Le Requérant est la Société d'Economie Mixte d'Aménagement et de Gestion du Marché d'intérêt National de la Région Parisienne de Chevilly Larue, France, représenté par Alain Bensoussan Avocats, France.
Le Défendeur est Monsieur Romain Tournier de Paris, France, représenté par Me Paul Brender, France.
Les noms de domaine litigieux <label-rungis.com>, <labelrungis.com>, <label-rungis.mobi>, <labelrungis.mobi> sont enregistrés auprès de Online SAS (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").
Une plainte a été déposée par Société d'Economie Mixte d'Aménagement et de Gestion du Marché d'intérêt National de la Région Parisienne auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 12 octobre 2016. En date du 12 octobre 2016, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 17 octobre 2016, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte réponde bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Un mémorandum complémentaire a été déposé par le Requérant en date du 2 décembre 2016 faisant suite aux observations déposées en réponse à la présente plainte par le Défendeur.
Ce mémorandum a suscité de la part du Défendeur le dépôt de conclusions en réponse le 13 novembre 2016.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 24 octobre 2016, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 13 novembre 2016. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 13 novembre 2016.
En date du 25 novembre 2016, le Centre nommait Martine Dehaut comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
A titre liminaire, la Commission administrative précise qu'elle n'a pas pris en compte les conclusions supplémentaires déposées tant par le Requérant que par le Défendeur, estimant que la plainte initiale et ses annexes ainsi que la réponse du Défendeur étaient développées à suffisance pour lui permettre de rendre la présente décision, les conclusions supplémentaires ne faisant que reprendre les argumentations initiales.
Le Requérant, dénommé Semmaris, est gestionnaire du Marché d'intérêt national de Rungis, l'un des plus grands marché de produits frais au monde avec un chiffre d'affaires de 8,5 milliards d'euros et près de 2,5 millions de tonne de produits alimentaires selon les déclaration de ce dernier, constitué par Décret n° 62-6795 du 13 Juillet 1962. Cette gestion relève d'une mission de service public.
Le Requérant est titulaire de plusieurs enregistrements de marque parmi lesquelles, les marques suivantes, en vigueur à ce jour:
- Marque française semi-figurative RUNGIS MARCHE INTERNATIONAL - Enregistrement n° 1601685 du 26 février 1990 dans les classes 29, 31, 35, 38
- Marque française semi-figurative MARCHE INTERNATIONAL RUNGIS - Enregistrement n° 1587180 du 18 avril 1990 dans les classes 30, 32, 33.
Ces marques, déposées en noir et blanc, consistent en une figure géométrique placée en attaque de l'élément verbal stylisé RUNGIS et d'une base line descriptive "marché international".
- Marque française semi-figurative La QUALITE PASSE PAR RUNGIS - Enregistrement n° 3345724 du 9 mars 2005 dans les classes 20, 21, 25, 29, 30, 31, 32, 33, 35, 37, 38, 39, 41, 42.
L'élément figuratif de couleur rouge sépare les éléments verbaux LA QUALITE PASSE PAR d'une part et RUNGIS d'autre part.
Le Défendeur, associé de la société Labelrungis, dont le siège social est situé sur la commune de Rungis, a réservé les noms de domaine suivants:
<labelrungis.com>
<label-rungis.com>
<labelrungis.mobi>
<label-rungis.mobi>
La société Labelrungis a pour activité la sélection de produits agroalimentaires parmi les produits proposés par les divers grossistes et importateurs professionnels du marché d'intérêt national de Rungis et la distribution des produits sélectionnés auprès des professionnels de la restauration de la région parisienne.
La société Labelrungis intervient en tant qu'acheteur professionnel sur le marché national de Rungis et est titulaire depuis 2014 pour ce faire d'une carte d'acheteur délivrée par le Requérant, lui conférant la qualité "de commerçant dont l'activité est liée à l'activité sur le marché".
Les noms de domaine litigieux <label-rungis.com> et <labelrungis.com> dirigent vers une page Internet sur laquelle ceux-ci sont exploités en association avec un logo représentant un cuisinier s'inscrivant dans un cercle à fond vert et proposant à une clientèle de restaurateurs et aux collectivités une large gamme de produits alimentaires.
Cette page Internet a évolué pour renvoyer l'internaute vers une page Facebook.
