WIPO

 

Centre d�arbitrage et de m�diation de l�OMPI

 

D�CISION DE L’EXPERT

La Fran�aise des Jeux contre R�ponses.fr

Litige n� DFR2005-0023

 

1. Les parties

Le Requ�rant est La Fran�aise des Jeux, Boulogne Billancourt, France, repr�sent�e par INLEX Conseil, Paris, France.

Le D�fendeur est R�ponses.fr, Saint Gaudens, France.

 

2. Noms de domaine et l’unit� d’enregistrement

Le litige concerne les noms de domaine <loto-sms.fr>, <lotosms.fr>, <loto-gratuit.fr>, et <lotogratuit.fr>, enregistr�s le 21 mars 2005.

L’unit� d’enregistrement aupr�s de laquelle les noms de domaine sont enregistr�s est l’Afnic.

 

3. Rappel de la proc�dure

Une plainte d�pos�e par le Requ�rant aupr�s du Centre d’arbitrage et de m�diation de l’Organisation Mondiale de la Propri�t� Intellectuelle (ci-apr�s d�sign� le�“Centre”) a �t� re�ue le 29 d�cembre 2005, par courrier �lectronique et le 3 janvier 2006, par courrier postal.

Le 3 janvier 2006, le Centre a adress� � l’Association Fran�aise pour le Nommage Internet en Coop�ration (ci-apr�s l’“Afnic”) une demande aux fins de v�rification des �l�ments du litige et de gel des op�rations.

Le m�me jour, l’Afnic a confirm� l’ensemble des donn�es du litige.

Le Centre a v�rifi� que la plainte r�pond bien au R�glement sur la proc�dure alternative de r�solution des litiges du “.fr” et du “.re” par d�cision technique (ci-apr�s�le�“R�glement”) en vigueur depuis le 11�mai�2004, et applicable � l’ensemble�des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conform�ment � la Charte de nommage de l’Afnic (ci-apr�s la�“Charte”).

Conform�ment � l’article�14(c) du R�glement, une notification de la plainte, valant ouverture de la pr�sente proc�dure administrative, a �t� adress�e au D�fendeur le 5�janvier 2006. Avec l’accord pr�alable du Requ�rant, le d�lai pour r�pondre, initialement fix� au 25 janvier 2006, a �t� report� au 24 f�vrier 2005. Le 27 f�vrier 2006, le Centre recevait, par voie �lectronique, la R�ponse du D�fendeur.

Le 14 mars 2006, le Centre nommait Isabelle Leroux comme Expert dans le pr�sent litige. L’Expert constate qu’il a �t� nomm� conform�ment au R�glement. L’Expert a adress� au Centre une d�claration d’acceptation et une d�claration d’impartialit� et d’ind�pendance, conform�ment � l’article 4�du R�glement.

 

4. Les faits

Le Requ�rant, la soci�t� Fran�aise des Jeux, a cr�� en 1976, un jeu intitul� LOTO.

Le Requ�rant justifie �tre titulaire des marques enregistr�es fran�aises suivantes�:

- Marque LOTO n� 3 233275 d�pos�e le 26 juin 2003, pour d�signer des produits et services, relevant des classes 1 � 45, en ce compris “l’organisation de concours, de tombolas, de tirage au sort � buts de divertissements, � buts �ducatifs ou culturels, organisation de loteries n’�tant pas en relation avec le loto traditionnel, de paris, de pronostics”�;

- Marque LOTO n� 3 158601 d�pos�e le 10 avril 2002 pour d�signer des produits et services relevant des classes 9, 16, 35, 38 et 41; Marque semi-figurative LOTO FOOT n� 97/691913 d�pos�e le 18 ao�t 1997, pour d�signer des produits et services relevant des classes 9, 16, 18, 25, 28 et 41�;

- Marque semi-figurative LOTO SPORTIF n� 1.302.052 d�pos�e le 12 mars 1985, pour d�signer des produits et services relevant des classes 9, 16, 28, 38 et 41;

- Marque LOTO SPORTIF n� 1.735.225 du 12 mars 1985, pour d�signer des produits et services relevant des classes 9, 16, 28, 38 et 41�;

- Marque LOTO n� 1.435.425 du 22 avril 1983, pour d�signer des produits et services relevant des classes 1 � 45.

