Centre d'arbitrage et de médiation de l'OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
SOPAL society contre PACKALPHA
Litige n° D2004-0568
1. Les parties
Le requérant est SOPAL society, M. Dominique Durand, Dax, France, représenté par Fidal Law Society, France.
Le défendeur est PACKALPHA, Annezin Lez Bethune, France.
2. Nom de domaine et unité d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <sopal.com>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Melbourne IT trading as Internet Name Worldwide.
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par SOPAL society auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 29 juillet 2004.
En date du 30 juillet 2004, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Melbourne IT trading as Internet Name Worldwide, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du2 août 2004.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 10 août 2004, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 30 août 2004. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 2 septembre 2004, le Centre notifiait le défaut du défendeur.
En date du 17 septembre 2004, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Langue de la procédure
Comme le lui autorise le paragraphe 11.a) des Règles d’application, la Commission administrative rend la présente décision en français.
L’adoption du français comme langue de procédure a été expressément demandée par le Requérant. Le Défendeur ne l’a pas contestée. L’adoption du français comme langue de procédure est parfaitement justifiée dès lors que les parties sont établies en France.
4. Les faits
Les faits détaillés ci-après ont dûment été établis par le Requérant.
Le Requérant, la société française SOPAL, est immatriculé au Registre du Commerce et des Sociétés de Dax sous le numéro 312 757 347.
La société SOPAL est une des principales filiales du groupe GASCOGNE, et exerce ses activités plus particulièrement dans le domaine de l’emballage souple. D’autres sociétés du groupe reprennent le terme SOPAL dans leur dénomination sociale, concrètement SOPAL BV aux Pays-Bas, SOPAL PANOVAL en Suisse, SOPAL PKL en Allemagne.
Le terme SOPAL n’a pas fait l’objet de dépôt à titre de marque.
Le Défendeur, la société Packalpha, exerce également ses activités dans le domaine de l’emballage. Cette société annonçait sa présence, sur son site Internet “www.packalpha.com”, à un salon de l’emballage devant se tenir en France, à Paris-Nord Villepinte, en 2002.
Le Requérant a demandé le transfert du nom de domaine <sopal.com> à son profit.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le Requérant invoque les droits suivants à l’appui de sa plainte :
- Un droit sur sa dénomination sociale SOPAL, adoptée depuis de nombreuses années;
- Un droit sur le nom commercial SOPAL, sous lequel il exerce ses activités, et jouit d’une notoriété dans son secteur d’activités auprès de ses 2.000 clients, répartis dans pas moins de 70 pays;
- Un droit sur la marque non enregistrée SOPAL, pour désigner ses activités d’emballage souple.
Le Requérant considère que le nom de domaine <sopal.com> est identique aux droits susmentionnés, et que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime au dépôt et à l’usage de ce nom de domaine, qui ne correspond à aucune de ses marques.
Enfin, le Requérant estime que les éléments et circonstances suivants prouvent la mauvaise foi du Défendeur :
- Le nom de domaine litigieux a été enregistré en 2000, sans avoir été exploité depuis;
- Le Défendeur a enregistré le nom de domaine <sopal.com> alors qu’il ne pouvait ignorer l’existence, et la notoriété, du Requérant;
- Le Défendeur a proposé au Requérant de lui revendre le nom de domaine litigieux, en indiquant avoir reçu une offre d’une société tunisienne pour un montant de 10.000 euros.
Le Requérant joint un certain nombre de documents à sa plainte, à savoir, principalement :
- Un organigramme du Groupe Gascogne mentionnant plusieurs sociétés SOPAL;
- Un document intitulé “2002 - Chiffres clés du groupe”, dans lequel on peut notamment lire “La filiale suisse Sopal Panoval (…) a connu un exercice conforme aux prévisions”, “la filiale allemande Sopal PKL est devenue bénéficiaire en six moins d’exploitation”, “Lors du salon LabelExpo à Bruxelles (…) Sopal et Sopal Panoval ont présenté leurs plus récentes innovations”, “en quelques années Sopal est devenu l’un des grands spécialistes des papiers protecteurs siliconés”, ou encore “Sopal a toujours eu la volonté de développer ses produits dans des domaines d’application multiples”;
- Un extrait du site Internet du Groupe Gascogne, imprimé en juillet 2004, mentionnant en particulier que “Le Groupe Gascogne était présent au salon de l’emballage (…). Les sociétés filiales du Groupe : papeteries de Gascogne, Gascogne Emballage, Sopal, Cenpac et leurs activités y étaient représentées”.
B. Défendeur
Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.
6. Discussion et conclusions
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :
- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits,
- Le Défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,
- Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, rappelé ci-dessus, impose que le nom de domaine litigieux soit identique ou similaire à “une marque de produits ou de services” détenue par le Requérant.
