WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

Décision de la commission administrative

Sporoptic Pouilloux Sa C./ Euroglisse Sarl

Affaire N°D2000-0473

 

1. Les Parties

Le Requérant est la Société Sporoptic Pouilloux, société anonyme ayant son siège social 28 rue Boissy d’Anglas, 75008 Paris, France. Le mandataire du Requérant est Mme Christine Vittoz, Cabinet Vittoz, 9 rue Scribe, 75009, Paris, France, Tel : 01.42.65.21.22 ; Fax : 01.42.65.74.98 ; e-mail : vittoz@calva.net

Le Défendeur est la Société Euroglisse, Sarl, Adresse : Place du Téléphérique, 74110 Avoriaz, France, Contact administratif : Guy Grietens, Fax : 04.50.74.15.52 ; e-mail : vuarnet-sports@wanadoo.fr, sans mandataire dans la procédure administrative.

 

2. Le Nom de Domaine et l’Unité d’Enregistrement

Le litige concerne le Nom de Domaine « VUARNET-SPORTS.COM ».

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le Nom de Domaine est enregistré est : Network Solutions Inc., 505 Huntmar Park Drive, Herndon , Virginia, 20170 U.S.A

 

3. Procédure

Une plainte a été déposée auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI (le Centre) le 19 mai 2000 par courrier électronique et reçue sur support papier le 25 mai 2000. Il a été fait accusé de réception de la plainte le 24 mai 2000.

Le 24 mai 2000, une demande de vérification d’enregistrement a été envoyée et la réponse à cette demande a été reçue de Network Solutions le 30 mai 2000.

Le 8 juin 2000, la notification de plainte a été effectuée et une procédure administrative a été ouverte. A la même date, le respect des conditions de forme a été vérifié. Le Défendeur aurait du faire parvenir sa réponse au plus tard le 27 juin 2000.

Le 28 juin 2000 le Requérant a fait état d’observations complémentaires . Le 29 juin 2000 a été effectuée la Notification de manquement au Défendeur.

L’Expert unique a accepté sa mission le 30 juin 2000 et remis une déclaration d’impartialité et d’indépendance.

Le litige entre dans le champ d’application des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine et la Commission administrative est compétente pour arrêter une Décision. L’acte d’enregistrement par lequel le nom de domaine, objet de la plainte, a été enregistré implique l’acceptation des Principes directeurs.

Le nom de domaine a été enregistré le 20 décembre 1999.

Bien que la langue du contrat d’enregistrement soit l’Anglais, les parties sont toutes deux françaises et la plainte a été soumise en Français. Ces circonstances amènent la Commission à décider, par application de l’article 11 des Règles, que la procédure doit être conduite en Français.

La Décision est rendue dans le délai expirant le 14 juillet 2000.

 

4. Les Faits

Les faits suivants ne sont pas contestés :

La société Sporoptic Pouilloux SA est titulaire de diverses marques :

France :

" VUARNET »

1.212.373 - 92.413.033- 94.530 .937 – 1.269.831

« VUARNET EXTREME »

95.574.540 – 95.594.220

USA :

« VUARNET »

1.276.815 - 1.930.340 –

« VUARNET EXTREME »

2.128.66 – 2.122.854

Pour désigner divers produits de la classe 9 et notamment « lunettes, lunettes de vue et de soleil pour le sport » et accessoires de lunettes (annexe D de la Plainte).

Divers autres dépôts nationaux ont été effectués dans la classe 9 (Annexe E de la Plainte).

La société Sporoptic Pouilloux est titulaire du nom de domaine « vuarnetoptic.com » et la société Vuarnet Optical filiale de la première est titulaire de « vuarnet.com », vuarnetsunglasses.com », « vuarnet-sunglasses. com », « vuarnet-optical.com », « vuarnet-extreme.com ». (Annexe F de la Plainte).

La société Euroglisse a enregistré à son nom auprès de NETWORK SOLUTIONS, Inc. le nom de domaine «vuarnet-sports.com» le 20 décembre 1999.

 

5. Prétentions des parties

(a) Requérant

La société Sporoptic Pouilloux, Requérant, demande à la Commission administrative de rendre une décision ordonnant que le nom de domaine « vuarnet-sports.com » lui soit transféré (paragraphe 3 .b).x, des Règles).

Au soutien de sa plainte sur le fondement du paragraphe 4(a)(b)(c), des Principes directeurs et paragraphe 3 des Règles, elle avance les arguments suivants.

· Le nom de domaine « vuarnet-sports.com » crée immanquablement une probabilité de confusion avec les marques du Requérant largement connues pour désigner de fameuses lunettes de soleil et leurs accessoires, lunettes liées au sport et promues par le champion de ski Jean Vuarnet.

· Le défendeur ne détient pas de droit ou d’intérêt légitime qui pourrait justifier le dépôt à son nom du nom de domaine en question car, même si le défendeur est un revendeur de lunettes Vuarnet dans sa boutique d’Avoriaz, le nom de domaine « vuarnet-sports.com » laisse penser au public le plus large qu’il est le distributeur officiel, notamment pour les Etats-Unis, des lunettes Vuarnet, ce qui ne peut que désorganiser le réseau de distribution mis en place par le Requérant.

