Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Sanofi contre Benoit Menetrieux

Litige No. D2014-0835

1. Les parties

Le Requérant est la société Sanofi de Paris, France, représenté par Marchais & Associés, France.

Le Défendeur est Monsieur Benoit Menetrieux de Paris, France (et Luc Bernard) de Montrouge, France.

2. Noms de domaine et unité d'enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine suivants:

<sanofi.management>
<sanofi.technology>
<sanofi.training>.

L'Unité d'Enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est Key-Systems GmbH dba domaindiscount24.com ("Unité d'Enregistrement").

3. Rappel de la procédure

Une Plainte a été déposée an anglais par le Requérant auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 20 mai 2014.

En date du 21 mai 2014, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'Enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 22 mai 2014, l'Unité d'Enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant une identité différente du titulaire des noms de domaine litigieux, et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignées dans la Plainte. Le 28 mai 2014, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire des noms de domaine litigieux telles que communiquées par l'Unité d'Enregistrement et invitant le Requérant à soumettre une Plainte amendée.

Le même jour le Centre a informé le Requérant que la langue du contrat d'enregistrement des noms de domaine litigieux était le français, et l'a invité à soumettre une plainte amendée ou à justifier du maintien de l'anglais comme langue de procédure.

Le Requérant a sollicité une suspension de procédure pour négocier un accord amiable avec le Défendeur. La procédure a été suspendue pour 30 jours jusqu'au 27 juin 2014.

Dans le même temps, M. Bernard a pris contact avec le Centre, le 28 mai 2014, pour indiquer qu'il n'était en rien concerné par la procédure, qu'il n'était pas à l'origine de l'enregistrement des noms de domaine litigieux et que son identité avait été usurpée par le véritable titulaire des noms de domaine.

Le 5 juin 2014, le Requérant informe le Centre des problèmes qu'il rencontre pour finaliser une transaction dans ce dossier: s'étant rapproché de l'Unité d'Enregistrement, M. Bernard ne parvient pas à obtenir les codes d'autorisation des noms de domaine litigieux car, selon l'Unité d'Enregistrement, il n'est pas le titulaire des noms de domaine litigieux. Selon le Centre, qui se base sur les renseignements communiqués par l'Unité d'Enregistrement le 22 mai 2014, c'est bien M. Bernard qui est renseigné comme titulaire dans la base de données WhoIs.

Après de multiples échanges entre le Requérant et le Centre, la procédure reprend le 10 juillet 2014 et le Requérant fait parvenir au Centre un accord signé avec le Défendeur, M. Bernard, par lequel les parties s'accordent pour déroger à la langue de procédure déterminée par le contrat d'enregistrement, et retenir l'anglais comme langue de la procédure.

Le même jour, le Centre reçoit un courrier électronique de M. Menetrieux qui indique avoir transmis les codes d'autorisation des noms de domaine litigieux au Requérant le 18 juin 2014. Il précise qu'il ne parle pas anglais.

Le 15 juillet 2014, le Requérant réagit à la correspondance de M. Menetrieux et justifie ainsi sa demande de poursuite de la procédure:

- l'Unité d'Enregistrement refuse de modifier l'adresse e-mail du titulaire des noms de domaine litigieux,

- l'Unité d'Enregistrement ne donne pas suite aux requêtes de M. Bernard d'obtenir les codes d'autorisation,

- ceci alors même que M. Menetrieux n'est pas titulaire des noms de domaine litigieux d'après la base de données WhoIs,

- il n'existe aucune garantie de transfert des noms de domaine litigieux en cas de clôture de la procédure.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 21 juillet 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une Réponse était le 10 août 2014. Le Défendeur M. Menetrieux a fait parvenir une réponse informelle le 10 juillet 2014 et M. Bernard a pour sa part transmis une réponse informelle le 4 août 2014.

En date du 26 août 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Alexandre Nappey. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.

4. Les faits

Le Requérant est la société française Sanofi spécialisée dans le domaine pharmaceutique et notamment dans la fabrication et la vente de produits avec ou sans prescription médicale.

Le Requérant est la première entreprise pharmaceutique française et était la cinquième au niveau mondial en 2011.

Le Requérant exploite la dénomination "Sanofi" dans le cadre de son activité à titre de dénomination sociale, de nom commercial et d'enseigne depuis plusieurs décennies.

