WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Sanofi-Aventis contre Alexandre Richards

Litige n° D2006-0878

 

1. Les parties

Le requérant est Sanofi-Aventis, Gentilly, France, représenté par Bird & Bird Solicitors, France.

Le défendeur est Alexandre Richards, Beaune, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <cheap-ambien-fast.com>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est Rebel.com Services Corp.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par SANOFI-AVENTIS auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 11 juillet 2006.

En date du 12 juillet 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Rebel.com Services Corp, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a relevé une erreur relative à l’identité du défendeur par courrier adressé au Centre en date du 18 juillet 2006.

Le 21 juillet 2006 le Centre a adressé au requérant une notification d’erreur.

Le 24 juillet 2000 le requérant a adressé au Centre une plainte rectifiée enregistrée

le 25 juillet sous forme papier.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 25 juillet 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 14 août 2006. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 15 août 2006, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 25 août 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jean-Claude Combaldieu. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

Conformément au paragraphe 11(a) des Règles d’application, la Commission administrative a notifié au Centre le 26 août 2006 son intention de rédiger sa décision en langue française. Cette notification a été notifiée par le Centre aux parties le 28 août 2006.

 

4. Les faits

Le requérant, la société Sanofi-Aventis est une société pharmaceutique très connue et très importante. En effet elle est le premier groupe pharmaceutique en Europe et le troisième dans le monde. Cette société est présente dans plus de 100 pays et résulte de la fusion de la société française Sanofi-Synthelabo avec la Société française AVENTIS le 31 décembre 2004.

Ses domaines d’activité thérapeutique majeurs sont les maladies cardiovasculaires, la thrombose, l’oncologie (cancérologie), les désordres métaboliques, le système nerveux central, les vaccins humains et la médecine générale.

Parmi les médicaments phares vendus par le requérant figure l’AMBIEN préconisé pour le traitement de l’insomnie.

La dénomination “AMBIEN” a fait l’objet de nombreux dépôts de marque dans plus de 50 pays dont la liste est fournie en annexe à la plainte.

Le requérant fournit toutefois un certain nombre de certificats de dépôts et d’enregistrement de la marque “AMBIEN”:

- Marque américaine n° 1808770 enregistrée le 7 décembre 1993 dans la classe 5 avec le libellé suivant: préparation pharmaceutique pour le traitement des insomnies. Elle a été renouvelée le 7 décembre 2003.

- Marque internationale n° WO 605762 enregistrée le 10 août 1993 dans la classe 5: produits pharmaceutiques. Elle revendique la priorité d’une marque française n° 93 456039 du 19 février 1993. En application de l’Arrangement de Madrid, cette marque désigne 25 pays membres de cet Arrangement.

- Marque anglaise n° 1466136 enregistrée dans la partie A du registre le 31 mai 1991 dans la classe 5 au nom de Searle & Co et transférée au nom de Synthelabo le 22 novembre 1993. Elle a été renouvelée pour une période de 10 ans le 31 mai 1993.

- Marque australienne n° 761307 enregistrée en classe 5 pour une période de 10 ans au nom de Synthelabo à compter du 6 mai 1998.

Par ailleurs le requérant utilise de nombreux noms de domaine utilisant la marque AMBIEN comme par exemple: <ambien.fr>, <ambien.us>, <ambien.co.uk>, <ambien.net>, <ambien.biz>.

En ce qui concerne le défendeur nous retiendrons que la date de création du nom de domaine litigieux est le 28 décembre 2004.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le requérant commence par présenter son groupe et notamment son importance sur le marché des médicaments. Ces faits incontestables figurent dans le paragraphe ci-dessus relatif aux faits. Il ajoute qu’une étude faite en 1994 aux Etats-Unis montrait que le médicament AMBIEN était considéré comme leader sur son marché avec 27% des prescriptions.

Le requérant expose ensuite qu’il est titulaire de très nombreuses marques AMBIEN ainsi qu’il a été exposé ci-dessus. Il ajoute qu’il utilise aussi la marque AMBIEN pour désigner ses sites internet (voir supra).

