Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Rexel Développement SAS contre Bruno Lizzi
Litige No. D2016-1135
1. Les parties
Le Requérant est Rexel Développement SAS de Paris, France, représenté par Ab Initio, France.
Le Défendeur est Bruno Lizzi, d’Erbray, France.
2. Nom de domaine et unité d’enregistrement
Le nom de domaine litigieux <rexel-groupe> est enregistré après de Register.IT SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par Rexel Développement SAS auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 7 juin 2016. En date du 7 juin 2016, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 8 juin 2016, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 10 juin 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 juin 2016. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 1 juillet 2016, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 8 juillet 2016, le Centre nommait Marie-Emmanuelle Haas comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
4. Les faits
Le Requérant est la filiale directe de la société “Rexel”.
Le Groupe Rexel désigne l’ensemble des sociétés Rexel et se compose de filiales à travers le monde.
Le Groupe Rexel est coté à la bourse française et est distributeur mondial de matériel électrique, d’outillage, d’équipements de sécurité et fournisseur de services en matière de solutions énergétiques.
Le Groupe Rexel est présent dans 35 pays avec 2,100 succursales, un réseau de plus de 40 bannières et 28,000 employés.
Le Requérant est titulaire de plusieurs marques REXEL à travers le monde et notamment de la marque française REXEL No 144084407 déposée le 15 avril 2014 et de la marque internationale No 934633 en date du 30 mars 2007 visant, notamment, la Suisse, la Croatie, la Chine ou encore le Japon.
Le Requérant est également titulaire des noms de domaines <rexel.com> et <rexel-group.com>.
Il est aussi titulaire d’un droit sur la dénomination REXEL au titre de sa dénomination sociale Rexel Développement SAS.
Le Requérant a été informé par l’un de ses clients qu’il avait reçu des courriels provenant des adresses de messagerie “[…]@rexel-groupe.com” et “[…]@rexel-groupe.com”, lui demandant de procéder à la modification des coordonnées bancaires de la société Rexel. Ces courriels étaient émis par un certain François Perret, se présentant comme étant un employé du service comptabilité du Groupe Rexel.
Le Requérant, averti de cette manœuvre par l’un de ses clients, a procédé à des vérifications.
Le Requérant a découvert que le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> a été enregistré le 23 mai 2016 par le Défendeur et qu’il donnait accès à un site Internet inactif.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le Requérant revendique l’identité ou pour le moins la ressemblance entre le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> et ses marques REXEL.
Il fait valoir que le terme “Rexel” est l’élément dominant de sa dénomination sociale Rexel Développement SAS et ses noms de domaines <rexel.com> et <rexel-group.com>. Il fait valoir que la reprise d’une marque dans son intégralité est suffisante pour établir qu’un nom de domaine est identique ou similaire aux marques et autres signes d’identification opposés.
Le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> reprend intégralement les marques REXEL. Il reprend l’élément “Rexel” de la dénomination sociale Rexel Développement SAS et il reproduit de façon quasiment identique les noms de domaine <rexel.com> et <rexel-group.com>.
Sur l’absence des droits et des intérêts légitimes du Défendeur, le Requérant indique que le terme “Rexel” est arbitraire et n’a pas de signification particulière, ce qui le rend central et distinctif. Le Défendeur, tiers au Groupe Rexel, n’a donc pas d’intérêt à utiliser ce nom, il n’a pas été autorisé par le Requérant, ou un autre membre du Groupe Rexel, à enregistrer le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com>.
Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> ne donne accès à aucun site et que les manœuvres frauduleuses de son titulaire excluent toute légitimité.
Il ajoute que le Défendeur n’est titulaire d’aucune marque en vigueur en France, dans l’Union Européenne ou au niveau international, comme cela ressort des recherches effectuées sur les bases de données de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle), de l’EUIPO (Office de l’Union Européenne pour la Propriété Intellectuelle) et de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle).