Les noms de domaine litigieux <labelrungis.mobi> et <label-rungis.mobi> sont désormais inactifs.
Le Requérant fait valoir que les noms de domaine litigieux sont similaires aux marques précitées dont il est titulaire au point de prêter à confusion avec ces dernières. La renommée de ses marques est invoquée. Il est souligné par le Requérant que les suffixes ".com" et ".mobi", n'étant pas des éléments distinctifs, doivent être exclus de la comparaison pour apprécier le risque de confusion. Pour cette même raison, le Requérant entend écarter de la comparaison les éléments verbaux inclus dans ses marques "marché international", et le vocable "label" en attaque des noms de domaine litigieux, compte-tenu de leur caractère descriptif. Par ailleurs, le Requérant considère que les éléments figuratifs constituant ses marques aux côtés des éléments verbaux, ne doivent pas être pris en compte pour apprécier le risque de confusion, dès lors qu'un nom de domaine ne peut jamais inclure d'élément figuratif.
Le Requérant fait valoir ainsi que les noms de domaine litigieux reproduisent l'élément distinctif dominant et notoire RUNGIS constitutif de ses marques, générant selon lui un important risque de confusion avec ces dernières. Le terme "label" renforce la confusion dès lors qu'il fait référence à l'image de qualité et de sécurité associée aux produits commercialisés au sein du marché d'intérêt national géré par le Requérant et sur laquelle celui-ci communique sous la marque semi-figurative LA QUALITE PASSE PAR RUNGIS.
Le Requérant communique une enquête de notoriété de l'institut TNS Sofres qui montre que 80% des interviewés associent le terme RUNGIS au marché d'intérêt national et 92% des français, associent ce signe à la fourniture de produits frais de qualité. La présence du terme "label" au sein des noms de domaine litigieux conduira selon lui les internautes à penser que les produits présents sur le site du Défendeur, émanent du Requérant et ce d'autant qu'ils sont identiques ou similaires à ceux couverts par ces enregistrements de marque.
Le Requérant soumet une décision rendue par l'Institut national de la propriété industrielle ("INPI") concluant au risque de confusion entre la marque LA QUALITE PASSE PAR RUNGIS et la marque LABELRUNGIS.COM, LA TRACABILITE AU SERVICE DE LA QUALITE, considérant que les deux signes ont en commun le signe distinctif et dominant RUNGIS, ce dernier bénéficiant d'un degré élevé de connaissance auprès du public.
Le Requérant affirme que le Défendeur ne peut arguer d'aucun intérêt légitime à la réservation et à l'exploitation des noms de domaine litigieux. Il est précisé que le Défendeur n'est titulaire d'aucune marque et ne peut se prévaloir d'aucune autorisation du Requérant ni de liens commerciaux avec ce dernier.
Le Requérant n'est pas un professionnel, exerçant sur le marché d'intérêt national de Rungis. Aussi, ne répond-il pas aux conditions posées par le Code du commerce dans ses articles L.761-1 et suivants ainsi qu'au Règlement intérieur du Marché d'intérêt national de Rungis.
Le Requérant fait également remarquer que la société Labelrungis mentionnée sur les pages du site accessible à partir des noms de domaine litigieux, n'exerce aucune activité sur le marché d'intérêt national de Rungis et ne présente pas les garanties de qualité et de sécurité imposées aux opérateurs du marché.
L'adresse mentionnée sur le site est une adresse de domiciliation sur la commune de Rungis pour créer un lien dans l'esprit du public avec le marché de Rungis géré par le Requérant. De plus selon ce dernier, le contrat de domiciliation aurait été résilié le15 mars 2016.
Par ailleurs, le Défendeur ne peut selon le Requérant détenir un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux alors même que celui-ci est trompeur de par l'utilisation du terme "label", terme soumis à réglementation, auquel le Défendeur ne se conforme pas. Sur ce point, le Requérant communique un courrier de l'Institut national de l'origine et de la qualité ("INAO") adressé à l'INPI, concernant le dépôt de la marque LABELRUNGIS.COM, LA TRACABILITE AU SERVICE DE LA QUALITE soulignant que ce dépôt doit être rejeté du fait de son caractère trompeur.
