WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

ACCOR contre Eurolinked Sarl

Litige n° D2005-0861

 

1. Les parties

Le requérant est ACCOR, Evry, France, représenté par le Cabinet Dreyfus & Associés, France.

Le défendeur est Eurolinked Sarl, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <accorgroupe.net>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Gandi SARL.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par ACCOR auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 12 août 2005.

Le même jour, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du16 avril 2005.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 23 août 2005, une notification de la plainte, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse au Centre était le 12 septembre 2005. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 26 septembre 2005, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 26 septembre 2005, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Martine Dehaut. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

Les faits détaillés ci-après ont dûment été exposés et prouvés par le Requérant, et leur authenticité n’a pas été contestée par le Défendeur.

Le Requérant indique notamment dans sa plainte que :

“Le groupe Accor, présent dans 140 pays avec 168 000 collaborateurs, est le leader européen et l’un des plus importants groupes mondiaux dans l’univers du voyage, du tourisme et des services avec ses deux principaux métiers internationaux: l’Hôtellerie et les Services aux entreprises et collectivités publiques.

Avec près de 4 000 hôtels, de l’économique au luxe, partout dans le monde, Accor propose des formules de séjour adaptées aux besoins de chacun de ses clients. Les activités de voyage, de restauration et les casinos viennent compléter cette offre unique dans l’univers du loisir et du tourisme.

Implantée dans 34 pays, l’offre de services de Accor vise à concilier les exigences de productivité des entreprises et des collectivités avec les aspirations de leurs salariés en matière de bien-être et de confort.

Le Requérant détient entres autres dans le domaine de l’hôtellerie les marques SOFITEL, NOVOTEL, MERCURE, SUITEHOTEL, IBIS, ETAP, HOTEL FORMULE 1, RED ROOF INNS, MOTEL 6 ainsi que ACCOR.

En outre, le Requérant dans le cadre de ses activités complémentaires détient les marques ACCOR VACANCES ET ACCOR THALASSA (domaine des loisirs et du tourisme), les marques CARLSON WAGONLIT TRAVEL et GO VOYAGES (domaine de la distribution), la marque ACCOR CASINOS (divertissement) et enfin les marque LENÔTRE PARIS et COMPAGNIE DES WAGONS-LITS (restauration et services à bord des trains).

Dans le cadre des services qu’il propose aux entreprises et aux collectivités, Accor est titulaire des marques TICKET RESTAURANT, CLEAN WAY, CHILDCARE VOUCHERS, BIEN-ÊTRE À LA CARTE, ACCENTIV’ et enfin ACADÉMIE”.

Après avoir constaté l’existence du nom de domaine <accorgroupe.net>, réservé au nom du Défendeur, le Requérant a pris contact avec ce dernier, par courrier, afin d’en obtenir le transfert à l’amiable. Dans sa réponse datée du 6 avril 2005, le Défendeur indiquait que la réservation du nom de domaine litigieux avait été effectuée par erreur, que celui-ci n’était pas exploité, et allait être libéré dans les meilleurs délais. Par la suite un nouvel échange de correspondance est intervenu entre les parties, le Requérant demandant que le nom de domaine lui soit transféré, le Défendeur exigeant, dans sa réponse, que les frais de transferts soient pris en charge par le cessionnaire. Les échanges entre les parties ont cessé à ce stade, le Défendeur n’ayant plus répondu aux relances du Requérant.

Le nom de domaine litigieux n’héberge aucun site actif.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant invoque les droits de marque suivants à l’appui de sa plainte :

- ACCOR, Marque Française n°1237864, enregistrée le 13 mai 1983, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 35, 39 et 42;

- ACCOR, Marque Française n°1285705, enregistrée le 4 octobre 1984, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 36, 38 et 42;

- ACCOR, Marque Française n°1358194, enregistrée le 5 mars 1986, renouvelée et couvrant les produits et services en classe 41;

- ACCOR, Marque Française n°1513259, enregistrée le 28 septembre 1988, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 5, 8, 9, 11, 18, 21, 24, 25, 28 et 37;

- ACCOR, Marque Française n°003020477, enregistrée le 10 avril 2000 et couvrant les produits et services en classe 38;

- ACCOR SERVICES, Marque Française n°003026598, enregistrée le 9 mai 2000 et couvrant les produits et services en classes 38 et 42;

- ACCOR CASINOS, Marque Française n°003057888, enregistrée le 13 octobre 2000 et couvrant les produits et services en classes 16, 41 et 42;

- ACCOR TOUR, Marque Française n°013080456, enregistrée le 2 février 2001 et couvrant les produits et services en classes 39 et 42;