Le requérant fait aussi état des décisions déjà rendues par les commissions administratives concernant des noms de domaine qui contiennent la marque AMBIEN et qui toutes ont conclu au transfert du nom de domaine au requérant. En particulier il s’agit des cas suivants:

Dans le cas Sanofi-Aventis v. Domain Guru, OMPI Litige No. D2005-1359, la Commission administrative a ordonné que le nom de domaine <ambien-cheap.info> soit transférée au requérant, en application des paragraphes 4(i) des Principes Directeurs et 15 des Règles d’application. Idem pour le cas Sanofi-Aventis v. Concierge Brain.com, OMPI Litige No. D2005-0660, ordonnant le transfert des noms de domaine <cheapest-ambien.org> et <cheap-ambien.net>, et pour le cas Sanofi-Aventis v. Concierge Brain.com, OMPI Litige No. D2005-1358) pour le transfert des noms de domaine <cheapest-ambian.net>, <cheap-ambian.info> et <buy-cheapest-ambien.info>.

Ensuite se référant au paragraphe 3(b)(ix) des Règles d’Application, le requérant expose les trois raisons principales de sa plainte.

1. Le nom de domaine <cheap-ambien-fast.com> est similaire au point de prêter à confusion avec les marques AMBIEN sur lesquelles le requérant a des droits:

En effet les mots génériques “cheap” (bon marché) et “fast” (rapide) ne sont pas suffisants pour faire échapper le nom de domaine à la similarité prêtant à confusion avec la marque du requérant. Il y a de nombreux cas de jurisprudence dans ce sens cités dans la plainte. En particulier est cité Hoffmann-La Roche AG v. Pinetree Development Ltd., OMPI Litige No. D2006-0049) où il est dit “ la Commission administrative est d’accord avec le requérant que l’addition des mots “buy”, “cheap” et “online” n’est pas suffisante pour rendre le nom de domaine dissemblable et empêcher la confusion pour le consommateur” (traduit de l’anglais).

Le requérant soumet qu’il ne fait pas de doute que le mot AMBIEN est le seul élément distinctif du domaine. Toute personne accédant à ce domaine pense qu’il est lié au groupe du requérant.

Le requérant rappelle que le gTLD .com n’a pas à être pris en considération selon une jurisprudence constante.

2. Le défendeur doit être considéré comme n’ayant aucun droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine:

Le requérant détient des droits antérieurs sur la marque AMBIEN présente dans plus de 50 pays et notoirement connue dans le monde entier.

Le nom de domaine litigieux est utilisé par le défendeur pour promouvoir des produits médicaux fabriqués par des concurrents. Certains de ces produits sont directement en concurrence avec l’AMBIEN.

Le site du défendeur ne fait rien pour écarter toute idée de relation avec le titulaire de la marque ou toute idée qu’il pourrait ne pas être le site officiel du titulaire de la marque. Ainsi le défendeur ne satisfait pas à la condition de bonne foi telle qu’elle est habituellement définie dans les décisions des commissions administratives (voir notamment Oki Data Americas Inc. v. ASD Inc., OMPI Litige No. D2001-0903).

De plus il n’existe pas de licence ou autre concession de droits autorisant le défendeur à incorporer la marque AMBIEN dans son nom de domaine.

Le requérant soumet qu’il ne fait aucun doute que le défendeur savait que le mot AMBIEN correspondait à un produit pharmaceutique et à une marque. Sinon il n’aurait pas enregistré le nom de domaine litigieux. Son but était de tromper les consommateurs et d’empêcher le requérant d’utiliser sa marque dans un nom de domaine analogue.

3. Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi:

Comme vu ci-dessus, le défendeur n’avait aucun droit antérieur sur le signe AMBIEN et n’avait aucune autorisation d’utiliser ce signe qu’il connaissait parfaitement. Ainsi l’enregistrement du nom de domaine litigieux n’a pu être fait de bonne foi.

Le requérant poursuit en affirmant que le défendeur avait conscience que l’AMBIEN était un médicament leader contre les troubles du sommeil. Son but était d’empêcher le requérant d’enregistrer un nom de domaine correspondant. De plus le site litigieux proposait des liens hypertextes qui renvoyaient vers des concurrents du requérant.

