enregistré le 16 novembre 2009, et <confo.org> enregistré le 4 septembre 2011.

Le nom de domaine litigieux <confocuir.com> a été enregistré le 30 septembre 2009, au nom de la société Avanim, pour le compte de la société Confocuir, dénommée Confort Cuir depuis octobre 2011, dont elle était le prestataire. En effet, selon les deux extraits WhoIs communiqués dans la présente procédure, il a d’abord été enregistré au nom de la société Avanim, puis à compter du 22 ou du 24 décembre 2012, au nom de la société Confort Cuir, avec mention du nom de Monsieur Simon Dahan, nouveau gérant de la société Confort Cuir, qui a succédé dans cette fonction à Madame Adda Semhoun, nom d’usage Dahan, son épouse.

Le nom de domaine litigieux est exploité pour donner accès à un site Internet de vente de canapés en cuir par son titulaire, la société Confocuir, devenue la société Confort Cuir.

La marque française semi-figurative en couleurs CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN No. 3800692 a été déposée le 26 janvier 2011 en classes 20 et 27 par Messieurs Antonio Arissa et Simon Dahan.

Le Défendeur fait état des observations qui ont été déposées auprès de l’INPI par le Requérant pour demander le rejet de la demande d’enregistrement de la marque No. 3800692 CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN, en raison du caractère trompeur de l’expression “le n° 1 européen du design”. En dépit de ces observations, la marque a été enregistrée.

Le Requérant a envoyé une mise en demeure à Messieurs Antonio Arissia et Simon Dahan, par courrier en date du 17 mars 2011, en leur qualité de copropriétaires de la marque française semi-figurative CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN No. 3800692 déposée le 26 janvier 2011 en classes 20 et 27, pour leur demander de s’engager à ne pas utiliser la dénomination “confo” et de radier la marque. Dans cette mise en demeure, le Requérant indique qu’il avait d’ores et déjà envoyé un courrier de mise en demeure à Madame Adda Dahan (l’épouse de Monsieur Simon Dahan et ancienne gérante de la société Confocuir). Il relate que, dans cette précédente lettre, il demandait de modifier la dénomination sociale de la société Confocuir et de procéder à la radiation du nom de domaine litigieux et ajoute :

“Son conseil, Maître L.J., nous avait alors informé avoir reçu instruction de sa mandante de régulariser la situation.

Or, notre cliente a constate que vous avez procédé au dépôt de la marque française CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN No. 11 3 800 692 pour désigner les classes 20 et 27”...

Le contenu de cette lettre n’est pas contesté.

Les parties ont alors eu des échanges téléphoniques, suivis de la lettre du Requérant du 17 mai 2011 concernant le changement de dénomination sociale et la radiation du nom de domaine litigieux <confocuir.com>, puis de la lettre du 6 juin 2011 accordant un délai au 1er septembre 2011 pour le changement de dénomination sociale du Défendeur, une lettre du 13 juillet 2011 prenant acte de l’usage de CONFORT CUIR sur le site “www.confocuir.com” et accordant un nouveau délai de quatre mois, tout en refusant de consentir “une aide financière à hauteur de 15,000 / 20,000 euros pour les modifications effectuées”.

C’est alors que la société alors dénommée Confocuir a répondu, par une lettre en date du 20 juillet 2011, proposant la cession de la marque et du nom de domaine “en échange d’une contrepartie financière”, en ajoutant “Sachez par ailleurs que nous sommes actuellement en discussion avec certains concurrents”.

Par leur lettre du 13 septembre 2011, Messieurs Antonio Arissa et Simon Dahan, copropriétaires de la marque CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN No. 3800692, ont annoncé “Nous tenons à vous signaler que la raison sociale et le nom de domaine sont en cours de modification depuis le 30 août 2011, document en possession de notre avocat”.

