Centre d�arbitrage et de m�diation de l�OMPI
D�CISION DE L’EXPERT
Edipresse Publications SA contre Florian Kohli
Litige n� DCH2005-0026
1. Les parties
La requ�rante est Edipresse Publications SA, ayant son si�ge � Lausanne, Suisse.
L’intim� est Florian Kohli, domicili� � Gen�ve, Suisse.
2. Le nom de domaine
Le diff�rend concerne le nom de domaine <matin-bleu.ch>.
3. Rappel de la proc�dure
La requ�rante a d�pos� une demande aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le “Centre”) sous forme �lectronique le 14 novembre 2005 et par voie postale le 16�novembre�2005. Par cette demande, elle conclut � l’extinction du nom de domaine en cause et qu’un expert soit nomm� au cas o� aucune conciliation ne serait effectu�e ou qu’elle �chouerait.
En date du 15 novembre 2005, le Centre a adress� une requ�te au registre SWITCH (ci-apr�s le “registre”) aux fins de v�rification des �l�ments du litige, tels que communiqu�s par la requ�rante. En date du 16 novembre 2005, le registre a confirm� que la partie adverse est bien le titulaire du nom de domaine, a transmis les coordonn�es des contacts administratif, technique et de facturation et a confirm� que les Dispositions relatives � la proc�dure de r�glement des diff�rends pour les noms de domaine “.ch” et “.li” (ci-apr�s les “Dispositions”) adopt�es par SWITCH, registre du “.ch” et du “.li”, �taient applicables au nom de domaine objet du diff�rend.
Le Centre a v�rifi� que la demande r�pond bien aux exigences des Dispositions.
Conform�ment au paragraphe 14 des Dispositions, le 23 novembre 2005 une transmission de la demande, valant ouverture de la pr�sente proc�dure, a �t� adress�e � l’intim�. Conform�ment au paragraphe 15(a) des Dispositions, le dernier d�lai imparti � l’intim� pour faire parvenir une r�ponse �tait le 13 d�cembre 2005.
La r�ponse de l’intim� est parvenue au Centre le 12 d�cembre 2005.
Les parties � la pr�sente proc�dure ne se sont pas accord�es sur la tenue d’une �ventuelle audience de conciliation de sorte que, � la demande du Centre, la requ�rante a requis la poursuite de la proc�dure le 13 d�cembre 2005.
En date du 21 d�cembre 2005, le Centre a nomm� comme expert dans le pr�sent diff�rend Christophe Imhoos, avocat � Gen�ve, qui avait adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment au paragraphe 4 des Dispositions. L’expert soussign� a rendu sa d�cision dans les d�lais impartis.
4. Les faits
Le 26 juillet 2005, la requ�rante a enregistr� les noms de domaine <matinbleu.ch> (Annexe 2, requ�rante) et <lematinbleu.ch> (Annexe 1, intim�) dans le cadre du projet de lancement de son quotidien gratuit “Le Matin Bleu”.
En date du 14 septembre 2005, la requ�rante a d�voil�, par communiqu� de presse, le nom du nouveau quotidien gratuit (Annexe 3, requ�rante).
Suite � ce communiqu� de presse, la nouvelle est parue dans les m�dias le 15 septembre 2005 (Annexe 4, requ�rant).
Le 17 septembre 2005, l’intim� a enregistr� le nom de domaine <matin-bleu.ch> (Annexe 1, requ�rante).
Entre cette date et au plus tard le 25 octobre 2005, la requ�rante indique avoir d�couvert l’existence du nom de domaine contest�, l’intim� ayant activ� ledit nom de domaine et ayant ainsi fait aboutir les internautes cherchant <matinbleu.ch> sur un site d’avis n�crologiques appartenant � cette derni�re, � savoir <deces.ch>.
Le 21 septembre 2005, la requ�rante a d�pos� une demande d’enregistrement de la marque “LE MATIN BLEU”. Le 28 septembre 2005, la division des marques de l’Institut f�d�ral de la propri�t� intellectuelle a �mis un certificat de d�p�t pour la demande d’enregistrement en question (Annexe 5, requ�rante).
5. Argumentation des parties
A. Requ�rante
La requ�rante invoque les droits de d�fense r�sultant des articles 2, 3 lit. d et 9 al. 1 de la loi f�d�rale contre la concurrence d�loyale (ci-apr�s “LCD”).
