WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

M. Charles Etchandy contre M. Colin, ETS Paregabia

Litige n° D2006-0259

 

1. Les parties

Le requérant est M. Charles Etchandy, Mauleon-Licharre, France.

Le défendeur est M. Colin, ETS Paregabia, Sainte Marie de Gosse, France, représenté par Schmit Chretien Schihin, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <france-espadrille.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Gandi SARL.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par M. Charles Etchandy auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 1 mars 2006.

En date du 2 mars 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 3 mars 2006.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Le Centre a en conséquence, adressé le 27 mars 2006 au requérant une notification d’irrégularité de la plainte. La plainte régularisée a été reçue en version électronique le 12 avril 2006 et en version papier le 19 avril 2006.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 20 avril 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 mai 2006. Le défendeur a fait parvenir sa réponse le 22 mai 2006.

En date du 23 mai 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Isabelle Leroux. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

Le requérant est titulaire de la marque française semi-figurative FRANCE ESPADRILLE déposée le 24 novembre 1998 et enregistrée sous le n° 98 761 918 pour désigner les produits relevant de la classe 25.

Cette marque est exploitée depuis son dépôt et le licencié actuel en est la société Faral & Fils.

Le défendeur est Monsieur Colin apparaissant sur le whois comme le contact de la société Paregabia, fabriquant français de chaussures et principalement d’espadrilles.

Le défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <france-espadrille.com> le 4 mai 2004. Ce nom de domaine n’est pas exploité.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le nom de domaine est identique à la marque déposée.

Le défendeur n’a aucun droit ni aucun intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux puisqu’il n’est titulaire d’aucune autorisation, ni licence d’exploitation de la marque FRANCE ESPADRILLE.

Le nom de domaine a été enregistré de mauvaise foi dans la mesure où la marque déposée en 1998 fait l’objet d’une exploitation ininterrompue depuis son dépôt, sachant que les parties en cause sont concurrentes.

La tentative amiable de règlement du litige initiée par le requérant est restée sans réponse.

Par conséquent, le nom de domaine a été enregistré en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine.

Le nom de domaine a été enregistré essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent.

B. Défendeur

Le nom de domaine n’est pas identique au nom de domaine litigieux dans la mesure où il s’agit d’une marque semi-figurative composée de deux estampilles, à l’intérieur desquelles figurent, pour la première, les éléments verbaux France Espadrille Made In France Garantie De Qualite 6 et pour la seconde France Espadrille Garantie De Qualite 6 ainsi que la représentation d’une espadrille en son centre.

Seuls les éléments verbaux France Espadrille sont commun au nom de domaine et à la marque objet du litige.

L’expression France Espadrille est employée dans son acception usuelle et descriptive, cette expression ne saurait par conséquent faire l’objet d’un quelconque droit privatif.

Le défendeur, en tant que fabricant français d’espadrilles, a un intérêt légitime à réserver le nom de domaine <france-espadrille.com>.

La mauvaise foi ne saurait être retenue dans la mesure où le défendeur emploie une expression descriptive, laquelle est d’ailleurs utilisée sous la forme du nom de domaine <france-espadrille.fr> par le requérant.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15 (a) des Règles d’application des principes directeurs prévoit que “la Commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément au Principe directeur aux présentes Règles et à tout Principe ou Règle de droit qu’elle juge applicable”.

Au demeurant, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs impose au requérant de prouver contre le défendeur cumulativement que :

A) son nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produit ou de service sur laquelle le requérant a des droits; et

B) il n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y rattache; et

C) son nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, il y a lieu de s’attacher à répondre à chacune des trois conditions prévues par le paragraphe 4 (a) des Principes directeurs.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le requérant est titulaire de la marque semi-figurative FRANCE ESPADRILLE déposée le 24 novembre 1998 et enregistrée sous le n° 98 761 918.

La marque étant notamment constituée d’un élément graphique, il ne peut donc s’agir d’une reprise à l’identique mais seulement d’une imitation.

Il s’agit dès lors d’examiner si le nom de domaine litigieux est de nature à prêter à confusion, en raison des ressemblances qu’il présente avec les éléments verbaux prédominants de la marque en cause.

