Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Crédit Industriel et Commercial S.A. contre debordo, Network Team
Litige No. D2017-0629
1. Les parties
Le Requérant est Crédit Industriel et Commercial S.A. de Paris, France, représenté par MEYER & Partenaires, France.
Le Défendeur est debordo, Network Team de Lokossa, Bénin.
2. Nom de domaine et unité d'enregistrement
Le nom de domaine litigieux <cic-financial-bk.com> est enregistré auprès de PDR Ltd. d/b/a PublicDomainRegistry.com (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par Credit Industriel et Commercial S.A. en français auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 28 mars 2017. En date du 29 mars 2017, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 30 mars 2017, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige, et indiquant que la langue du contrat d'enregistrement était l'anglais.
Le 14 avril 2017, le Centre a envoyé un avis aux parties concernant la langue de la procédure, invitant le Requérant soit à fournir la preuve d'un accord, entre le Requérant et le Défendeur, prévoyant que la procédure se déroule en français, soit à déposer une plainte traduite en anglais, soit à déposer une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Défendeur a également été invité à fournir des arguments à cet égard. Le 14 avril 2017, le Requérant a déposé une demande afin que la procédure administrative se déroule en français. Le Défendeur n'a fourni aucun argument à cet égard.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 18 avril 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en français et en anglais. Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 mai 2017. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 9 mai 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 29 mai 2017, le Centre nommait William A. Van Caenegem comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
4. Les faits
Le Requérant est titulaire de nombreux enregistrements de marque consistant en ou incluant le signe "CIC" parmi lesquels la marque française CIC N° 1358524 enregistrée le 10 juin 1986; la marque de l'Union Européenne CIC N° 5891411 enregistrée le 10 mai 2007; et la marque internationale CIC BANQUES N° 585099 enregistrée le 10 avril 1992.
Le Requérant offre un accès en ligne par l'intermédiaire du site Internet "www.cic.fr" depuis sa création en 1999.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 16 janvier 2017.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Selon le Requérant le nom de domaine litigieux est semblable au point de prêter à confusion, à sa marque CIC. Le nom de domaine litigieux reproduit d'abord la marque CIC, à laquelle sont adjoints les éléments "financial" et "bk" (pour " bank") séparés par des traits d'union. Le Requérant maintient que "cic" constitue l'élément dominant du nom de domaine litigieux, par sa position première, et parce qu'il s'agit du seul élément qui ne correspond pas à un terme du langage courant.
Selon le Requérant les deux éléments "financial" et "bk" sont descriptifs des activités bancaires du Requérant. Ces termes sont par conséquent très évocateurs de ce dernier. Ceci rend le nom de domaine litigieux similaire au point de prêter à confusion avec la marque CIC.
En ce qui concerne les droits ou intérêts putatifs du Défendeur sur le nom de domaine litigieux, le Requérant estime qu'aucun intérêt légitime s'y attache. Le Requérant affirme qu'il n'existe aucune relation entre le Défendeur et le Requérant, et que "Debordo, Network Team" n'est pas un agent ni un salarié du Requérant ou de l'une des sociétés liées. Aucune autorisation ou licence d'exploitation n'a été accordé à "Debordo, Network Team" aux fins d'enregistrer ou d'utiliser le nom de domaine litigieux. "Debordo, Network Team" n'est pas et n'a jamais été connu sous la dénomination CIC ou CRÉDIT INDUSTRIEL ET COMMERCIAL.
Selon le Requérant, le Défendeur utilise le nom de domaine litigieux pour attirer les internautes vers un site offrant prétendument des services de prêts bancaires. En bas de page du site lié au nom de domaine litigieux, l'adresse "44 Avenue du Capitaine Glarner 93400 Saint-Ouen France" est mentionnée. Ce site web vise donc spécifiquement les internautes français. Cependant, les investigations du Requérant n'ont pas permis de confirmer l'existence officielle de la prétendue société "CIC-Financial-Bk".
Le Requérant estime qu'il ne peut être exclu que des internautes peu attentifs croient se trouver sur son site ou celui d'une société liée, et indiquent leurs données personnelles ou bancaires dans les champs prévus à cet effet, d'où elles sont susceptibles d'être détournées dans un but nécessairement frauduleux. Cet usage est qualifié de phishing et ne donne aucun droit ou intérêt légitime au titulaire du nom de domaine.
Selon le Requérant, le Défendeur, qui est lié à la France et qui par son site internet vise clairement les internautes français, ne pouvait pas ignorer sa marque CIC. Au vu de la composition du nom de domaine litigieux, le Requérant maintient qu'il n'y a aucun doute que le Défendeur a choisi ce nom de domaine volontairement, ceci d'autant plus si l'on considère le contenu du site web lié. Le Défendeur a associé à la marque CIC des termes évocateurs et a redirigé le nom de domaine ainsi constitué vers un site internet offrant des services identiques à ceux du Requérant.
