Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Endemol Développement c. Julien Houlier
Litige No. D2002-1048
1. Les parties
Le requérant est la société Endemol Développement, Société par Actions Simplifiée, dont le siège est à Paris (France).
Le mandataire autorisé du requérant est Monsieur Frédéric Blanc, Conseil en propriété industrielle, Cabinet Breese-Majerowicz-Simonnot, demeurant à Paris (France).
Le défendeur est Monsieur Julien Houlier, demeurant à Zerm (France).
2. Les noms de domaine et l’unité d’enregistrement
Les noms de domaine concernés sont <staracademy3.net> et <staracademy3.org>.
Ils ont été enregistrés le 12 mai 2002.
L’unité d’enregistrement est Gandi, 38, rue Notre-Dame de Nazareth, Paris (France).
3. Rappel de la procédure
Le Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI (ci-après dénommé le "Centre") a reçu le 13 novembre 2002, par courrier électronique et le 19 novembre 2002, par courrier postal une plainte de la société Endemol Développement (ci-après dénommée "Endemol") contre Monsieur Julien Houlier. Cette plainte désigne Monsieur Frédéric Blanc, Conseil en propriété industrielle, en qualité de mandataire autorisé. Dans la plainte, il est mentionné que la taxe requise a été payée par prélèvement sur un compte ouvert auprès de l’OMPI.
Le 15 novembre 2002, le Centre accuse réception de la plainte par e-mail.
Le même jour, le Centre sollicite auprès de l’unité d’enregistrement les vérifications nécessaires en relation avec le litige. Le 18 novembre 2002, la réponse de l’unité d’enregistrement est transmise au Centre.
Le 25 novembre 2002, le Centre vérifie que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles") approuvées par l’ICANN le 24 octobre 1999, et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.
Le 25 novembre 2002, le Centre notifie la plainte au défendeur, ainsi que l’ouverture de la procédure administrative. Cette notification est envoyée à l’ensemble des parties concernées conformément aux Règles. Une copie papier de la notification et de la plainte est adressée le même jour par courrier au défendeur.
Le 17 décembre 2002, le Centre, constatant l’absence de réponse du défendeur dans le délai imparti, notifie aux parties le défaut du défendeur.
Le 18 décembre 2002, le Centre invite par e-mail Jean-Claude Combaldieu à servir comme expert dans ce litige. Le lendemain, 19 novembre 2002, une déclaration d’acceptation, d’impartialité et d’indépendance est adressée au Centre par télécopie.
Le 19 décembre 2002, le Centre notifie aux deux parties la nomination de la Commission administrative composée de Jean-Claude Combaldieu comme expert unique.
Simultanément, un dossier est envoyé par courrier spécial à la Commission administrative.
Il apparaît donc que toute la procédure est parfaitement régulière en application des Principes directeurs, des Règles et des Règles supplémentaires.
La présente décision est rédigée en français en application du paragraphe 11a des Règles compte-tenu notamment du fait que les deux parties sont de nationalité française et ont communiqué en français. De surcroît, il se trouve que l’unité d’enregistrement est également française.
4. Les faits
La plainte est basée sur les éléments suivants :
Endemol expose qu’elle est titulaire des marques suivantes :
- la marque verbale STAR ACADEMY n° 3109821, déposée en France le 5 juillet 2001 dans les classes n° 3, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28, 30, 32, 33, 35, 38, 41 et 42 ;
- la marque semi-figurative STAR ACADEMY n° 3124723, déposée en France le 8 octobre 2001 dans les classes n° 3, 9, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25, 28, 30, 32, 34, 35, 38, 41 et 42.
Par ailleurs, il est rappelé que, selon le WHOIS, les noms de domaine litigieux ont été enregistrés le 12 mai 2002.
5. Argumentation des parties
A. Le requérant
Le requérant expose que les marques ci-dessus ont été notamment utilisées en France pour désigner des services d’organisation et de divertissement télévisés, de production, d’émissions télévisées et des services de télécommunication, notamment communications par réseaux d’ordinateurs.
Les noms de domaine litigieux reproduisent à l’identique les marques ci-dessus ou, à tout le moins, en constituent l’imitation. L’adjonction du chiffre 3 n’affecte pas la perception visuelle et phonétique.
Par ailleurs, le défendeur n’a aucun droit ni intérêt légitime sur cette dénomination. Ces domaines renvoient automatiquement sur des sites à caractère pornographique : Ils utilisent la renommée de la marque STAR ACADEMY pour détourner les internautes à des fins lucratives vers ces sites pornographiques.
D’ailleurs, l’enregistrement des noms de domaine litigieux le 12 mai 2002, précède de peu le lancement de la deuxième édition de l’émission Star Academy sur la chaîne de télévision TF1 après une importante campagne télévisée. Il s’agit d’une émission à succès qui touche un large public et que nul n’ignore, au moins en France. L’adjonction du chiffre 3 est sûrement une volonté d’anticiper sur la troisième future édition de cette émission. Cette exploitation lucrative par le défendeur, de plus sur un site pornographique, cette volonté de créer une confusion avec l’émission de télévision et les marques et donc de détourner le public constitue à la fois la preuve que le défendeur n’a aucun intérêt légitime et est de mauvaise foi.
