Le Requérant est Natixis de Paris, France, représenté par Inlex IP Expertise, France.
Le Défendeur est Quintus Oukenze d’Abidjan, Côte d’Ivoire.
Le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> est enregistré auprès de Ligne Web Services SARL (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Natixis auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 12 juillet 2017. En date du 12 juillet 2017, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 17 juillet 2017, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 19 juillet 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 8 août 2017. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 10 août 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 22 août 2017, le Centre nommait Christophe Imhoos comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est un établissement bancaire et financier présent en France et dans le monde entier.
Il est titulaire de nombreux droits de marque français, communautaires et internationaux enregistrés depuis 2006 et composés du terme “NATIXIS”, soit notamment (Annexe 4 à la plainte):
- la marque française NATIXIS N° 3416315, déposée le 14 mars 2006;
- la marque de l’Union Européenne NATIXIS, N° 5129176, enregistrée le 21 juin 2006;
- la marque Internationale NATIXIS, N° 1071008, enregistrée le 21 avril 2010;
Le Requérant est en outre titulaire des noms de domaine <natixis.com>, enregistré le 3 février 2005, et <natixis.fr>, enregistré le 20 octobre 2006 qui redirigent vers le site officiel de NATIXIS (Annexe 5 à la plainte).
Le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> a été enregistré le 18 octobre 2016 et dirigeait vers une page de parking. Le nom de domaine litigieux est désormais inactif.
Le Requérant allègue ce qui suit:
(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a droit.
Le Défendeur a créé le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> le 18 octobre 2016 (Annexe 1 à la plainte).
Le nom de domaine litigieux est composé de la marque NATIXIS auquel est associé au suffixe descriptif le code pays “fr” pour “France”.
Le Requérant allègue que le nom de domaine litigieux étant ainsi constitué de la marque du Requérant et du code pays “fr”, il en résulte que le consommateur sera amené à penser que le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> est le site français du Requérant.
L’ajout de terme descriptif “fr” à la marque NATIXIS n’est pas susceptible d’éviter le risque de confusion pour le consommateur (Compagnie Gervais Danone c. Sarl Biu, Litige OMPI No. D2007-1824).
(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.
Le Défendeur n’a pas de droit, y compris de droit de marque, sur le nom “Natixis”.
De plus, il n’y a pas de relations juridiques ou d’affaires entre le Requérant et le Défendeur. En outre, le Défendeur n’a pas été autorisé par le Requérant à utiliser la marque NATIXIS.
Enfin, le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> n’est pas exploité; il est donc évident que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime à enregistrer ou à utiliser ce nom de domaine. En effet, le nom de domaine litigieux dirigeait vers une page parking (cf. Natixis c. Sylvia Porter, Litige OMPI No. D2015-0960).
(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Les marques NATIXIS appartenant au Requérant sont notoires en France et dans plusieurs autres pays. Leur caractère notoire peut être établi par une simple recherche du mot “Natixis” sur le moteur de recherche “www.google.com” qui donne environ 3 millions de résultats (Annexe 6 à la plainte).
Avec plus de 15,000 collaborateurs dans 38 pays, NATIXIS est le groupe d’investissements et de services financiers du Groupe BPCE, deuxième groupe bancaire français (Annexe 7 à la plainte). NATIXIS jouit d’une grande réputation non seulement en France mais aussi dans le monde entier.
Il semble dès lors peu probable que le Défendeur n’ait pas été au courant des activités du Requérant et de l’existence des marques NATIXIS au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
En outre, le nom de domaine litigieux est utilisé de mauvaise foi. En effet, celui-ci n’est pas actif de sorte qu’il n’y a aucune offre réelle et substantielle de produits et/ou de services sur le site associé au nom de domaine litigieux.
Comme cela a déjà été décidé dans plusieurs cas similaires, la réservation de noms de domaine, incluant des marques connues, montre clairement la mauvaise foi du défendeur, même si ces noms de domaine ne sont pas utilisés (cf. Jupiters Limited c. Aaron Hall, Litige OMPI No. D2000-0574).
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
Le Requérant a établi ses droits sur la marque NATIXIS, en France et dans le monde.
Le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> est manifestement identique à la marque NATIXIS du Requérant, l’élément “-fr” n’étant pas pertinent comme l’a souligné le Requérant dans sa plainte.
Partant, le nom de domaine litigieux prête à confusion à la marque du Requérant. La Comission Administrative conclut que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est satisfaite.
Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui, si la Commission administrative considère les faits comme établis au vu de tous les éléments de preuve présentés, peuvent constituer la preuve des droits du Défendeur sur le nom de domaine litigieux ou de son intérêt légitime qui s’y attache. Ces circonstances sont les suivantes:
“(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet; ou
(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine litigieux, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services; ou
(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine sans intention de détourner à des fins lucratives les consommateurs en créant une confusion ni de ternir la marque de produits ou de services en cause.”
