Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Vente-privée.com contre Contact Privacy Inc. Customer 1249068169, Contact Privacy Inc. Customer 1249068169 / El Bennaji

Litige No. D2021-1347

1. Les parties

Le Requérant est Vente-privée.com, France, représenté par le Cabinet Degret, France.

Le Défendeur est Contact Privacy Inc. Customer 1249068169, Contact Privacy Inc. Customer 1249068169, Canada / El Bennaji, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> est enregistré auprès de Google LLC (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte en français a été déposée par Vente-privée.com auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 30 avril 2021. Le 30 avril 2021, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 30 avril 2021, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 3 mai 2021, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte en français. En outre, le Centre a envoyé une communication par email en français et en anglais concernant la langue de la procédure le 3 mai 2021. Le Requérant a répondu le 5 mai 2021 en sollicitant que la procédure soit diligentée en français et le Défendeur n’a pas émis de commentaires à ce sujet. Le Requérant a également déposé un amendement à la plainte le même jour.

Le Centre a vérifié la conformité de la plainte et de l’amendement à la plainte aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 10 mai 2021, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée en anglais et en français au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 mai 2021. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 31 mai 2021, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 7 juin 2021, le Centre nommait Elise Dufour comme expert-unique dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est Vente-privée.com, société française créée en 2001, organisant par voie de commerce électronique des ventes événementielles de produits ou services de toute nature (articles de mode, voyages, etc.) de marques de grande notoriété bénéficiant de fortes décotes par rapport au prix “boutique”.

Pendant près de vingt ans, cette activité s’est développée sous la marque VENTE-PRIVEE, largement connue du grand public tant en France qu’en Europe: le site, lancé en 2001, s’est imposé comme l’un des premiers sites de commerce électronique en France et l’un des principaux en Europe générant un chiffre d’affaires en 2019 estimé à 4 milliards d’Euros.

Au début de l’année 2019, le Requérant a initié un processus de “group rebranding” dit de changement d’image en français et a décidé de regrouper toutes ses marques et sites Internet sous une seule et unique dénomination à savoir VEEPEE. Ce “rebranding” a d’ailleurs fait l’objet d’une forte couverture médiatique au niveau international.

Le Requérant est notamment titulaire des marques suivantes toujours en vigueur et qu’il invoque à l’appui de sa plainte:

- Marque française VEEPEE (verbale) N° 4359100, en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 41, 42, 43, et 45, enregistrée le 3 mai 2017.
- Marque de l’Union européen VEEPEE (verbale) N° 017442245, en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 41, 42, 43, et 45, enregistrée le 29 mars 2018.
- Marque internationale VEEPEE (verbale) N° 1409721, en classes 9, 16, 35, 36, 38, 39, 41, 42, 43, et 45, enregistrée le 8 novembre 2017.

Le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> a été enregistré le 8 janvier 2021 et au moment du dépôt de la plainte, il redirigeait automatiquement l'utilisateur vers un site Web en langue française sur lequel des articles d’habillement pour hommes et pour femmes et services similaires à ceux offerts par le Requérant étaient proposés à la vente. Au moment de la décision, le nom de domaine litigieux ne renvoie vers aucun site Web actif.

L’identité du titulaire du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> étant couverte par un service d’anonymisation, le Requérant n’a pas estimé nécessaire d’engager des dépenses en vue de contacter le titulaire du nom de domaine litigieux et a préféré déposer directement une plainte auprès du Centre.

Dans ces conditions, le Requérant a introduit la présente procédure, afin de solliciter le transfert du nom de domaine litigieux.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Langue de la procédure

Le Requérant a demandé à ce que la langue de la procédure soit le français, avec l’argumentation suivante:

- le contrat d’enregistrement relatif au nom de domaine litigieux est disponible en langue française sur le site Web de l’Unité d’enregistrement concernée, et celui-ci ne comporte aucune indication quant à la langue qui doit être retenue pour son interprétation;

- le Requérant est établi en France;

- le nom de domaine litigieux est constitué du terme français “Maroc”;

- le Défendeur a fait rediriger le nom de domaine litigieux vers un site Web marchand rédigé exclusivement en français.

A la suite des notifications émises le 3 mai 2021 par le Centre, le Requérant a obtenu communication de l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et a réitéré et maintenu sa demande à ce que la langue de la procédure soit le français, par requête réitérative du 5 mai 2021, aux motifs que le Défendeur est domicilié en France.