Par lettre du 13 octobre 2011 adressée à la société Confort Cuir, le Requérant prenait acte du changement de dénomination sociale de Confocuir en Confort Cuir et réitérait la demande de radiation de la marque et du nom de domaine. Par lettre en date du 13 mars 2012 à nouveau adressée à la société Confort Cuir, il prenait acte des changements intervenus sur le site Internet “www.confocuir.com”, avec la suppression de mentions de “confocuir”. Il proposait à la société Confort Cuir de racheter ses droits, à savoir le nom de domaine litigieux <confocuir.com> et la marque française semi-figurative No. 3800692 CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN, en contrepartie de la somme de 350 euros.

La dénomination Confort Cuir est utilisée sur le site Internet “www.confocuir.com”, en haut de page, comme titre du site Internet, même si la dénomination Confocuir est toujours utilisée, par exemple en bas de page dans la mention de copyright.

Par courrier en date du 22 mars 2012, Messieurs Antonio Arissa et Simon Dahan ont répondu pour faire état de “leurs efforts concernant tous les changements qui ont eu lieu” et pour faire une contre-proposition financière, pour un prix “en rapport avec les chiffres mentionnés”, incluant les investissements pour la création du site, la publicité et la somme de de 540,000 euros au titre de “l’abandon de plus de 2 ans de notoriété pour cette marque entre 2009 et 2011”..

Par son courrier en date du 4 mai 2012 à la société Confort Cuir, le Requérant a pris acte du refus de l’offre de règlement amiable. Le 24 décembre 2012, il réitérait auprès de la société Confort Cuir sa demande concernant le nom de domaine litigieux <confocuir.com> et en demandait le transfert.

C'est dans ce contexte que le Requérant a engagé la présente procédure devant le Centre, aux fins d'obtenir la transmission du nom de domaine litigieux <confocuir.com> à son profit.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant est la société Conforama Holding spécialiste dans la distribution d’équipements pour la maison. Il est le n° 2 mondial de l’équipement de la maison.

Le Requérant affirme que la marque CONFO est notoire. Il communique à l’appui de cette affirmation des copies de pages de catalogues de 2003 à 2010, ainsi que la copie d’une page du site Internet “www.lentreprise.conforama.fr/societe.php”, communiquant le nombre de magasins ainsi que le chiffre d’affaire de la société Conforama Holding.

Le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux <confocuir.com> constitue une imitation de sa marque CONFO de nature à créer un risque de confusion avec la marque du Requérant.

Il argue que la présence du terme générique “cuir” n’est pas suffisant à écarter le risque de confusion, notamment car les internautes pourront percevoir le site Internet “www.confocuir.com” comme un site Internet appartenant au Requérant. Il ajoute que l’extension “.com” n’exclut pas le risque de confusion, étant nécessaire à l’enregistrement du nom de domaine lui-même.

Il communique une décision Syreli n° FR-2012-00205 en date du 12 novembre 2012, rendue par l’AFNIC lui accordant la transmission du nom de domaine <confocuir.fr>, dans une autre affaire.

Il affirme que le Défendeur n’a pas été autorisé à faire usage du terme “confo” accolé au terme “cuir” pour l’exploiter à titre de nom de domaine, qu’aucune relation commerciale n’est établie entre les parties et que le Défendeur ne dispose d’aucun droit d’utilisation de ses marques ou noms de domaine.

Le Requérant estime que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <confocuir.com> afin d’attirer les internautes en créant un risque de confusion avec le site Internet du Requérant, Conforama Holding. Il ajoute que sa marque CONFO étant notoire et distinctive, son utilisation en tant que nom de domaine par le Défendeur ne peut être légitime, outre le fait que le site Internet auquel le nom de domaine litigieux renvoie mentionne de façon très apparente “confort cuir”, et non pas “confocuir”.

Il considère que la modification de “confort cuir” en “confocuir” vaut comme reconnaissance implicite du Défendeur de la confusion que “confocuir” est susceptible de générer avec la marque CONFO.

