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Diffusion des “technologies vertes” : enseignements de l’industrie

Février 2014

Jennifer Brant, directrice, Innovation Insights

Tous les gouvernements souhaitent attirer les technologies de pointe et soutenir leur développement. En effet, le déploiement de nouvelles technologies permet d’améliorer le niveau de vie, de créer des emplois, de donner lieu à des centres d’excellence, de stimuler la croissance et l’investissement et de faciliter la prestation de services importants comme l’électricité et les soins de santé. Il va également devenir essentiel de disposer de nouvelles solutions technologiques afin de mieux utiliser nos ressources naturelles et d’aider les gouvernements à gérer la hausse des coûts de la prestation de services et de relever les défis tels que le changement climatique, dont l’atténuation nécessitera des ressources considérables. Le secrétariat de la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (CCNUCC) a estimé que jusqu’en 2030, le maintien des niveaux de gaz à effet de serre (GES) de la planète aux niveaux actuels coûtera 200 milliards de dollars É.-U. par an. Nous ne pourrons pas payer ce prix exorbitant sans progrès technologique. Selon certaines estimations, l’innovation dans les technologies propres permettrait de réduire le coût de l’atténuation de 50%.

Mesures d’incitation à l’innovation

Comment les responsables politiques peuvent-ils canaliser le flux de technologies en direction de leurs pays respectifs? Une démarche possible consisterait à adopter des politiques qui influencent et motivent ceux qui sont actuellement engagés dans le développement et la diffusion technologique. Dans la mesure où le secteur privé représente les deux tiers de l’activité de recherche et développement (R-D) mondiale, et plus encore – 80% environ – en ce qui concerne les technologies vertes, l’industrie est un partenaire stratégique pour tout gouvernement qui cherche à élargir les connaissances existantes de son pays. Les entreprises peuvent apporter leur aide en fournissant savoir-faire, financement et expérience, autant d’éléments essentiels qui peuvent contribuer à la diffusion technologique.

L’accélération du développement des technologies vertes est gagnant-gagnant dans la mesure où cela permet aux gouvernements de réduire les niveaux de GES et de préserver les ressources précieuses tout en luttant contre la pauvreté énergétique. Au moins 1,5 milliard de personnes dans le monde n’ont pas accès à l’énergie. Un autre milliard de personnes n’ont pas d’accès fiable à l’énergie dont elles ont besoin. Les pays en développement sont confrontés à une forte pression leur imposant d’augmenter leur capacité énergétique. Ainsi le Bangladesh va devoir plus que tripler sa capacité de production d’électricité au cours des 10 prochaines années pour répondre à la demande croissante. Les pays en développement ont besoin de solutions énergétiques qui leur permettront de répondre à la demande de façon écologique et abordable.

Mais d’où viennent les technologies, et quelles incitations encouragent le secteur privé en particulier à innover? La question est complexe. L’identification d’un marché de taille importante peut aider. WIPO GREEN et le processus d’évaluation des besoins technologiques lancé dans le cadre de la CCNUCC permettent de cerner les besoins communs et donc les solutions permettant de stimuler le pouvoir d’achat d’une région donnée. Avec un marché suffisamment grand et un environnement favorable, il peut être intéressant sur le plan commercial pour les entreprises étrangères qui investissent dans une région particulière d’embaucher de la main-d’œuvre locale pour installer et entretenir leur technologie ou même la fabriquer localement. Au fil du temps, ces dispositifs génèrent une expertise locale, de l’industrie et peuvent stimuler la poursuite de l’innovation.

Alors que le marché ne récompense pas les innovations qui accroissent les coûts, même si elles réduisent la pollution, les incitations du marché jouent résolument un rôle important en encourageant le développement de nouvelles solutions vertes qui se révèlent plus rentables à long terme. Si les technologies propres font l’objet d’investissements croissants, c’est parce que les gouvernements et d’autres clients s’intéressent de près à ce type de solutions en raison de la hausse des prix des combustibles fossiles.