Il résulte d’une application littérale des Principes directeurs que seuls les droits de marque - enregistrés ou non- peuvent être invoqués à l’appui d’une plainte déposée auprès du Centre d’Arbitrage et de Médiation de l’OMPI.
Certes, il est vrai que la question de l’extension de la procédure à d’autres signes distinctifs, tels que les noms commerciaux ou les dénominations sociales qui ne sont pas déjà protégés en tant que marques, a été longuement débattue, mais cette possibilité est aujourd’hui exclue.
En effet, bien que des signes distinctifs autres que les marques soient eux aussi susceptibles d’être usurpés à titre de nom de domaine par des tiers, il a néanmoins été décidé de ne pas les inclure, pour l’instant, dans la procédure UDRP, en raison principalement de la disparité des conditions de protection desdits signes - noms commerciaux et dénominations sociales - au niveau international.
A cet égard, nous renvoyons les parties au Rapport concernant le deuxième processus de consultations de l’OMPI sur les noms de domaine de l’Internet du 3 janvier 2001, et au rapport consécutif de la session spéciale du Comité permanent du droit des marques, des dessins et modèles industriels et des indications géographiques , tenue à Genève du 21 au 24 mai 2002.
Plusieurs décisions ont également constaté l’impossibilité de fonder une plainte sur la seule base d’un nom commercial ou d’une dénomination sociale. Peuvent être notamment mentionnées les affaires D2000-1019, Music United.com v. J. Nauta, D2001-0507 Sintef v. Sintef.com, et D2001-0744, University of Konstanz v. uni-konstanz.com.
Dans ces conditions, préalablement à toute comparaison des signes, la Commission administrative doit déterminer si le Requérant dispose d’un droit de marque sur le terme SOPAL.
La dénomination sociale et le nom commercial SOPAL, invoqués notamment comme fondements de la plainte, ne peuvent être pris en compte en tant que tels pour les motifs exposés ci-dessus. Les arguments du Requérant tirés de la protection en France des dénominations sociales et noms commerciaux par l’article L 711.4 du Code de la Propriété Intellectuelle sont donc inopérants.
En l’absence de dépôt ou d’enregistrement de marque portant sur le signe SOPAL, le Requérant a également invoqué, à l’appui de sa plainte, un droit sur la marque SOPAL non enregistrée, en se référant dans sa plainte à l’expression “common law brand”.
L’acquisition du droit sur la marque par l’usage, auquel se réfère le Requérant par la mention de “common law brand”, est limitée à certaines juridictions de droit anglo-saxon. A cet égard, la Commission note que le Requérant n’a pas précisé le ou les territoires dans lesquels il aurait acquis un droit de “common law” sur la marque SOPAL.
Par ailleurs, s’il est vrai que certaines décisions, invoquées par le Requérant, reconnaissent la légitimité de plaintes fondées sur un nom patronymique célèbre, c’est uniquement après avoir constaté que lesdits noms patronymiques donnaient également naissance à un droit de marque de common law.
En France, si l’on excepte le cas particulier des marques dites “notoires”, protégées au titre de l’Article 6bis de la Convention d’Union de Paris, le droit de marque s’acquière exclusivement par l’enregistrement. Le Requérant n’a pas joint à sa plainte de documents susceptibles de prouver une éventuelle notoriété de la marque SOPAL.
Au surplus, force est de constater que les nombreux documents joints par le Requérant à sa plainte ne prouvent pas un usage du signe SOPAL à titre de marque, mais exclusivement à titre de nom commercial ou de dénomination sociale.
En effet, le Requérant n’a pas apporté de documents propres à montrer que le signe SOPAL est utilisé comme marque sur certains de ses produits, comme il est affirmé dans la plainte. Au contraire, au vu des documents dont dispose la Commission administrative, et dont quelques extraits ont été cités ci-dessus, la société SOPAL exerce ses activités sous la dénomination SOPAL, sans désigner directement sous ce nom les produits qu’elle commercialise. L’individualisation du Requérant, aux yeux de sa clientèle et des tiers, sous le nom SOPAL, caractérise un usage de ce terme à titre de nom commercial.
L’existence d’un droit de marque étant une condition sine qua non de l’application des Principes Directeurs, la Commission administrative ne peut que rejeter la plainte, sans qu’il soit nécessaire de comparer les signes, de s’exprimer sur l’absence d’intérêt légitime du Défendeur, ou d’évaluer son éventuelle mauvaise foi.
La Commission ajoute que les questions de ce dossier seraient mieux abordées devant un tribunal français.
7. Décision
Pour les motifs exposés ci-dessus, et en application du Paragraphe 4(i) des Principes directeurs, et du Paragraphe 15 des Règles d’application, la Commission administrative rejette la plainte.
Martine Dehaut
Expert Unique
Le 30 septembre 2004