Si le requérant établit prima facie que le défendeur ne détient aucun droit ou intérêt légitime, il revient alors au défendeur de produire des arguments ou des preuves pour démontrer qu’il détient des droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. A défaut, le requérant est présumé avoir satisfait aux exigences posées par le paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Le Défendeur, en ne répondant pas à la plainte, n’a pas fait valoir une des circonstances qui auraient pu établir, à teneur du paragraphe 4(c) des Principes directeurs, ses droits sur le nom de domaine litigieux ou un intérêt légitime qui s’y attache.
Cela permet dès lors à la Commission administrative d’en tirer les conclusions qu’elle juge approprié selon le paragraphe 14(b) des Règles d’application (cf. Talk City, Inc. c. Michael Robertson, Litige OMPI No. D2000-0009; Isabelle Adjani c. Second Orbit Communications, Inc., Litige OMPI No. D2000-0867).
Il ressort des éléments du dossier - en l’absence de preuves contraires - et comme l’a relevé le Requérant que le Défendeur n’a aucun droit de propriété intellectuelle, antérieur ou non, ou autre sur la marque NATIXIS, ni n’a obtenu une quelconque autorisation pour les exploiter à titre de nom de domaine.
De plus et en l’absence de preuves contraires, le Défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux, ni ne fournit des services ou n’a de relations commerciales avec le Requérant.
La Commission administrative considère par conséquent que le Requérant a établi que le Défendeur n’a pas de droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.
Le paragraphe 4(b) des Principes directeurs prévoit une liste non-exhaustive de circonstances qui, pour autant que leur réalité soit constatée par la Commission administrative, établissent la preuve de ce que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Une telle preuve est donnée par l’une des circonstances ci-après:
“(i) les faits montrent que le défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais qu’il peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine; ou
(ii) le défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et est coutumier d’une telle pratique; ou
(iii) le défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou
(iv) en utilisant ce nom de domaine, le défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un espace Web ou autre site en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son espace ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”
La Commission administrative ne voit aucune circonstance exceptionnelle au sens du paragraphe 14(a) des Règles d’application qui n’aurait permis au Défendeur de respecter le délai de réponse fixé. Deux conclusions peuvent être tirées: le Défendeur ne conteste pas les faits allégués par le Requérant ni ne s’oppose aux conclusions que le Requérant tire desdits faits.
La Commission administrative a néanmoins le devoir de déterminer lesquels des allégués sont établis en fait et si les conclusions soumises par le Requérant peuvent être tirées desdits faits (cf. Harvey Norman Retailing Pty Ltd c. Oxford-University, Litige OMPI No. D2000-0944).
La Commission administrative fait sienne l’allégué du Requérant d’après lequel le Défendeur a procédé à l’enregistrement de mauvaise foi du nom de domaine litigieux .
Au regard des pièces communiquées par le Requérant, la Commission administrative constate que la marque NATIXIS jouit d’une certaine renommée en France et dans le monde. Cela étant, la Commission administrative déduit que le Défendeur connaissait ou aurait dû connaître celle-ci au moment de l’enregistrement du nom de domaine litigieux.
L’enregistrement d’un nom de domaine correspondant à une marque connue appartenant à un tiers sans motif légitime doit être considéré comme ayant été effectué de mauvaise foi (cf. NC Numericable c. SARL HTV, M. Herve Claude Loza, Litige OMPI No. D2014-1363; Goyard St-Honoré c. Domain Admin, Litige OMPI No. D2013-1520; Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli AG c. Ideas unboxed, Litige OMPI No. D2013-1129).
A preuve du contraire, il est par ailleurs établi que le Défendeur fait un usage passif du nom de domaine litigieux <natixis-fr.net>.
L’usage passif d’un nom de domaine ne fait pas obstacle à ce que son usage soit déclaré de mauvaise foi. Le fait que la marque soit connue, l’absence de preuve d’un usage actuel ou futur de bonne foi, et l’absence d’usage du nom de domaine par le défendeur qui ne serait pas illégitime sont des éléments permettant d’établir que l’usage passif d’un nom de domaine peuvent être constitutifs de mauvaise foi (NC Numericable c. SARL HTV, M. Herve Claude Loza, supra; Air Austral c. WWW Enterprise, Inc., Litige OMPI No. D2004-0765; Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003).
Au vu de ce qui précède, la Commission administrative conclut que le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.
Les trois conditions cumulatives prévues au paragraphe 4(a) des Principes directeurs étant réalisées, le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> est en conséquence transféré au Requérant.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <natixis-fr.net> soit transféré au Requérant.
Christophe Imhoos
Expert Unique
Le 5 septembre 2017