Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Confédération Nationale du Crédit Mutuel contre Benjamin Bouhnik, RB Multi Services

Litige No. D2016-0180

1. Les parties

Le Requérant est la Confédération Nationale du Crédit Mutuel, de Paris, France, représenté par MEYER & Partenaires, France.

Le Défendeur est Benjamin Bouhnik, RB Multi Services de Paris, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <credit-mutuel.xyz>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine litigieux est enregistré est OVH.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Confédération Nationale du Crédit Mutuel auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 28 janvier 2016.

En date du 29 janvier 2016, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 29 janvier 2016, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 5 février 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 25 février 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 26 février 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 4 mars 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Michel Vivant. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

La Confédération Nationale du Crédit Mutuel, association de droit français active dans le domaine bancaire et financier, est titulaire de plusieurs marques : marques françaises semi-figuratives associant le nom Credit Mutuel et un logo en date de 1988 et 1990; marque française nominative CREDIT MUTUEL en date de 2011; marque communautaire nominative CREDIT MUTUEL en date de 2011; ainsi que de deux autres marques associant l’appellation Credit Mutuel et un slogan, de 1991 et 2006.

La Confédération Nationale du Crédit Mutuel ou certaines sociétés du groupe ont également enregistrés divers noms de domaine au nom du “Crédit Mutuel”, du type: <creditmutuel.com>, <creditmutuel.net>, <creditmutuel.eu>.

Le nom de domaine litigieux <credit-mutuel.xyz> a été enregistré le 20 août 2015 au nom de Benjamin Bouhnik, RB Multi Services.

Faute d’accord amiable entre les intéressés, la Confédération Nationale du Crédit Mutuel déposait le 28 janvier 2016 la plainte mentionnée plus haut.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant fait valoir qu’il dispose d’un ensemble de marques jouissant d’une renommée particulière dans le domaine bancaire et financier (renommée, observe-t-il, reconnue à plusieurs occasions dans le cadre de procédure UDRP). Il soutient que le nom de domaine litigieux est “très fortement similaire à la marque Crédit Mutuel”, la marque étant intégralement reproduite dans ledit nom de domaine et le trait d’union introduit au sein de celui-ci entre “crédit” et “mutuel” n’écartant pas la forte similitude visuelle, phonétique et intellectuelle constatable entre la marque et le nom de domaine litigieux.

Le Requérant fait valoir encore que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache. Il n’est pas connu sous cette appellation et n’a reçu aucune autorisation d’usage de la part du Requérant. Le Requérant déclare en outre que le Défendeur lui aurait dit être dans son droit en cela que le site qu’il comptait activer ne rentrerait pas en concurrence avec le groupe Crédit Mutuel. Il ajoute qu’en réalité le nom de domaine litigieux est toujours utilisé pour rediriger vers la page d’accueil de l’unité d’enregistrement OVH contenant de simples liens publicitaires, ce qui, dit-il, est exclusif d’une offre de bonne foi.

Enfin, le Requérant fait valoir que le nom de domine litigieux a été enregistré et utilisé de mauvaise foi. Il observe que l’enregistrement d’un nom de domaine litigieux correspondant à une marque renommée ne peut être fait que de mauvaise foi comme cela a déjà été jugé. Il ajoute que l’usage fait, précédemment décrit, consistant à renvoyer vers un site contenant des liens commerciaux, est un usage de mauvaise foi comme cela a également été déjà jugé.

B. Défendeur

Le Défendeur est défaillant.

6. Discussion et conclusions

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le Requérant est titulaire de plusieurs marques CREDIT MUTUEL dont il importe peu de savoir, à ce stade-là, si elles sont ou non renommées. L’important est que le nom de domaine litigieux reprenne l’intégralité de la marque, pratique qui a toujours été relevée dans les décisions des commissions administratives en vertu des Principes directeurs comme un fort indice de cybersquatting.

Complémentairement un changement typographique, simple manifestation d’une pratique de typosquatting, ne saurait enlever au nom de domaine son caractère de similarité propre à emporter la confusion. Tout spécialement, l’introduction d’un simple trait d’union est, avec juste raison, usuellement jugée impropre à différencier le nom de domaine litigieux de la marque (sur le caractère inopérant d’une telle adjonction, on peut citer par exemple The Channel Tunnel Group Ltd. c. John Powell, Litige OMPI No. D2000-0038; ou bien Immochan c. Emmanuel Faivre, Litige OMPI No. D2015-1692; ou encore, comme le fait le Requérant, un cas intéressant déjà le Crédit Mutuel, à savoir Confédération Nationale du Crédit Mutuel c. Eric Bilunov c/o Dynadot Privacy, Litige OMPI No. DWS2014-0001).

La similitude entre la marque et le nom de domaine litigieux est indéniable.

La Commission administrative est donc d’avis que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion à la marque détenue par le Requérant au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Défendeur n’est pas connu sous l’appellation “Crédit Mutuel” et n’a reçu aucune autorisation d’usage de celle-ci de la part du Requérant. L’usage du nom de domaine litigieux par le Défendeur, de fait, sert seulement à renvoyer vers la page d’accueil de l’unité d’enregistrement qui se présente comme une sorte de site parking.

La Commission administrative observe en outre que, si le Défendeur avait effectivement des droits ou intérêts légitimes à faire valoir, il était bien simple pour lui de ne pas être défaillant et de présenter ses arguments.

Aussi la Commission administrative considère-t-elle que le Requérant a démontré que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Les marques CREDIT MUTUEL sont des marques effectivement renommées comme cela a été relevé par plusieurs commissions administratives en vertu des Principes directeurs, à tout le moins en France ainsi que l’a noté la commission administrative dans le litige Confederation nationale du Credit Mutuel cv. George Kershner, Litige OMPI No. D2006-0248. Il s’en déduit que celui qui, en France, enregistre un nom de domaine incluant une telle marque ne peut pas sérieusement prétendre l’avoir fait dans l’ignorance de ladite marque. En d’autres termes, selon une jurisprudence constante des commissions administratives en vertu des Principes directeurs, la présente Commission administrative estime que l’enregistrement du nom de domaine litigieux a été réalisé de mauvaise foi. Le nom de domaine litigieux semble être caractérisé par un usage non-actif de la part du Défendeur, une telle caractérisation étant faite de longue date par les commissions administratives puisqu’on la trouve déjà dans une des première décisions rendues, comme la décision Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003.

Le nom de domaine litigieux n’étant utilisé que pour renvoyer à un site de type parking, l’usage doit également être tenu pour un usage de mauvaise foi.

La Commission administrative considère donc que l’enregistrement comme l’usage du nom de domaine litigieux a été fait de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.

7. Décision

Pour les raisons précédemment développées, sur la base des paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <credit-mutuel.xyz> soit transféré au Requérant.

Michel Vivant
Expert Unique
Le 11 mars 2016