Le Requérant est également titulaire de plusieurs marques constituées ou composées de la dénomination "Sanofi" parmi lesquelles notamment:

- la marque nominale française (numéro 1 482 708) SANOFI déposée le 11 août 1988 et enregistrée pour des produits et services en classes 1, 3, 4, 5, 10, 16, 25, 28 et 31;

- la marque verbale internationale (numéro 674 936) SANOFI déposée le 11 juin 1997 et enregistrée pour des produits et services en classes 3 et 5;

- la marque verbale communautaire (numéro 4 182 325) SANOFI déposée le 15 juillet 1997 et enregistrée pour des produits et services en classes 3 et 5; cette marque a fait l'objet d'un dépôt complémentaire le 8 décembre 2004 pour des produits et services en classes 1, 9, 10, 16, 38, 41, 42 et 44;

- la marque semi-figurative française (numéro 3 831 59)2 SANOFI déposée le 16 mai 2011 et enregistrée pour des produits et services en classes 1, 3, 5, 9, 10, 16, 35, 38, 40, 41, 42 et 44;

- la marque semi-figurative internationale (numéro 1 091 805) SANOFI déposée le 18 août 2011 et enregistrée pour des produits et services en classes 1, 3, 5, 9, 10, 16, 35, 38, 40, 41, 42 et 44.

Ces marques ont été renouvelées à leur échéance et sont donc en vigueur au jour du dépôt de la Plainte par le Requérant.

Le Requérant est en outre titulaire de plusieurs noms de domaine constitués de la dénomination "Sanofi" parmi lesquels notamment:

- <sanofi.com> enregistré le 13 octobre 1995;

- <sanofi.org> enregistré le12 juillet 2001;

- <sanofi.info> enregistré le 24 août 2001;

- <sanofi.biz> enregistré le 19 novembre 2001;

- <sanofi.net> enregistré le 16 mai 2003;

- <sanofi.ca> enregistré le 5 janvier 2004;

- <sanofi.eu> enregistré le 12 mars 2006;

- <sanofi.mobi> enregistré le 20 juin 2006;

- <sanofi.fr> enregistré le 10 octobre 2006;

- <sanofi.tel> enregistré le 17 mars 2011;

- <sanofi.us> enregistré le 16 mai 2012;

Le Requérant présente l'ensemble de son activité ainsi que les produits qu'il commercialise sur un site Internet accessible notamment à l'adresse "www.sanofi.fr" ou "www.sanofi.com".

L'identité du Défendeur fait débat dans la présente affaire, elle sera déterminée par la Commission dans la décision.

Le Défendeur a enregistré les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> le 14 avril 2014.

A la date de la présente Décision, les noms de domaine litigieux renvoient vers le site Internet officiel du Requérant accessible à partir de l'adresse suivante "www.sanofi.com".

5. Argumentation des parties

A. Requérant

En premier lieu, le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> sont identiques ou similaires au point de prêter à confusion avec les droits antérieurs qu'il détient à titre de marque et de noms de domaine sur la dénomination distinctive "Sanofi" qu'il exploite depuis plus de 40 ans dans le cadre de son activité:

- le Requérant soutient ainsi que les noms de domaine litigieux reproduisent à l'identique ses marques et noms de domaine antérieurs qui ont un caractère intrinsèquement fortement distinctif, ce qui entraîne irrémédiablement un risque de confusion dans l'esprit du public qui est susceptible de penser qu'ils appartiennent au Requérant;

- le Requérant soutient également que les nouvelles extensions gTLD ".management", ".technology" et ".training" utilisées par le Défendeur et placées après la dénomination "Sanofi" augmentent le risque de confusion avec ses droits antérieurs puisque le Requérant exerce ses activités à l'échelle internationale;

- le Requérant estime que le Défendeur crée inévitablement un risque de confusion en laissant conduire les noms de domaine litigieux à l'un des sites Internet officiels du Requérant;

- le Requérant ajoute que ce risque de confusion est aggravé par la notoriété des marques, dénominations sociales, noms commerciaux, enseignes et noms de domaine du Requérant.

En deuxième lieu, le Requérant soutient que le Défendeur n'a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache:

- le nom du Défendeur ne présente aucune ressemblance avec le terme "Sanofi" qui a un fort caractère distinctif, de sorte que le Défendeur n'a ni droit ni intérêt légitime de nature à justifier l'utilisation de la dénomination "Sanofi" qui est renommée en France et au niveau international;

- le Requérant n'a jamais autorisé le Défendeur à faire usage de la dénomination distinctive "Sanofi";

- le Défendeur ne fait pas un usage légitime non commercial ou loyal des noms de domaine litigieux puisque les nom de domaine litigieux renvoient vers le site Internet officiel du Requérant "www.sanofi.com".

