Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
NAF NAF Company contre Myriam Blaes
Litige n° D2006-0720
1. Les parties
Le Requérant est NAF NAF Company, Epinay-Sur-Seine, France, représenté par le Cabinet Lhermet La Bigne & Rémy, France.
Le Défendeur est Myriam Blaes, Petit Rederching, France.
2. Nom de domaine et unité d’enregistrement
Le litige concerne le nom de domaine <nafnaf-nifnif-noufnouf.info>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Schlund + Partner AG.
3. Rappel de la procédure
Une plainte a été déposée par NAF NAF Company auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 8 juin 2006.
En date du 9 juin 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Schlund + Partner, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 12 juin 2006.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément au paragraphe 4.b), une notification d’irrégularité de la plainte a été adressée au Requérant le 14 juin 2006 du fait de la non réception du support papier, comme le prévoit le paragraphe 3.b) des règles et le paragraphe 3.c) des règles supplémentaires et de l’absence de signature du Requérant, comme le prévoit le paragraphe 3.b)xiv) des règles.
Le Requérant a apporté le 15 juin 2006 la preuve d’avoir satisfait à ces exigences.
Conformément aux paragraphes 2.a) et 4.a) des Règles d’application, le 22 juin 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5.a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 12 juillet 2006. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 13 juillet 2006, le Centre notifiait le défaut du défendeur.
En date du 20 juillet 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Nathalie Dreyfus. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
4. Les faits
Le Requérant est la société française NAF NAF Company, créée en 1973 avec une activité dans la fabrication et la vente de vêtements.
Il est important de noter que l’Expert, n’ayant trouvé qu’un listing de marques NAF NAF attaché à la plainte, a du procéder à des vérifications concernant les droits de marques du Requérant sur le signe NAF NAF sur les différentes bases de données en matière de marques.
Au vu de ses propres recherches, l’Expert a pu constater que le Requérant est titulaire de plusieurs enregistrements de marques françaises, internationales et nationales étrangères NAF NAF, et notamment :
- Marque internationale semi-figurative “NAF NAF” n° 564614 en date du 9 janvier 1991 pour viser des produits et services en classes 3, 5, 9, 10, 11, 12, 14, 16, 18, 20, 21, 24, 25 et 28.
Concernant les marques NIF NIF et NOUF NOUF et contrairement à ce qui est avancé par le Requérant, aucune copie d’enregistrement de marques ni listing n’est fourni à l’appui de la présente plainte.
Toutefois, et conformément à la jurisprudence du Centre, en cas d’éléments de preuve insuffisants concernant en l’espèce les droits de marques du Requérant, l’Expert peut décider de procéder lui-même aux recherches parmi les Registres Nationaux des marques correspondants (Décision Banque Transatlantique S.A. v. Banque Transatlantique, Litige OMPI No. D2006-0557). L’Expert a estimé devoir effectuer lui-même ses recherches afin de conserver à la présente procédure un caractère de rapidité.
Ainsi, l’Expert relève que le Requérant est titulaire d’enregistrements de marques françaises, à savoir :
- Marque française verbale “NIF – NIF” n° 1239826 en date du 30 juin 1983 (renouvelée) pour viser des produits en classe 25;
- Marque française verbale “ NOUF – NOUF” n° 1239827 en date du 30 juin 1983 (renouvelée) pour viser des produits en classe 25.
La société NAF NAF est par ailleurs titulaire de plusieurs noms de domaine incluant le terme “NAF NAF”.
Aucune fiche d’identification, à savoir fiche Whois, n’a été produite à l’appui du listing fourni par le Requérant, l’Expert a procédé à des vérifications par ses propres moyens.
L’Expert a ainsi pu constater que le Requérant était effectivement titré sur les noms de domaine invoqués.
Par lettre de mise en demeure adressée en recommandé avec accusé réception, par voie postale et par e-mail, le 2 février 2006, le Requérant a mis en demeure le Défendeur de procéder au transfert amiable du nom de domaine litigieux. Le Défendeur n’a présenté aucune réponse à la lettre de mise en demeure.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Le Requérant justifie de droits à titre de marque sur le signe « NAF NAF » et sur les signes “ NIF NIF” et “NOUF NOUF”.
Par ailleurs, après vérifications sur les bases de données concernant les sociétés françaises, l’Expert relève également que le Requérant dispose de droits sur le signe “naf naf” à titre de dénomination sociale, nom commercial et enseigne. Même si cet élément a été soulevé par le Requérant dans le corps de la plainte, aucune pièce n’a été produite au soutien de cet argument.