Les flux technologiques favorisent le développement

Des technologies propres sont développées et diffusées à l’échelle mondiale en permanence. Des opérations technologiques ont lieu partout dans le monde, tous les jours, sur les marchés des pays développés, des pays en développement et des pays les moins avancés, à travers des ventes de produits, la collaboration et le partage de savoir-faire, le développement et la commercialisation conjoints de nouveaux produits et services, des concessions de licences de brevet, l’entretien d’équipements et l’externalisation de la production des composants des produits finis. Tous ces processus renforcent les capacités locales.

Même la simple vente d’un produit innovant, qui transfère la technologie à son utilisateur par le biais du produit lui-même, peut avoir un impact positif sur le développement. Ainsi, une solution de production d’électricité qui est déployée dans un endroit sans électricité, même si son développement et son entretien sont entièrement assurés par des experts extérieurs, fournit de l’énergie à la population locale. Elle fournit une plate-forme permettant d’accroître la productivité et d’améliorer les conditions de vie. Il suffit de rendre accessible une nouvelle technologie pour pouvoir inspirer de nouvelles innovations.

Optimisation de la diffusion technologique

Une série de conditions locales peuvent améliorer la diffusion technologique, notamment la capacité de la communauté bénéficiaire d’absorber la technologie. C’est fondamental. Les compétences et les connaissances de la main-d’œuvre locale ainsi que le type de collaboration qui sera mis en place entre les partenaires locaux et les partenaires extérieurs déterminent les types de solutions qui seront déployées dans un pays donné. La mise en place de politiques réglementaires et d’un bon climat d'investissement permet de soutenir les transactions technologiques ; et les partenariats améliorent la viabilité du déploiement technologique en accélérant le partage de savoir-faire.

La protection efficace des droits de propriété intellectuelle est une composante d’un environnement sain pour le déploiement des technologies vertes. La contribution des droits de propriété intellectuelle à la diffusion des technologies vertes est spécifique au contexte, et les droits de propriété intellectuelle ne sont pas le principal moteur dans tous les cas, en particulier dans les pays à faible revenu où des facteurs tels que les marchés, l’accès au financement et la capacité d’absorption sont beaucoup plus influents.

Le moteur Jenbacher fait partie du portefeuille de technologies innovantes de General Electric, qui permettent aux entreprises et aux communautés du monde entier de générer une énergie fiable et efficace sur le lieu d’utilisation ou à proximité à tout moment en utilisant toute une variété de déchets. (Photos: General Electric)

Transformation des déchets en énergie

Le moteur à gaz Jenbacher de General Electric (GE) convertit les déchets en énergie. Ainsi les déchets organiques sont “digérés” en anaérobie et décomposés par des microorganismes, ce qui produit du biogaz composé de méthane et de dioxyde de carbone. Le biogaz obtenu peut être brûlé comme le gaz naturel, pour générer de l’énergie.

En utilisant les “ressources” de déchets locales, les pays peuvent produire de l’énergie et aussi se débarrasser des déchets indésirables et parfois réduire les émissions de dioxyde de carbone et de méthane. Les moteurs à gaz Jenbacher sont particulièrement adaptés à assurer l’approvisionnement en énergie des zones reculées. Plus de 5100 moteurs d’une capacité totale de production d’énergie de 4300 mégawatts ont été installés dans des applications de transformation des déchets en énergie de par le monde.

GE travaille avec ses clients pour adapter les moteurs à gaz afin de décomposer et traiter une grande variété de déchets organiques locaux – fumier, ordures mises décharge et même balles de riz. Ainsi, un moteur à biogaz Jenbacher alimente une centrale de cogénération de méthane à partir de fumier de bovins dans un grand complexe laitier dans l’état du Pendjab, en Inde. Au Chili, trois moteurs sont utilisés par la compagnie des eaux Aguas Andinas pour le traitement des eaux usées dans une usine près de Santiago; les moteurs peuvent produire jusqu’à 60% des besoins en énergie de l’usine avec de l’énergie renouvelable (tout en réduisant les émissions de gaz à effet de serre), en utilisant les boues d’épuration collectées dans l’usine de traitement. Au Brésil et aux Philippines, les moteurs à gaz Jenbacher de GE sont utilisés dans le cadre des projets mis en place au titre du mécanisme pour un développement “propre” pour réduire les émissions de méthane provenant des gaz de décharge.

