WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Compagnie Gervais Danone S.A. contre Karim Saada

Litige n° D2006-0986

 

1. Les parties

Le Requérant est la Compagnie Gervais Danone, Société anonyme, Paris, France, représentée par le Cabinet Dreyfus & Associés, France.

Le Défendeur est Karim Saada, Nancy, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <biodanone.com>, enregistré le 10 mars 2006.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est 1&1 Internet SARL.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Compagnie Gervais Danone SA, auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 3 août 2006.

En date du 3 août 2006, le Centre a adressé une requête à la filiale de l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Schlund + Partner, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 7 Août 2006.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 11 août 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 31 août 2006. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 4 Septembre 2006, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 18 septembre 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Christiane Féral-Schuhl. L’expert constate qu’il a été constitué conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. L’expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

Conformément au paragraphe 11 des Règles d’application, la langue de la procédure administrative est celle du contrat d’enregistrement. En l’espèce la langue de la procédure est le français, ce qui a été confirmé par l’unité d’enregistrement.

 

4. Les faits

Le Requérant est la Compagnie Gervais Danone SA, un des leaders mondiaux de l’industrie agroalimentaire.

Elle est titulaire de plusieurs marques notamment des marques françaises figuratives N° 1749028 et 93491396 “BIO DANONE” et des marques communautaires et françaises “DANONE”.

Le Défendeur, Karim SAADA, a enregistré le nom de domaine <biodanone.com> le 10 mars 2006.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Conformément au paragraphe 3) (b) (ix) des Règles d’application, les éléments de droit et de faits sur lesquels se fonde le Requérant sont les suivants :

Le Requérant soutient que le nom de domaine en cause est identique voire similaire aux marques antérieures “BIO DANONE”, “BIO” et “DANONE” appartenant au Requérant. Selon lui, il en résulte un risque élevé de confusion pour le consommateur qui pourra légitimement estimer que ce nom de domaine appartient ou est lié au Requérant.

Le Requérant indique en outre que le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime.

Le Requérant soutient également que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. En effet, le Requérant considère que le Défendeur résidant en France, il ne pouvait ignorer la communication publicitaire faite par le Requérant de manière extensive depuis 1990. En outre, le Requérant reproche au Défendeur d’avoir enregistré le nom de domaine <biodanone.com> dans le but d’attirer les internautes sur son site grâce à la notoriété de la marque du Requérant. Le Requérant remarque toutefois qu’à ce jour, le nom de domaine <biodanone.com> pointe vers une page inactive, ce qui ne peut être considéré comme une présence de bonne foi sur internet.

Le Requérant sollicite en conséquent la transmission du nom de domaine <biodanone.com> à son profit.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a transmis aucune réponse.

 

6. Discussion et conclusions

L’Expert constate que le Requérant invoque un enregistrement et une utilisation du nom de domaine <biodanone.com> par le Défendeur en violation de ses droits et sollicite en conséquence la transmission dudit nom de domaine à son profit.

Conformément au paragraphe 4 (a) des Principes directeurs, l’Expert s’est attaché à rechercher, si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir: A) si le nom de domaine est identique à une marque de produit ou de service appartenant au Requérant ou suffisamment proche pour engendrer la confusion, B) si le Défendeur n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine et C) si le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine avec mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

L’Expert rappelle que l’identité ou la similitude pouvant engendrer un risque de confusion doit porter sur une marque ou une dénomination sur laquelle le Requérant a des droits.

Le Requérant a rapporté la preuve de ce qu’il est titulaire des marques françaises et/ou communautaires “BIO”, “DANONE” et “BIODANONE”. Le Requérant est en outre titulaire des noms de domaine <danone.com>, <danone.org >, <danone.fr> et <danone.eu>.

L’Expert constate, qu’il est peu contestable que le nom de domaine <biodanone.com> est similaire voire identique aux marques antérieures du Requérant. L’Expert constate notamment qu’il y a une similitude indéniable entre le nom de domaine <biodanone.com> et la marque de renommée mondiale “DANONE” et que cela engendre un risque de confusion du fait de la similarité des signes, d’autant que le Requérant a vendu durant de nombreuses années un produit sous la marque “BIODANONE”.

Dans ces conditions, la première condition visée aux Principes directeurs est à l’évidence remplie.

B. Droits ou légitimes intérêts

L’Expert constate tout d’abord que le Défendeur n’a pas contesté les affirmations du Requérant ni fourni d’informations de nature à démontrer son intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine litigieux.

L’Expert relève, ainsi que le Requérant le fait valoir, que :

(i) le Défendeur ne dispose d’aucun droit de marque sur la dénomination “BIO DANONE”, et il n’existe aucun indice qu’il utilise cette dénomination dans son activité;

(ii) la marque du Requérant étant notoire, notamment en France, pays d’origine du Défendeur, l’utilisation de cette marque par le Défendeur ne peut être considérée comme une utilisation légitime du nom de domaine <biodanone.com>;

(iii) enfin, le Défendeur ne fait pas un usage non commercial légitime ou un usage loyal du nom de domaine <biodanone.com> puisque ce site est actuellement inactif.

L’Expert estime en conséquence que la seconde condition visée aux Principes directeurs est également remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

L’Expert rappelle que la mauvaise de foi du Défendeur doit être établie concernant l’enregistrement du nom de domaine ainsi que son usage.

L’Expert constate tout d’abord que du fait de la renommée mondiale des marques “DANONE” et “BIODANONE”, le Défendeur ne pouvait pas les ignorer au moment de l’enregistrement du nom de domaine.

Par ailleurs, s’agissant de l’utilisation du nom de domaine <biodanone.com>, le Requérant démontre que le site a, durant une période, recueilli des photographies sur la guerre en Irak. A cet égard, et ainsi que le Requérant le relève, la réservation du nom de domaine <biodanone.com> avait pour but d’attirer les internautes grâce à la notoriété de la marque du Requérant.

En tout état de cause, considérant que le site du Défendeur est aujourd’hui inactif ainsi que le Requérant le démontre, et conformément à la décision Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, OMPI Litige No.D2000-0003, citée par le Requérant, l’absence d’utilisation d’un nom de domaine est considérée comme un indice important de la mauvaise foi du Défendeur.

De ce fait, l’Expert considère que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi le nom de domaine <biodanone.com> et que la troisième condition visée aux Principes directeurs doit donc être considérée comme remplie.

 

7. Décision

Pour les motifs ci-dessus exposés, l’Expert décide que le nom de domaine <biodanone.com> enregistré par le Défendeur présente une identité ou une similarité avec des marques dont le Requérant est titulaire, que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime sur la dénomination, et que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Conformément au principe des paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, l’Expert ordonne la transmission du nom de domaine <biodanone.com> au profit du Requérant.


Christiane Féral-Schuhl
Expert Unique

Date : le 2 Octobre 2006