Elle estime qu’il existe un risque manifeste de confusion entre le nom de domaine litigieux <matin-bleu.ch> et celui dont elle est titulaire, <matinbleu.ch>. Au surplus, la d�signation “Matin Bleu” constitue un �l�ment descriptif si bien que son utilisation pour le nom de domaine contest� est propre � provoquer des confusions.
En effet, l’utilisateur moyen d’Internet s’attend � trouver sous le nom de domaine <matin-bleu.ch> des informations relatives � la nouvelle publication �dit�e par la requ�rante, � savoir le quotidien “Le Matin Bleu”; l’intim� exploite ainsi la r�putation de la requ�rante en attirant sur son site web des utilisateurs qui cherchent � obtenir des informations relatives au quotidien en question, de l’avis de la requ�rante. Cette derni�re argue, � cet �gard, qu’il est sans importance que le contenu du site cr�� par la partie adverse n’ait rien � voir avec la requ�rante. Il y a, selon elle, d�tournement manifeste de client�le par un comportement d�loyal qui contrevient aux r�gles de la bonne foi et qui est propre � influer sur les rapports avec ses clients.
La requ�rante entend d�s lors faire cesser l’atteinte subie et demande � ce que le nom de domaine contest� “fasse l’objet d’une extinction” (ch. IV. p. 3 de la demande).
B. Intim�
L’intim� expose pr�alablement que la notification du Centre de la demande avec pi�ces valant ouverture de la pr�sente proc�dure n’est intervenue de mani�re compl�te qu’en date du 25 novembre 2005 par la r�ception de la demande sign�e. Il constate �galement que la requ�rante se borne � r�clamer l’extinction du nom de domaine contest�, sans en demander le transfert, alors qu’elle aurait du s�curiser son nom de domaine et en r�server d’autres similaires, tels <le-matin-bleu.ch>, <le-matinbleu.ch>, <lematin-bleu.ch> ou encore <bleumatin.ch> et <bleu-matin.ch>.
Il souligne que <matinbleu.ch> est subsidiaire � <lematinbleu.ch>, noms de domaine enregistr�s simultan�ment par la requ�rante, attendu qu’une d�viation automatique a �t� effectu�e de <matinbleu.ch> sur <lematinbleu.ch>, que la requ�rante a d�pos� une demande d’enregistrement de la marque “LE MATIN BLEU” et non “MATIN BLEU” et qu’elle affiche en premi�re page de son titre (Annexe 2, intim�) la mention “www.lematinbleu.ch”.
L’intim� soutient que si l’annonce publique du nouveau titre “LE MATIN BLEU” a �t� faite en date du 15 septembre 2005, la requ�rante ne pouvait toutefois pas imposer cette date comme �tant la premi�re source d’information accessible au public car, jusqu’au 30�octobre 2005, le service WHOIS de SWITCH permettait � toute personne ayant pu avoir le dessein de nuire au nouveau titre de la requ�rante d’entrer le mot “edipresse”comme mot-cl� dans le moteur de recherche WHOIS de SWITCH, et de deviner parmi le choix propos� quel pouvait �tre le nom de ce nouveau titre, soit d�s l’enregistrement du nom de domaine aupr�s de SWITCH, le 26 juillet 2005.
L’intim� d�plore que la requ�rante n’ait � aucun moment essay� d’entrer en contact avec elle pour se renseigner sur ses intentions r�elles, contrairement aux r�gles de la bonne foi pos�es par la LCD.
L’intim� all�gue qu’� l’origine il avait enregistr� en attente le nom de domaine <robusto.ch> en avril 2005 et d�pos� la marque verbale “ROBUSTO”, destin�e � une activit� horlog�re pour les classes 14 et 18, laquelle a �t� ult�rieurement admise � l’enregistrement par les autorit�s comp�tentes (Annexes 4 et 5, intim�). De m�me, elle confirme avoir enregistr�, en attente, le nom de domaine contest�, destin� � pr�senter une s�rie de montres de la gamme “Matin-Bleu” de la marque ROBUSTO. L’intim� pr�cise que ses deux noms de domaine “en attente” ont �t� d�vi�s “sans raison particuli�re” par lui sur l’un de ses sites Internet actif, en l’occurrence <deces.ch>.