Le rôle de la propriété intellectuelle en matière de promotion des transferts technologiques

Dans le même temps, le système des brevets facilite le développement et la diffusion des technologies vertes de plusieurs façons, y compris par le soutien de partenariats. Un système de propriété intellectuelle prévisible sous-tend les transferts technologiques et l’échange de savoir-faire. Les droits de propriété intellectuelle contribuent à définir ce que chaque société apporte à un partenariat, ce qui peut être crucial en particulier pour les petites et moyennes entreprises (PME) qui concluent des partenariats avec de grandes entreprises de technologie. Les droits de propriété intellectuelle peuvent également être utilisés pour déterminer la propriété et la gestion des inventions communes. Dans l’ensemble, on peut considérer que les droits de propriété intellectuelle constituent un facteur d’innovation important.

Les partenariats, moteurs du transfert de connaissances

Aucune entreprise, aucun individu, aucun pays ni aucun secteur n’a toutes les réponses. Les innovateurs ont besoin de travailler ensemble et de s’appuyer sur leurs travaux respectifs. Les partenariats – faire fonctionner notre savoir et notre créativité collectifs – sont essentiels pour trouver des solutions novatrices permettant de relever les défis mondiaux les plus urgents. Il est particulièrement important d’adopter une approche collaborative en ce qui concerne le changement climatique, puisque les circonstances locales font partie intégrante du processus d’identification des outils les plus efficaces pour atténuer le changement climatique et s’y adapter.

Les partenariats sont également essentiels pour amener le savoir-faire là où la technologie doit aller. Il faut non seulement développer des technologies plus écologiques mais aussi les déployer là où elles auront le plus d’impact. Le processus complexe et multidimensionnel de diffusion des technologies à différents endroits est souvent appelé “diffusion technologique”. Il en résulte la mise en place durable de solutions technologiques appropriées et/ou adaptées dans différents pays, au fil du temps. Ce n’est pas quelque chose qui peut se faire du jour au lendemain, cela exige de disposer des connaissances adéquates. En l’absence de capacités locales à l’utiliser et l’entretenir, une solution technologique ne peut pas être utilisée correctement voire pas du tout. La diffusion se fait progressivement, organiquement; elle peut être accélérée par les bonnes politiques et les bonnes conditions, mais ne peut pas être forcée.

Les partenariats fonctionnent mieux lorsque les partenaires ne voient pas d’inconvénient à partager leurs connaissances, par exemple dans des environnements où il y a une bonne protection des droits de propriété intellectuelle y compris des brevets et des secrets commerciaux. Les décideurs politiques ne devraient pas se concentrer uniquement sur le fait de pouvoir accéder à une technologie ou à un investissement, mais plutôt s’efforcer d’attirer des partenaires technologiques qui vont investir et partager ce qu’ils savent sur le long terme. Les efforts déployés par les gouvernements pour forcer le transfert de connaissances sont généralement contre-productifs, car ils diminuent les chances de voir les fournisseurs de technologie collaborer et partager leurs connaissances avec les entités locales. Parfois, ces politiques peuvent même décourager le développement de nouvelles technologies.

Nokero développe des technologies solaires propriétaires telles que des ampoules et des chargeurs de téléphone à la fois sûres, respectueuses de l’environnement et abordables. (Photo: Nokero)

L’ampoule à énergie solaire de Nokero

NokeroNokero, une société fondée par l’inventeur et conseiller en brevets Stephen Katsaros, développe des technologies solaires propriétaires telles que des ampoules et des chargeurs de téléphone à la fois sûres, respectueuses de l’environnement et abordables. En fournissant de l’énergie solaire accessible, abordable et de qualité supérieure, la société vise à améliorer l’accès à l’énergie et à éliminer le besoin de sources d’énergie salissantes, polluantes et onéreuses telles que le kérosène, qui est largement utilisé dans les pays à revenu faible et moyen. Nokero a remporté en 2013 le concours Patents for Humanity (Des brevets pour l’Humanité) organisé par l’Office des brevets et des marques des États-Unis d’Amérique (USPTO), qui reconnaît les titulaires de brevets et de licences pour leurs efforts visant à relever les défis en matière de développement.