D’ailleurs, une lettre de réclamation a été envoyée à son adresse e-mail le 8 octobre 2002, et est restée sans réponse.
En conclusion, le requérant demande que les noms de domaine litigieux lui soient transférés.
B. Le défendeur
Le défendeur n’ayant pas répondu à la plainte dans le délai prévu par la procédure n’a donc présenté aucun argument pour sa défense.
6. Discussion et conclusions
Le paragraphe 15(a) des Règles indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l’occasion d’une plainte : la Commission doit décider sur la base des exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et les Règles d’application ainsi que toutes règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.
Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requérant doit prouver chacun des points suivants :
(1) le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique, ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits,
(2) le défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni intérêt légitime qui s’y attache,
(3) le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le déposant oppose ses deux marques STAR ACADEMY qui toutes deux ont été déposées antérieurement à l’enregistrement des noms de domaine litigieux en date du 12 mai 2002.
Elles ont été déposées dans un nombre important de classes de produits et de services, et notamment les divertissements et les services de communication.
En tout état de cause, la procédure UDRP selon l’article 4a(i) des Principes Directeurs impose uniquement de comparer les marques avec les noms de domaine litigieux sans se préoccuper des classes de produits et de services dans lesquelles les marques ont été déposées. Il est aussi constant que les extensions gTLD du type ".org" ou ".net" ne doivent pas être prises en compte dans cette comparaison.
Dans le cas d’espèce, les noms de domaine litigieux <staracademy3.net> et <staracademy3.org> sont à l’évidence des contrefaçons des marques STAR ACADEMY. Le chiffre 3 ne change rigoureusement rien parce que la partie caractéristique de la marque (Star Academy) est reproduite à l’identique ce qui crée, à l’évidence, une confusion pour le public concerné.
En conclusion, nous estimons que la condition d’identité, ou à tout le moins de similitude prêtant à confusion, est totalement établie.
B. Droits ou légitimes intérêts
Le défendeur n’a aucun droit sur les marques STAR ACADEMY et n’en a acquis aucun. Ce n’est ni son nom ni le nom ou l’enseigne d’une société lui appartenant.
Il a enregistré les deux domaines litigieux après le dépôt des marques et il fait de ces noms de domaine un usage illicite en essayant de détourner à des fins lucratives les consommateurs et en créant une confusion avec la marque STAR ACADEMY.
Il cherche à profiter d’une certaine notoriété du nom STAR ACADEMY pour attirer les internautes vers un site pornographique en grande partie payant. Cette activité est illégitime. Elle a été constatée par Maître Pecastaing, Huissier de Justice.
En conclusion, nous estimons que le défendeur n’a ni droits ni légitimes intérêts sur les noms de domaine litigieux.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
L’enregistrement et l’usage de mauvaise foi nous paraissent établis par les éléments suivants :
- Les marques STAR ACADEMY sont très connues. Non seulement, elles sont utilisées par une émission de télévision à succès sur la chaîne nationale TF1, mais aussi dans de très nombreux magazines ou hebdomadaires lus par un large public. Il est donc hautement improbable que le défendeur n’ait pas connu l’utilisation faite par le requérant des marques STAR ACADEMY avant d’enregistrer les noms de domaine litigieux.
- Un autre élément est que le défendeur utilise l’expression connue STAR ACADEMY pour attirer, de manière parasitaire, les consommateurs vers un site pornographique. Il existe une nombreuse jurisprudence sur l’utilisation pornographique comme élément de mauvaise foi (à titre d’exemple : Litige OMPI DTV2001-0023, Litige OMPI D2001-1428, Litige OMPI D2001-0059, Litige OMPI D2000-0205, et bien d’autres encore).
- Un autre élément d'appréciation est qu’il n’a pas répondu ni au mail de mise en demeure du 8 octobre 2002, ni à la plainte au cours de la procédure.
Dans ces conditions, ce faisceau d’éléments emporte la conviction de la Commission administrative selon laquelle les noms de domaine litigieux ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi.
7. Décision
Vu les paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles,
La Commission administrative décide :
(a) que les noms de domaine <staracademy3.net> et <staracademy3.org> enregistrés par le défendeur Monsieur Julien Houlier sont identiques ou du moins similaires au point de prêter à confusion avec les marques détenues par le requérant Endemol Développement,
(b) que le défendeur n’a aucun droit ni intérêts légitimes à disposer des noms de domaine <staracademy3.net> et <staracademy3.org>,
(c) que ces noms de domaine ont été enregistrés et utilisés de mauvaise foi.
En conséquence, la Commission administrative ordonne que les noms de domaine <staracademy3.net> et <staracademy3.org> soient transférés au requérant.
Jean-Claude Combaldieu
Expert unique
Le 24 décembre 2002