Votre Excellence, Madame l’Ambassadrice de la Finlande, présidente de l’Assemblée générale de l’OMPI,
Mesdames et Messieurs les ministres,
Mesdames et Messieurs les représentants permanents et ambassadeurs,
Mesdames, Messieurs les délégués,
J’ai le plaisir de vous souhaiter chaleureusement la bienvenue à cette série de réunions des assemblées des États membres de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI). Je suis extrêmement reconnaissant aux États membres pour leur engagement envers l’Organisation, dont témoigne la présence ici d’un très grand nombre de délégués, plus de 1000 si je ne m’abuse.
Je voudrais tout d’abord remercier le président sortant de l’Assemblée générale, M. l’Ambassadeur Uglješa Zvekić, pour son dévouement et son travail. L’Ambassadeur Zvekić s’est employé à faire en sorte que les membres parviennent à trouver des accords et s’est montré très efficace à cet égard. Ses compétences dans le domaine de la diplomatie et son professionnalisme nous ont été précieux.
Je félicite la nouvelle présidente de l’Assemblée générale, Mme l’Ambassadrice Päivi Kairamo, pour son élection, et me réjouis de collaborer avec elle en vue de faire avancer le programme multilatéral de l’OMPI pendant la période à venir.
L’Organisation a enregistré de nombreux résultats positifs au cours des 12 mois écoulés depuis les dernières assemblées. J’ai présenté ces résultats en détail dans un rapport mis à disposition ce matin, c’est pourquoi je ne mentionnerai ici que certains points précis.
Sur le plan financier, la situation de l’Organisation est très saine. Nous avons terminé l’année 2012 avec un excédent global de 15,7 millions de francs suisses. Par conséquent, nos réserves s’élevaient à la fin de 2012 à 178,2 millions de francs suisses, soit environ 58 millions de francs suisses de plus que le montant fixé par les États membres comme garantie prudente contre des ralentissements de l’activité ou d’autres événements pouvant avoir des incidences négatives sur nos recettes d’exploitation.
Comme vous aurez pu le constater, les travaux de construction de la salle de conférence ont bien avancé et devraient être terminés en avril ou mai prochains, ce qui nous permettrait de tenir les assemblées de 2014 dans les nouveaux locaux. Nous pensons également achever le projet dans les limites du budget alloué.
Nos systèmes mondiaux de propriété intellectuelle, le Traité de coopération en matière de brevets, le système de Madrid concernant l’enregistrement international des marques et le système de La Haye concernant l’enregistrement international des dessins et modèles industriels, continuent d’enregistrer des niveaux de croissance supérieurs à celui de l’économie mondiale. Nous assistons également à un élargissement important et constant de la portée géographique des systèmes, notamment des systèmes de Madrid et de La Haye. Les trois systèmes, qui comptent respectivement 148 membres (PCT), 91 membres (Madrid) et 60 membres (La Haye), sont en passe d’acquérir une portée véritablement mondiale, bien qu’à des rythmes différents.
Des progrès importants ont été accomplis à plusieurs égards en ce qui concerne l’infrastructure technique sur laquelle repose le fonctionnement du système mondial de la propriété intellectuelle. Cette infrastructure assure le lien entre les offices de propriété intellectuelle et les utilisateurs en ce qu’elle permet de relier les offices de propriété intellectuelle des États membres les uns aux autres et à nos système mondiaux de propriété intellectuelle, tout en offrant au public un accès aux riches collections de données qui sont générées par le système de la propriété intellectuelle et qui constituent des sources de plus en plus importantes de technologie passive et de veille commerciale et économique.
L’Organisation propose désormais un programme complet d’activités dans ce domaine, qui suscite un grand intérêt auprès des États membres, des utilisateurs du système de la propriété intellectuelle et du grand public. C’est notamment dans ce domaine que nous enregistrons la plus forte demande d’activités de coopération technique de la part des pays en développement et des pays les moins avancés. Le nombre d’offices utilisant les systèmes informatiques proposés par l’OMPI a augmenté, passant de 61 à 72, et la liste de demandes en suspens est longue.
De même, la demande d’assistance pour la création de centres d’appui à la technologie et à l’innovation (CATI), qui offrent un moyen d’élargir l’accès à la technologie à l’ensemble de la communauté, est forte. Trente-six projets ont été lancés dans ce domaine, couvrant 320 CATI dans le monde.