Enfin, le Requérant estime que les noms de domaine litigieux ont été réservés et sont exploités de mauvaise foi par le Défendeur. Selon lui, les noms de domaine litigieux ont uniquement pour but de tirer parti de la notoriété des marques antérieures en laissant faussement croire aux professionnels visés, en l'espèce ceux auxquels s'adresse également le Requérant, que les produits proposés sur le site du Défendeur répondent aux conditions de qualité, d'hygiène et de sécurité attachés aux produits commercialisés sur le marché national de Rungis.
Suite à la mise en demeure adressée au Défendeur, ce dernier a fait évoluer le site associé au nom de domaine litigieux, invitant les internautes sur un lien vers une page Facebook sur laquelle sont mentionnés dans un encadré les termes "Labelrungis.com", "La Traçabilité d'un service de qualité", ne faisant ainsi qu'accroître le risque de tromperie, en laissant supposer que les produits qu'ils proposent bénéficient d'un label de qualité officiel et d'une authentification du Requérant. Le Défendeur cherche ainsi à capter les internautes et à tirer un avantage économique direct.
Le Requérant déclare avoir déposé une plainte le 7 septembre 2015 auprès de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) afin de les alerter sur les pratiques commerciales, trompeuses selon lui, du Défendeur.
Au vu de ce qui précède, le Requérant demande que les noms de domaine litigieux soient transférés au Requérant.
Le Défendeur conteste la similitude des noms de domaine litigieux avec les marques du Requérant et du risque de confusion qui en résulterait avec ces dernières.
Sur ce point, il fait valoir que le terme géographique RUNGIS, en dehors de toute écriture stylisée n'a pas de fonction distinctive en soi, et souligne qu'en l'espèce le terme RUNGIS au sein des marques du Requérant est descriptif du lieu d'implantation du marché d'intérêt national.
Le Défendeur invoque au soutien de ses arguments la Directive 2015/2436 du Conseil des Communautés Européennes et l'article L.711.2 du Code français la Propriété Intellectuelle qui visent à exclure de la protection à titre de marque les signes qui désignent une caractéristique du produit ou du service et notamment la provenance géographique du bien ou de la prestation de services.
Le Requérant ne peut interdire au tiers d'exploiter le terme géographique RUNGIS et ce d'autant qu'il existe un grand nombre d'enregistrements de marques incluant ce terme dans le domaine des produits alimentaires et des services connexes;
Le Défendeur, en se livrant à une comparaison des noms de domaine litigieux et avec les marques du Requérant telles qu'exploitées, considère qu'il ne peut y avoir confusion dès lors que les noms de domaine litigieux diffèrent de ces dernières prises dans leur ensemble. Le Défendeur considère que le terme d'attaque "label", distinctif et dominant au sein des noms de domaine litigieux, retiendra principalement l'attention du consommateur. Il sera perçu par ce dernier comme renvoyant à l'idée d'une sélection de produits de qualité en provenance de Rungis, notion à laquelle ne renverraient pas les termes RUNGIS MARCHE INTERNATIONAL.
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d'apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement.
(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits, et
(ii) Le Défendeur ne dispose d'aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache, et
(iii) Le nom de domaine litigieux est enregistré et utilisé de mauvaise foi.
La Commission administrative constate que le Requérant a démontré qu'il était titulaire de marques incluant le vocable RUNGIS, tel que requis par les Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges.
Les noms de domaine litigieux sont-ils identiques ou similaires aux marques invoquées par le Requérant ?
Se pose ici une question classique soulevée dans de nombreuses décisions UDRP, lorsqu'il s'agit de comparer le nom de domaine litigieux avec une marque semi-figurative, comme c'est le cas en l'espèce.
De toute évidence, dans une telle circonstance, les noms de domaine litigieux ne peuvent être considérés comme identiques. Se pose alors la question de la similitude. Sur ce point, la majorité des commissions administratives s'accordent à penser que les éléments figuratifs de la marque ne font pas obstacle à la reconnaissance d'une éventuelle similitude dans la mesure où l'internaute, en tout état de cause, ne peut utiliser qu'un élément verbal pour lancer ses recherches (voir sur ce point la décision Ville de Paris v. Salient Properties LLC, Litige OMPI No. D2009-1279).