Quant au fond

Similarité des signes.

Le Requérant souligne en premier lieu qu’elle détient des droits de marque antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine <veepeemaroc.com>.

En outre, le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> reproduit quasiment à l’identique l’élément verbal des marques VEEPEE du Requérant l’adjonction du:

- generic Top-Level Domain (“gTLD”) “.com” étant insuffisante pour écarter tout risque de confusion ;
- terme géographique “Maroc” contribuant au contraire à aggraver le risque de confusion.

Absence de droit.

Le Requérant soutient que le Défendeur n’a pas de droit sur le nom de domaine litigieux aux motifs que:

- l’enregistrement du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> est postérieur à l’exploitation des marques VEEPEE;
- le Requérant n’a jamais eu connaissance d’un tiers ayant des droits de marque correspondant à la dénomination “Veepee” pour identifier un site marchand d’articles de mode;
- le Requérant n’a pas autorisé l’enregistrement, ni l’exploitation du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com>;
- le Défendeur n’a jamais formé de réclamation à l’encontre du Requérant au titre de l’exploitation de la dénomination “Veepee”;
- enfin, le Défendeur est en réalité connu sous la dénomination “E. M. Elégance Maroc” , dès lors qu’il s’agit du titre de son site Web.

Absence d’intérêt légitime.

Le Requérant soutient également que le Défendeur ne fait ni un usage non-commercial légitime, ni un usage loyal du nom de domaine litigieux aux motifs que:

- le choix du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> par le Défendeur a été motivé pour attirer des internautes initialement intéressés par le site Web du Requérant, vers un site Web concurrent;

- l’usage fait du nom de domaine litigieux juxtaposant la marque VEEPEE à la dénomination géographique MAROC est préjudiciable au Requérant: le Requérant a consacré un budget annuel de plusieurs millions d’euros pour améliorer le référencement de ses sites Web, si bien qu’en n’accédant pas au site du Requérant par la saisie des termes “Veepee” et “Maroc” les internautes seraient “déçus ou agacés”.

Mauvaise foi.

Enfin, le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux a été enregistré et exploité de mauvaise foi.

Pour le Requérant, l’enregistrement de mauvaise foi résulte du choix du signe VEEPEE, notoirement connu, notamment en France où est domicilié le Défendeur, qui plus est pour un site marchand concurrent, ce qui ne peut être accidentel: une simple vérification sur un moteur de recherche aurait permis d’identifier les marques du Requérant qui apparaissent parmi les premiers résultats.

De plus, le Requérant allègue que le Défendeur étant membre du site “Veepee”, ce dernier avait indéniablement connaissance des marques et site du Requérant.

En outre, le Requérant allègue que le Défendeur fait un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux dès lors que:

- le Défendeur ne détient aucun droit sur la dénomination “Veepee”;
- l’exploitation du nom de domaine litigieux entraine nécessairement un détournement des internautes en créant un risque de confusion;
- et ce d’autant plus que le nom de domaine litigieux est proche de droits activement défendus par le Requérant, ce qui constitue selon le Requérant un facteur d’aggravation.

Pour le Requérant, la réservation et l’exploitation du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> ne doivent rien au hasard, mais sont uniquement motivées par la volonté sciemment recherchée de profiter de la notoriété des droits du Requérant.

Pour ces raisons, le Requérant demande à la Commission administrative d’ordonner le transfert du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.

6. Discussion et conclusions

6.1 Langue de la procédure

Selon les Règles d’application, paragraphe 11(a):

“sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement ; toutefois, la Commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”.

Les commissions administratives ont admis toutefois qu’il était possible d’opter pour une langue de la procédure autre que celle définie par le paragraphe 11 des Règles d’application si cela leur paraît approprié, et pour autant qu’elles s’assurent que les deux parties soient traitées sur un même pied d’égalité et qu’il soit donné à chacune une possibilité équitable de présenter son argumentation (Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition “Synthèse de l’OMPI, version 3.0”, section 4.5).

Dans le cas d’espèce, selon les informations reçues de l’Unité d’enregistrement, la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> est l’anglais.

Toutefois, pour justifier que la langue de la procédure soit le français, le Requérant soutient valablement les arguments suivants:

- le Requérant est établi en France;
- le nom de domaine litigieux est constitué du terme français géographique “Maroc”;
- le Défendeur a fait rediriger le nom de domaine litigieux vers un site Web marchand dont le contenu est exclusivement en français;
- le Défendeur réside en France.