· Le dépôt du nom de domaine en cause a été fait de mauvaise foi en ce que le Défendeur aurait voulu tirer parti des possibilités techniques de télécommunication du réseau Internet pour augmenter très sensiblement la zone géographique de son activité et tenter de s’octroyer des droits sur la marque Vuarnet sans aucune limite géographique, peu important qu’il ait acquis son fonds de commerce d’articles de sport, en juillet 1995 à Avoriaz, comportant l’enseigne commerciale : « Vuarnet Sports », enseigne de portée territoriale par définition limitée.

· Dans ses observations complémentaires du 28 juin 2000, le Requérant soutient que le nom de domaine litigieux est bien exploité sur le réseau Internet en ce que le Requérant peut être contacté à son adresse e-mail : « vuarnet-sports@wanadoo.fr » ; en ce que la demande de connexion sur le site « www.vuarnet-sports.com » renvoie à la page web d’un fournisseur d’accès et en ce que, de toutes manières, le dépôt d’un nom de domaine peut être interprété comme un usage passif, en l’état de la notoriété de la marque antérieure (v. WIPO Arbitration and Mediation Center, Administrative Panel Decision , case n° D2000-0003).

(b) Défendeur

Le Défendeur n’a fait parvenir au Centre aucune Réponse à la Plainte dans le délai qui lui était imparti et une Notification de manquement lui a été envoyée le 29 juin, sans réaction ultérieure de sa part.

 

6. Discussion

Le paragraphe 15(a) des Règles prévoit que « La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicable ».

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant de prouver contre le Défendeur cumulativement que :

(a) Son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits.

(b) Il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

(c) Son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

1. Identité ou similarité

Les marques antérieures dans leur partie distinctive « vuarnet » sont identiques au nom de domaine « vuarnet-sports.com » dans la mesure où l’adjonction du terme descriptif « sports » ne modifie pas le pouvoir attractif et arbitraire du mot « vuarnet ».

Même si les enregistrements de marque du Requérant sont limités à divers produits de la classe 9 , notamment des lunettes de soleil, pour la pratique de sports de montagne ou de mer, il apparaît que le Requérant depuis plusieurs décennies  a usé de la marque, avec l’accord du champion de ski Jean Vuarnet, dans le secteur concerné avec un réel succès, en sorte qu’il peut être estimé que le terme « vuarnet » est notoire au sens de l’article 6 bis de la Convention de Paris. En conséquence, le nom de domaine « vuarnet-sports.com » engendre un confusion avec les marques du requérant.

2. Droit ou intérêt légitime du Défendeur quant au nom de domaine litigieux

Bien que soit évoqué dans le dossier le fait que le défendeur aurait disposé de droits sur l’enseigne de son fonds de commerce à Avoriaz, « vuarnet sports », les éléments communiqués ne permettent pas à la Commission de savoir quand et de quelle manière seraient nés lesdits droits sur l’enseigne. En toutes hypothèses, il est constant que les droits d’enseigne sont de portée géographique restreinte et que le défendeur défaillant, qui aurait pu s’expliquer sur ce point, n’a pas établi à quel titre il aurait pu ou pourrait utiliser le terme « vuarnet », objet de droits de marque au profit du Requérant, dans son activité commerciale, d’une part ; pour pouvoir légitimement déposer le nom de domaine « vuarnet-sports.com », d’autre part.

Dès lors, la Commission conclut que le Défendeur n’a pas de droit sur le nom de domaine en cause ni aucun intérêt légitime qui s’y attache.

3. Enregistrement et utilisation de mauvaise foi

La Commission constate que le Requérant n’apporte pas la claire démonstration que le Défendeur a enregistré et fait usage de mauvaise foi du nom de domaine « vuarnet-sports.com » au regard notamment des circonstances décrites au paragraphe 4(b)(i-iv) des Principes directeurs. Cependant, en l’absence de réponse du Défendeur défaillant, la Commission estime que la mauvaise foi du Défendeur peut être présumée lorsqu’il s’agit de l’enregistrement et de l’usage d’un nom de domaine constitué en tout ou partie de la marque notoire d’un tiers.

La Commission pense, en effet, qu’elle peut retenir cette présomption, d’une part, parce qu’il a pu en être déjà ainsi décidé selon les circonstances d’espèce (Voir Décision Telstra Corporation ltd v. Nuclear Marshmallows, Case n° D2000-0003) ; d’autre part parce que le but des Principes directeurs est de promouvoir une solution uniforme, équitable et rapide des litiges en matière de noms de domaine et, enfin, parce que les Décisions de la Commission sont rendues avec les effets et sous les réserves prévus à l’article 4(k) des Principes directeurs.

 

7. Décision

Pour les raisons ci-dessus, la Commission administrative décide que le nom de domaine enregistré par le Défendeur est identique en sa partie distinctive aux marques dont le Requérant est titulaire et entraîne un risque de confusion avec ces dernières ; que le Défendeur n’a pas de droit ni d’intérêt légitime à faire valoir sur ledit nom de domaine et que les circonstances font présumer que le nom de domaine du Défendeur a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, conformément au paragraphe 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles, la Commission requiert que l’enregistrement du nom de domaine « vuarnet-sports.com » soit transféré au Requérant : la société française Sporoptic Pouilloux SA.

 


 

Christian Le Stanc
Expert unique

Date : 10 juillet 2000