Le Requ�rant est �galement titulaire des noms de domaine suivants�:

- loto.fr

- loto.tm.fr

- loto.tv

- lotophone.fr

- lotophone.tv

- loto-foot.fr

- loto-france.com

- loto-france.net

- loto-france.tv

- loto-sportif.tm.fr

- loto-surprizz.com

- loto-surprizz.fr

- lotosportif.fr

- lotosurprizz.com

- lotosurprizz.fr

- lotoeuropeen.fr

- lotonational.fr

Le D�fendeur est la soci�t� R�ponse.fr.

Le D�fendeur a enregistr� les noms de domaine <loto-sms.fr>, <lotosms.fr>, <loto-gratuit.fr>, et <lotogratuit.fr> le 21 mars 2005.

L’un de ces noms de domaine, <loto-sms.fr>, renvoyait dans un premier temps vers un site internet contenant des liens hypertextes ayant pour objet de promouvoir des jeux de hasard.

Par courrier recommand� du 14 juin 2005, le Requ�rant a mis en demeure le D�fendeur de cesser l’utilisation des noms de domaine et de proc�der � l’abandon imm�diat ou la r�trocession de ceux ci � son profit. Le D�fendeur n’ayant pas r�pondu � ce courrier, le Requ�rant a adress� une seconde lettre de mise en demeure, le 1er juillet 2005.

Par courrier en date du 11 juillet 2005, le D�fendeur r�pondait au Requ�rant que les enregistrements ne constituaient ni des actes de contrefa�on, ni des actes de parasitisme. Le D�fendeur faisait notamment valoir que les jeux propos�s � partir des sites www.lotosms.fr et www.loto-sms.fr �taient sans rapport avec ceux propos�s par le Requ�rant, ces jeux �tant gratuits, sans obligation d’achat, bas�s sur une technologie de SMS et un tirage informatique al�atoire. Dans ce m�me courrier, le D�fendeur indiquait, compte tenu du diff�rend, qu’il d�cidait “d’arr�ter temporairement�la production des sites”.

Le 4 ao�t 2005, le Requ�rant adressait un nouveau courrier au D�fendeur, courrier aux termes duquel il r�it�rait ses demandes, � savoir l’abandon ou la r�trocession des noms de domaine litigieux dans un d�lai imparti.

Par courrier en date du 17 ao�t 2005, le D�fendeur confirmait que ses activit�s �taient sans rapport avec celles du Requ�rant.

C’est dans ces conditions que le Centre a �t� saisi du pr�sent litige.

 

5. Argumentation des parties

A. Requ�rant

Le Requ�rant indique en premier lieu �tre titulaire de droits de marque sur la d�nomination LOTO.

Par ailleurs, le Requ�rant pr�cise que les tribunaux fran�ais ont, � plusieurs reprises, reconnu la notori�t� de la marque LOTO.

L’enregistrement ou l’utilisation des noms de domaine par le D�fendeur constitue une atteinte aux droits du Requ�rant, pour les raisons suivantes�:

- Les noms de domaine sont identiques ou � tout le moins similaires � une marque de produits ou de services sur laquelle le Requ�rant a des droits, au point de pr�ter � confusion. Et l’adjonction de termes g�n�riques � la marque du D�fendeur, tels que “gratuit” ou “sms”, n’est pas de nature � �carter la confusion entre les noms de domaine et la marque.

- Les noms de domaine litigieux sont similaires aux noms de domaine sur lesquels le Requ�rant a des droits au point de pr�ter confusion.

- Le D�fendeur ne b�n�ficie d’aucun droit sur ces d�nominations et ne saurait raisonnablement ignorer l’existence du Requ�rant qui jouit d’une renomm�e sur l’ensemble du territoire fran�ais.

- Les internautes peuvent croire qu’il s’agit de noms de domaine redirigeant vers le site du Requ�rant, � tout le moins vers un site sur le LOTO. D�s lors, il existe un risque certain que les internautes voient un lien entre les noms de domaine du D�fendeur et le Requ�rant.

Par ailleurs, le Requ�rant invoque le fait que les noms de domaine ont �t� enregistr�s et utilis�s de mauvaise foi.

Cela r�sulte tout d’abord de l’absence de droits du D�fendeur sur le terme LOTO, et du fait que ce dernier ne pouvait ignorer l’existence de la marque LOTO, en raison de sa notori�t�. Le D�fendeur a ainsi entendu profiter de la notori�t� de la marque LOTO pour d�velopper son activit� commerciale et g�n�rer du trafic sur son site internet au d�triment de la Fran�aise des Jeux.

Selon le Requ�rant, la mauvaise foi r�sulte �galement du fait que le D�fendeur a sciemment tent� d’attirer � des fins lucratives, sur un site web dont le contenu est interdit en France, les utilisateurs de l’Internet d�sireux de se renseigner sur le jeu commercialis� sous la marque LOTO de la Fran�aise des Jeux.