En utilisant la marque AMBIEN dans son nom de domaine le défendeur cherchait à faire croire qu’il s’agissait d’un site officiel du requérant.

Enfin le défendeur a cherché à cacher son identité. L’information accessible sur whois était erronée et pour toute une série de raison la base donnée du whois a refusé de donner toutes les informations souhaitées. Après une nouvelle tentative la réponse était encore erronée. C’est grâce au Centre que le requérant a pu obtenir le nom du véritable titulaire du nom de domaine litigieux ce qui a entraîné une plainte rectificative.

Le requérant expose pour terminer qu’il a adressé au défendeur une lettre du 11 avril 2006 lui enjoignant de cesser l’usage de ce nom de domaine et de procéder au transfert. Cette lettre est restée sans réponse.

Pour conclure sa plainte, le requérant demande à la Commission administrative d’ordonner à son profit le transfert du nom de domaine <cheap-ambien-fast;com>.

B. Défendeur

Le défendeur n’a présenté aucune défense.

Il y a donc lieu de statuer au vu des seuls arguments présentés par le Requérant.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) de Règles indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l’occasion d’une plainte : la Commission doit décider sur la base des exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et Règles d’application ainsi que toutes les règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.

Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requérant doit prouver chacun des points suivants :

(i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec la marque invoquée par le requérant ; et

(ii) Le défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine enregistré ; et

(iii) Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le nom de domaine en question est similaire au point de prêter à confusion avec les marques enregistrées par le requérant.

L’usage des termes génériques “cheap” et “fast” en combinaison avec la marque AMBIEN du requérant ne change rien car le manque de distinctivité de ces termes laisse persister la confusion. Les décisions des commissions administratives à cet égard sont constantes et sont rappelées dans la plainte (voir supra dans l’argumentation du requérant). Il se trouve d’ailleurs que deux décisions récentes qui concernent le même requérant SANOFI-AVENTIS et la même marque AMBIEN partagent la même opinion: voir Sanofi-Aventis v. Britny Spears, OMPI Litige No. D2006-0795 et Sanofi-Aventis v. Pill Guru, OMPI Litige No. D2006-0798.

De même il est contant que le gTLD “.com” n’a pas à être pris en considération pour l’appréciation de la similarité.

B. Droits ou légitimes intérêts

Le défendeur n’a pas répondu à la plainte et ne justifie d’aucun droit antérieur ou d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Il ne justifie pas nom plus d’une licence ou d’un droit sur la marque AMBIEN.

Il faut donc considérer que la deuxième condition relative aux droits ou légitimes intérêts que pourrait avoir le défendeur n’est pas remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Le requérant a parfaitement démontré que le défendeur a enregistré et fait usage du nom de domaine de mauvaise foi.

Nous retiendrons dans l’argumentation du requérant que la marque AMBIEN, déposée dans plus de 50 pays, est largement connue des usagers et plus particulièrement des victimes de l’insomnie. La forte distinctivité de cette marque et sa notoriété font que ce n’est pas un hasard si elle a été mentionnée dans le nom de domaine du défendeur.

Si on considère également que ce site, qui peut laisser croire qu’il s’agit d’un site officiel de Sanofi-Aventis, renvoie sur par des liens hypertextes sur des sites concurrents du requérant, nous estimons qu’il s’agit d’une utilisation de mauvaise foi. Le requérant tente de tromper le consommateur en utilisant l’attractivité de la marque AMBIEN pour diriger l’utilisateur vers la concurrence.

L’absence de réponse du défendeur dans la présente procédure est aussi un élément d’appréciation.

 

7. Décision

Vu les paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles,

la Commission administrative décide:

(a) que le nom de domaine <cheap-ambien-fast.com> est identique ou du moins similaire au point de prêter à confusion avec les marques du requérant SANOFI-AVENTIS,

(b) que Monsieur Alexandre Richards n’a aucun droit ni intérêt légitime à disposer du nom de domaine <cheap-ambien-fast.com>,

(c) que ce nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En conséquence la Commission administrative ordonne que le nom de domaine <cheap-ambien-fast.com> soit transféré au requérant.


Jean-Claude Combaldieu
Expert Unique

Date : Le 2 septembre 2006