L’intim� poursuit en exposant qu’un mandataire de la maison MINERVA AG est entr� en contact avec lui dans le but d’obtenir le nom de domaine <robusto.ch> en vue de la construction d’un nouveau site Internet ax� sur une gamme de chaussures “ROBUSTO” (Annexe 6, intim�); vu l’offre inf�rieure aux d�penses d�j� effectu�es pour l’enregistrement du nom de domaine, la recherche de similarit� de marques et le d�p�t de la marque aupr�s de l’Institut f�d�ral de la propri�t� intellectuelle, le nom de domaine ne lui a pas �t� c�d� et l’intim� pr�cise que <robusto.ch> sera d�volu, comme initialement pr�vu, au site Internet d’une nouvelle marque horlog�re.
L’intim� conclut sur ce point, en r�f�rence � l’affaire <robusta.ch>, que la requ�rante aurait du adopter la position de la maison MINERVA AG, empreinte de dialogue et compr�hension, et se d�clare pr�te, tout en souhaitant conserver le nom de domaine litigieux, � annuler la d�viation faite sur le site <deces.ch>.
L’intim� pr�cise encore que si la diffusion massive des deux mots “matin” et “bleu” � partir du 15 septembre 2005 a certainement contribu� � d�clencher l’id�e deux jours plus tard d’une gamme de la marque ROBUSTO, cette contribution aurait tout aussi bien pu se faire � la lecture d’une po�sie de Charles CROS de 1873 �voquant “le matin bleu”.
L’intim� souligne enfin que le contenu pr�vu du site relatif au nom de domaine litigieux et sa d�viation ne traduisent aucunement une intention de nuire au requ�rant dont le domaine d’activit� est tout autre.
Au fond, l’intim� conteste l’existence d’un droit attach� � un signe distinctif revendiqu� par la requ�rante au motif que l’enregistrement de la marque LE MATIN BLEU n’�tait pas r�alis� au moment de l’enregistrement du nom de domaine contest�, les �moluments d’enregistrement n’ayant pas encore �t� r�gl�s (cf. Annexe 5, requ�rante) et que la notori�t� r�elle du titre LE MATIN BLEU n’est ni acquise, ni m�me �tablie, l’annonce d’un nouveau produit ne suffisant pas � elle seule. L’intim� argue par ailleurs que la requ�rante aurait du pr�ter d’avantage d’attention � l’importance d’enregistrer des noms de domaine similaires comme elle l’avait pr�c�demment fait pour son titre LE MATIN (cf. Annexes 8 et 9, intim�). Enfin, le principe du premier arriv�, premier servi commandait aussi de laisser � l’intim� ce que la requ�rante n’a pas voulu pour elle.
En n’ayant enregistr� aucun autre nom de domaine similaire au nom de domaine contest� entre le 26 juillet et 1er d�cembre 2005 dans le cadre du lancement de son nouveau titre LE MATIN BLEU, le requ�rant n’a pas manifest� l’intention de se prot�ger en les r�servant comme premier arriv� et premier servi, ce qui lui aurait co�t� moins cher que la pr�sente proc�dure sans m�me qu’elle ne vise au transfert du nom de domaine incrimin�. De l’avis de l’intim�, le requ�rant a pris le risque de laisser aux tiers l’acc�s aux noms de domaine similaires � celui enregistr� par elle, ainsi qu’� la possibilit� de d�poser la marque LE MATIN BLEU, du moins entre les 15 et 21�septembre 2005. L’intim� nie ainsi que l’enregistrement et/ou l’utilisation du nom de domaine objet du diff�rend constitue une infraction � un droit attach� � un signe distinctif attribu� � la requ�rante selon le droit suisse.
Sur la base de ce qui pr�c�de, l’intim� conclut au rejet de la demande pr�sent�e par la requ�rante.
6. Discussion et conclusions
A. Questions proc�durales
En ayant argu� que la notification de la demande n’a �t� compl�te qu’en date du 25�novembre 2005 (cf. supra), l’intim� ne semble toutefois pas vouloir se plaindre d’un quelconque vice de proc�dure.
Il sied de rappeler � ce propos que les paragraphes 14(c) et 6(a) des Dispositions pr�voient que le jour de l’ouverture de la proc�dure est le jour o� l’organe de r�glement des diff�rends (le Centre) transmet la demande � la partie adverse aux coordonn�es postales et de fax, et, si elle existe, � l’adresse e-mail, telles que communiqu�es par le registre par rapport au nom du d�tenteur du nom de domaine consid�r�. Selon le paragraphe 15(a) des Dispositions, l’intim� doit d�poser sa r�ponse � la demande aupr�s du Centre dans les vingt jours civils “� compter du jour d’ouverture de la proc�dure”. Il n’est d�s lors pas d�terminant que l’intim� ne re�oive qu’ult�rieurement la demande formelle par voie postale.
