Le Requérant est Sanofi de Paris, France, représenté par Selarl Marchais & Associés, France.
Le Défendeur est Nom expurgé de Villard Bonnot, France.1
Le nom de domaine litigieux <sanofi-france.com > est enregistré auprès de Register.IT SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée en anglais par Sanofi auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 21 juin 2018. En date du 21 juin 2018, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 25 juin 2018, le Requérant a déposé un amendement à la plainte. Les 22 et 27 juin 2018, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte.
Le 27 juin 2018, le Centre a envoyé un courrier électronique en anglais et en français aux Parties les informant que la langue du contrat d’enregistrement était le français. Le même jour, un tiers a envoyé deux courriers électroniques au Centre l’informant être victime d’une usurpation d’identité. Le Requérant a déposé une plainte amendée en français le 3 juillet 2018. Le Défendeur n’a pas apporté d’observations concernant la langue de la procédure.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 11 juillet 2018, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 31 juillet 2018. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse.
En date du 15 août 2018, le Centre nommait Michel Vivant comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant, Sanofi, est, au niveau international, un acteur majeur du secteur pharmaceutique, présent dans de nombreux pays.
Le Requérant est titulaire d’un nombre important de marques SANOFI, françaises, européennes et internationales, enregistrées depuis de nombreuses années (à commencer par la marque française n° 1482708 enregistrée en 1988), ainsi que d’un certain nombre de noms de domaine (<sanofi.com>, <sanofi.fr>, <sanofi.us>, etc.).
Le nom de domaine litigieux <sanofi-france.com> a été enregistré le 13 mars 2018.
Le Requérant fait valoir qu’il est un acteur majeur dans le secteur pharmaceutique.
Comparant ses marques au nom de domaine litigieux, il observe que les marques SANOFI, marques dépourvues de signification particulière et donc hautement distinctives, marques bien connues et largement utilisées par lui, sont reproduites par le nom de domaine litigieux. Il ajoute que la reprise de l’entièreté d’une marque, en dépit de l’adjonction d’autres mots, a déjà été jugée comme ne modifiant pas l’identité ou la similitude qu’un nom de domaine ainsi conçu peut avoir avec une marque. Il fait valoir qu’en particulier l’adjonction du terme “France” est dépourvue d’incidence sur la caractérisation de cette identité ou de cette similitude comme cela fut également jugé.
Le Requérant fait valoir ensuite que le Défendeur n’a “évidemment” aucun intérêt qui puisse s’attacher à l’usage du nom de domaine litigieux, et ce d’autant plus qu’il a choisi de masquer son identité, pratique, dit-il, révélatrice d’un comportement de mauvaise foi. Il fait également valoir que le Défendeur n’a reçu aucune autorisation d’user des marques SANOFI. Il souligne enfin que le nom de domaine litigieux se borne à renvoyer à une page inactive. Il conclut de tout cela que le Défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime à faire valoir.
Enfin, quant à l’enregistrement et l’usage de mauvaise foi, le Requérant insiste sur le fait qu’enregistrer et utiliser des marques bien connues, comme le sont ses marques, ne peut être le fait du hasard et est un signe de mauvaise foi, comme cela fut déjà jugé plusieurs fois. Il estime qu’un tel enregistrement ne peut l’avoir été que pour faire un usage illégitime du nom de domaine litigieux et fait en particulier valoir que le nom de domaine a été enregistré dans le but d’attirer les internautes sur le site du défendeur en créant un risque de confusion ou du moins d’association entre les marques et noms de domaine SANOFI et le nom de domaine litigieux. Il relève que, de fait, le nom de domaine litigieux donne simplement accès à une page inactive, situation de “passive holding” traditionnellement condamnée par les commissions administratives.
Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.
L’identité du nom de domaine litigieux <sanofi-france.com> avec les marques SANOFI n’est pas discutable puisque le nom de domaine litigieux reprend l’intégralité desdites marques sans aucun changement. Or une telle pratique a toujours été considérée dans les décisions des commissions administratives comme suffisante pour établir l’identité ou la similitude requise en vertu des Principes directeurs. L’adjonction du terme “France” ne saurait, à l’évidence, créer une distance entre ces marques et le nom de domaine litigieux, les commissions administratives ayant d’ailleurs eu l’occasion de juger que l’adjonction de termes, au cas d’une reprise intégrale des marques, n’écartait pas le risque de confusion (voir, Décision Oki Data Americas, Inc. c. ASD, Inc., Litige OMPI No. D2001-0903). Cette question de l’adjonction de termes a même été jugée à propos de l’adjonction du terme “France” (voir ainsi la Décision Rexel Développement SAS, Rexel France contre Laurent Sammin, Litige OMPI No. D2016-0747, à propos du nom de domaine <rexel-france.com>). Il en va d’autant plus ainsi en l’espèce que SANOFI est une entreprise française.
Pour la Commission administrative, l’identité ou similitude du nom de domaine litigieux <sanofi-france.com> avec les marques SANOFI de nature à prêter à confusion avec lesdites marques au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, est donc bien établie.
Ainsi que le fait observer le Requérant, le Défendeur a choisi d’usurper l’identité d’un tiers, ce qui est un sérieux indice de mauvaise foi. Quant aux droits qui pourraient être ceux du Défendeur, il en découle que le Requérant n’a pas donné d’autorisation à utiliser les marques SANOFI.
La même observation peut être faite à propos des intérêts légitimes que pourraient faire valoir le Défendeur, à quoi s’ajoute le fait que le nom de domaine litigieux se borne à renvoyer à une page inactive.
Ainsi, pour la Commission administrative, le Défendeur n’a aucun droit à faire valoir sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
Les marques du Requérant sont des marques bien connues à travers le monde de sorte que le nom de domaine litigieux n’a pu être enregistré qu’en toute connaissance de cause, c’est-à-dire de mauvaise foi. La jurisprudence des commissions administratives est fort raisonnablement établie en ce sens.
En outre, le nom de domaine litigieux se borne à rediriger vers une page inactive, ce qui constitue une situation de “passive holding”. Or une telle situation, spécialement quand est incluse dans le nom de domaine litigieux une marque connue, sans but apparent légitime, est condamnée par les Commissions administratives (voir par exemple la Décision Confederation Nationale du Credit Mutuel c. Balley Arthur, Touvet-Gestion, Litige OMPI No. D2015-2221). Le seul usage du nom de domaine litigieux doit donc être tenu pour un usage de mauvaise foi.
Ainsi l’enregistrement comme l’usage de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs sont clairement établis.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <sanofi-france.com> soit transféré au Requérant.
Michel Vivant
Expert Unique
Le 20 août 2018
1 Est attaché à la présente décision, comme Annexe 1, l’instruction de la Commission administrative donnée à l’Unité d’enregistrement en ce qui concerne le transfert du nom de domaine litigieux, incluant le nom du Défendeur. La Commission administrative a déterminé que le nom de domaine litigieux a été enregistré par le Défendeur qui a usurpé l’identité d’un tiers. La Commission administrative a autorisé le Centre à transmettre l’Annexe 1 à l’Unité d’enregistrement comme faisant partie du dispositif dans la présente procédure mais a indiqué que l’Annexe 1 de la décision ne doit pas être publiée dû aux circonstances du litige.