Le Requérant revendiquant la notoriété de sa marque CONFO, il soutient que le Défendeur ne pouvait pas ignorer les droits du Requérant lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux <confocuir.com>, exerçant dans un domaine d’activité directement concurrent.

Le Défendeur a, par courrier en date du 22 mars 2012, fait part au conseil du Requérant des chiffres sur lesquels il serait disposé à discuter d’un prix de rachat par le Requérant. Le Requérant relève que le prix escompté est sans commune mesure avec les frais ordinaires pour l’enregistrement du nom de domaine litigieux <confocuir.com>.

Le Requérant ajoute que l’absence de réaction du Défendeur à la suite de sa mise en demeure du 24 décembre 2012 prouve incontestablement sa mauvaise foi.

B. Défendeur

Le Défendeur conteste la notoriété de la marque CONFO du Requérant qui, selon lui, ne peut être prouvée par les plaquettes publicitaires fournies par le Requérant.

Il fait valoir que le nom de domaine <confo.com> enregistré par le Requérant le 31 mars 2010 ou le 16 novembre 2009, selon la date de référence, n’est pas pertinent car il est dans tous les cas postérieur au nom de domaine litigieux <confocuir.com>, enregistré le 30 septembre 2009.

Il conteste la validité de la marque du Requérant No. 1322277 CONFO enregistrée le 5 septembre 1958, en invoquant la déchéance, ajoute que les marques CONFO sont dépourvues de caractère distinctif, tout en reconnaissant qu’il ne s’agit pas d’un débat à soumettre à la présente Commission administrative.

Le Défendeur conteste le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux <confocuir.com> et les marques du Requérant.

Il considère que la décision rendue par l’AFNIC sur le nom de domaine <confocuir.fr> est une pièce inopérante, dans la mesure où la procédure est différente de la présente procédure basée sur des critères d’appréciation différents et que le Collège qui rend la décision est moins strict sur l’appréciation du premier critère puisqu’il exige simplement que le nom de domaine soit “susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle”. A cet effet, il fait référence à l’article L45-2 - 2° du Code des postes et communications électroniques, qui dispose que :

“Dans le respect des principes rappelés à l'article L. 45-1, l'enregistrement ou le renouvellement des noms de domaine peut être refusé ou le nom de domaine supprimé lorsque le nom de domaine est :

1° (…)

2° Susceptible de porter atteinte à des droits de propriété intellectuelle ou de la personnalité, sauf si le demandeur justifie d'un intérêt légitime et agit de bonne foi”.

Le Défendeur estime que selon les Principes directeurs, la similarité entre le nom de domaine litigieux et les droits invoqués par le Requérant s’apprécie selon les critères de la ressemblance visuelle, sémantique ou phonétique.

Il estime que la marque CONFO du Requérant ne protège que le terme CONFO et que cette protection ne peut être étendue à l’ensemble des combinaisons du mot “confo” avec autre élément. Il relève l’existence d’autres marques protégées par des tiers dont le terme d’attaque est “confo”.

Le Défendeur considère que même si les éléments d’attaque sont identiques, il n’en résulte pas nécessairement un risque de confusion.

Il ajoute que sur le plan phonétique, le nom de domaine litigieux <confocuir.com> se distingue par sa longueur et que conceptuellement, le terme “confo” est la soustraction du terme “confort” qui est un élément laudateur pour désigner des meubles.

Le Défendeur estime que « la marque CONFO ne constitue que le diminutif de “conforama” et qu’elle n’est exploitée que de façon à renvoyer à cette dénomination. “conforama”.

Il conclut à l’absence de risque de confusion entre le nom de domaine litigieux <confocuir.com> et la marque du Requérant.

