Le Requérant est la société Gunnebo France de Velizy-Villacoublay, France, représenté par Paquet Avocats, France.
Le Défendeur est Seonid Studio, Robert Eduard Antal de Cluj Napoca, Romania.
Le litige concerne les noms de domaine <benjaminfichet.com>, <depannage-serrurier-fichet-clichy.com>, <depannage-serrurier-fichet-courbevoie.com> et <depannage-serrurier-fichet-montrouge.com>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est OVH.
Une plainte a été déposée par la société Gunnebo France auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 5 avril 2016.
En date du 6 avril 2016, le Centre a adressé une requête à OVH aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 6 avril 2016, OVH a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 21 avril 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 11 mai 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 12 mai 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 20 mai 2016, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Flip Jan Claude Petillion. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant, la société Gunnebo France, est spécialisée dans le matériel de sécurité et plus particulièrement dans le domaine de la serrurerie sous les marques suivantes :
- la marque verbale internationale FICHET, enregistrée auprès de l’OMPI en date du 9 avril 1962 sous le numéro 254458 dans les classes 6 et 20. La marque est notamment enregistrée en Roumanie;
- la marque figurative internationale , enregistrée auprès de l’OMPI en date du 25 juillet 1997 sous le numéro 683639 dans les classes 6, 9, 20, 37, 38 et 42. La marque est notamment enregistrée en Roumanie;
La Commission administrative constate que le Requérant invoque également les marques suivantes :
- la marque verbale française FICHET, enregistrée auprès de l’Institut national de la propriété industrielle
(“INPI”) en date du 9 avril 1987 sous le numéro 1418899 dans les classes 6, 9, 20, 37, 38, 42 et 45;
- la marque figurative française , enregistrée auprès de l’INPI en date du 7 mars 1997 sous le numéro 97667522 dans les classes 6, 9, 20, 37, 38, 42 et 45;
- la marque figurative française, enregistrée auprès de l’INPI en date du 2 avril 1997 sous le numéro 97676288 dans les classes 6, 9, 20, 37, 38, 42 et 45.
Bien que ces trois dernières marques soient enregistrées au nom de Fichet-Bauche Société Anonyme, il peut être déduit du registre de commerce français qu’il s’agit de l’ancienne dénomination du Requérant.
Le nom de domaine litigieux <benjaminfichet.com> a été enregistré le 10 juillet 2014. Les noms de domaine litigieux <depannage-serrurier-fichet-clichy.com>, <depannage-serrurier-fichet-courbevoie.com> et <depannage-serrurier-fichet-montrouge.com> ont tous étés enregistrés le 24 octobre 2014.
Les sites web liés aux noms de domaine litigieux proposent tous des services de serruriers.
Le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux sont semblables, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant prétend avoir des droits. Le Requérant soutient également que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux, ni aucun intérêt légitime. Enfin, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilisé les noms de domaine litigieux de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.
Le paragraphe 15 des Règles d’application prévoit que la Commission administrative statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d’application et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable.
La charge de la preuve se situe auprès du Requérant et il résulte aussi bien de la terminologie des Principes directeurs que de décisions préalables UDRP, que le Requérant doit prouver chacun des trois éléments mentionnés au paragraphe 4(a) des Principes directeurs afin d’établir que les noms de domaine litigieux peuvent être transférés.
Dès lors, le Requérant doit prouver conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs et selon la balance des probabilités que:
(i) les noms de domaine litigieux sont identiques ou semblables au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.
Par conséquent, la Commission administrative examinera ces critères séparément.
En premier lieu, le Requérant doit établir qu’il a des droits de marques de fabrique ou de service dont il est titulaire. Le Requérant étant titulaire de diverses marques FICHET, le Requérant a établi qu’il existe un droit de marque de fabrique ou de service dont il est titulaire.
La Commission administrative considère que les noms de domaine litigieux <depannage-serrurier-fichet-clichy.com>, <depannage-serrurier-fichet-courbevoie.com> et <depannage-serrurier-fichet-montrouge.com> sont semblables à la marque du Requérant en ce que les noms de domaine reproduisent la marque invoquée en ajoutant simplement des mots non distinctifs et des termes géographiques désignant des villes en France (voir SAP AG c. Domains by Proxy, Inc. / Sales, Litige OMPI No. D2009-0264 et Swarovski Aktiengesellschaft c. A. S., Litige OMPI No. D2012-0629). De plus, les mots “dépannage” et “serrurier” font directement référence aux services de serrurerie proposés par le Requérant, ce qui augmente le risque de confusion.
Selon la Commission administrative, le nom de domaine litigieux <benjaminfichet.com> est également semblable à la marque du Requérant en ce que l’ajout du nom “benjamin” à la marque distinctive du Requérant n’empêche pas le risque de confusion (voir Etablissement Public du Musée du Louvre c. Galerie Martin du Louvre, David Le Louarn, Litige OMPI No. D2014-1412 et Hacı Ömer Sabancı Holding A.Ş. c. Ayhan Yılmaz, Litige OMPI No. D2012-0732).
Dès lors, la Commission administrative estime que le Requérant a établi que le premier élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est rempli.
Conformément au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, le Requérant a la charge de la preuve pour établir que le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine litigieux.
Il est de jurisprudence UDRP constante qu’il suffit pour le Requérant de démontrer qu’à première vue (prima facie) le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine litigieux pour renverser la charge de la preuve au détriment du Défendeur (voir Champion Innovations, Ltd. c. Udo Dussling (45FHH), Litige OMPI No. D2005-1094; Croatia Airlines d.d. c. Modern Empire Internet Ltd., Litige OMPI No. D2003-0455; Belupo d.d. c. WACHEM d.o.o., Litige OMPI No. 2004-0110).