Selon le Requérant le risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et ses droits de marque a été délibérément provoqué par le Défendeur, qui est également titulaire de plusieurs autres noms de domaine. L'un d'entre eux redirige vers un site web identique à celui activé par le nom de domaine litigieux, seul le titre étant modifié, avec la même adresse postale en bas de page d'accueil. Le Requérant indique que certains éléments textuels du site sont reproduits sur d'autres sites proposant des services bancaires similaires qui reprennent visiblement ses modèles de chartes graphiques et textuelles. Selon le Requérant cela confirme l'hypothèse d'activités financières non répertoriées et potentiellement frauduleuses. Le Requérant n'a pu confirmer l'existence officielle d'une personne physique ou morale qui respecterait les obligations très règlementées des sociétés évoluant dans le secteur bancaire.
Le Requérant affirme que lors de la navigation sur le site lié au nom de domaine litigieux, l'internaute est invité à saisir ses coordonnées de contact, une collecte de coordonnées personnelles qui pourrait aisément être assimilée à des tentatives de phishing ou du moins à des tentatives de collecte de données personnelles à des fins frauduleuses. Le Requérant ajoute en dernier lieu, que le site "www.cic-financial-bk.com" a été répertorié sur un site référençant les sites suspectés d'exercer des activités frauduleuses de type escroquerie, et conclut que l'usage du nom de domaine pour l'activation du site internet exposé ci-dessus constitue un faisceau d'indices visant à démontrer la mauvaise foi du Défendeur.
B. Défendeur
Le Défendeur n'a pas répondu aux arguments du Requérant.
6. Discussion et conclusions
A. La langue de la procédure
La langue du contrat d'enregistrement est l'anglais. Néanmoins le Requérant sollicite que le français soit la langue de procédure. En l'espèce, la connaissance de la langue française par le Défendeur est affirmée par le fait que ses coordonnées postales et téléphoniques sont au Bénin, pays dont la langue officielle est le français; que l'adresse de contact mentionnée sur le site qui est lié au nom de domaine litigieux est localisée à Saint-Ouen, France; que le nom de domaine litigieux est lié à un site web composé de pages rédigées en langue française; et que l'activité en ligne de services bancaires et financiers offerts sur le site lié au nom de domaine litigieux serait localisée en France, à Saint-Ouen.
Le Requérant est l'un des premiers groupes bancaires basés en France, et la plainte a été rédigée en langue française. Il est essentiel d'assurer le règlement rapide de cette procédure UDRP, à des coûts raisonnables sans nécessiter la traduction en anglais alors que les parties maitrisent la langue française et les activités des parties relatives à ce litige se situent en France.
Pour ces raisons et conformément au paragraphe 11(a) des Règles d'application la Commission administrative accepte que la langue de la présente procédure soit le français.
B. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le Requérant a démontré être titulaire de droits sur la marque CIC (voir Section 4 en dessous).
Le nom de domaine litigieux n'est pas identique à la marque CIC du Requérant. Néanmoins il reprend cette marque en intégralité et en position première. La marque CIC n'est point descriptive des activités du Requérant. Les termes "financial" et "bk" (abréviation de "bank") du nom de domaine litigieux sont descriptifs des activités bancaires du Requérant. Ceci rend le nom de domaine litigieux similaire au point de prêter à confusion avec la marque CIC du Requérant.
En conséquence, la Commission administrative considère que la première condition posée par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.
C. Droits ou intérêts légitimes
Le Requérant a affirmé qu'il n'existe aucune relation entre le Défendeur et le Requérant. Aucune autorisation ou licence d'exploitation n'a été accordée au Défendeur, qui n'a jamais été connu sous la dénomination "CIC". Les activités du Défendeur sur le site lié au nom de domaine litigieux sont susceptibles de suggérer une tentative de phishing ou une activité frauduleuse d'une sorte ou d'autre. Ces activités ne sont de nature à donner lieu à des droits ou intérêts reconnus au titre du Défendeur, au contraire.
En conséquence, la Commission administrative considère que la deuxième condition posée par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs est remplie.
D. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Le Requérant est l'un des premiers groupes bancaires en France, et la marque CIC est une marque notoire. Le site internet du Défendeur vise clairement les internautes français, et comme indique la composition du nom de domaine litigieux (avec les termes "financial" et "bk" (pour "bank")), le Défendeur a choisi ce nom volontairement et délibérément. Ceci d'autant plus si l'on considère que sur le site web associé au nom de domaine sont offerts des services bancaires et financiers, soit des services identiques et concurrents à ceux du Requérant. Il est très probable que le Défendeur ait cherché établir un site de phishing ou avec un but frauduleux similaire, ce qui correspond à une utilisation de mauvaise foi du nom de domaine litigieux.
En conséquence, la Commission administrative considère que la troisième condition posée par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est remplie.
7. Décision
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <cic-financial-bk.com> soit transféré au Requérant.
William A. Van Caenegem
Expert Unique
Le 12 juin 2017