Le Requérant est Compagnie Financière Tradition SA de Lausanne, Suisse, représenté par Field Fisher Waterhouse, France.
Le Défendeur est Franck Olivier de Paris et Roubaix, France.
Le litige concerne le nom de domaine <forextradition.com>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est OVH.
Une plainte concernant le nom de domaine <forextradition.com> a été déposée par la Compagnie Financière Tradition SA auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 18 juin 2014.
En date du 18 juin 2014, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 19 juin 2014, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d'application, le 25 juin 2014, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 15 juillet 2014. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 23 juillet 2014, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 23 juillet 2014, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Flip Jan Claude Petillion. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le Requérant est la société mère du Groupe Tradition, actif dans le secteur de l'intermédiation financière. Le Requérant est notamment titulaire des marques figuratives suivantes :
- La marque internationale reprenant le mot TRADITION, visant notamment la France, enregistrée le 3 août 2000 sous le n° 741446 et constamment renouvelée, en classe 36 pour des "services financiers";
- La marque internationale reprenant le mot TRADITION, visant notamment la France, enregistrée le 7 juin 2010 sous le n° 1042560, en classe 36 pour des "services financiers, à savoir agences d'investissements";
- La marque française reprenant les mots TRADITION ASSET MANAGEMENT, enregistrée le 21 janvier 2004 sous le n° 3269568, en classe 36 pour des "services financiers";
- La marque française reprenant les mots TRADITION SECURITIES, enregistrée le 21 janvier 2004 sous le n° 3269569, en clase 36 pour des "services financiers";
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 10 mai 2012. Le nom de domaine est utilisé pour un site web offrant des services financiers.
Le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux est semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime. Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi, puisqu'il a été réservé par le Défendeur dans le but d'attirer, à des fins lucratives, les internautes sur son site web, en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant en ce qui concerne l'origine des produits mis en vente sur ce site web.
Le Défendeur n'a pas répondu à la plainte.
Le paragraphe 15 des Règles d'application prévoit que la Commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d'application et à tout principe ou règle de droit qu'elle juge applicable.
La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables de commissions administratives UDRP, que le Requérant doit prouver chacun des trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs afin que le nom de domaine litigieux puisse être transféré à son profit.
Dès lors, le Requérant doit prouver conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Par conséquent, la Commission administrative examinera ces critères séparément.
En premier lieu, le Requérant doit établir qu'il a des droits de marques dont il est titulaire. Comme le Requérant est le titulaire de marques nationales et internationales figuratives comportant l'expression "tradition", le Requérant a établi qu'il existe des droits de marques dont il est titulaire. Ces marques du Requérant sont antérieures à l'enregistrement du nom de domaine litigieux. Dès lors, la Commission administrative constate, même si cela n'est pas décisif sous le premier élément de l'UDRP, que les droits de marque du Requérant datent d'avant l'enregistrement du nom de domaine litigieux.
La Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux <forextradition.com> est semblable aux marques antérieures du Requérant en ce que le nom de domaine reproduit l'élément verbal des marques invoquées, à savoir l'expression "tradition", auquel est simplement ajouté le terme générique "forex", lequel est une simple abréviation des termes anglais "foreign exchange". Comme le démontre le Requérant, plusieurs décisions de commissions administratives désignées dans le cadre de litiges UDRP ont précédemment décidé que la simple adjonction du terme "forex" dans un nom de domaine ne suffisait pas à écarter tout risque de confusion (voir notamment Cantor Fitzgerald Securities, Cantor Index Limited c. Mark Mark, Chen Xian Cheng/Whois Protect, Litige OMPI No. D2014-0125; Red Bull GmbH c. Romas Bartkus/ DomainsByProxy.com, Litige OMPI No. D2012-0465 et Travellers Exchange Corporation Limited c. Travelx Forex Money Changer, Litige OMPI No. D2011-1364).
Puisque le nom de domaine litigieux est semblable aux marques dont le Requérant est le titulaire, la similitude entre le nom de domaine litigieux et les marques antérieures du Requérant peut prêter à confusion. Dès lors, le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est démontré.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n'a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux.
Il est de jurisprudence UDRP constante qu'il suffit pour le Requérant de démontrer qu'à première vue (prima facie) le Défendeur n'a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux pour déplacer la charge de la production au Défendeur (voir Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. D2004-0110).
Le Requérant apporte la preuve de l'enregistrement de diverses marques comprenant le mot "tradition", lesquelles ne sont pas contestées par le Défendeur et sont antérieures à l'enregistrement du nom de domaine litigieux. Le Défendeur n'a pas reçu de licence, mandat ou contrat de mission du Requérant pour enregistrer le nom de domaine litigieux. Il n'existe d'ailleurs aucun lien entre le Requérant et le Défendeur.
Le Défendeur n'a pas répondu à ces arguments. Dès lors, la Commission administrative considère que le Requérant démontre à suffisance que le Défendeur ne possède pas de droit ou d'intérêts légitimes vis-à-vis du nom de domaine litigieux, ce qui n'est pas réfuté par le Défendeur. La Commission administrative estime que le critère repris au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est donc démontré.
Le Requérant doit apporter la preuve sur la balance des probabilités que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi (Voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallow, Litige OMPI No. D2000-0003; Control Techniques Limited c. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui peuvent constituer la preuve que les noms de domaine ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas où en utilisant le nom de domaine, un défendeur a essayé intentionnellement d'attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d'Internet sur son site web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque d'un requérant quant à la source, au parrainage, à l'affiliation ou à l'approbation de son site web ou destination en ligne ou d'un produit ou service offert sur celui-ci.
La Commission administrative remarque que le paragraphe 2 des Principes directeurs impose implicitement au futur titulaire d'un nom de domaine litigieux d'éviter d'enregistrer et d'utiliser des noms de domaine qui porteraient atteinte aux droits d'un tiers (voir Aspen Holdings Inc. c. Rick Natsch, Potrero Media Corporation, Litige OMPI No. D2009-0776).
En l'espèce, il ressort des pièces apportées par le Requérant que le Défendeur fait explicitement référence au Requérant, en se présentant comme faisant partie du Groupe Tradition dont le Requérant est la société mère. La Commission administrative constate que le Défendeur fait même référence au site Internet du Requérant dans certains courriels.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Défendeur devait être au courant de l'existence de droits de marques du Requérant au moment de l'enregistrement du nom de domaine litigieux (Voir Spontin SA c. sig services, Com web services, A Consumer Service MutuWeb, Litige OMPI No. D2009-1281).
Ensuite, le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux pour offrir des services financiers similaires à ceux offerts par le Requérant, tout en ne possédant apparemment pas les autorisations nécessaires pour réaliser des opérations financières sur le marché des changes. La Commission administrative considère que ceci démontre sur la balance de probabilités que le nom de domaine litigieux a été réservé par le Défendeur dans le but d'attirer, à des fins lucratives, les internautes sur son site web, en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant en ce qui concerne l'origine des produits.
La Commission déduit des faits et circonstances susmentionnés que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi. Par conséquent, la Commission considère que le Requérant a satisfait le critère énoncé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour toutes les raisons susmentionnées, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission ordonne que le nom de domaine litigieux <forextradition.com> soit transféré au Requérant.
Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique
Le 4 août 2014