Le Défendeur revendique un droit et un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <confocuir.com> car la société Confort Cuir était dénommée Confocuir lorsque le nom de domaine litigieux <confocuir.com> a été enregistré et car le nouveau gérant de la société Confort Cuir, qui est l’époux de Madame Adda Dahan la gérante précédente de la société Confocuir, est aussi le copropriétaire de la marque No. 3800692 CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN déposée et enregistrée le 26 janvier 2011 en classes 20 et 27.

Il déclare qu’en proposant de racheter la marque et le nom de domaine pour la somme de 350 EUR HT, le Requérant “a explicitement reconnu les droits du Défendeur” (Pièce du Défendeur n° 10).

Il ajoute que cette validité est confirmée par la décision d’enregistrement de la marque No. 3800692 CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN,en dépit des observations formulées par le Requérant.

Il déclare que le nom de domaine litigieux “correspond donc à la reproduction à l’identique de l’élément verbal de la marque du Défendeur, marque déposée avant que le Défendeur n’ait reçu le premier courrier du Requérant en date du 17 mars 2011 (Annexe 2)”.

Il fait valoir qu’il n’a accepté le changement de la dénomination “confocuir” sur le site Internet que postérieurement à la demande du Requérant, de peur d’être engagé dans une procédure judicaire longue et coûteuse, sans se faire conseiller.

Il refuse de considérer que cette modification constitue une reconnaissance implicite d’un quelconque risque de confusion.

Le Défendeur estime qu’il s’agit d’un litige complexe entre deux marques qui ne saurait trouver une solution par le biais d’une procédure conformément aux Principes directeurs.

Concernant le critère de mauvaise foi, le Défendeur considère que les Principes directeurs exigent cumulativement la démonstration d’un enregistrement et d’un usage de mauvaise foi.

Le Défendeur considère qu’il commercialise via son site Internet et son magasin, des produits présentant une qualité nettement supérieure à ceux du Requérant. Il réfute la notoriété de la marque CONFO du Requérant et estime que ce dernier commercialise des produits milieu de gamme sans rapport avec ceux du Défendeur.

Le Défendeur relève qu’il exploite le nom de domaine litigieux de bonne foi, exploitant son site Internet avec la reproduction de sa marque semi-figurative préalablement à la naissance du conflit. Il ajoute que sa réponse à la proposition de rachat du Requérant ne peut être analysée comme une simple réponse d’un cybersquatteur, mais qu’il s’agit d’une simple réponse provoquée par l’offre du Requérant qui ne saurait l’invoquer comme une preuve de mauvaise foi du Défendeur.

Il fait valoir que le nom de domaine litigieux <confocuir.com> est bien référencé sur Google avec la présence d’annonces, ce qui est le fruit de ses investissements depuis plus de deux ans. Il estime qu’il serait déloyal qu’aucune compensation raisonnable ne soit proposée en dédommagement.

Le Défendeur conclut en soulevant que le litige opposant le Requérant au Défendeur est plus large que la simple question du nom de domaine litigieux et qu’il apparait alors indispensable de régler le différend de façon globale.

6. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 15(a) des Règles d’application: “La Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux principes directeurs, aux présentes règles et à tout principe ou règle qu’elle juge applicable”.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

A titre liminaire, il est rappelé que la question de la validité des marques invoquée par le Requérant en vertu du premier élément des Principes directeurs ne peut effectivement pas être examinée par la Commission administrative dans le cadre de la présente procédure. Si le Défendeur est convaincu de sa position sur l’absence de caractère distinctif des marques invoquées par le Requérant, il lui appartient d’en tirer les conséquences et d’engager une action en nullité devant les instances compétentes à cet égard. En tout état de cause, sur les sept marques invoquées par le Requérant, les trois marques constituées de CONFO sont des marques verbales, dont une marque internationale protégée dans une dizaine de pays. La marque verbale CONFO y a donc été reconnue valable et y est en vigueur.

Le Requérant, la société Conforama Holding, est une société spécialisée dans l’ameublement.

