Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Murata Manufacturing Co., Ltd. contre Murata Electronique

Litige n° D2015-0138

1. Les parties

La Requérante est Murata Manufacturing Co., Ltd. de Kyoto, Japon, représenté par CMS Bureau Francis Lefebvre, France.

Le Défendeur est Murata Electronique de Nanterre, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <murataelectronique.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Cronon AG Berlin, Niederlassung Regensburg (ci-après désignée « l’unité d’enregistrement »).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée en anglais par la Requérante auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le « Centre ») en date du 28 janvier 2015.

En date du 28 janvier 2015, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. Le 29 janvier 2015, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

D’après les informations que le Centre a reçues de l’unité d’enregistrement, la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est le français. Par conséquent, la Requérante a été tenu de fournir au moins une des preuves suivantes : 1. la preuve suffisante d'un accord, entre la Requérante et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en anglais ; ou 2. déposer une plainte traduite en français ; ou 3. déposer une demande afin que l’anglais soit la langue de la procédure. Le 6 février 2015 la Requérante a déposé une plainte traduite en français.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés « Principes directeurs »), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les « Règles d’application »), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les « Règles supplémentaires ») pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 16 février 2015, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 mars 2015. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 9 mars 2015, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 17 mars 2015, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Daniel Kraus. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La société Requérante fabrique et commercialise des composants électroniques, notamment par l’intermédiaire de son site Internet «www.murata.com». Elle est titulaire de plusieurs marques désignant notamment les produits électroniques, à savoir :

- La marque internationale MURATA n° 911 332 enregistrée le 27 janvier 2006 en classes 1, 6, 9 et 17 pour les pays suivants: Australie, Suisse, Chine, Communauté Européenne, République de Corée, Norvège, Fédération de Russie, Singapour, Turquie, Etats-Unis d’Amérique;

- La marque communautaire MURATA n° 3 355039 enregistrée le 12 septembre 2003 en classes 1, 6, 9 et 17.

Le nom de domaine litigieux a pour sa part été enregistré le 28 octobre 2014. Le site Internet du nom de domaine litigieux n’est pas disponible.

5. Langue de la procédure

La plainte a été déposée dans un premier temps en anglais. Conformément au paragraphe 11 des règles, sauf convention contraire entre les parties, ou sauf stipulation contraire du contrat d'enregistrement du nom de domaine, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement, soumise à l’appréciation de la commission administrative (une fois nommée) d’en décider autrement. D’après les informations reçues de l’unité d'enregistrement, la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux est le français.

La Requérante a fait parvenir une traduction française de sa demande le 6 février 2015, de sorte que la langue de la procédure est le français.

6. Argumentation des parties

A. Requérante

La Requérante argumente que le nom de domaine litigieux est semblable aux marques MURATA enregistrées par la Requérante. Cette dernière utiliserait ses marques de façon intensive, dans le monde entier pour désigner des produits électroniques. Or il résulte de la similitude entre les signes que le nom de domaine litigieux <murataelectronique.com> prête à confusion avec les marques MURATA de la Requérante. Le nom de domaine litigieux <murataelectronique.com> contient le terme distinctif «murata», qui constitue l’élément principal de la marque antérieure. Le terme «murata» est suivi dans le nom de domaine litigieux par le terme générique «electronique» lequel désigne précisément les produits protégés par la marque antérieure MURATA ainsi que l’activité de la Requérante. Le terme «murata» étant suivi par un terme générique, l’attention des consommateurs sera principalement centrée sur le terme «murata» qui possède un fort caractère distinctif. Or, le simple ajout d’un terme générique descriptif est insuffisant à éviter la constatation d’une similitude prêtant à confusion avec la marque protégée.

La Requérante ajoute que la filiale en France de Murata Manufacturing Co., Ltd. est la société «Murata Elecronique» , ayant son siège social au « […] Le Plessis-Robinson » . Le fait que le nom de domaine litigieux reproduise le nom de la filiale en France amplifie le risque pour le consommateur, qui est enclin à croire que le nom de domaine litigieux est détenu par la filiale française de la Requérante; ceci est encore plus vrai que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux au nom de la société «Murata Elecronique», avec quasiment la même adresse, sans être autorise à le faire.

La Requérante argumente également que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. En effet, le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <murataelectronique.com> sans être autorise à le faire par la Requérante. Le nom de domaine litigieux <murataelectronique.com > n’ est au surplus pas utilisé par le Défendeur en relation avec une offre, de bonne foi, de biens et services. Au surplus, le nom de domaine litigieux est enregistré sous un faux nom étant donné qu’il s’agit du nom de la filiale de la Requérante en France avec quasiment la même adresse.

