Le Requérant est Kaufman et Broad SA., France, représenté par Nameshield, France.
Le Défendeur est Maie Poirier, France.
Les noms de domaine litigieux <kaufmanbroad-investissement.com> et <kaufmanbroad-placement.com> sont enregistrés auprès de Register SPA (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par Kaufman et Broad SA. auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 6 avril 2020. En date du 6 avril 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 8 avril 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire des noms de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 16 avril 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire des noms de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 17 avril 2020.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 29 avril 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 29 mai 2020. En date du 29 avril 2020, le Défendeur a demandé une extension du délai pour faire parvenir une réponse en raison du COVID-19. En date du 30 avril 2020, le Centre accordé une extension du délai de réponse de 10 jours. Par conséquent, le nouveau délai pour faire parvenir une réponse était le 29 mai 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle. En date du 2 juin 2020, le Centre notifiait les parties du début du processus de nomination de la Commission administrative.
En date du 9 juin 2020, le Centre nommait Christophe Caron comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est une entreprise de construction de premier plan, présente en France depuis 1968.
Le Requérant est notamment titulaire des marques suivantes incluant les termes “KAUFMAN” et “BROAD” :
- Marque française semi-figurative KAUFMAN AND BROAD n° 1486007 enregistrée le 31 août 1988 en classes 19, 36 et 37.
- Marque de l’Union européenne semi-figurative KAUFMAN BROAD n° 1505916 enregistrée le 14 février 2000 en classes 19, 35, 36 et 37.
- Marque internationale semi-figurative KAUFMAN BROAD n° 736440 enregistrée le 24 mars 2000 en classes 19, 35, 36 et 37.
Le Requérant possède également plusieurs noms de domaine comprenant les termes “KAUFMAN” et “BROAD”, tels que le nom de domaine <kaufman-and-broad.com> enregistré le 10 mai 2004, le nom de domaine <kaufman-et-broad.com> enregistré le 10 mai 2004 et le nom de domaine <kaufman-broad.mobi> enregistré le 9 décembre 2011.
Les noms de domaine litigieux <kaufmanbroad-investissement.com> et <kaufmanbroad-placement.com> ont été enregistrés le 14 février 2020 par Maie Poirier. Ils redirigent vers une page parking.
Le Requérant a décidé de s’adresser au Centre afin que les noms de domaine litigieux lui soient transférés.
En premier lieu, le Requérant soutient que les noms de domaine litigieux sont fortement similaires à ses marques antérieures. Le Requérant indique que les termes “kaufman broad” sont repris en intégralité dans les noms de domaine litigieux. Il précise que l’adjonction des termes “investissement” et “placement” ne permet pas de distinguer les noms de domaine litigieux de ses marques. Enfin, il souligne que l’extension “.com” n’est pas suffisante pour échapper au risque de confusion. En conséquence, le Requérant affirme que les noms de domaine litigieux sont fortement similaires à ses marques antérieures.
En deuxième lieu, le Requérant soutient que le Défendeur n’a pas de droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache. Il précise qu’il n’existe aucune relation de quelque ordre que ce soit entre le Défendeur et le Requérant pouvant justifier de ces enregistrements. Le Requérant précise qu’il n’a accordé au Défendeur aucune autorisation ou licence d’exploitation aux fins d’enregistrer ou utiliser les noms de domaine litigieux. En conséquence, le Requérant affirme que le Défendeur est dépourvu de droits et d’intérêts légitimes sur les noms de domaine litigieux.
En troisième et dernier lieu, le Requérant soutient que le Défendeur a enregistré et utilise les noms de domaine litigieux de mauvaise foi. Tout d’abord, le Requérant souligne que les noms de domaine litigieux comprennent intégralement les termes distinctifs “kaufman broad” sur lesquels il est titulaire de droits de marques. Le Requérant considère que compte tenu du caractère distinctif de ses marques et de l’association de celles-ci avec les termes “investissement” et “placement” (qui renvoient vers son domaine d’activité), le Défendeur a enregistré les noms de domaine en pleine connaissance de cause. Par ailleurs, le Requérant indique que les noms de domaine litigieux ne sont pas activement utilisés et redirigent vers une page parking. Le Requérant soutient ainsi que le Défendeur n’utilise pas et ne s’est pas préparé à utiliser les noms de domaine dans le cadre d’une offre de bonne foi de biens ou de services. En conséquence, le Requérant affirme que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et sont utilisés de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu formellement aux arguments du Requérant.