En tout �tat de cause, l’intim� a r�pondu dans le d�lai qui lui a �t� fix� et ne se plaint pas de ne pas avoir eu le temps suffisant pour r�pondre � la demande.
L’intim� a par ailleurs soulign� avec insistance que la requ�rante s’est born�e � ne r�clamer que l’extinction du nom de domaine en litige.
D’apr�s le paragraphe 24(b) des Dispositions, l’expert peut prononcer uniquement l’extinction ou le transfert du nom de domaine, ou rejeter la demande, selon la demande en justice formul�e. L’expert est li� par les conclusions prises par le requ�rant dans la mesure o� celles-ci sont conformes aux Dispositions.
Tel �tant bien le cas en l’esp�ce, l’expert prononcera soit l’extinction du nom de domaine <matin-bleu.ch>, soit rejettera la demande apr�s examen des all�gu�s de fait et de droit des parties sur la base des documents �crits d�pos�s par elles, conform�ment au paragraphe 24(a) des Dispositions.
B. Questions de fond
Conform�ment au paragraphe 24(c) desdites dispositions, l’expert fait droit � la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine contest� constitue clairement une infraction � un droit attach� � un signe distinctif attribu� au requ�rant selon le droit suisse.
Selon le paragraphe 24(d) des Dispositions, il y a clairement infraction � un droit en mati�re de propri�t� intellectuelle notamment lorsque :
i. aussi bien l’existence du droit attach� � un signe distinctif invoqu� que son infraction r�sultent clairement du texte de la loi ou d’une interpr�tation reconnue de la loi et des faits expos�s, et qu’ils ont �t� prouv�s par les moyens de preuve d�pos�s; et que
ii. la partie adverse n’a pas expos� et prouv� des raisons de d�fense importantes de mani�re concluante; et que
iii. l’infraction, selon la demande en justice formul�e, justifie le transfert ou l’extinction du nom de domaine.
Une d�cision de transfert ou d’extinction du nom de domaine n’est prise que si elle se justifie d’�vidence; compte tenu de la nature des r�gles en cause, laquelle limite s�rieusement les moyens d’instruction � disposition de l’expert, cette �vidence doit s’imposer rapidement et non pas suite � un examen laborieux; s’il doute, l’expert devra renoncer � un examen approfondi, limit� qu’il est dans ses moyens d’instruction et cela m�me si son intuition lui sugg�re le contraire; le doute profite � l’intim� (cf. Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige N��DCH2004-0010; Zurich Insurance Company, Vita Lebensversicherung-Gesellschaft c. Roberto Vitalini, litige N��DCH2005-0012; I-D Media AG c. Id-M�dia S�rl, litige N� DCH2005-0018).
a. La requ�rante a-t-elle un droit attach� � un signe distinctif selon le droit suisse ?
1. Droit des marques
La requ�rante a d�pos� une demande d’enregistrement de la marque “LE MATIN BLEU” dont un certificat de d�p�t lui a �t� �tabli en date du 28�septembre 2005 par l’autorit� comp�tente, la date du d�p�t retenue �tant celle du 21�septembre 2005 (Annexe 5, requ�rante).
L’intim� conteste les effets du d�p�t au motif que les taxes prescrites n’auraient pas �t� pay�es.
En effet, l’article 30 alin�a 2 lit. b de la loi f�d�rale sur la protection des marques �nonce que la demande d’enregistrement est notamment rejet�e si les taxes prescrites n’ont pas �t� pay�es. Toutefois, l’intim� n’apporte pas de mani�re concluante la preuve que l’enregistrement en question aurait �t� rejet� par l’Institut f�d�ral de la propri�t� intellectuelle, en particulier en raison du non-paiement des taxes.
Quant � l’absence all�gu�e de notori�t� de la marque MATIN BLEU, l’expert constate que le journal para�t quotidiennement depuis le 31 octobre 2005 sous la marque en question de mani�re visible en Suisse romande. L’intim� ne saurait d�s lors pr�tendre qu’elle n’est pas acquise, la requ�rante ne s’�tant pas limit�e � la simple annonce du lancement du titre en question.
Jusqu’� preuve du contraire, � ce stade de la proc�dure d’enregistrement de la marque MATIN BLEU, la requ�rante en est le titulaire de droit.
