Le requérant est Crédit Agricole S.A. de Montrouge, France, représenté par Nameshield, France.
Le défendeur est Tolo Romain de Cotonou, Bénin.
Le litige concerne le nom de domaine <creditagricole-paris.com>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Ligne Web Services SARL.
Le 26 février 2016, Crédit Agricole S.A a déposé une plainte auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre").
Le 26 février 2016, le Centre a adressé une requête à l'unité d'enregistrement du nom de domaine litigieux, Ligne Web Services SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le requérant.
Le 2 mars 2016, l'unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige et que la langue du contrat d'enregistrement était le français.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 3 mars 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur.
Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 23 mars 2016.
Le défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. Le 24 mars 2015, le Centre notifiait le défaut du défendeur.
Le 8 avril 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Monsieur Christian Pirker. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application.
La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le requérant, Crédit Agricole S.A est une entité française immatriculée au registre du commerce français depuis le 16 novembre 1979. Il fait partie du Groupe Crédit agricole qui est un acteur bancaire de premier plan en France et en Europe depuis de longue date.
Les activités du requérant couvrent notamment le domaine de l'assurance, de l'immobilier, des moyens de paiement, de la gestion d'actif, du crédit-bail et affacturage, du crédit à la consommation, de la banque de financement et d'investissement. Le requérant emploie quelques 140'000 collaborateurs et fournit des services à environ 50 millions de clients en France et à l'international.
Le requérant est titulaire de plusieurs marques, à savoir :
- CREDIT AGRICOLE, internationale, 1064647, enregistrée le 4 janvier 2011, classes 9, 16, 35, 36, 38, 42;
- CA CREDIT AGRICOLE, internationale, 525634, enregistrée le 13 juillet 1988, classes 16, 35, 36;
- CA CREDIT AGRICOLE, internationale, 441714, enregistrée le 25 octobre 1978, classes 16, 35, 36, 42;
- CREDIT AGRICOLE, communautaire, 6456974, enregistrée le 13 novembre2007, classes 9, 16, 36, 38, 42;
- CA CREDIT AGRICOLE, communautaire, 005505995, enregistrée le 20 décembre 2007, classes 9, 36, 38.
Le requérant est en outre titulaire de plusieurs noms de domaine, à savoir:
- <credit-agricole.com>, crée le 31 décembre 1999;
- <creditagricole.com>, crée le 11 juin 2001;
- <credit-agricole.fr>, crée le 7 juillet 1995;
- <creditagricole.fr>, crée le 22 septembre 2000;
- <creditagricole.net>, crée le 7 janvier 2002;
- <creditagricole.biz>, crée le 7 novembre 2001;
- <creditagricole.info>, crée le 28 septembre 2004.
Le nom de domaine litigieux est le suivant :
<creditagricole-paris.com>, crée le 1er février 2016.
L'adresse du défendeur et son numéro de téléphone tels qu'il les a inscrits dans ses données de l'Unité d'enregistrement sont fausses.
Le requérant allègue que le nom de domaine litigieux <creditagricole-paris.com> est constitué dans son intégralité de la marque CREDIT AGRICOLE dont il est titulaire.
Selon le requérant, l'addition d'un "-" et du terme "paris" après le terme "creditagricole" dans le nom de domaine litigieux ainsi que l'utilisation de l'extension générique de premier niveau ("gTLD") ne suffisent pas à écarter le risque de confusion.
Toujours selon le requérant, l'impression d'ensemble laisse à croire que le nom de domaine litigieux est lié à sa marque, créant ainsi une confusion auprès des internautes pouvant injustement croire que le nom de domaine litigieux fait référence à une agence parisienne du requérant.
Il estime ainsi que le nom de domaine litigieux est identique ou semblable à la marque CREDIT AGRICOLE, ainsi qu'aux noms de domaine associés, dont il est titulaire au point de prêter à confusion.
En outre, le requérant allègue que le défendeur n'est lié d'aucune façon aux activités du requérant et ne dispose d'aucune autorisation ou licence lui permettant de faire usage d'enregistrer le nom de domaine litigieux.
Le requérant allègue que le défendeur n'est pas connu sous l'expression Crédit Agricole ou Crédit Agricole – Paris, mais s'est identifié sous une autre identité et réside au Bénin. Ainsi, le défendeur n'a aucuns droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux.
Le site Internet en relation avec le nom de domaine litigieux indique que le nom de domaine est suspendu.
Enfin, le requérant affirme que sa marque est largement connue et a un caractère distinctif, de sorte que le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en pleine connaissance de cause.
Le requérant estime ainsi que le défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Le défendeur n'a pas fait parvenir de réponse au Centre.