Le Défendeur a utilisé ces adresses de messagerie pour envoyer, sous le nom de François Perret, se présentant comme employé du service comptabilité du Groupe Rexel, un courriel rédigé comme suit: “Bonjour, Suite à notre entretien téléphonique, veuillez trouver ci-joint les documents nécessaires à la modification. Merci de me confirmer par mail l’actualisation de nos coordonnées bancaires. Cordialement ”.
La Requérant en conclut que le Défendeur n’utilise pas le nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, et qu’il n’en fait pas un usage non commercial légitime ou loyal.
Sur la mauvaise foi, le Requérant fait valoir que la mauvaise foi résulte de l’usage frauduleux qui est fait du nom de domaine litigieux, à savoir une pratique de “phishing” ou hameçonnage.
Il rappelle que le Défendeur est connu pour ses pratiques frauduleuses, comme le révèle une simple recherche sur Internet.
Il demande de reconnaitre la mauvaise foi lors de l’enregistrement et de l’usage.
B. Défendeur
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
6. Discussion et conclusions
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le Requérant justifie de ses droits à titre de marque sur la dénomination “Rexel”.
Le nom de domaine litigieux reprend en intégralité la marque verbale REXEL du Requérant.
Le seul ajout du terme usuel “groupe” pour composer le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> n’écarte pas le risque de confusion avec les marques REXEL.
Le Requérant fait partie du groupe Rexel et le choix du nom de domaine litigieux est très clairement en parfaite adéquation avec le mode de communication du groupe auquel appartient le Requérant.
Le but est évidemment de donner une apparence de légitimité au nom de domaine litigieux et de générer la confusion.
Par conséquent, la Commission administrative considère que la condition édictée au paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
B. Droits ou intérêts légitimes
La preuve des droits sur un nom de domaine ou de l’intérêt légitime qui s’y attache peut être constituée, en vertu du paragraphe 4(a) (ii) des Principes directeurs, en particulier, par l’une des circonstances ci-après:
- avant d’avoir eu connaissance du litige, le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services a été utilisé ou des préparatifs sérieux ont été mis en œuvre à cet effet ;
- le titulaire est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
- il fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.
Le Défendeur n’est titulaire d’aucun droit de marque sur la dénomination “Rexel” et n’est pas connu pour exercer une quelconque activité commerciale sous une dénomination correspondant au nom de domaine litigieux.
Le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> est exploité pour créer des adresses de messagerie électroniques utilisées à des fins frauduleuses graves, excluant toute légitimité.
Compte tenu des faits décrits par le Requérant, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Aux fins du paragraphe (4)(a)(iii) des Principes directeurs, la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la Commission administrative, par les circonstances ci-après:
- les faits montrent que le nom de domaine a été enregistré ou acquis essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais déboursés par le titulaire en rapport direct avec ce nom de domaine;
- le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, le titulaire étant coutumier d’une telle pratique;
- le nom de domaine a été enregistré essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou
- en utilisant ce nom de domaine, le titulaire a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.
Come déjà exposé, le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> est exploité pour créer des adresses de messagerie électroniques utilisées à des fins frauduleuses graves, excluant toute légitimité.
Le Défendeur avait bien évidemment connaissance des marques REXEL lorsqu’il a choisi d’enregistrer le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com>. Il a procédé à cet enregistrement pour ensuite créer des adresses électroniques et procéder à des manœuvres frauduleuses d’hameçonnage, ce qui caractérise la mauvaise foi, tant lors de l’enregistrement que lors de l’usage.
Compte tenu des faits décrits par le Requérant, non contestés en l’absence de toute réponse, et des moyens de preuve apportés à l’appui de la plainte, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.
7. Décision
Pour les raisons exposées ci-dessus, conformément aux paragraphes 4(a) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <rexel-groupe.com> soit transféré au Requérant.
Marie-Emmanuelle Haas
Expert
Le 20 juillet 2016