Il s'agit donc de se prononcer ici sur la similitude entre les éléments verbaux RUNGIS MARCHE INTERNATIONAL ou LA QUALITE PASSE PAR RUNGIS d'une part et <labelrungis.com>, <label-rungis-com>, <labelrungis.mobi>, <label-rungis.mobi>, d'autre part.
Intervient à cet égard la seconde question clé suivante: le terme RUNGIS, en l'espèce, a-t-il une valeur distinctive ou est-il au contraire simplement descriptif du lieu d'implantation du marché géré par le Requérant.
La réponse à cette question est déterminante pour apprécier si l'élément verbal RUNGIS que le Requérant considère comme distinctif, renommé, dominant au sein de ses marques, doit être pris en compte pour reconnaître ses droits à ce titre et apprécier ainsi la confusion avec les noms de domaine litigieux.
De nombreuses décisions se sont prononcées sur ce point. La Commission administrative écartera celles d'entre elles qui concernent la reconnaissance de droits privatifs sur un nom géographique lorsque le requérant n'est pas titulaire d'une marque enregistrée, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
La majorité des commissions administratives s'accordent à reconnaitre au requérant un droit exclusif à titre de marque sur un nom géographique si celui-ci n'est ni descriptif ou lié à l'origine des produits ou services proposés sous la marque invoquée à moins que ce terme n'ait acquis par l'usage une valeur distinctive, appliquant en cela les règles de droit et la jurisprudence classiques en la matière.
A cet égard, le Requérant fait valoir l'ancienneté de ses marques ainsi que leur notoriété en relation avec le marché d'intérêt national dont il assure la gestion.
La Commission administrative a examiné avec attention l'enquête de notoriété soumise et note que si cette dernière fait référence principalement à la marque semi-figurative associant le logo au vocable RUNGIS, il apparaît néanmoins qu'une majorité parmi les interviewés associent le nom Rungis au marché international dont le Requérant est gestionnaire. La Commission administrative rejoint les conclusions de l'INPI et estime que le terme RUNGIS de par son degré de connaissance élevé auprès du public bénéficie d'une distinctivité propre attachée aux activités du Requérant.
La reprise de ce terme au sein des noms de domaine litigieux est-il de nature à créer une confusion avec les marques du Requérant ? Considérant que l'accès à l'Internet se fait uniquement au travers d'éléments verbaux, que les termes Label et les extensions génériques ".com" et ".mobi" s'agissant des noms de domaine litigieux, ainsi que le MARCHE INTERNATIONAL ou LA QUALITE PASSE PAR s'agissant des marques du Requérant sont des éléments purement descriptifs, la Commission administrative estime qu'une confusion peut naître dans l'esprit des internautes qui associeront les noms de domaine litigieux aux marques du Requérant, de par la reprise du signe commun RUNGIS qui en constitue dans chacun des cas l'élément distinctif et dominant.
De plus, l'association du terme Label au vocable Rungis est susceptible de renvoyer à une image de qualité, image que connote également la marque du Requérant LA QUALITE PASSE PAR RUNGIS.
Le fait que les activités soient différentes n'est pas un argument pertinent, le principe de spécialité qui régit les droits nationaux des marques, n'intervenant pas dans le cadre des procédures UDRP.
La Commission administrative estime en conséquence que les conditions posées par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs sont satisfaites.
Le Requérant dénie tout droit et intérêt légitime au Défendeur considérant que sa domiciliation sur la commune de Rungis est purement fictive, que celui-ci n'est pas un professionnel et n'exerce pas d'activités sur le marché de Rungis et exploite indûment le terme Label réglementé par le Code rural et de la pêche maritime.
- Sur la faculté pour le Défendeur de se prévaloir ou non, de par sa localisation sur la commune de Rungis, d'un rattachement à Rungis et donc d'une exploitation légitime des noms de domaine litigieux.
La Commission administrative relève que le Défendeur fait état d'une domiciliation à Rungis de la société Labelrungis en 2014 et affirme en être le gérant.
La Commission administrative tient tout d'abord à souligner que le Défendeur à la présente procédure n'est pas la société Labelrungis mais M. Tournier en tant que personne physique, ce qui semble parfois avoir été oublié par les deux parties.
Au vu des pièces et actes communiqués, M. Tournier n'apparaît aucunement comme gérant de cette société mais uniquement comme associé minoritaire.