En troisième lieu, le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi:

- le Requérant soutient que compte tenu de la renommée de la dénomination "Sanofi", le Défendeur avait nécessairement connaissance de l'existence de la marque antérieure du Requérant au moment de l'enregistrement des noms de domaine litigieux et a dès lors nécessairement agi de mauvaise foi.

- le Requérant soutient en outre que le Défendeur a enregistré de mauvaise foi d'autres noms de domaine constitués de la dénomination "Sanofi" et qu'il est à ce titre poursuivi par le Requérant dans d'autres procédures UDRP en cours.

- le Requérant soutient également que le Défendeur se serait rendu coupable de cyber-flying, pratique sanctionnée par la jurisprudence UDRP, puisqu'il aurait modifié le nom du titulaire apparaissant sur le WhoIs des noms de domaine litigieux postérieurement à sa réception de la mise en demeure qui lui a été adressée par le Réquérant.

- le Requérant soutient enfin que le Défendeur utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi dans la mesure où ce dernier redirige vers le site Internet institutionnel du Requérant, créant de ce fait une confusion et surtout alors même que le Requérant n'a aucun contrôle sur cette redirection.

Sur la base de l'ensemble de ces éléments, le Requérant sollicite le transfert des noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> à son profit.

B. Défendeur

Les Défendeurs, qu'il s'agisse de M. Menetrieux ou M. Bernard n'ont pas formellement répondu à la Plainte.

Par courrier électronique du 28 mai 2014, alors qu'il venait d'être désigné par l'Unité d'Enregistrement comme le véritable titulaire des noms de domaine litigieux, Luc Bernard (et non pas Jean-Luc Bernard comme indiqué sur le WhoIs) a nié toute implication dans le dépôt des noms de domaine litigieux et dénoncé une usurpation d'identité.

Suite à ce message, M. Bernard est entré en discussion avec le Requérant pour tenter de résoudre le litige à l'amiable, la procédure a été suspendue à cette fin. Toutefois, les difficultés rencontrées pour obtenir les informations techniques nécessaires auprès de l'Unité d'Enregistrement ont conduit les parties à réinstituer la procédure le 10 juillet 2014.

Ce même jour, M. Menetrieux a adressé à son tour un courrier électronique au Centre pour indiquer qu'il avait transmis les codes d'autorisation au Requérant le 18 juin 2014 et que ce dernier s'était engagé à retirer sa Plainte.

Le 4 août 2014, M. Bernard a adressé une nouvelle correspondance au Centre pour réitérer qu'il n'était pas à l'origine des dépôts de noms de domaine litigieux.

Faisant état de ses échanges avec l'Unité d'Enregistrement, il soutient que le véritable titulaire des noms de domaine litigieux est M. Menetrieux, nonobstant les informations figurant dans la base WhoIs. Pour preuve selon lui, le fait que l'Unité d'Enregistrement ait refusé de lui communiquer les codes d'autorisation des noms de domaine litigieux, au prétexte qu'il n'était pas d'après elle le déposant des noms de domaine litigieux.

Le 6 août 2014, M. Bernard a produit l'intégralité de ses échanges avec l'Unité d'Enregistrement.

6. Discussion et conclusions

La Commission administrative doit déterminer si les trois conditions posées par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont réunies, à savoir :

- les noms de domaine litigieux sont identiques ou similaires au point de prêter à confusion avec une marque de produit ou de service appartenant au Requérant;

ii) le Défendeur n'a aucun droit ou intérêt légitime à l'utilisation des noms de domaine litigieux; et

iii) le Défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.

A. A titre préliminaire

A.1. Langue de procédure

Le paragraphe 11(a) des Règles d'application prévoit que, sauf convention contraire, la langue de la procédure entre les parties est celle du contrat d'enregistrement. Toutefois, la Commission administrative peut décider qu'ilen sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative.

Le Requérant a soumis sa Plainte en anglais, alors que l'Unité d'Enregistrement a confirmé que la langue du Contrat d'enregistrement était le français.

Par courrier électronique du 10 juillet 2014, le Requérant a produit un document signé par lui et M. Bernard, désigné comme Défendeur, indiquant que les parties se sont entendues pour que la langue de procédure soit l'anglais.

