Centre d’arbitrage et de médiation de L’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Ligue de Football Professionnel (LFP) contre Hartout Mourad

Litige No. D2014-0013

1. Les parties

Le Requérant est Ligue de Football Professionnel (LFP), Paris, France, représenté par Cabinet Christophe Caron (A.A.R.P.I), France.

Le Défendeur est Hartout Mourad, Richwiller, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <ligue1.biz>.

L'unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Ascio Technologies Inc.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée en français par Ligue de Football Professionnel (LFP) auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 7 janvier 2014.

En date du 8 janvier 2014, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Ascio Technologies Inc. aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 10 janvier 2014, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le 13 janvier 2014, le Centre a communiqué aux parties que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux était l’anglais et a invité le Requérant à fournir au Centre au moins une des preuves suivantes: (i) la preuve suffisante d’un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en français; ou (ii) déposer une plainte traduite en anglais; ou (iii) déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure.

Le 13 janvier 2014, le Requérant a confirmé qu’il avait déjà soumis une demande dans sa plainte afin que la langue de la procédure soit le français. Le Défendeur, invité à se prononcer sur la question de la langue de la procédure, n’a pas fait parvenir d’observations à cet égard.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 21 janvier 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 février 2014. Le 6 févier 2014, le Centre a reçu une communication du Défendeur, selon laquelle il accepterait le transfert du nom de domaine litigieux au profit du Requérant. Suite à l’accusé de réception du Centre, en date du 7 février 2014, le Requérant a communiqué au Centre qu’il ne souhaitait pas régler le litige à l’amiable. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle. En date du 13 févier 2014, le Centre notifiait le commencement du processus de notification de l’expert aux parties.

En date du 18 février 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

En accord avec la demande du Requérant, et conformément aux dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d’application, l’Expert adopte le français comme langue de procédure dans le cadre de la présente plainte. Puisqu’en effet, le Requérant est une personne morale immatriculée et domiciliée en France, et le Défendeur est une personne physique domiciliée en France.

4. Les faits

La Ligue de Football Professionnel (LFP) est une association française déclarée.

La LFP gère diverses compétitions et notamment les deux championnats professionnels de football. Le championnat de France de football masculin créé en 1932 se dénomme depuis 2002 la “Ligue 1”.

A cet effet, la LFP est titulaire de plusieurs marques:

- Une marque verbale française LIGUE 1, déposée le 15 avril 2002, n° 3159505;

- Une marque internationale verbale LIGUE 1, déposée le 15 avril 2002, n° 812253;

Le nom de domaine litigieux <ligue1.biz> a été déposé le 9 octobre 2013.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Les arguments exposés par le Requérant pour solliciter le transfert du nom de domaine litigieux peuvent être résumés comme suit:

D’une part, le nom de domaine litigieux est identique et est de nature à prêter à confusion avec les marques LIGUE 1 dont le Requérant est le propriétaire. Les adjonctions propres à l’adressage ne sont pas de nature à écarter le risque de confusion, risque qui en l’espèce est accentué par la notoriété des marques LIGUE 1.

D’autre part, le Défendeur n’a aucun droit ni aucun intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. En effet, le Défendeur ne dispose d’aucune marque identique à son nom de domaine et l’enregistrement du nom de domaine litigieux est intervenu postérieur à l’enregistrement des marques LIGUE 1 du Requérant. Le Requérant n’a cédé ni concédé aucune licence au Défendeur pour l’usage des marques précitées. Il n’existe aucune relation de quelque nature que ce soit entre les parties en cause sur laquelle le Défendeur pourrait légitimement faire valoir un droit à enregistrer et utiliser le nom de domaine litigieux. Corrélativement, le Défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux, et il n’utilise pas le nom de domaine litigieux ou un nom correspondant au nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services, puisque le site auquel le nom de domaine litigieux renvoie est inactif.

Enfin, le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Les marques LIGUE 1 sont notoirement connues en France. En conséquence, il n’était pas possible d’enregistrer de manière fortuite le nom de domaine litigieux comportant à l’identique la marque LIGUE 1. Le Défendeur n’a pas effectué de recherche d’antériorité lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux afin de s’assurer de ses droits. Le nom de domaine litigieux dirige vers un site inactif mais ce comportement est caractéristique d’un usage de mauvaise foi lorsqu’il y a reproduction d’une marque antérieure notoire que le Défendeur connaissait nécessairement. Ainsi, le nom de domaine litigieux a été enregistré aux fins d’être cédé au propriétaire de la marque notoire ou d’attirer à des fins lucratives les utilisateurs de l’Internet, en bénéficiant de la notoriété des marques notoires invoquées.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas émis de réponses aux arguments invoqués dans la présente plainte du Requérant.

Néanmoins, dans un courriel en date du 6 février 2014, le Défendeur a indiqué ce qui suit: “Je ne comprends pas l’objet de la plainte. Si c’est pour récupérer le nom de domaine www.ligue1.biz par la LFP, cela ne me dérange pas. Je suis ok pour leur laisser”.

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes soient réunies cumulativement:

(i) Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits ; et

(ii) Le défendeur ne dispose d’aucune droit sur le nom de domaine ni aucune intérêt légitime qui s’y attache ; et

(iii) Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En l’espèce, l’Expert considère que l’expression d’un consentement unilatéral, authentique et dépourvu d’équivoque par le Défendeur, en vue du transfert du nom de domaine litigieux au Requérant, fournit une base suffisante pour décider du transfert du nom de domaine litigieux sans avoir à prendre en considération les conditions du paragraphe 4(a) des Principes directeurs.

Cette approche a été validée dans de nombreuses décisions. Ainsi, dans la décision The Cartoon Network LP, LLLP v. Mike Morgan, Litige OMPI No. D2005-1132, l’expert a décidé que lorsque le requérant demande le transfert du nom de domaine et que le défendeur consent à ce transfert, l’expert peut immédiatement procéder à la décision de transfert en application du paragraphe 10 des Règles d’application. Une même solution a été retenue dans l’affaire Infoxx.inc v. Lou Kerner, WildSites.com, Litige OMPI No. D2008-0434 par exemple.

En l’espèce, l’Expert constate que le Défendeur ayant émis son consentement unilatéral, authentique et dépourvu d’équivoque au transfert du nom de domaine litigieux, et partant il est approprié de décider du transfert sans procéder à une analyse des critères énumérés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs (Williams-Sonoma, Inc v. EZ-Port, Litige OMPI No. D2000-0207).

7. Décision

Pour les raisons précitées, conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 10 et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <ligue1.biz> soit transféré au Requérant.

Martine Dehaut
Expert Unique
Le 3 mars 2014