Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Société d'éditions et de périodiques techniques contre LHotellerie restauration
Litige No. D2017-1681
1. Les parties
Le Requérant est la Société d'éditions et de périodiques techniques de Paris, France, représenté par le Cabinet Alain Bensoussan Selas, France.
Le Défendeur est LHotellerie restauration de Paris, France.
2. Nom de domaine et unité d'enregistrement
Le nom de domaine litigieux <verification-lhotellerierestauration.com> est enregistré auprès de Register.it SPA (ci-après désigné "l'Unité d'enregistrement").
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par la Société d'éditions et de périodiques techniques auprès du Centre d'arbitrage et de médiation de l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 30 août 2017. En date du 31 août 2017, le Centre a adressé une requête à l'Unité d'enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 7 septembre 2017, l'Unité d'enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l'ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d'application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d'application"), et aux Règles supplémentaires de l'OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l'application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d'application, le 8 septembre 2017, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d'application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 28 septembre 2017. Le Défendeur n'a fait parvenir aucune réponse. En date du 29 septembre 2017, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 13 octobre 2017, le Centre nommait Jean-Claude Combaldieu comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu'elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d'application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d'acceptation et une déclaration d'impartialité et d'indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d'application.
Le Requérant sollicite dans sa plainte du 30 août 2017 que le français soit la langue de procédure. Il avance de nombreux arguments et notamment: le nom de domaine est en langue française, la page Web accessible à partir du nom de domaine litigieux est en langue française, les coordonnées du Défendeur pour s'identifier sur les bases du Whois sont françaises. Au regard de ces éléments et en application du paragraphe 11 des Règles d'application, la Commission administrative décide que le français sera la langue de procédure.
4. Les faits
Le Requérant, société anonyme de droit français, éditeur de revues techniques dont "L'Hôtellerie Restauration", est titulaire de la marque française HOTELLERIE RESTAURATION n° 3365308 déposée le 10 juin 2005 et en enregistrée en 2005, notamment pour des services de publicité, dans la classe 35.
Par ailleurs le Requérant est aussi titulaire du nom de domaine <lhotellerie-restauration.fr> enregistré depuis le 31 août 2004.
Par ailleurs le nom de domaine litigieux <verification-lhotellerierestauration.com> a été enregistré le 22 juillet 2017 et redirige vers une page parking.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Comme il est d'usage, le Requérant expose ses moyens en trois points.
1. Le nom de domaine est identique ou semblable, au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits:
Le Requérant rappelle, comme vu au point 4 (Les faits) qu'il a des droits sur la marque française HOTELLERIE RESTAURATION. C'est sous cette dénomination que le Requérant publie depuis 2004 une revue professionnelle (56,720 exemplaires) qui est une référence dans les milieux concernés.
Le nom de domaine litigieux reprend exactement les termes "hôtellerie" et "restauration" accolés entre eux et précédés d'un l (puisqu'une apostrophe n'est pas admise dans les noms de domaine) comme dans le nom de domaine du Requérant.
Dans le nom de domaine litigieux l'expression "lhotellerierestauration" est précédée du terme générique "vérification" suivi d'un tiret. Le requérant expose que ce mot vient qualifier la marque antérieure reproduite en laissant supposer que ce nom de domaine est une exploitation particulière de la marque antérieure dans le domaine des vérifications, des audits, des contrôles.
Le Requérant expose que compte tenu de l'ancienneté et de l'usage de la marque antérieure lui appartenant le public de référence peut être trompé sur l'origine du nom de domaine litigieux et qu'il existe un risque important de confusion avec ladite marque.
Il estime donc que ce premier critère est parfaitement rempli.
2 Le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s'y attache:
Le Requérant fait observer que le Défendeur n'a aucune marque valable sur le territoire français, qu'il n'a aucun lien commercial avec celui-ci et qu'il ne lui a été donné aucune autorisation d'utiliser la marque HOTELLERIE RESTAURATION. De plus la page d'accueil du nom de domaine litigieux est une simple page d'attente sans contenu commercial ou industriel.
Au vu de ces éléments le Requérant estime que ce deuxième critère est parfaitement rempli.
3. Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi:
Le Requérant expose que le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi en vue d'une utilisation particulièrement de mauvaise foi qui lui porte préjudice.
En effet il est précisé que l'adresse "www.lhotellerie-restauraration.fr" du Requérant propose de mettre en relation des recruteurs et des candidats dans ce domaine spécifique. Le CV des candidats sont regroupés dans une CVthèque accessible aux recruteurs sur abonnement payant.
Or à partir du nom de domaine litigieux le Défendeur a créé une adresse email "identite@verification‑lhotellerierestauration.com" avec laquelle il envoie des messages électroniques aux candidats ayant déposé leur CV dans la CVthèque en ligne dont il a récupéré frauduleusement les adresses email. Il essaye ainsi de se procurer une copie de documents officiels, de documents d'identité et plus généralement des données personnelles des destinataires de ces courriers électroniques.
Le Requérant expose que pour parfaire la tromperie, qui a toutes les apparences d'un phishing, le Défendeur n'a pas hésité dans ses déclarations lors de l'enregistrement (voir le WhoIs) à reprendre l'enseigne et l'adresse du Requérant pour les utiliser faussement afin de déjouer la suspicion des internautes qui voudraient s'assurer de l'origine des courriers reçus.
En droit français ces agissements peuvent relever des délits d'usurpation d'identité en ligne et d'escroquerie.
Le requérant conclut que ce troisième critère est bien rempli.
En conclusion générale le Requérant demande que le nom de domaine litigieux lui soit transféré.
B. Défendeur
Le Défendeur n'a pas répondu aux arguments du Requérant.
6. Discussion et conclusions
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le Requérant justifie d'un usage ancien et constant de sa marque HOTELLERIE RESTAURATION sous la forme de son nom de domaine et d'une revue spécialisée à fort tirage faisant référence chez les professionnels de l'hôtellerie et de la restauration.
Il est clair que le nom de domaine litigieux <verification-lhotellerierestauration.com>, qui ajoute le mot générique "vérification" aux deux mots assemblés "hôtellerie" et "restauration" constitutifs de la marque du Requérant, est susceptible de prêter à confusion auprès des internautes et en particulier auprès du public concerné.
Il est rappelé ici que les suffixes gTLD (par exemple ".com") ne doivent pas être pris en considération pour examiner la similitude entre un nom de domaine et une marque.
Nous concluons que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec la marque du Requérant.
B. Droits ou intérêts légitimes
Le Requérant nous expose que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache.
En effet le Requérant n'a jamais eu un lien commercial avec le Défendeur et ne lui a jamais accordé un droit, sous quelque forme que ce soit, en vue d'utiliser sa marque. Il a même vérifié que le Défendeur n'avait pas déposé une marque antérieure contenant les mots hôtellerie et/ou restauration.
Il semble que le Défendeur n'a pas utilisé le nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services ni de manière non-commerciale et légitime.
Enfin le Défendeur avait tout le loisir de faire valoir des droits en répondant à la présente plainte. Il ne l'a pas fait.
Nous considérons donc que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Ce n'est pas un hasard si le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux contenant l'expression "lhotellerierestauration". Il connaissait parfaitement l'existence du Requérant puisqu'il s'est domicilié frauduleusement à l'adresse du Requérant et a utilisé l'enseigne de ce dernier ainsi que l'atteste le WhoIs. Par conséquent il est clair que l'enregistrement a été fait de mauvaise foi.
Ainsi que l'expose le Requérant, le Défendeur s'est servi de son nom de domaine et de l'adresse mail associée "identite@verification-lhotellerierestauration.com" pour détourner ou s'accaparer des documents personnels envoyés au Requérant par ses correspondants ainsi que les adresses mail de ceux-ci. Ce comportement répréhensible, éventuellement délictuel comme l'affirme le Requérant, est constitutif d'un usage de mauvaise foi.
7. Décision
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d'application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <verification-lhotellerierestauration.com> soit transféré au Requérant.
Jean-Claude Combaldieu
Expert Unique
Le 17 octobre 2017