2. Droit des raisons sociales
La requ�rante n’est pas en mesure d’invoquer la protection accord�e par le droit des raisons sociales (articles 956 et sv. du Code des Obligations) dans la mesure o� sa raison sociale n’incorpore pas la marque MATIN BLEU.
3. Droit au nom
Par identit� de motifs � ceux �voqu�s pour le droit des raisons sociales, la requ�rante ne peut b�n�ficier de la protection accord�e par l’article 29 du Code Civil qui prot�ge les personnes morales contre toute usurpation de leur nom susceptible de leur causer un pr�judice.
4. Droit de la concurrence d�loyale
La requ�rante invoque la protection de la LCD (cf. supra). A juste titre. Le d�tenteur d’une marque valable peut �galement b�n�ficier de la protection de cette loi (cf. ATF 127 III 33, 38 “Brico”).
La requ�rante a par cons�quent un droit attach� � un signe distinctif selon le droit suisse, conform�ment au paragraphe 24(d)(i) des Dispositions.
b. Le nom de domaine de l’intim� b�n�ficie-t-il d’une protection par le droit des signes distinctifs ?
Le 17 septembre 2005, soit trois jours - au plus tard s’il est possible d’admettre que le nom du titre �tait disponible d�s le 26 juillet d�j�, comme le soutient l’intim� - apr�s que la requ�rante ait lanc� sa campagne de presse pour informer le public du lancement de son nouveau titre “LE MATIN BLEU”, l’intim� a enregistr� “en attente” le nom de domaine en cause, tout comme le nom de domaine <robusta.ch> ainsi que la marque “ROBUSTO” attach�e � cette derni�re pour une activit� horlog�re (Annexes 1 et 3, requ�rante; Annexes 4 et 5, intim�).
Toutefois, contrairement � <robusta.ch>, l’intim� n’a pas enregistr� de marque sous “MATIN BLEU”, ni m�me d’ailleurs ne pr�tend une quelconque ant�riorit� sur la marque d�pos�e par la requ�rante. Pas plus qu’il n’all�guerait avoir pris, pour lui-m�me ou des tiers, des mesures pour cr�er l’entreprise imagin�e et la faire conna�tre. Il n’a pas non plus enregistr� de raison sociale. Bien au contraire, l’intim�, de son propre aveu, admet avoir d�vi� le nom de domaine litigieux sur un site sans rapport avec ses intentions d�clar�es.
Enfin, s’agissant d’un nom de fantaisie qui ne caract�rise pas l’intim�, celui�ci ne peut revendiquer de droit au nom. Il ne b�n�ficie d’aucune priorit� d’usage lui permettant �ventuellement d’invoquer la LCD (cf. Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige N��DCH2004-0010 pr�cit�).
L’expert constate au vu de ce qui pr�c�de que l’intim� n’a aucun droit pr�f�rable relevant des signes distinctifs sur le nom de domaine en cause.
c. L’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine constitue—t-il clairement une infraction � un droit attach� � un signe distinctif attribu� � la requ�rante selon le droit suisse ?
Le titulaire d’un signe distinctif peut en revendiquer l’exclusivit� dans la mesure o� il y a confusion. D’apr�s le Tribunal f�d�ral suisse, le risque de confusion est identique pour tout le droit des signes distinctifs (ATF 126 III 239, 245 “berneroberland.ch”; ATF 128 III 401, 403 “luzern.ch” cit�s in Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige N� DCH2004-0010, idem).
De fa�on g�n�rale, la partie qui ne dispose d’aucune protection particuli�re au sens du droit des signes distinctifs sur le nom de domaine en cause, se doit de prendre les mesures idoines pour que le nom de domaine qu’il a enregistr� se distingue suffisamment du signe distinctif appartenant � la requ�rante, soit d’un signe distinctif prot�g� de fa�on absolue (ATF 128 III 353, 358 “Montana”; ATF 126 III 239, 244; arr�ts cit�s in Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige N��DCH2004-0010).
En l’esp�ce, le risque de confusion est �tabli et m�me admis par l’intim� qui reproche � la requ�rante de ne pas avoir pris de pr�caution � cet �gard; l’intim� en inverse l’incombance. Il n’est d’ailleurs pas pertinent � ce propos que la requ�rante ne se soit pas enti�rement pr�munie en retenant toutes les variantes “orthographiques” possibles de son nom de domaine, la loi ne le lui imposant pas.