Par ailleurs, le contrat de domiciliation est mentionné sur le K-bis de la société Labelrungis, comme ayant été résilié en mars 2016, sans que le Défendeur ne s'explique sur ce point.
L'inscription de cette résiliation jette un doute sur l'intérêt légitime du Défendeur.
Une attestation de novembre 2016 confirme néanmoins la domiciliation de la société Labelrungis sur la commune de Rungis mais est délivrée au gérant de cette société M. Barbault sans référence au Défendeur.
L'argument du Requérant selon lequel cette domiciliation de la société Labelrungis sur la commune de Rungis démontrerait une intention parasitaire du Défendeur, ne peut être retenu par la Commission administrative au vu des seules pièces soumises par le Requérant, une carte d'acheteur portant l'adresse de cette domiciliation ayant été délivrée par le Requérant, délivrance qui intervient à l'issue d'une enquête semble-t-il approfondie.
- Sur la qualité de professionnel du Défendeur exerçant ou non sur le marché de Rungis
Comme souligné ci-dessus, une carte d'acheteur a été délivrée par le Requérant à la société Labelrungis, cette carte étant délivrée pour les commerçants dont l'activité est liée à l'activité du marché d'intérêt national.
Le Requérant ne semble pas mettre en cause la relation entre le titulaire de cette carte et le Défendeur.
En effet, celui-ci en tire au contraire arguments pour affirmer que le Défendeur avait connaissance, à ce titre, du Règlement intérieur du marché et en conséquence de l'interdiction d'utiliser les marques et logo du Requérant. Il est en effet vraisemblable que le Défendeur, en sa qualité d'associé, en ait eu connaissance.
La question pourrait néanmoins se poser de savoir ici si le Défendeur peut être considéré à ce titre comme un professionnel dûment habilité, de par l'autorisation délivrée à une société dont il est associé, à exercer sur le marché national de Rungis sans être en infraction avec les dispositions du Code de commerce, articles L761-1 et R761-17, et à utiliser légitimement le terme Rungis.
La Commission administrative estime toutefois ne pas avoir à se prononcer sur une éventuelle infraction à la disposition du Code de commerce ni même sur la violation des dispositions du Règlement intérieur du marché national pour éventuel non-respect par le Défendeur des règles d'hygiène et de sécurité alimentaire, comme le soutient le Requérant.
Sur la seule question qui relève de la procédure UDRP, à savoir l'existence ou non d'un intérêt légitime du Défendeur, la Commission administrative au vu des pièces et documents soumis, estime que le Défendeur n'étant pas le représentant légal de la société Labelrungis, contrairement à ses allégations, ne peut pas à priori se prévaloir des engagements pris par la société Labelrungis auprès du marché national et en conséquence de l'autorisation consentie à ce titre à cette société et par voie de conséquence d'un intérêt légitime à la réservation et à l'exploitation des noms de domaine litigieux.
- Sur l'usage du terme Label
Le Requérant émet enfin des doutes sur la provenance des produits proposés par le Défendeur et fait valoir le caractère trompeur de l'usage du terme "label", les produits n'étant pas contrôlés par lui-même.
La Commission administrative est d'avis que ces arguments seraient à examiner davantage au regard du troisième critère relatif à la réservation et à l'exploitation de mauvaise foi.
Néanmoins, de l'avis de la Commission administrative, ces questions ne relèvent pas d'une procédure UDRP. Elles entrent dans le champ du droit de la consommation et de la concurrence comme le montre bien la procédure déjà engagée par le Requérant auprès des services de la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes, le 7 septembre 2015.
En conclusion la Commission administrative estime que le Défendeur, qui en tout état de cause ne peut être considéré comme le représentant légal de la société Labelrungis, n'a pas démontré de droits et d'intérêt légitime pour son propre compte tels que requis par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
En application du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant est tenu de prouver que le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi. Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs donne des exemples non exhaustifs de comportements susceptibles de constituer une telle preuve, tels que:
(i) les faits montrent que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine litigieux essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d'une autre manière l'enregistrement de ce nom de domaine au Requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu'il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine litigieux;
(ii) le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en vue d'empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d'une telle pratique;
(iii) le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d'un concurrent; ou
(iv) en utilisant ce nom de domaine litigieux, le Défendeur a sciemment tenté d'attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l'Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l'affiliation ou l'approbation de son espace ou espace Web ou d'un produit ou service qui y est proposé.