Il ressort du paragraphe 4(c) des Principes directeurs qu’il y a lieu de reconnaître un intérêt légitime ou droit sur les noms de domaine litigieux, notamment lorsque le Défendeur apporte la preuve de ses droits sur les noms de domaine litigieux ou son intérêt légitime qui s’y attache, cette preuve pouvant être constituée par l’une des circonstances ci-après:
(i) Avant d’avoir eu connaissance du litige, le Défendeur a utilisé les noms de domaine litigieux ou un nom correspondant aux noms de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet;
(ii) Le Défendeur est connu sous les noms de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
(iii) Le Défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal des noms de domaine litigieux sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.
Le Requérant apporte la preuve de l’enregistrement de ses marques FICHET, lesquelles ne sont pas contestées par le Défendeur et sont antérieures à l’enregistrement des noms de domaine litigieux. Le Défendeur n’a pas reçu de licence, mandat ou contrat de mission du Requérant pour enregistrer les noms de domaine litigieux. Il n’existe d’ailleurs aucun lien entre le Requérant et le Défendeur. Dès lors, la Commission administrative considère que le Requérant a démontré qu’à première vue, le Défendeur n’a ni droits ni intérêts légitimes vis-à-vis des noms de domaine litigieux.
De plus, la Commission administrative constate que les noms de domaine litigieux renvoient vers des sites web proposant des services identiques ou à tout le moins similaires à ceux proposés par le Requérant, et ces sites n’incluent aucun avertissement précis et évident concernant l’absence de relation entre le Défendeur et le Requérant (“disclaimer”) . Selon la Commission administrative, ceci ne constitue pas un usage loyal des noms de domaine litigieux.
En outre, le Défendeur n’a pas soumis de réponse à la plainte et ne démontre pas avoir un quelconque droit ou un intérêt légitime sur les noms de domaine litigieux.
Dès lors, la Commission administrative considère que le critère repris au paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est rempli.
Le Requérant doit apporter la preuve sur la balance des probabilités que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi (voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallow, Litige OMPI No. D2000-0003; et Control Techniques Limited v. Lektronix Ltd, Litige OMPI No. D2006-1052).
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non exhaustive de circonstances qui peuvent constituer la preuve qu’un nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Cette liste comprend le cas où en utilisant le nom de domaine, le Défendeur a essayé intentionnellement d’attirer, à des fins commerciales, des utilisateurs d’Internet sur son site web ou toute autre destination en ligne en créant un risque de confusion avec la marque du Requérant quant à la source, au parrainage, à l’affiliation ou à l’approbation de son site web ou destination en ligne ou d’un produit ou service offert sur celui-ci.
La Commission administrative remarque que le paragraphe 2 des Principes directeurs impose implicitement au futur titulaire d’un nom de domaine d’éviter d’enregistrer et d’utiliser des noms de domaine qui porteraient atteinte aux droits d’un tiers (voir Aspen Holdings Inc. c. Rick Natsch, Potrero Media Corporation, Litige OMPI No. D2009-0776).
La Commission administrative constate que les marques FICHET invoquées par le Requérant ont toutes été enregistrées avant l’enregistrement des noms de domaine litigieux. Certaines marques sont enregistrées en Roumanie, pays de résidence du Défendeur.
En outre, l’ajout des mots “dépannage” et “serrurier” dans les noms de domaine litigieux <depannage-serrurier-fichet-clichy.com>, <depannage-serrurier-fichet-courbevoie.com> et <depannage-serrurier-fichet-montrouge.com> font directement référence aux services de serrurerie proposés par le Requérant. Ces noms de domaine litigieux incluent également le nom de villes en France, pays de résidence du Requérant.
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime que le Défendeur devait connaître l’existence du Requérant. Le Défendeur devait donc être au courant de l’existence des droits de marques du Requérant au moment de l’enregistrement des noms de domaine litigieux(voir Spontin SA c. sig services, Com web Services, A Consumer Service MutuWeb, Litige OMPI No. D2009-1281).
Sans aucune autorisation de la part du Requérant, le Défendeur utilise les noms de domaine litigieux afin de promouvoir des services de serrurerie semblables à ceux du Requérant. Les sites web liés aux noms de domaine litigieux reproduisent non seulement les marques verbales, mais également les marques figuratives du Requérant. La Commission administrative considère que ceci démontre sur la balance de probabilités que les noms de domaine litigieux ont été réservés par le Défendeur dans le but d’attirer, à des fins lucratives, les internautes vers ses sites web, en créant une probabilité de confusion avec les marques du Requérant quant à l’origine de ces sites web.
En ne soumettant pas de réponse à la plainte, le Défendeur n’a pris aucune initiative pour contester ce qui précède. Conformément au paragraphe 14 des Règles d’application, la Commission administrative devra en tirer les conclusions qu’elle estime appropriées.
La Commission administrative déduit des faits et circonstances susmentionnés que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi. Par conséquent, la Commission administrative considère que le Requérant a satisfait le critère énoncé au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour toutes les raisons susmentionnées, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine litigieux <benjaminfichet.com>, <depannage-serrurier-fichet-clichy.com>, <depannage-serrurier-fichet-courbevoie.com> et <depannage-serrurier-fichet-montrouge.com> soient radiés.
Flip Jan Claude Petillion
Expert Unique
Le 7 juin 2016