Le Requérant invoque la renommée du signe “naf naf” et ainsi la notoriété de la marque “NAF NAF” au sens de l’article 6bis de la Convention de Paris du 20 mars 1883, avec l’enregistrement/le dépôt de plus de 500 marques NAF NAF ou comprenant NAF NAF à travers le monde et son existence depuis 1976.
Le Requérant allègue que le Défendeur a reproduit à l’identique les signes “naf naf”, “nif nif” et “nouf nouf”.
Par ailleurs, le Requérant avance que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime ni aucun droit sur le nom de domaine <nafnaf-nifnif-noufnouf.info> dans la mesure où :
- il n’a aucune activité sous ce nom,
- le moteur de recherche “www.google.fr” ne recense aucune marque NAFNAF NIFNIF NOUFNOUF ni même le Défendeur,
- le Défendeur n’a pas utilisé le nom de domaine contesté.
Par ailleurs, le Requérant allègue que le Défendeur en réservant le nom de domaine objet du présent litige ne pouvait pas ignorer les marques du Requérant au vu de la renommée de la marque NAFNAF. Par ce fait, le Défendeur a entravé le développement du Requérant, qui ne peut plus réserver un nom de domaine reproduisant à l’identique trois de ses marques.
Le Défendeur, par la réservation du nom, a porté atteinte aux droits du Requérant et a ainsi trompé le consommateur qui pensait légitimement, en tapant ce nom de domaine, accéder au site d’une société économiquement liée à la société NAF NAF.
B. Défendeur
Le Défendeur n’a pas répondu à l’argumentation dans les formes requises et est en conséquence en défaut.
6. Discussion et conclusions
L’Expert statue sur la requête au regard de la plainte soumise par le Requérant, de l’absence de réponse du Défendeur, des Principes directeurs, des Règles d’application, des Règles supplémentaires en application du paragraphe 15.a) des Règles.
Le paragraphe 4.a) des Principes directeurs prévoit que “vous êtes tenu de vous soumettre à une procédure administrative obligatoire au cas où un tiers (le requérant) fait valoir auprès de l’institution de règlement compétente que:
i) votre nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits;
ii) vous n’avez aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
iii) votre nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
En conséquence, l’Expert s’est attaché à vérifier, au vu des arguments et pièces soumis par le Requérant, que ces trois conditions étaient remplies.
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
L’Expert retient que le nom de domaine contesté est la reproduction à l’identique des signes “naf naf”, “nif nif” et “nouf nouf” sur lesquels la société NAF NAF a justifié détenir des enregistrements de marques, en France et à l’étranger concernant NAF NAF et en France concernant NIF NIF et NOUF NOUF.
Par ailleurs, le Requérant utilise le signe “naf naf” à titre de dénomination sociale depuis 1976 pour une activité dans l’industrie du vêtement.
L’adjonction du suffixe «.info» non appropriable en tant que tel, est inopérante à faire disparaître la reproduction des marques (Louis Vuitton v. Nett-Promotion, Litige OMPI No. D2000-0430; Bang & Olufsen a/s v. Unasi Inc., Litige OMPI No. D2005-0728).
La combinaison de trois des marques du Requérant ne permet pas d’écarter le risque de confusion, d’autant plus qu’elles sont clairement identifiables au sein du nom de domaine dans la mesure où elles sont séparées par un tiret.
Il a été clairement établi que le Défendeur a été informé des droits de marques de la société NAF NAF au mois de février 2006, notamment suite à une lettre de mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception et par courrier électronique. Cette lettre de mise en demeure est restée sans réponse.
En conséquence, il est clairement établi que le Défendeur a réservé un nom de domaine identique aux marques du Requérant conformément au paragraphe 4.a).i) des Principes directeurs.
B. Droits ou légitimes intérêts
Le Requérant soutient que le Défendeur n’est pas connu et n’a pas d’activité commerciale ou non sous ce nom.
L’Expert relève que le Défendeur n’est pas un licencié de Naf Naf et n’a pas reçu d’autorisation d’utiliser les marques pour la réservation du nom de domaine objet de la plainte.
Le Requérant n’a pas fait d’usage du nom de domaine. Il n’en a donc pas fait un usage de bonne foi. Par ailleurs, l’Expert considère comme inconcevable la possibilité pour le Défendeur d’avoir un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine qui est strictement identique à des marques enregistrées.