Le Requérant est titulaire de plusieurs marques françaises en vigueur composées de CONFO, en tout ou en partie, et notamment protégées pour les meubles en classe 20 et, en ce qui concerne la marque No. 1322277 CONFO, pour le cuir.

Le nom de domaine litigieux <confocuir.com> reproduit intégralement la marque CONFO, y ajoutant le terme générique “cuir”.

L’ajout d’un terme générique à une marque est insuffisant pour exclure tout risque de confusion, surtout lorsque ce terme est en relation avec les produits désignés par les marques opposées.

Le nom de domaine litigieux <confocuir.com> est susceptible de faire naître un risque de confusion dans l’esprit du public, qui peut penser que le nom de domaine litigieux <confocuir.com> est un nom de domaine du Requérant, servant à désigner plus particulièrement des produits en cuir du Requérant.

La Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <confocuir.com> est semblable, au point de prêter à confusion, aux marques de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits, conformément au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

B. Droit ou intérêt légitime

Le nom de domaine litigieux <confocuir.com> a été initialement enregistré au nom de la société Avanim, pour le compte de la société Confort Cuir (auparavant dénommée Confocuir), le 30 septembre 2009, pour donner accès à un site Internet consacré à la vente de canapés en cuir.

Le Défendeur revendique un droit ou un intérêt légitime en se fondant sur son ancienne dénomination sociale Confocuir et sur la marque No. 3800692 CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN, dont Monsieur Simon Dahan, devenu gérant de la société Confort Cuir, anciennement Confocuir, est copropriétaire Il déclare que cette marque a été déposée en copropriété avant la mise en demeure en date du 17 mars 2011, communiquée par le Défendeur en pièce 2.

Selon les informations communiquées par l’unité d’enregistrement, les données WhoIs communiquées relatives au titulaire du nom de domaine litigieux sont les suivantes :

“Registrant:

Name: DAHAN

First Name: Simon

Organization: CONFORT CUIR

Address: […]

ZIP Code: […]

City: Villeurbanne

Country: France

Phone: […]

E-mail: […]”

Le titulaire d’un nom de domaine peut être une personne physique ou une personne morale. Le rapport consacré à l’extrait WhoIs, en date du 5 décembre 2011, qui est en ligne sur le site “www.icann.org”, fait référence, à sa page 28, au “Registrar Accreditation Agreement” (RAA) ou Contrat d’accréditation des bureaux d’enregistrement, qui lie tous les bureaux d’enregistrement accrédités par l’ICANN et qui identifie notamment le mode de désignation du titulaire du nom de domaine à l’extrait Whois .

A son article 3.7.7.1, le RAA précise “Le titulaire du nom de domaine enregistré doit fournir au bureau d’enregistrement des coordonnées exactes et fiables et doit les corriger rapidement et les mettre à jour pendant la durée de l'enregistrement du nom enregistré, y compris : le nom complet, adresse postale, adresse e-mail, numéro de téléphone et numéro de fax disponibles du titulaire du nom enregistré, le nom de la personne autorisée à des fins de contact dans le cas d'un titulaire de nom de domaine enregistré qui est une organisation, une association ou société, et les éléments de données énumérés dans les sous-sections 3.3.1.2, 3.3.1.7 et 3.3.1.8.”

La Commission administrative est d’avis que dans cette affaire, il résulte de ces dispositions que le titulaire du nom de domaine litigieux est la société Confort Cuir. En effet, le nom de Monsieur Simon Dahan n’est mentionné dans l’extrait WhoIs que depuis décembre 2012 et la Commission administrative considère que c’est aux fins de contacter le titulaire qui est une personne morale. La Commission administrative est donc d’avis que c’est eu égard à la société Confort Cuir que la situation doit être examinée.

La réponse à la plainte comporte en annexe 12 la copie d’une lettre signée par Monsieur Dahan et Monsieur Arissia, en réponse à une lettre du Requérant en date du 8 septembre 2011 : “Nous tenons à vous signaler que la raison sociale et le nom de domaine sont en cours de modification depuis le 30 08 2011, document en possession de notre avocat pour changement de raison […].“.