Cependant, le fait marquant de l’année est certainement la conclusion d’un nouveau traité multilatéral, à savoir le Traité de Marrakech visant à faciliter l’accès des aveugles, des déficients visuels et des personnes ayant des difficultés de lecture des textes imprimés aux œuvres publiées. À cet égard, je tiens à remercier le Gouvernement du Royaume du Maroc pour les moyens mis en œuvre pour la conférence diplomatique et pour l’accueil chaleureux et l’hospitalité généreuse réservés à tous les délégués tant par le gouvernement que par le peuple marocain. Je souhaiterais également féliciter le Gouvernement du Maroc et le président de la conférence, Son Excellence M. Mustapha Khalfi, Ministre de la communication, pour la réussite de cette conférence.
Le succès remporté à Marrakech aurait été impossible sans l’engagement extraordinaire dont ont fait preuve les États membres. Cinq réunions, des consultations ouvertes et d’innombrables réunions informelles se sont tenues pendant les six mois qui ont précédé la Conférence diplomatique. Les négociateurs ont travaillé jour et nuit. Le résultat constitue une brillante victoire pour les déficients visuels, la propriété intellectuelle, notre Organisation et la capacité de la communauté internationale à se mettre d’accord sur une solution efficace pour répondre à un besoin manifeste.
Le Traité de Marrakech a fait fond sur le succès du Traité de Beijing en 2012. Au Maroc, toutes les délégations ont exprimé l’espoir que la coopération constructive à l’origine de ces deux réussites se traduise dans le futur programme de travail de l’OMPI en matière de normes. À cet égard, deux sujets principaux sont inscrits à l’ordre du jour de la présente réunion.
Le premier est le projet de traité sur le droit des dessins et modèles, qui est en voie d’achèvement. Ce projet vise à simplifier et à rendre plus accessibles les procédures d’obtention d’une protection pour les dessins et modèles. Le Gouvernement de la Fédération de Russie s’est généreusement offert pour accueillir la conférence diplomatique. Il est grandement souhaitable que la décision soit prise de tirer parti des expériences de Beijing et de Marrakech pour mener à bien ces travaux.
Le deuxième sujet concerne la voie à suivre pour réaliser l’objectif commun consistant à protéger efficacement les savoirs traditionnels, les expressions culturelles traditionnelles et la propriété intellectuelle relative aux ressources génétiques. Il est de la plus haute importance de parvenir à une conclusion satisfaisante en la matière. Les travaux ont été longs et laborieux. Il est à espérer que les États membres parviendront à formuler le nouveau mandat du Comité intergouvernemental d’une façon qui soit acceptable pour tous. L’une des principales priorités de l’année à venir sera de faire avancer ces travaux vers un résultat positif.
Au-delà de notre actualité immédiate, il est clair que la tendance de la propriété intellectuelle à se déplacer de la périphérie au centre de l’économie se poursuit. La valeur accrue du capital intellectuel et des actifs immatériels, la reconnaissance du rôle économique et social fondamental de l’innovation et l’omniprésence de l’Internet, des dispositifs permettant d’y accéder et, par voie de conséquence, des œuvres de divertissement et de création, tous ces éléments contribuent à cette évolution. Les années précédentes, j’ai évoqué ce mouvement sous l’angle de l’innovation. Permettez-moi aujourd’hui d’aborder brièvement le sujet sous l’angle de la créativité et du contenu créatif.
Les études que nous avons menées dans 40 pays auprès des économies en développement, des économies en transition et des économies développées indiquent que, en moyenne, les industries de la création représentent quelque 5,2% du PIB et 5,3% environ du total des emplois. Dans certains cas, ces chiffres atteignent 11%. Une importante valeur économique est générée par les industries de la création, en plus de leur contribution culturelle et sociale.
Au cours des 20 dernières années, nous avons observé la migration continue des œuvres créatives des formats analogiques et de la diffusion physique à la technologie numérique et à la diffusion sur l’Internet. Il s’agit là d’un processus classique de destruction créatrice. Le déplacement de la valeur est tout à fait normal dans un tel processus. Ce qui est toutefois préoccupant dans le passage de l’analogique au numérique, c’est la perte apparemment évitable et inappropriée de valeur pour les créateurs, les artistes interprètes ou exécutants et le secteur de la création. Maintes études ont été menées pour mesurer ce phénomène et les débats, si ce n’est les arguments, abondent en ce qui concerne la méthode à suivre et l’ampleur du phénomène. Ce qui est clair, cependant, c’est l’importance et l’incidence négative du téléchargement illégal. Si la valeur des ventes numériques a augmenté, cette augmentation ne s’est pas faite au même rythme que la baisse des ventes analogiques et l’on constate une perte de valeur.