La Commission administrative constituée pour trancher le présent litige se cantonnera à l’application des Principes directeurs. Il s’agit donc de vérifier, pour prononcer ou refuser un transfert de nom de domaine, que les conditions exprimées par les Principes directeurs sont cumulativement réunies.
En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la procédure administrative n’est applicable qu’en ce qui concerne un litige relatif à une accusation d’enregistrement abusif d’un nom de domaine sur la base des critères suivants:
(i) Le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;
(ii) Le détenteur du nom de domaine n’a aucun droit sur le nom de domaine, ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;
(iii) Le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Requérant a justifié de ses droits sur les termes “kaufman broad” en rapportant la preuve de plusieurs enregistrements ayant effet en France et à l’étranger comportant ces termes, tels que ci-dessus rappelés.
Il existe une forte similarité entre les noms de domaine litigieux et les marques susvisées du Requérant. En effet, l’adjonction des termes “investissement” et “placement” ne saurait conférer le moindre caractère distinctif aux noms de domaine litigieux, au regard des marques antérieures du Requérant.
Par ailleurs, le domaine générique de premier niveau (“gTLD”) “.com” ne peut avoir aucune incidence sur l’appréciation du risque de confusion.
Les noms de domaine litigieux sont donc similaires au point de prêter à confusion avec les marques antérieures du Requérant KAUFMAN BROAD.
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
La Commission administrative n’a connaissance d’aucun droit ou intérêt légitime du Défendeur sur les noms de domaine litigieux, étant donné que le Défendeur n’a présenté aucune défense.
Par ailleurs, le Requérant affirme que le Défendeur n’est pas connu ni affilié à sa société, ni autorisé par lui-même de quelque sorte que ce soit. Le Requérant n’a jamais mené une quelconque activité avec le Défendeur. Ainsi, aucune licence ni autorisation n’a été accordée au Défendeur de faire une quelconque utilisation des marques du Requérant, ou une demande d’enregistrement des noms de domaine litigieux.
Pour ces raisons, la Commission administrative tient la deuxième condition posée par le paragraphe 4(a) des Principes directeurs comme remplie.
Il s’avère que le choix des noms de domaine litigieux par le Défendeur ne peut être le fruit du hasard, étant donné que les termes “kaufman broad”, sur lesquels le Requérant est titulaire de droits de marques, sont distinctifs. L’adjonction des termes “investissement” et “placement” dans les noms de domaine litigieux, qui renvoient au domaine d’activité du Requérant, confirme que le Défendeur ne pouvait, à la date de l’enregistrement des noms de domaine litigieux, ignorer les marques du Requérant. Il en résulte que les noms de domaine litigieux ont été enregistrés de mauvaise foi.
Par ailleurs, il peut être déduit des circonstances d’espèce que les noms de domaine litigieux sont utilisés de mauvaise foi. En effet, le fait que le Défendeur se soit abstenu, malgré la possibilité qui lui était offerte, de justifier d’une utilisation de bonne foi, réelle ou envisagée par lui, des noms de domaine litigieux et que ces noms de domaine renvoient vers une page parking sont autant d’éléments qui caractérisent la mauvaise foi du Défendeur (voir la section 3.3 de la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux Principes UDRP, troisième édition).
Pour ces raisons, la Commission administrative considère que la troisième condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est remplie.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine litigieux <kaufmanbroad-investissement.com> et <kaufmanbroad-placement.com> soient transférés au Requérant.
Christophe Caron
Expert Unique
Le 10 juin 2020