Or, déjà précédemment, il avait pris le conseil d’un professionnel, comme cela ressort de la mise en demeure en date du 17 mars 2011, communiquée par le Défendeur en pièce 2.

Contrairement à ce que le Défendeur affirme dans sa réponse, la Commission est d’avis qu’il ressort de ces deux pièces que le Défendeur a pris les conseils d‘un professionnel avant de changer de dénomination sociale.

La dénomination sociale Confocuir invoquée ayant été modifiée par le Défendeur suite aux mises en demeure du Requérant, la Commission administrative considère qu’elle ne peut constituer un droit ou un intérêt légitime du Défendeur sur la dénomination Confocuir.

S’agissant de la marque française semi-figurative No. 3800692 CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN, elle a été déposée le 26 janvier 2011, soit très largement après l’enregistrement du nom de domaine litigieux <confocuir.com>, effectué le 30 septembre 2009.

Le Défendeur présente la lettre du Requérant en date du 17 mars 2011, comme la première mise en demeure. Il ressort pourtant de cette lettre du 17 mars 2011 que le Requérant a mis en demeure une première fois Madame Adda Dahan, pour demander le changement de dénomination sociale et la radiation du nom de domaine litigieux, que cette lettre a été suivie d’une réponse d’un avocat, Maître L.J. et que, dans l’intervalle, le Requérant a identifié le dépôt de la marque CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN, en date du 26 janvier 2011. Ces faits ne sont pas contestés.

Le Défendeur revendique l’usage de “Confocuir” comme dénomination sociale depuis 2009, suivi du dépôt de la marque en janvier 2011.

Le dépôt de cette marque est largement postérieur à l’enregistrement du nom de domaine, en date du 30 septembre 2009. Au vu des pièces déposées au dossier, la Commission administrative estime que, outre le fait que le Défendeur n’en est pas propriétaire, ’il est très vraisemblablement intervenu après que le Requérant ait informé Madame Adda Dahan de ses droits sur l’expression “Confo” en France et après qu’il lui ait été demandé de modifier la dénomination sociale de la société Confocuir et de procéder à la radiation du nom de domaine litigieux.

Le dépôt et l’enregistrement d’une marque ne suffisent pas à caractériser un droit ou un intérêt légitime, comme cela a déjà été retenu dans de précédentes décisions (Madonna Ciccone, p/k/a Madonna c. Dan Parsi and Madonna.com, Litige OMPI No. D2000-0847, Beca Inc c. CanAm Health Source, Inc. Litige OMPI No. D2004-0298). Les éléments à prendre en compte sont en particulier la chronologie et la connaissance de la marque du Requérant et l’intention du Défendeur, au jour de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Le dépôt de la marque doit avoir été effectué de bonne foi et aux fins d’un usage également de bonne foi, dans le pays de protection de la marque du Défendeur (Madonna Ciccone, p/k/a Madonna c. Dan Parsi and Madonna.com, Litige OMPI No. D2000-0847).

Eu égard à la renommée du Requérant pour l’ameublement, à ses droits sur les marques composées en tout ou en partie de “Confo” et à l’enregistrement du nom de domaine litigieux pour mettre en ligne un site de vente de canapés en cuir, la Commission administrative considère que le Défendeur ne peut pas prétendre avoir utilisé la nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services. En effet, pour la Commission administrative, il ne justifie pas être connu sous le nom de domaine litigieux ni avoir fait un usage non commercial légitime ou loyal du nom de domaine litigieux.

Dans les circonstances de cette affaire, la Commission administrative considère que la précédente dénomination sociale du Défendeur ainsi que le dépôt de la marque CONFOCUIR LE N°1 EUROPEEN DU DESIGN par Messieurs Antonio Arissia et Simon Dahan ne sauraient permettre au Défendeur de se baser sur ces éléments afin de démontrer qu’il possède un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

La Commission administrative est donc d’avis qu’aucun des droits revendiqués par le Défendeur dans cette affaire ne permet de caractériser un droit ou un intérêt légitime.