En premier lieu, l’adjonction du suffixe “.com” ne revêt pas de caractère distinctif dans le domaine des services rendus sur Internet. (CBS Broadcasting Inc. c. Worldwide Web, Inc., Litige OMPI No. D2000-0834 (4 septembre 2000).

Dès lors, cet élément n’est pas de nature à écarter le risque de confusion pouvant exister entre les signes en présence.

En second lieu, la partie principale du nom de domaine à savoir “france-espadrille”, présente, à l’exception de la présence d’un tiret, le même nombre de lettres identiques, disposées dans le même ordre que celles constituant les éléments verbaux de la marque dont est titulaire le requérant.

A l’évidence, les éléments verbaux prédominants de la marque antérieure ont été reproduits au sein du nom de domaine contesté.

En conséquence, il y a lieu de considérer que le nom de domaine <france-espadrille.com> est similaire à la marque détenue par le requérant.

B. Droits ou légitimes intérêts

Le mot “espadrille” est un nom commun, devant par principe rester à la libre disposition de tous et plus précisément à la disposition des concurrents dans le domaine de la fabrication et de la commercialisation d’espadrilles.

Le défendeur est pour sa part, fabriquant notamment d’espadrilles, il ne saurait dès lors lui être reproché d’avoir enregistré un nom de domaine incluant ce mot du langage courant, sachant qu’à la différence d’une marque, il n’est pas exigé d’un nom de domaine qu’il présente un quelconque caractère distinctif.

Reste l’association du mot “France” au mot “espadrille”. Là encore il ne peut être reproché au défendeur, fabriquant français d’espadrilles de reproduite à titre d’indication d’origine, le terme “France” au sein du nom de domaine litigieux.

Il est certain que les termes “France” et “Espadrille” sont déclinés selon le même ordre que les éléments verbaux prédominants de la marque revendiquée. Ils ne sont séparés que par un seul tiret.

Toutefois, le requérant ne démontre pas que cette déclinaison est volontaire et ne relève pas d’une simple coïncidence, voire d’une nécessité pour désigner des espadrilles françaises, s’agissant de l’emploi de termes génériques.

Enfin, le simple fait que le défendeur n’ait pas obtenu du requérant une autorisation quelconque de reproduire les termes “France” et “Espadrille” n’est pas suffisant pour établir l’absence de droit ou d’intérêt légitime de celui-ci à la détention du nom de domaine <france-espadrille.com>.

Dès lors, la Commission considère que l’absence de droit ou d’intérêt légitime du défendeur à la détention du nom de domaine <france-espadrille.com> n’est pas démontrée.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Les critères relatifs à la mauvaise foi posés par le paragraphe 4(a)(iii) des principes directeur ne sont pas limitatifs, la Commission pouvant relever, à l’analyse des faits de l’espèce, d’autres éléments de nature à lui permettre d’identifier la mauvaise foi requise (Pomellato S.p.A c. Richard Tonetti, Litige OMPI No. D2000-0493 (12 juillet 2000).

A l’analyse des faits de l’espèce, aucun élément ne permet d’établir avec certitude que l’enregistrement du nom de domaine <france-espadrille.com> a été enregistré de mauvaise foi.

En effet, le seul fait que la marque ait été déposée antérieurement à l’enregistrement du nom de domaine et que les parties interviennent dans le même secteur d’activité ne constituent pas des éléments suffisants à établir la mauvaise foi, étant relevé que le nom de domaine contesté est composé de termes du langage courant.

Dès lors, faute d’éléments complémentaires justifiant d’une volonté réelle du défendeur de profiter indûment des investissements du requérant ou de perturber son activité commerciale, la Commission considère qu’il n’est pas rapporté la preuve que le nom de domaine <france-espadrille.com> a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

 

7. Décision

Les conditions posées à l’article 4(a) des Principes directeurs régissant le règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine n’étant pas réunies, la Commission Administrative décide en conséquence de rejeter la demande de transfert du nom de domaine <france-espadrille.com>.


Isabelle Leroux
Expert Unique

Date : Le 2 juin 2006