- ACCOR, Marque Française n°93484443, enregistrée le 21 septembre 1993, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 38, 39 et 42;

- ACCOR, Marque Internationale n°727 696, enregistrée le 28 décembre 1999 et couvrant les produits et services en classes 16, 39 et 42;

- ACCOR CASINOS, Marque Internationale n°756 453, enregistrée le 20 mars 2001 et couvrant les produits et services en classes 16, 41 et 42;

- ACCOR, Marque Internationale n°742 031, enregistrée le 1 août 2000 et couvrant les produits et services en classes 38;

- ACCOR, Marque Internationale n°616 274, enregistrée le 17 mars 1994, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 38, 39 et 42;

- L’ESPRIT ACCOR, Marque Internationale n°616 275, enregistrée le 17 mars 1994, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 38, 39 et 42;

- ACCOR A WORLD OF TRAVEL TOURISM AND SERVICES, Marque Internationale n°616 276, enregistrée le 17 mars 1994, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 38, 39 et 42;

- ACCOR, Marque Internationale n°687 060, enregistrée le 19 janvier 1998 et couvrant les produits et services en classes 16, 36, 39, 41 et 42;

- ACCOR, Marque Internationale n°480 492, enregistrée le 10 novembre 1983, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 39 et 42;

- ACCOR, Marque Internationale n°492 152, enregistrée le 27 mars 1985, renouvelée et couvrant les produits et services en classes 16, 36, 38 et 42;

- ACCOR, Marque Internationale n°505 832, enregistrée le 21 août 1986, renouvelée et couvrant les produits et services en classe 41;

- ACCOR, Marque Internationale n°537 520, enregistrée le 28 mars 1989 et couvrant les produits et services en classes 5, 8, 9, 11, 18, 21, 24, 25, 28 et 37;

- ACCORTEL, Marque Internationale n°709 371, enregistrée le 1 décembre 1998 et couvrant les produits et services en classes 38 et 42.

Le Requérant estime que le nom de domaine <accorgroupe.net> est similaire aux nombreuses marques ACCOR dont il est titulaire, le terme “groupe” étant dépourvu de caractère distinctif.

Le Requérant expose par ailleurs que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux, lequel a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. Concernant ce deuxième point, le Requérant insiste notamment dans sa plainte sur la nationalité française du Défendeur, lequel ne pouvait ignorer l’existence du groupe ACCOR. Par ailleurs, le Requérant a dûment établi que le Défendeur, Eurolinked SARL, est une entité purement fictive ayant des coordonnées fantaisistes.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu à la plainte.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au Requérant d’apporter la preuve que les trois conditions suivantes sont réunies cumulativement :

- Le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits,

- Le Défendeur ne dispose d’aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache,

- Le nom de domaine est enregistré et utilisé de mauvaise foi.

La plainte est manifestement bien fondée, pour les motifs exposés ci-après :

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La similitude des signes comparés est indéniable, dans la mesure où, comme le relève justement le Requérant, le terme français “groupe” est dépourvu de caractère distinctif. Le radical “accor” est strictement identique aux nombreuses marques du Requérant, et l’ensemble “accorgroupe” équivaut, dans l’esprit des internautes, à l’expression “Groupe Accor”.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le Requérant a indiqué que le Défendeur n’est pas affilié au Groupe Accor, et n’a pas été autorisé à exploiter la marque ACCOR.

En l’absence de toute indication contraire du Défendeur, il y a lieu de considérer que ce dernier n’a aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le Défendeur, de nationalité française, a tenté de créer une confusion au préjudice du Requérant, lors de la réservation du nom de domaine litigieux. Ceci est indéniable dans la mesure où le terme ACCOR, sans la lettre finale D du terme français ACCORD, n’a aucune signification, et évoque uniquement au public le groupe d’hôtellerie notoirement connu.

La mauvaise foi du Défendeur est également patente dans l’interruption soudaine et injustifiée de ses échanges avec le Requérant, en vue du transfert du nom de domaine litigieux.

En maintenant l’enregistrement du nom de domaine litigieux, lequel n’est pas actif, le Défendeur poursuit ses agissements de mauvaise foi.

Enfin, le Défendeur n’au aucune existence légale, ce qui confirme qu’il était de mauvaise foi lors de l’enregistrement du nom de domaine litigieux, et souhaitait ainsi se prémunir de toute action en contrefaçon.

 

7. Décision

Pour les motifs exposés ci-dessus, et en application du paragraphe 4(i) des Principes Directeurs, et du paragraphe 15 des Règles, la Commission administrative ordonne le transfert du nom de domaine <accorgroupe.net> au profit du Requérant.


Martine Dehaut
Expert Unique

Le 10 octobre 2005