Le paragraphe 11(a) des Règles d'application prévoit que: "sauf accord contraire des parties ou mention contraire dans le contrat d'enregistrement, la langue de la procédure administrative sera la langue du contrat d'enregistrement, à moins que la commission administrative n'en décide autrement au regard des circonstances de la procédure administrative".
La langue du contrat d'enregistrement est le français. Ni le contrat, ni les parties n'ont prévu d'autre langue pour la présente procédure administrative.
Ainsi, conformément au paragraphe 11(a) des Règles d'application, la langue de la procédure est le français.
Le paragraphe 5(f) des Règles d'application prévoit que: "si le défendeur ne présente pas de réponse et en l'absence de conditions exceptionnelles, la commission administrative décidera le litige en se basant sur la plainte". Le paragraphe 14(b) des Règles d'application dispose quant à lui que: "si, en l'absence de circonstances exceptionnelles, une partie ne respectait pas une clause ou une obligation prévue par ces règles ou une demande de la commission, la commission administrative devra tirer les conclusions qu'elle estime appropriées".
En l'espèce, le défendeur n'a pas répondu et aucune circonstance exceptionnelle l'empêchant de procéder n'a été invoquée.
Le requérant est titulaire de plusieurs marques comportant le terme "CREDIT AGRICOLE". Ces marques ont été enregistrées sur le plan national, communautaire et international sous plusieurs classes (9, 10, 16, 35, 36, 38, 42), notamment pour des services bancaires et financiers.
Le requérant est également titulaire de plusieurs noms de domaine incluant la marque CREDIT AGRICOLE.
Le nom de domaine litigieux est <creditagricole-paris.com>. Ce nom de domaine inclut en intégralité la marque du requérant tout en y ajoutant le mot "paris", un "-", ainsi que l'utilisation de l'extension générique de premier niveau (gTLD) ".com".
A cet égard, l'ajout de l'extension générique de premier niveau (gTLD) ".com" ne permet pas d'éviter une similitude prêtant à confusion, ce d'autant plus que ce suffixe est nécessaire d'un point de vue technique pour que le nom de domaine puisse fonctionner (voir, F. Hoffmann-La Roche AG v. Macalve e-dominios S.A , Litige OMPI No. D2006-0451; Crédit Agricole S.A v. Donghui, Litige OMPI No. D2015-0472).
Par ailleurs, le requérant est une entreprise française, laquelle offre ses services et est largement implanté sur le plan régional et local français, dont Paris est la capitale. L'adjonction du terme "paris", précédé d'un "-" ne diminue pas le risque de confusion mais au contraire l'augmente puisque les internautes seront amenés à croire qu'il s'agit d'une agence parisienne du requérant.
En comparant le nom de domaine litigieux avec les marques et noms de domaine enregistrées dont le requérant est titulaire, l'impression générale laisse à croire qu'il s'agit de la même entité ou qu'elles sont liées.
Pour ces raisons, la commission administrative estime qu'il existe une similitude pouvant prêter à confusion entre le nom de domaine litigieux <creditagricole-paris.com> et la marque CREDIT AGRICOLE.
Selon le paragraphe 4(c) des Principes directeurs, le défendeur peut établir ses droits ou intérêts légitimes au nom de domaine s'il démontre un des points suivants :
i. Avant réception par le défendeur de toute notification relative au litige, l'utilisation, ou les travaux de préparation pouvant être démontrés en vue de l'utilisation du nom de domaine ou d'un nom correspondant au nom de domaine dans le cadre d'une offre de biens ou de services de bonne foi; ou
ii. Le défendeur (en tant que personne, entreprise ou autre organisation) est généralement connu sous le nom de domaine, même s'il n'a acquis aucun droit de propriété industrielle ou commerciale; ou
iii. Le défendeur fait une utilisation non commerciale, légitime ou loyale du nom de domaine, sans intention d'en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les utilisateurs ou en ternissant l'image de la marque commerciale ou de la marque de service en question.
Dans sa plainte, le requérant doit démontrer que le défendeur n'a aucuns droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Etant donné les difficultés à prouver des éléments factuels inexistants, il incombe au requérant d'alléguer et prouver prima facie que le défendeur n'a aucuns droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Une fois cette preuve apportée, le défendeur devra alors démontrer ses droits et intérêts légitimes. Faute de détermination de la part du défendeur, il est admis que le requérant a ainsi satisfait à la présente condition (Croatia Airlines d.d v. Modern Empire Internet Ltd, Litige OMPI No. D2003‑0455; De Agostini S.p.A. v. Marco Cialone, Litige OMPI No. DTV2002-0005).