Il est donc légitime de supposer que le Défendeur maîtrise le français.

En outre, le Défendeur a reçu les communications du Centre tant en langue française qu’en langue anglaise. Dans ce cadre, il a eu la possibilité de contester la langue de la procédure, ce qu’il n’a pas fait.

Dans des cas très similaires au cas d’espèce, des commissions administratives ont admis le français comme langue de la procédure (Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l. c. XL Liu, Litige OMPI No. D2015-2166; Vente-Privee.com et Vente-Privee.com IP Sàrl c. Lin Yanxiao, Litige OMPI No. D2015-0104; Vente-privee.com, Vente-privee.com IP Sàrl c. Whois Privacy Services Pty Ltd/Dzone Inc., Yeonju Hong, Litige OMPI No. D2013-0691 ; Vente-privee.com et Vente-privee IP S.à.r.l. Litige OMPI No. D2016-1061).

Au vu de ce qui précède, la Commission administrative estime qu’il serait inéquitable d’obliger le Requérant à traduire la plainte et ses annexes.

La Commission administrative décide donc en vertu du paragraphe 11(a) des Règles d’application d’accepter la plainte telle que déposée en français et de rendre la décision en français.

6.2 Sur le fond

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs énumère trois conditions que le Requérant doit justifier pour obtenir une décision de suppression ou de transfert du nom de domaine litigieux à son profit:

(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits; et

(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et

(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Au titre du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer que le nom de domaine litigieux est identique ou similaire à une marque sur laquelle le Requérant a des droits.

Au regard des éléments communiqués par le Requérant, la Commission administrative constate que le Requérant dispose sur la dénomination VEEPEE de droits de marque antérieurs à l’enregistrement du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com>.

Le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> reprend intégralement les marques du Requérant, ce qui peut être suffisant pour établir que le nom de domaine litigieux est identique ou similaire au point de prêter à confusion avec les marques enregistrées du Requérant, l’adjonction d’autres termes n’éliminant pas le risque de confusion (LEGO Juris A/S v. Richard Larkins Sets&Reps, Litige OMPI No. D2012-1024).

Ceci s’avère particulièrement vrai lorsque, comme dans le cas présent, la marque antérieure est une marque notoire: la marque VEEPEE est immédiatement identifiable dans le nom de domaine litigieux et amène le public à croire que le nom de domaine litigieux est lié d’une quelconque manière à la marque du Requérant (Playboy Enterprises International, Inc. v. Zeynel Demirtas, Litige OMPI No. D2007-0768).

De plus, le nom de domaine litigieux associe le terme géographique “Maroc”à la marque VEEPEE du Requérant. Or, l’adjonction d’un terme géographique est insuffisante à écarter tout risque de confusion et à créer une distinction avec la marque du Requérant (Vente-privee.com, Vente-privee.com IP S.à.r.l contre Contact Privacy Inc. Customer 0154235930 / Gerard Loic, VentePriveeFrance, Litige OMPI No. D2019-1185 ; ) Playboy Enterprises International Inc. v. Joao Melanci, Litige OMPI No. D2006-1106; Playboy Enterprises International, Inc. v. Zeynel Demirtas, Litige OMPI No. D2007-0768; Six Continents Hotels, Inc. v. credoNIC.com / DOMAIN FOR SALE Litige OMPI No. D2004-0987).

Enfin, s’agissant de l’adjonction du gTLD ".com", la Commission administrative rappelle qu’il a été établi de longue date qu’elle constitue une nécessité technique aux fins de réservation d’un nom de domaine et ne doit par conséquent pas être prise en considération lors de l’évaluation du risque de confusion (Synthèse de l’OMPI, section 1.11; Bentley Motors Limited v. Domain Admin / Kyle Rocheleau, Privacy Hero Inc. Litige OMPI No. D2014-1919).

La Commission administrative conclut donc que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec les marques du Requérant.

La condition prévue par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est donc remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

Dans le cadre du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs, il incombe au Requérant de prouver l’absence de droits ou intérêts légitimes du Défendeur sur le nom de domaine litigieux. Dans la mesure où il peut être difficile d’apporter une preuve négative, il est généralement admis que le Requérant doit établir prima facie que le Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux. La charge de la preuve revient alors au Défendeur à qui il incombe de renverser cette présomption. Si le Défendeur échoue à apporter une telle preuve le Requérant est réputé avoir satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(ii). (Synthèse de l’OMPI, section 2.1).