La réussite de Nokero est étroitement liée aux partenariats. En effet, cette société conclut des partenariats avec des entités, y compris des organisations non gouvernementales (ONG), qui connaissent leurs marchés locaux et peuvent s’assurer que les technologies sont adaptées aux communautés qui en ont réellement besoin, qu’elles sont implantées sur leur territoire et qu’elles y sont utilisées. Les partenaires apportent leurs précieuses connaissances des conditions locales et aident l’entreprise à améliorer ses offres grâce aux essais menés et aux réactions des clients. Nokero, qui est l’abréviation de “no kerosene” (“sans kérosène”), désigne ses activités sous l’appellation “impact inventing” (“inventer de l’impact”), une forme d’entrepreneuriat social. La direction de l’entreprise considère que faire en sorte que les solutions technologiques répondent aux besoins réels des différents marchés et peuvent être déployées de manière durable est au cœur de la réussite commerciale.

Attirer les flux de technologies

Les gouvernements ont un rôle de premier plan à jouer s’agissant de soutenir la diffusion des technologies vertes et peuvent influer sur le flux de technologies en direction de leur propre pays. Ils peuvent mettre en œuvre des politiques vigoureuses en matière de changement climatique, visant à inciter le déploiement de technologies “propres”. Ils peuvent créer un climat favorable à l’investissement, pour aider à attirer des partenaires technologiques. En outre, les gouvernements peuvent accroître la concurrence loyale en supprimant les restrictions locales en matière de teneur et d’approvisionnement, qui ont tendance à faire augmenter le prix du déploiement. Et ils peuvent éliminer les droits de douane et autres barrières douanières, qui accroissent le prix des solutions technologiques “propres”, y compris au niveau régional, comme la Coopération économique pour l’Asie-Pacifique (APEC) l’a fait en 2012.

Nous sommes confrontés à des défis de taille liés au changement climatique, mais nous sommes également témoins de progrès remarquables en ce qui concerne les technologies “propres”. Ces progrès auront un impact énorme sur notre capacité à trouver des solutions efficaces au changement climatique ainsi qu’à d’autres défis mondiaux. Le développement de solutions technologiques et leur diffusion à grande échelle peuvent être accélérés par :

  • La collaboration. Les partenariats entre innovateurs et la collaboration entre l’industrie et les pouvoirs publics seront des éléments déterminants pour répondre aux besoins émergents.
  • La mise en place des politiques adéquates. Les investissements des pouvoirs publics dans la capacité d’absorption nationale et dans des cadres d’action publique appropriés, y compris dans des systèmes de propriété intellectuelle efficaces, peuvent renforcer les incitations du marché. La mise en place de cadres d’action publique adaptés joue un rôle important dans le soutien du déploiement à grande échelle de technologies innovantes.
  • La consolidation des savoirs locaux. Les partenariats accélèrent le transfert de savoir-faire, améliorant ainsi la durabilité du déploiement des technologies. La collaboration contribue avec le temps au renforcement des compétences, des connaissances et de la capacité à poursuivre l’innovation à l’échelle locale.

La CCNUCC et le processus d’évaluation des besoins technologiques (TNA)

Le processus d’évaluation des besoins technologiques (TNA) élaboré au titre de la CCNUCC est conçu pour aider à cerner et à analyser les besoins technologiques prioritaires pour l’atténuation et l’adaptation au changement climatique. Ces évaluations peuvent servir de base à des initiatives visant à faciliter le transfert ou l’accès de technologies et de savoir-faire écologiquement rationnels en application de l’article 4.5 de la Convention.

 

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