En l'occurrence, le requérant allègue que le défendeur n'a aucun droit ou intérêts légitimes. A cet égard, il n'est pas affilié au requérant, aucune licence ou autorisation d'exploitation ne lui a été délivrée pour l'exploitation et l'utilisation de la marque CREDIT AGRICOLE et des noms de domaine y associés. L'identité du défendeur n'a aucun rapport avec le nom de domaine litigieux.
Le défendeur ne s'est pas défendu.
La Commission administrative considère ainsi que la seconde condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Selon le paragraphe 4(b) des Principes directeurs, constituent notamment une preuve d'enregistrement et d'utilisation du nom de domaine de mauvaise foi :
(i) Circonstances indiquant que le défendeur a enregistré ou qu'il a acquis le nom de domaine essentiellement dans le but de vendre, louer ou céder de toute autre manière l'enregistrement du nom de domaine au plaignant qui est le propriétaire de la marque commerciale ou de la marque de service, ou à un concurrent de ce plaignant, à titre onéreux pour une contrepartie dépassant les débours documentés liés directement au nom de domaine; ou
(ii) Que le nom de domaine a été enregistré dans le but d'empêcher le propriétaire de la marque commerciale ou de la marque de service de refléter la marque dans un domaine correspondant, dans la mesure où le défendeur a adopté un comportement de ce type; ou
(iii) Que le nom de domaine a été enregistré par le défendeur essentiellement pour interrompre l'activité d'un concurrent; ou
(iv) Qu'en utilisant le nom de domaine, le défendeur a essayé intentionnellement d'attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d'Internet sur le site web ou tout autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du plaignant quant à la source, au parrainage, à l'affiliation ou à l'approbation de son site web ou destination en ligne ou d'un produit ou service offert sur celui-ci.
En l'espèce, le nom de domaine litigieux a été enregistré par le défendeur bien après l'enregistrement de la marque CREDIT AGRICOLE et des noms de domaine y associés (Sanofi-Aventis v. Abigail Wallace, Litige OMPI No. D2009-0735).
Par ailleurs, le choix du nom de domaine litigieux ne relève pas de la pure coïncidence. Le nom de domaine litigieux crée une similitude pouvant prêter à confusion avec la marque CREDIT AGRICOLE. CREDIT AGRICOLE est une marque répandue et connue du public et ne constitue pas un nom ou terme commun. Le défendeur ne pouvait l'ignorer. L'ajout délibéré du terme "paris" précédé d'un "-" démontre la volonté de susciter une confusion en laissant penser qu'il s'agit du nom de domaine de l'agence parisienne du requérant. Par ailleurs, l'unité d'enregistrement est une société française, avec un contrat en français, ce qui laisse clairement supposer que le défendeur est francophone. Etant donné le risque de confusion, les internautes intéressés par l'offre de service du requérant peuvent facilement être attirés sur le nom de domaine litigieux. La Commission administrative est donc convaincue que le défendeur ne peut arguer de sa bonne foi lorsqu'il a enregistré le nom de domaine litigieux.
Par ailleurs, les Principes directeurs exigent non seulement un enregistrement mais également une utilisation de mauvaise foi. Or, comme le mentionne la Commission administrative dans un litige similaire Cl Eurofactor Services S.A. contre Andre Dumaine, Litige OMPI No. D2015-1846 : "une utilisation de mauvaise foi d'un nom de domaine peut être démontrée, même en l'absence d'une exploitation du site Internet auquel le nom de domaine litigieux renvoie ou d'une quelconque action positive de la part du défendeur. Ainsi, l'inactivité d'un nom de domaine peut, dans certaines circonstances, constituer un usage passif de mauvaise foi (voir par exemple Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003)".
En l'espèce et à l'instar de la décision suscitée, la Commission administrative relève plusieurs éléments permettant d'établir un usage passif de mauvaise foi du nom de domaine litigieux, bien que le site auquel celui-ci renvoie soit inactif (i); la marque du requérant est reproduite, dans son intégralité, au sein du nom de domaine litigieux (ii); le défendeur s'est abstenu, malgré la possibilité qui lui était offerte, de justifier d'une utilisation de bonne foi, réelle ou envisagée par lui, du nom de domaine litigieux (iii); l'adjonction du lieu "Paris" démontre que le défendeur connaît l'activité originaire française du requérant (iv) et l'adresse et le téléphone du défendeur sont faux, démontrant qu'il ne souhaite pas être trouvé.
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Pour les motifs évoqués ci-dessus, la Commission administrative constate que les trois conditions requises par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs sont cumulativement réunies et ordonne ainsi que le nom de domaine litigieux <creditagricole-paris.com> soit transféré au requérant.
Christian Pirker
Expert Unique
Le 22 avril 2016