La Commission administrative considère que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux <confocuir.com> ni intérêt légitime qui s’y attache, conformément aux paragraphes 4(a)(ii) et 4(c) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le Requérant est une société très connue du grand public en France, ce qui n’est pas contesté eu égard aux pièces communiquées. Elle est spécialisée dans l’ameublement, utilisant très largement ses marques CONFO dans sa communication, diminutif de CONFORAMA.

Pour la Commission administrative, le terme “confo” n’est ni un préfixe, ni une abréviation d’un terme du langage courant ou professionnel.

Le Défendeur réside lui-même en France et exerce la même activité que le Requérant. Le nom de domaine litigieux <confocuir.com> est exploité pour un site Internet proposant des produits d’ameublement en cuir, produits directement concurrents de ceux commercialisés par le Requérant.

Comme le déclare le Défendeur, la marque CONFO renvoie à la marque CONFORAMA, qui est aussi la dénomination sociale du Requérant. Le diminutif naturel de “Conforama” est effectivement “Confo” et le Requérant a protégé ces deux dénominations à titre de marque, en France et à l’étranger. Le Requérant est donc en mesure d’opposer ses droits aux tiers, indépendamment du débat sur la renommée ou la notoriété.

Le Défendeur a modifié sa dénomination sociale ainsi que le site Internet correspondant au nom de domaine litigieux <confocuir.com> suite aux mises en demeure successives du Requérant. Pour la Commission administrative, ce changement démontre sa reconnaissance implicite du bien fondé des demandes du Requérant.

Le Défendeur ne pouvait ignorer la marque CONFO et la Commission administrative considère que le Défendeur devait nécessairement avoir à l’esprit la marque du Requérant lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux. Le fait que la dénomination de la société Confort Cuir était autrefois Confocuir ne saurait convaincre la Commission administrative de la bonne foi du Défendeur lors de l’enregistrement du nom de domaine, pour les raisons déjà exposées.

Pour la Commission administrative, l’enregistrement du nom de domaine litigieux a été effectué de mauvaise foi.

Le Défendeur a fait le choix d’exploiter le nom de domaine litigieux <confocuir.com> pour une activité concurrente de celle du Requérant. Il a continué cette exploitation en étant parfaitement informé des droits du Requérant et de ses intentions, tout en adoptant la dénomination sociale Confort Cuir, pour se conformer partiellement aux demandes du Requérant. Il a ainsi généré une confusion préjudiciable aux intérêts du Requérant, caractérisant un usage de mauvaise foi.

Dans son courrier en date du 20 juillet 2011, qu’il communique, le Défendeur déclare être prêt à envisager la cession de la marque et du nom de domaine, en ajoutant “Sachez par ailleurs que nous sommes actuellement en discussion avec certains de nos concurrents”. La proposition du Défendeur sur la contrepartie financière d’un accord amiable a consisté à avancer notamment le montant de 540,000 EUR comme chiffre d’affaires réalisé avec la marque de 2009 à 2011, sans aucun justificatif, tel qu’un bilan ou des données comptables. La réponse à la plainte n’apporte aucun élément de nature à expliquer les sommes citées.

Pour la Commission administrative, cette situation démontre que l’objectif du Défendeur était notamment de monnayer le transfert du nom de domaine litigieux, ce qui contribue à caractériser un usage de mauvaise foi.

Pour ces raisons, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <confocuir.com> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur, selon les paragraphes 4(a)(iii) et 4(b)(iii et iv) des Principes directeurs.

7. Décision

Conformément aux paragraphes 4(i) des principes directeurs et 15 des règles, le Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <confocuir.com> au Requérant.

Marie-Emmanuelle Haas
Expert Unique
Le 5 avril 2013