C’est l’intim� lui-m�me qui n’a pris aucune mesure pour se distinguer du signe appartenant � la requ�rante, les signes en cause �tant quasi-identiques, abstraction faite de l’article “le” et du tiret s�parant “matin” de “bleu”.
Compte tenu du fonctionnement des noms de domaine, l’utilisation d’un nom de domaine de second niveau conf�re � l’utilisateur un monopole de fait, lequel cr�e ipso facto un risque de confusion. Le d�tenteur l�gitime du signe prot�g� est emp�ch� de faire le commerce de ses produits par Internet, par le simple fait de l’enregistrement du nom de domaine en cause. Ce n’est en effet pas le contenu du site qui doit �tre consid�r�, mais le nom de domaine en cause d’une part et le signe distinctif revendiqu� d’autre part (arr�t du Tribunal f�d�ral du 19�mai�2003, 4C.377/2002, c.2.2 “T-online, tonline.ch”, sic! 10/2003 p. 822, 823; arr�t du Tribunal f�d�ral du 7 novembre 2002, “djbobo.ch”, sic! 5/2003 p. 438, 442; arr�ts cit�s in Veolia Environnement SA c. Malte Wiskott, litige N��DCH2004-0010).
L’expert constate �tre non seulement en pr�sence d’une violation claire du droit des marques de la requ�rante au signe distinctif “LE MATIN BLEU” mais aussi et surtout d’une violation de la LCD.
Selon l’article 3 alin�a 2 lit. d LCD agit de fa�on d�loyale celui qui prend des mesures qui sont de nature � faire na�tre une confusion avec les marchandises, les œuvres, les prestations ou les affaires d’autrui. Le comportement d�loyal peut aussi d�couler de la clause g�n�rale figurant � l’article 2 LCD, mais seulement en pr�sence de circonstances particuli�res (ATF 116 II 365; cf. aussi Zurich Insurance Company, Vita Lebensversicherung-Gesellschaft c. Roberto Vitalini, litige N� DCH2005-0012 pr�cit�). L’article 2 LCD pr�voit en particulier qu’est d�loyal et illicite tout comportement ou pratique commercial qui est trompeur ou qui contrevient de tout autre mani�re aux r�gles de la bonne foi et qui influe sur les rapports entre concurrents ou entre fournisseurs et clients.
En l’esp�ce, la confusion est �tablie : l’examen du nom de domaine incrimin� avec le signe distinctif de la requ�rante donne clairement l’impression erron�e qu’il existe un lien entre les deux (cf. ATF 116 II 463). D’autre part, l’expert peine � constater un enregistrement et un usage de bonne foi de <matin-bleu.ch> par l’intim�. De son propre avis, les explications fournies par l’intim� ne sont gu�re convaincantes quant � la gen�se du nom de domaine en question. De plus, il est troublant de constater, � teneur de l’argumentation d�velopp�e par l’intim�, qu’il est coutumier dans la pratique d’achat de noms de domaine qu’il met ensuite “en attente” sous divers pr�textes. On peut s�rieusement douter de la bonne foi de l’intim� lorsqu’il �voque la r�f�rence au po�te Charles CROS en guise de justification possible ou mentionne des projets non �tay�s par des �l�ments ayant force probante.
Quant au pr�tendu manque de bonne foi de la requ�rante qui aurait du prendre contact pr�alablement avec l’intim� du point de vue de cette derni�re avant d’entamer la pr�sente proc�dure, l’expert constate que les Dispositions n’imposent pas � la requ�rante de telles d�marches pr�alables. D’autre part, celles-ci n’auraient pas �t� vraiment utiles voire n�cessaires dans la mesure o� l’intim� a clairement fait savoir qu’il entendait conserver le nom de domaine litigieux.
En conclusion, l’expert constate une violation claire des droits au signe distinctif appartenant � la requ�rante sans que l’intim� n’ait expos� et prouv� des raisons de d�fense importantes de mani�re concluante selon le paragraphe 24(c) et (d)(i) et (ii) des Dispositions. Une telle violation justifie l’extinction sollicit�e du nom de domaine selon les paragraphes 24(b) et (d)(iii) des Dispositions.
7. D�cision
Pour les raisons �nonc�es ci-dessus et conform�ment au paragraphe 24 des Dispositions, l’expert ordonne l’extinction du nom de domaine <matin-bleu.ch>.
Christophe Imhoos
Expert
Le 4 janvier 2006