Ce type d'accord dérogatoire est acceptable d'après les dispositions de l'article 11 (a) des Règles d'application.

Ceci étant, la Commission administrative ne peut que constater que l'identité du Défendeur pose question dans ce dossier.

Or, l'accord dérogatoire soumis par le Requérant est signé par M. Bernard en qualité de Défendeur, alors même que ce dernier nie par ailleurs être le déposant des noms de domaine litigieux, c'est-à-dire le Défendeur dans la présente affaire.

Par ailleurs, dans son courrier électronique du 10 juillet 2014, adressé au Centre, M. Menetrieux indique qu'il ne parle pas l'anglais.

Considérant, d'une part que le Requérant et les deux Défendeurs présumés sont français et établis en France, que la langue du contrat d'enregistrement est le français, que les sites Internet activés actuellement sous les noms de domaine litigieux sont accessibles en français, il n'est pas inéquitable de trancher le présent litige en français.

Au contraire, il semblerait inéquitable de trancher la procédure en anglais dès lors que M. Menetrieux, qui est également Défendeur dans cette affaire, a indiqué ne pas maîtriser cette langue.

Rendre la Décision en français ne sera en revanche préjudiciable ni pour le Requérant ni pour M. Bernard, nonobstant l'accord dérogatoire qu'ils ont signé, sans doute pour des raisons pratiques, afin d'éviter au

Requérant de traduire sa plainte initiale en anglais.

Dès lors, en vertu des dispositions du paragraphe 11(a) des Règles d'application, la Commission administrative confirme que la langue de la procédure administrative est le français.

A.2. Identité du Défendeur

Sur les faits, la Commission administrative renvoie aux développements des Sections 3 ("Rappel de la procédure"), 4 ("Les faits") et 5 ("Argumentation des parties") de la présente Décision.

Au jour du dépôt de la Plainte, les noms de domaine litigieux étaient enregistrés au nom de Benoît Menetrieux.

Lorsqu'elle a vérifié les coordonnées du titulaire à la requête du Centre, l'Unité d'Enregistrement a constaté que les noms de domaine litigieux avaient pour titulaire "Jean Luc Bernard".

Ce dernier a indiqué qu'il se nommait "Luc Bernard" et non pas "Jean Luc Bernard",a toujours nié être à l'origine des dépôts, et être victime d'une usurpation de son identité. Ces faits sont corroborés par les déclarations de l'Unité d'Enregistrement à l'occasion des échanges intervenus avec M. Bernard.

En effet, lorsque ce dernier est intervenu auprès de l'Unité d'Enregistrement pour obtenir les codes d'autorisation qui auraient permis au Requérant de transférer les noms de domaine litigieux et de clôturer la procédure, il lui a été répondu que les noms de domaine litigieux avaient été déposés par "un gros client, Benoît MENETRIEUX". Tout en apparaissant sur la base de données WhoIs comme titulaire, M. Bernard n'a jamais pu obtenir la modification de son adresse de contact ni les codes d'autorisation afférents aux noms de domaine litigieux, au motif qu'il n'était pas à l'origine des dépôts.

De plus, par un courrier électronique du 10 juillet 2014 au Centre, M. Menetrieux reconnaît implicitement être à l'origine des dépôts de noms de domaines litigieux. En effet, il indique avoir transmis les codes d'autorisation au Requérant dès le 18 juin 2014. Or, seul le titulaire véritable des noms de domaine litigieux dispose de cette information, si l'on en croit les informations communiquées par l'Unité d'Enregistrement à M. Bernard lors de leurs échanges écrits.

La Commission administrative observe par ailleurs que M. Menetrieux a déjà été condamné pour des faits similaires dans une récente procédure URS ("Uniform Rapid Suspension"), voir HOCHTIEF Aktiengesellschaft v. Benoît MENETRIEUX à propos de <hochtief.careers> et <hochtief.international>, Litige NAF No. 1572632.

La Commission administrative note que le paragraphe 8(a) des Principes directeurs stipule:

"8. Transfert au cours d'un litige.

a. Transfert d'un nom de domaine à un nouveau détenteur.