Au vu de ce qui précède, il a été établi que le Défendeur n’a pas de droit ou intérêt légitime à utiliser le nom de domaine contesté et ce en application du Paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
Le paragraphe 4.b) des Principes directeurs prévoit que “Aux fins du paragraphe 4).a).iii), la preuve de ce que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi peut être constituée, en particulier, pour autant que leur réalité soit constatée par la commission administrative, par les circonstances ci-après:
i) les faits montrent que vous avez enregistré ou acquis le nom de domaine essentiellement aux fins de vendre, de louer ou de céder d’une autre manière l’enregistrement de ce nom de domaine au requérant qui est le propriétaire de la marque de produits ou de services, ou à un concurrent de celui-ci, à titre onéreux et pour un prix excédant le montant des frais que vous pouvez prouver avoir déboursé en rapport direct avec ce nom de domaine,
ii) vous avez enregistré le nom de domaine en vue d’empêcher le propriétaire de la marque de produits ou de services de reprendre sa marque sous forme de nom de domaine, et vous êtes coutumier d’une telle pratique,
iii) vous avez enregistré le nom de domaine essentiellement en vue de perturber les opérations commerciales d’un concurrent ou
iv) en utilisant ce nom de domaine, vous avez sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne vous appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation de votre site ou espace Web ou d’un produit ou service qui y est proposé.”
Enregistrement de mauvaise foi
En l’espèce, le Défendeur, en réservant un nom de domaine correspondant à des marques enregistrées, n’a pas satisfait aux exigences édictées au paragraphe 2.b) des Principes directeurs à savoir : “En demandant l’enregistrement d’un nom de domaine, ou le maintien en vigueur ou le renouvellement d’un enregistrement de nom de domaine, vous affirmez et nous garantissez que (…) b) à votre connaissance, l’enregistrement du nom de domaine ne portera en aucune manière atteinte aux droits d’une quelconque tierce partie, (…) Il vous incombe de déterminer si votre enregistrement de nom de domaine porte en quelque manière que ce soit atteinte aux droits d’autrui.” .
L’Expert retient que le signe “naf naf” bénéficie d’une notoriété. Cette marque est particulièrement connue en France, lieu principal d’activité du Requérant et lieu de résidence du Défendeur. Ainsi le Défendeur ne peut pas légitimement prétendre ignorer cette marque lors de la réservation du nom de domaine.
En conséquence, il est établi que le Défendeur a enregistré le nom de domaine <nafnaf-nifnif-noufnouf.info> de mauvaise foi.
Utilisation de mauvaise foi
Aucune preuve n’a été rapportée d’un quelconque usage du nom de domaine par le Défendeur en relation avec une offre de bonne foi de produits et services.
En l’absence de preuve contraire fournie par le Défendeur, l’Expert ne peut que considérer que le nom de domaine n’a pas été utilisé.
En conséquence, le Défendeur n’a pas pratiqué une des activités énumérées au paragraphe 4.b) des Principes directeurs en tant qu’exemples de la réservation et de l’usage de mauvaise foi.
Toutefois, de nombreuses décisions ont indiqué que la détention passive d’un nom de domaine pouvait constituer un usage de mauvaise foi lorsque le Défendeur avait réservé et utilisé le nom de domaine de mauvaise foi et que l’ensemble des éléments de fait convergeait dans ce sens (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003). Les éléments suivants sont des indices de réservation et d’usage de mauvaise foi malgré la détention passive du nom de domaine (Teachers Insurance and Annuity Association of America v. Wreaks Communications Group, Litige OMPI No. D2006-0483):
(i) les deux parties résident dans le même pays;
(ii) le Requérant a fait connaître sa marque par des efforts marketing importants et antérieurement à la réservation du nom de domaine par le Défendeur. Le Défendeur réside également dans le même état que le Requérant;
(iii) le Défendeur n’a pas rapporté la preuve d’un usage de bonne foi actuel ou envisagé du nom de domaine;
(iv) la marque du Requérant est constituée d’un terme totalement arbitraire ou d’un acronyme. Rien dans le nom de domaine réservé ou dans les actes du Défendeur ne suggère une quelconque volonté de s’exprimer sur le Requérant ou sur ses produits, ou encore de fournir un guide d’utilisation de ses produits;
(v) le Requérant n’ayant pas pu rapporter la preuve que le Défendeur avait fourni de fausses coordonnées, la qualification de mauvaise foi doit être retenue au vu de toutes les circonstances. Fournir de fausses coordonnées ou agir sous une fausse identité n’est pas une condition essentielle de la qualification de la réservation et de l’utilisation de mauvaise foi fondée sur l’inaction du Défendeur.
En conséquence, en application du paragraphe 4.a).iii) des Principes directeurs et au vu de ce qui précède, le Défendeur a réservé et utilisé le nom de domaine de mauvaise foi.
7. Décision
Au vu de ce qui précède et en application des paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, l’Expert ordonne le transfert du nom de domaine <nafnaf-nifnif-noufnouf.info> au Requérant.
Nathalie Dreyfus
Expert Unique
Le 8 août 2006