Sur ces fondements, le Requ�rant demande la transmission des noms de domaine.

B. D�fendeur

Par courrier en date du 14 juin 2005 et du 17 ao�t 2005, le D�fendeur fait valoir que l’enregistrement des noms de domaine litigieux n’est pas constitutif d’actes de contrefa�on ou de parasitisme. En effet, selon le D�fendeur, les jeux, loteries et tombolas propos�s � partir de ses sites sont sans obligation d’achat, et n’ont aucun rapport avec le loto national, jeu � 49 boules.

Toutefois, compte tenu du diff�rend l’opposant au Requ�rant, le D�fendeur a pris l’initiative de cesser toute exploitation des noms de domaine litigieux, et ce � compter du 11 juillet 2005.

Selon le D�fendeur, la marque du Requ�rant n’est pas distinctive et, par cons�quent, est entach�e de nullit� absolue. En effet, selon ce dernier, le loto est un nom commun, qui appartient au domaine public et ne peut pas �tre appropri� pour utiliser des activit�s de loteries. Le D�fendeur indique que cette position est celle adopt�e par les tribunaux fran�ais (Cour d’appel Versailles, 22 mars 2001).

Selon le D�fendeur, la d�nomination LOTO �tant un nom commun appartenant au domaine public, le Requ�rant ne peut donc invoquer un int�r�t l�gitime quant � la d�tention de ces noms de domaine.

Le D�fendeur pr�cise �galement que ces noms de domaine ne sont pas une reprise servile de la marque LOTO, celui-ci ayant ajout� les termes “SMS” et “Gratuit”. En effet, les noms de domaine litigieux forment un tout indivisible, de sorte qu’il faut retenir l’impression d’ensemble, et ne pas se contenter de relever la reproduction d’un terme. D�s lors, il ne peut en r�sulter aucun risque de confusion.

Enfin, le D�fendeur ne tente pas de d�tourner la client�le du Requ�rant, les services offerts �tant diff�rents. En effet, l’activit� du Requ�rant concerne une loterie nationale payante, bas�e sur un tirage au sort de 7 boules parmi 49, alors que l’activit� du D�fendeur est de pr�senter � travers ses sites des loteries, jeux, tombolas, divertissements gratuits, bas�s sur une technologie SMS.

Dans ces conditions, le D�fendeur sollicite donc le rejet de la demande de transfert des noms de domaine, celle-ci n’�tant pas fond�e la d�nomination “LOTO”, �tant un nom commun, appartenant au domaine public.

 

6. Discussion

L’Expert constate que le Requ�rant invoque un enregistrement et une utilisation des noms de domaine litigieux par le D�fendeur en violation de ses droits et sollicite en cons�quence leur transmission � son profit.

L’Expert rappelle que, conform�ment � l’article�20(c) du R�glement, “il fait droit � la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le d�fendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que d�finie � l’article 1 du pr�sent r�glement et au sein de la Charte et, si la mesure de r�paration demand�e est la transmission du nom de domaine, lorsque le requ�rant a justifi� de ses droits sur l’�l�ment objet de ladite atteinte et sous r�serve de sa conformit� avec la Charte”.

L’Expert rappelle �galement que l’article 1 du R�glement dispose que l’on entend par “atteinte aux droits des tiers, au titre de la Charte, une atteinte aux droits des tiers prot�g�s en France et en particulier � la propri�t� intellectuelle (propri�t� litt�raire et artistique et/ou propri�t� industrielle), aux r�gles de la concurrence et du comportement loyal en mati�re commerciale et au droit au nom, au pr�nom ou au pseudonyme d’une personne”.

En cons�quence, l’Expert s’est attach� � v�rifier, au vu des arguments et pi�ces soumis par les parties, si l’enregistrement et/ou l’utilisation des noms de domaine litigieux portent atteinte aux droits de tiers, le Requ�rant pouvant solliciter la transmission de ces noms de domaine � son profit s’il justifie de droits sur ces noms de domaine.

Enregistrement des noms de domaine litigieux

L’Expert constate que les noms de domaine litigieux constituent l’imitation des marques et noms de domaine dont le Requ�rant est titulaire et/ou dont il fait un usage public. En effet, la seule adjonction des termes “SMS” ou “Gratuit”, au sein des noms de domaine litigieux n’est pas de nature � �carter tout risque de confusion avec les marques et noms de domaine exploit�s par le Requ�rant.