Cette perte est un énorme sujet de préoccupation pour les pouvoirs publics et les industries de la création du monde entier. La solution est difficile à trouver. Néanmoins, il est de plus en plus largement admis qu’elle passe par la création d’un marché numérique mondial fluide. Par la force de la technologie, nous avons déjà un marché numérique mondial fluide, mais il s’agit d’un marché illégal. L’objectif est d’établir un marché numérique mondial fluide qui soit légal. Il devrait être aussi facile d’accéder au contenu légalement qu’il est facile de le faire illégalement.
La création d’un tel marché est un processus extrêmement délicat et complexe, notamment parce que la plupart des éléments doivent être mis en place par le secteur privé et non par le secteur public. Par rapport à la situation telle qu’elle était 10 ans en arrière, il y a toutefois des raisons de penser que ce processus est en cours, même s’il progresse lentement.
Le fonctionnement de ce marché numérique mondial reposera sur des données, et plus précisément des métadonnées. Ce sont les données qui assureront la liaison entre les consommateurs et les œuvres par l’intermédiaire d’une variété de plates-formes mettant en œuvre les mécanismes d’attribution des droits d’utilisation et de rémunération.
Cette évolution offre une opportunité sans précédent d’associer les pays en développement et les pays les moins avancés au marché numérique mondial. Les pays en développement ont toujours été riches en contenu et pauvres en moyens de diffusion. Ils abritent certains des plus grands créateurs et artistes au monde, mais ceux-ci ne disposent que de moyens limités pour assurer la diffusion de leurs œuvres et de leurs prestations sur les marchés mondiaux. L’Internet est aujourd’hui une scène mondiale. Ainsi, le record mondial du nombre de clics sur YouTube est détenu par le chanteur coréen Psy pour son titre “Gangnam Style”, avec 1,8 milliard de vues. On compte 2,7 milliards de personnes en ligne dans le monde entier. Dans les pays en développement, le taux de pénétration de l’Internet atteindra 31% d’ici la fin de 2013. En outre, de plus en plus de contenu est diffusé sur les plates-formes mobiles avec, selon l’Union internationale des télécommunications (UIT), 6,8 milliards d’abonnements de téléphonie mobile, dont 5,2 milliards dans les pays en développement.
Afin de tirer parti de toutes les possibilités offertes dans le monde en développement, nous avons deux projets qui, nous le croyons, permettront de connecter les créateurs et artistes et interprètes des pays en développement au marché numérique émergent à l’échelle mondiale. Ces projets ont tous les deux trait à la gestion de données au sens large, les données constituant le fondement du marché des œuvres de création. Le premier projet consiste à mettre en place une nouvelle norme internationale non obligatoire d’assurance qualité pour les organisations de gestion collective, qui sont les entités chargées de conserver les données sur les œuvres de création aux fins de la gestion de ces œuvres. L’objectif est de donner des orientations aux organisations de gestion collective et de les aider à atteindre un niveau élevé de transparence et de responsabilité dans la gestion des intérêts des titulaires de droits qu’elles représentent. Le deuxième projet vise à renforcer le système informatique de gestion des données des organisations de gestion collective afin qu’elles soient en mesure d’intégrer le marché mondial des œuvres de création. Ces projets ouvrent des perspectives stimulantes au regard de la possibilité de participer à la mise en place d’un marché des œuvres de création qui soit à la fois dynamique et d’une portée véritablement mondiale et d’aider les pays en développement à transformer leurs actifs dans les domaines de la culture et de la création en actifs commerciaux sur ce marché.
Pour pouvoir trouver sa place et jouer son rôle dans le monde de plus en plus complexe et perfectionné de la propriété intellectuelle, l’Organisation a besoin d’un personnel hors pair. Je voudrais exprimer ma gratitude à toutes les femmes et tous les hommes du Bureau international qui ont tant contribué si précieuse aux succès de l’Organisation au cours des 12 derniers mois. Je voudrais également exprimer ma gratitude aux États membres pour leur engagement, leur mobilisation et leur appui permanents.