Vous ne pouvez pas transférer l'enregistrement de votre nom de domaine à un autre détenteur i) pendant qu'une procédure administrative visée au paragraphe 4 est en instance et pendant les quinze (15) jours ouvrables (selon la pratique constatée au lieu de notre principal établissement) suivant la clôture de cette procédure, ni ii) pendant qu'une action en justice ou une procédure d'arbitrage concernant votre nom de domaine est en instance, à moins que la personne à qui l'enregistrement du nom de domaine est transféré accepte, par écrit, d'être liée par la décision du tribunal ou de l'arbitre. Nous nous réservons le droit d'annuler tout transfert d'enregistrement d'un nom de domaine à un autre titulaire qui serait fait

en violation des dispositions du présent alinéa."

Si les Règles d'application de l'UDRP stipulent au paragraphe 1 "Définitions" : "Défendeur : le titulaire de l'enregistrement d'un nom de domaine contre lequel une plainte est introduite.", la Commission administrative considère que le Défendeur est la personne qui exerce le contrôle effectif sur le nom de domaine litigieux, et ce même s'il n'apparaît pas, ou plus, dans la base de données WhoIs.

En l'espèce, la lecture combinée des paragraphes 8(a) des Principes directeurs et 1 des Règles d'application conduisent la Commission administrative à estimer que M. Menetrieux s'est rendu coupable de "cyberflying" en transférant les noms de domaine litigieux à un tiers après la soumission de la Plainte au Centre par le Requérant.

De surcroît, il semble qu'en réalité, ce transfert apparent sur la base WhoIs ne soit pas réel puisque M. Bernard n'a jamais eu le contrôle effectif sur les noms de domaine litigieux, lui permettant d'obtenir les codes d'autorisation à transmettre au Requérant, et que l'Unité d'Enregistrement a répété à plusieurs reprises que les noms de domaine litigieux avaient été enregistrés par M. Menetrieux. Ce dernier a confirmé dans sa communication au Centre le 10 juillet 2014.

Par conséquent, au vu des Principes directeurs et des Règles d'application, au vu des éléments du dossier et des pièces versées par les parties, au vu des précédents et autres procédures en cours, il apparaît que le Défendeur dans la présente affaire est M. Menetrieux exclusivement.

B. Sur le fond

B.1. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant revendique des droits antérieurs (marques et noms de domaine) sur la dénomination "Sanofi" reprise à l'identique dans les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training>.

Le Requérant démontre qu'il a des droits sur des marques nominales constituées de la dénomination "Sanofi", mais également sur des marques semi-figuratives constituées de la même locution "Sanofi" et d'un graphisme représentant un oiseau stylisé dont la silhouette se découpe sur une planète à 3 couleurs, ceci depuis 1988 en France, au plan communautaire et au plan international.

La Commission administrative estime que les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> sont similaires au point de prêter à confusion avec la dénomination "Sanofi" présente dans les marques antérieures nominales et semi-figuratives du Requérant.

L'ajout des extensions ".management", ".technology" et ".training" ne vient en aucun cas diminuer le risque de confusion avec les marques antérieures du Requérant.

Au contraire, la Commission administrative estime que, les termes "management", "technology" et "training" étant des termes descriptifs aisément compréhensibles par le public et les internautes, même francophones, ils évoqueront au public l'organisation et les activités du Requérant.

A cet égard, il est clairement établi que les noms de domaine génériques de premier niveau ("gTLD") ne doivent pas être prises nécessairement en compte dans l'évaluation du risque de confusion en vertu du paragraphe 4 (a) (i) des Principes directeurs.

Cela a d'ailleurs été jugé récemment dans l'affaire Koninklijke KPN N.V. v Marijn Vlug, Litige OMPI No. D2014-1116: "It is well established that gTLDs may typically be disregarded in the assessment under paragraph 4(a)(i) of the Policy (e.g. Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, WIPO Case No. D2000-0003), and, in the present case at least, this is not different for the new gTLD '.international' ".

Dans ce contexte, la Commission administrative estime que les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> sont similaires au point de prêter à confusion avec les marques antérieures SANOFI appartenant au Requérant.

B.2. Droits ou intérêt légitime

Il appartient au Requérant de démontrer que le Défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime qui se rapporte aux noms de domaine litigieux, à tout le moins qu'il établisse la présomption de cette absence, à charge pour le Défendeur de renverser cette présomption.

En l'espèce, Il apparaît que le nom du Défendeur "Benoit MENETRIEUX" ne présente aucune ressemblance avec le terme "Sanofi".

Par ailleurs, il ressort de la Plainte que le Requérant n'entretient aucun lien avec le Défendeur et n'a pas autorisé ce dernier à utiliser les marques SANOFI sur lesquelles il détient des droits.