L’Expert constate que le D�fendeur ne justifie pas d�tenir de droits ant�rieurs l’autorisant � enregistrer les noms de domaine litigieux.

Par ailleurs, la notori�t� du Requ�rant a �t� reconnue, � plusieurs reprises, par les Tribunaux fran�ais, la derni�re d�cision communiqu�e par le Requ�rant �tant dat�e du 14 novembre 1997. Par cons�quent, le D�fendeur, domicili� en France, ne pouvait s�rieusement ignorer l’existence tant du jeu “LOTO” que du Requ�rant.

Toutefois, l’Expert constate que les pi�ces vers�es aux d�bats par le D�fendeur d�montrent que la validit� de ces marques est s�rieusement contestable (CA Versailles, 22 mars 2001).

Au surplus, l’Expert constate que le Requ�rant a sciemment omis de faire �tat de d�cisions r�centes ayant invalid� la validit� de certaines marques “LOTO” pourtant revendiqu�es dans le cadre de la pr�sente proc�dure. Ainsi, les recherches de l’Expert ont r�v�l� l’existence d’un arr�t de la Cour de cassation, en date du 28 avril 2004, qui a confirm� la nullit� des marques “LOTO” n� 1�435�425 et “LOTO SPORTIF” n��1�735�225, pour d�signer des “jeux et jouets” et des “loteries”, ces derni�res n’ayant pas acquis par l’usage le caract�re distinctif requis au sens de l’article L. 711-2 du Code de la Propri�t� Intellectuelle.

N�anmoins, si la nullit� de ces deux marques a �t� prononc�e par la Cour de cassation pour les services d�sign�s, l’Expert n’a pas le pouvoir d’�tendre les effets de cette d�cision � l’ensemble des marques d�tenues par le Requ�rant et vers�es aux d�bats dans la proc�dure.

Faute pour le D�fendeur de rapporter la preuve de la nullit� de toutes les marques invoqu�es par le Requ�rant, l’Expert se voit contraint de consid�rer les titres encore valables comme tel, seul un Tribunal pouvant en prononcer la nullit�.

Il ressort par ailleurs de l’ensemble des pi�ces vers�es au dossier et notamment des extraits de sites Internet, accessibles � partir du nom de domaine <loto-sms.fr>, que les enregistrements des noms de domaine litigieux n’ont �t� effectu�s que dans le seul but de tirer profit, ind�ment, de la notori�t� du Requ�rant, le D�fendeur esp�rant ainsi pouvoir b�n�ficier du trafic engendr� par les connexions aux noms de domaine litigieux. En effet, les noms de domaine litigieux, �taient initialement dirig�s vers des sites ayant pour objet la promotion de jeux de hasard.

En cons�quence, l’Expert consid�re que l’enregistrement des noms de domaine litigieux par le D�fendeur est intervenu tout � la fois en violation des droits du Requ�rant sur les marques dont il est titulaire et en violation du principe de loyaut� dans les relations commerciales.

Utilisation des noms de domaine en violation des droits des tiers

Le fait pour le D�fendeur de diriger au moins un nom de domaine, � savoir, <loto-sms.fr>, vers un site Internet ayant pour objet de promouvoir des jeux de hasard d�montre que le D�fendeur a entendu faire une exploitation lucrative des noms de domaine enregistr�s.

Par ailleurs, le fait que le nom de domaine <loto-sms.fr>, avant que le D�fendeur ne soit pour la premi�re fois mis en demeure par le Requ�rant de cesser tout usage et de le transf�rer, renvoie vers une page faisant principalement la promotion de jeux de hasard et de casinos, d�montre la volont� du D�fendeur d’induire en erreur l’Internaute, qui peut penser, l�gitimement, acc�der au site Internet officiel du Requ�rant.

En effet, ce dernier pourrait �tre amen� � croire que la Fran�aise des Jeux communique les r�sultats de son jeu LOTO par voie de SMS.

Le D�fendeur a donc ainsi entendu tirer profit de la notori�t� des marques du Requ�rant, ainsi que du jeu exploit� par ce dernier.

En cons�quence, l’Expert consid�re que l’utilisation des noms de domaine litigieux par le D�fendeur est intervenue tout � la fois en violation des droits du Requ�rant sur les marques dont il est titulaire, et en violation du principe de loyaut� dans les relations commerciales.

 

7. D�cision

Conform�ment aux articles�20(b) et (c) du R�glement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requ�rant des noms de domaine <loto-sms.fr>�, <lotosms.fr>, <loto-gratuit.fr> et <lotogratuit.fr>.


Isabelle LEROUX
Expert unique

Le 29 mars 2006