Enfin, la Requérante fait valoir que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi, car le nom de domaine litigieux a été enregistré postérieurement à la marque de la Requérante, le site Internet auquel mène le nom de domaine litigieux est un site parking et le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur sous le faux nom de la Requérante, avec une adresse faussée prêtant à confusion.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.

7. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir :

(i) si le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits ; et

(ii) si le Défendeur n'a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine ; et

(iii) si le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi.

C’est à la Requérante de faire la preuve des trois éléments énoncés ci-dessus (paragraphe 4 in fine). Toutefois, le paragraphe 14(b) précise que, en l’absence de circonstances exceptionnelles, si une partie ne se conforme pas aux dispositions ou conditions des présentes règles ou à une instruction de la commission, celle-ci peut en tirer les conclusions qu’elle juge appropriées.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Selon le paragraphe 4(a)(i), le requérant doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits.

En l’espèce, la Requérante a démontré qu’elle est titulaire de la marque MURATA qu’elle a enregistrée dans de nombreux pays et qu’elle utilise intensivement. Le nom de domaine litigieux, qui l’incorpore, peut prêter à confusion avec cette marque car il incorpore ladite marque et y ajoute un terme générique descriptif (« electronique ») qui correspond précisément au domaine d’activité de la Requérante.

La Commission administrative conclut donc en faveur de la Requérante sur ce premier point.

B. Droits ou légitimes intérêts

Selon le paragraphe 4(c) des Principes directeurs, le Défendeur peut faire la preuve de son droit ou intérêt légitime en particulier par l’une des circonstances ci-après :

i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le Défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet ;

ii) le Défendeur est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services ; ou

iii) le Défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”

La Requérante doit cependant apporter la preuve des éléments qui démontrent qu’à première vue (prima facie) le Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime. Une fois ces éléments déposés en preuve, il incombe au défendeur de prouver son droit ou intérêt.

La Requérante a démontré que le Défendeur ne fait pas un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine et qu’il n’est pas connu sous ce nom. De plus, le nom de domaine litigieux reproduit précisément le nom de la filiale en France. Il est ainsi plus que probable que le Défendeur a volontairement choisi un nom de domaine qui fait penser au consommateur que le nom de domaine est détenu par la filiale française de la Requérante. Au surplus, le Défendeur a enregistré le nom de domaine au nom de la société «Murata Electronique», en usurpant l’adresse, sans être autorise à le faire. Il n’est donc pas possible de considérer que ces préparatifs aient été faits de bonne foi par le Défendeur qui, de son côté, n’a déposé aucune réponse et aucune preuve attestant du contraire.

La Requérante a donc gain de cause sur ce second point également.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Selon le paragraphe 4(b) des Principe directeurs, la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, notamment, par les circonstances suivantes:

i) les faits montrent que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le Défendeur peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,

ii) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et le Défendeur est coutumier d’une telle pratique,

iii) Le Défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber l’activité d’un concurrent ou

iv) en utilisant ce nom de domaine, le Défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins commerciales, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne appartenant au Défendeur, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le parrainage, l’affiliation ou l’approbation du site Web ou destination en ligne d’un produit ou service offert sur celui-ci.

En l’espèce, le nom de domaine litigieux a clairement été utilisé aux fins d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne appartenant au Défendeur, en créant une probabilité de confusion avec la marque de la Requérante.

En effet, le nom de domaine a été enregistré postérieurement à la marque de la Requérante, le site Internet auquel mène le nom de domaine litigieux est un site parking et le nom de domaine a été enregistré par le Défendeur sous le faux nom de la Requérante, avec une adresse faussée prêtant à confusion. Or, la pratique de l’UDRP admet que la fourniture de fausses informations dans une demande d’enregistrement d’un nom de domaine litigieux, et plus précisément l’utilisation de la même raison sociale que celle du requérant – ou comme en l’espèce d’une entreprise appartenant au même groupe – est réputée constituer une preuve d’un enregistrement de mauvaise foi (cf. Breitling SA and Breitling USA Inc. v. Whois Privacy Protection Service, Inc. / Breitling USA, Inc., WIPO Case No. D2008-0302).

Il apparaît donc que le nom de domaine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi, telle que ce concept est défini dans les Principes directeurs.

8. Décision

Au regard des éléments développés ci-dessus et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine litigieux <murataelectronique.com> au profit de la Requérante.

Daniel Kraus
Expert Unique
Le 31 mars 2015