La mauvaise foi du Défendeur invoquée par le Requérant tient au fait selon lui que celui-ci était dûment informé en tant que bénéficiaire de la carte d'acheteur qui lui avait été délivrée, de l'interdiction d'exploiter les marques du Requérant.
Sur ce point, la Commission administrative est d'avis que l'interdiction porte sur la marque semi-figurative du Requérant, et non sur une marque simplement verbale dont ce dernier ne se prévaut aucunement.
La Commission administrative, comme souligné ci-dessus a relevé que la marque apparaissant tant sur l'enquête de notoriété que sur la carte d'acheteur était une marque semi-figurative et ne retiendra donc pas cet argument comme preuve de la mauvaise foi du Défendeur.
La Commission administrative est plus sensible au caractère potentiellement trompeur de l'exploitation réalisé par le Défendeur du terme Label au sein des noms de domaine litigieux, celui-ci pouvant laisser faussement croire aux internautes qu'ils se dirigent vers un site authentifié par le Requérant.
Une telle circonstance est en effet visée par le paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeurs comme de nature à démontrer la mauvaise foi d'un Défendeur qui tenterait par l'exploitation du nom de domaine litigieux, d'attirer à des fins lucratives les utilisateurs de l'Internet sur un site en créant une confusion avec la marque du Requérant, laissant supposer à une approbation de ce dernier.
Néanmoins, la Commission administrative relève que le Requérant semble avoir accepté de délivrer à l'issue d'une enquête, une carte d'acheteur à la société Labelrungis, et donc à une entité juridique exerçant ses activités sous une dénomination sociale incluant le terme Label.
La Commission administrative a examiné attentivement le Procès-Verbal du constat d'huissier réalisé par le Requérant sur de site du Défendeur.
Ce site reproduit un logo très différent de celui du Requérant. L'exploitant du site mentionne que les produits proposés par la société Labelrungis "à marché de Rungis", sont tous acquis auprès de grossistes et de professionnels basés sur le marché de Rungis, et accompagne la présentation de sa page Internet du slogan "La traçabilité d'un service de qualité" qu'il est permis de rapprocher d'un des signes distinctifs du Requérant "La Qualité passe par Rungis".
Le Requérant souligne avoir saisi la DGCCRF du fait de cette exploitation qu'il juge frauduleuse, le Défendeur affirmant lui qu'aucune suite n'est donnée à ce jour à ladite procédure.
Ici encore, la Commission administrative est d'avis que cette question qui met en jeu l'appréciation d'une éventuelle tromperie du consommateur et d'une éventuelle fraude quant à l'origine des produits proposés par le Défendeur ne peut relever de la présente procédure.
Ces questions vont bien au-delà de l'appréciation de la condition de mauvaise foi requise par le paragraphe 4(a)(iii) et 4(b) des Principes directeurs pour l'emporter dans le cadre d'une procédure UDRP, mauvaise foi qui n'apparaît pas suffisamment manifeste dans ce cadre spécifique pour que la Commission administrative en atteste la réalité.
Par ailleurs, l'amalgame et la confusion réalisés tant par le Requérant que par le Défendeur entre la société Labelrungis et M. Tournier, alors même que ce dernier est le seul Défendeur à la présente procédure, conforte la Commission administrative dans l'idée que le présent litige n'entre pas dans le champ de compétence de la procédure UDRP et requiert des investigations approfondies qui n'entrent pas dans le champ de la présente procédure.
En conclusion, et pour les raisons ci-dessus indiquées, la Commission administrative rejette la plainte estimant que les questions soulevées dans le présent litige, devaient être examinées et tranchées éventuellement dans le cadre d'une action judiciaire.
La Commission administrative est d'avis que si la plainte déposée par le Requérant devant la Direction Générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des Fraudes (DGCCRF) devait attester des agissements frauduleux du Défendeur, le Requérant serait légitime à présenter une nouvelle plainte pour obtenir le transfert ou la radiation des noms de domaine litigieux.
Martine Dehaut
Expert Unique
Le 13 décembre 2016