En l’espèce, la Commission administrative considère que le Requérant a établi que le Défendeur n’a ni droit, ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com>.

En effet, la Commission relève que le Requérant a établi, sans être contredit, que le Défendeur n’est pas connu sous nom de domaine litigieux, qu’il n’a aucun droit enregistré sur la dénomination litigieuse, qu’il n’a pas été autorisé par le Requérant à réserver ou à faire usage du nom de domaine litigieux.

En outre, le Défendeur exploite le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> sous la dénomination “E. M. Elégance Maroc”, renforçant la preuve de l’absence de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com>.

Enfin, l’exploitation du nom de domaine litigieux ne peut être considérée comme un usage noncommercial légitime ou un usage loyal, dès lors que le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> est exploité pour un site de commerce en ligne concurrent à l’activité du Requérant (Vente-Privee.Com v. Contact Privacy Inc. Customer 0159232170 / Adelina Daraban, The Men’s Vip Boutique, Litige OMPI No. D2020-3209).

En outre, et sans préjudice de ce qui précède, la nature du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com>, comprenant la marque du Requérant dans son intégralité en combinaison avec le terme géographique “Maroc, comporte un risque d'affiliation implicite. (Synthèse de l’OMPI 3.0, section 2.5.1).

Dès lors que le Défendeur fait défaut et n’apporte aucune explication permettant d’établir ses droits et intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux, la Commission administrative considère que le Requérant a satisfait aux exigences du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.

En conséquence, la Commission administrative considère que le second élément du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est établi.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le paragraphe 4(b) des Principes décrit des circonstances qui peuvent constituer la preuve de ce qu’un nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi pour autant que la Commission administrative en constate la réalité. Elles se présentent comme une liste non exhaustive et alternative d’indices de mauvaise foi et comprennent notamment:

i) les circonstances indiquant que le Défendeur a enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que le défendeur peut prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine;

ii) les circonstances indiquant que le Défendeur a enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, lorsque le défendeur est coutumier d’une telle pratique;

iii) les circonstances indiquant que le Défendeur a enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent; ou

iv) les circonstances indiquant que le Défendeur, en utilisant ce nom de domaine, tente sciemment d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de son site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.

En ce qui concerne l’enregistrement du nom de domaine litigieux, la Commission administrative relève que le Défendeur avait parfaitement connaissance de l’existence des marques du Requérant au moment de la réservation du nom de domaine litigieux, le Défendeur étant membre du site “Veepee” depuis 2017, soit avant la réservation dudit nom de domaine litigieux.

En outre, compte tenu de la notoriété des marques VEEPEE du Requérant dont l’adoption en 2019 a été largement couverte par les médias en France et à l’international, le Défendeur ne pouvait raisonnablement ignorer leur existence lors de la réservation du nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> en 2021.

Enfin, la reprise intégrale de la marque du Requérant associée au terme géographique "Maroc" constitue un indice supplémentaire de la motivation du Défendeur de tirer profit de la notoriété du Requérant (Playboy Enterprises International, Inc. v. Zeynel Demirtas, Litige OMPI No. D2007-0768).

La Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux a été enregistré de mauvaise foi.

S’agissant de l’usage du nom de domaine litigieux, la Commission administrative estime qu’il constitue sans aucun doute un usage de mauvaise foi. En effet, d’après les éléments de preuve apportés par le Requérant, au surplus non contestés par le Défendeur, le nom de domaine litigieux était initialement exploité pour un site de commerce électronique dans le secteur de l’habillement, secteur dans lequel le Requérant jouit d’une notoriété particulière au regard des éléments de preuve fournis dans le dossier.

L’exploitation du nom de domaine litigieux démontre clairement que le Défendeur a tenté d’attirer à des fins commerciales des utilisateurs en créant un risque de confusion.

La Commission administrative considère que le Défendeur a donc manifestement cherché à bénéficier d’une confusion avec les marques du Requérant.

Enfin, le fait que le Défendeur n’ait pas daigné prendre part à la procédure pour tenter de justifier ses actes conforte la Commission administrative dans son opinion que le nom de domaine litigieux, objet de la présente procédure, a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Par conséquent, la Commission administrative considère que la condition prévue par le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs est donc remplie.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <veepeemaroc.com> soit transféré au Requérant.

Elise Dufour
Expert Unique
Le 21 juin 2021