Il est avéré qu'à la date de la présente Décision les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> renvoient vers le site Internet officiel du Requérant "www.sanofi.com", ce qui ne constitue pas en tant que tel un intérêt légitime à détenir les noms de domaine litigieux en l'absence d'une autorisation expresse du Requérant.

Cela a d'ailleurs été jugé à plusieurs reprises, voir notamment Groupe Auchan v.Slawomir Cynkar, Litige OMPI No. D2009-0314: "The fact that the disputed domain names now direct to one of the Complainant's websites "www.group-auchan.com" does not diminish the fact that they are used in bad faith. This is not a legitimate offer of goods or services. Respondent is not authorized to use Complainant's trademark AUCHAN in any way. Beside this the Complainant has no control over this re-direction which could therefore be changed by the sole will of Respondent at any time.".

La Commission administrative estime que le Requérant a établi une présomption d'absence de droit ou d'intérêt légitime qui n'a pas été renversée par le Défendeur.

Dans ces conditions, la Commission administrative estime que le Défendeur n'a pas de droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache.

B.3. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi par le Défendeur.

Concernant l'enregistrement des noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training>, la Commission administrative considère que la dénomination choisie par le Défendeur n'a rien d'usuel ou de générique puisqu'elle est protégée à titre de marque en France et au niveau communautaire au bénéfice du Requérant.

Au surplus, l'ancienneté de ces marques et le rayonnement mondial indéniable de l'activité du Requérant depuis plusieurs décennies sous la dénomination "Sanofi" conduisent la Commission administrative à considérer que ces marques bénéficient d'une incontestable notoriété, tant en France, pays dans lequel le Défendeur est également domicilié, qu'au niveau international.

La notoriété de la marque SANOFI a d'ailleurs été reconnue à de multiples reprises dans des décisions rendues sous l'égide des Principes directeurs, notamment dans les affaires suivantes:

- Sanofi v. Farris Nawas, Litige OMPI No. D2014-0705;

- Sanofi v. Kevin Murdock/Med Chem, Inc/Vessel Medical, Inc, Litige OMPI No. D2013-2086;

- Sanofi v. Bo Li, Litige OMPI No. D2013-1971;

- Sanofi v. vddfwees qqweadsgg, Litige OMPI No. D2013-1740.

Dans ce contexte, la Commission adminsitrative considère que le Défendeur ne pouvait pas ignorer l'existence des droits du Requérant au moment où il a enregistré les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training>.

Ces enregistrements ont donc été réalisés de mauvaise foi par le Défendeur.

Quant à leur usage, il est également effectué de mauvaise foi puisque, comme le démontre le Requérant, les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training>, ont fait l'objet d'une redirection vers le site Internet "www.sanofi.com" du Requérant.

Ce renvoi prouve au besoin que le Défendeur connaissait l'existence de la société Requérante Sanofi et de ses droits sur la dénomination "Sanofi".

Cette redirection vers le site Internet du Requérant, sans son autorisation, constitue assurément un usage de mauvaise foi. En effet, à défaut de contrôle du Requérant sur les noms de domaine itigieux, le Défendeur pourrait aisément et à tout moment modifier la redirection des noms de domaine litigieux vers un contenu susceptible de porter atteinte aux intérêts du Requérant. Il pourrait également l'utiliser à titre de support de courrier électronique et désorganiser gravement les activités du Requérant ou détourner sa clientèle à son profit.

Voir sur ce point Groupe Auchan v. Slawomir Cynkar, supra..

Par ailleurs, les agissements du Défendeur qui a modifié les coordonnées du titulaire des noms de domaine litigieux dès la notification de la Plainte soumise par le Requérant, s'apparentant à du cyberflying constituent un indice supplémentaire de sa mauvaise foi.

Enfin, la Commission administrative rappelle les antécédents du Défendeur, récemment condamné pour des faits similaires (voir HOCHTIEF Aktiengesellschaft v. Benoît MENETRIEUX, Litige NAF 1572632 à propos de <hochtief.careers> et <hochtief.international>) et la décision Sanofi c. Benoit Menetrieux, Litige OMPI No. D2014-1288.

Dans ces conditions, la Commission administrative estime que le Défendeur a enregistré et qu'il utilise les noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> de mauvaise foi.

7. Décision

Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne le transfert des noms de domaine litigieux <sanofi.management>, <sanofi.technology> et <sanofi.training> au profit du Requérant.

Alexandre Nappey
Expert Unique
Le 11 septembre 2014