Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI
DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE
Kiloutou, Société Anonyme à Directoire contre Marylin Martin
Litige n° D2006-1104
1. Les parties
Le Requérant est Kiloutou, Société Anonyme à Directoire, Marcq en Baroeul, France, représenté par le Cabinet Beau de Lomenie, France.
Le Défendeur est Marylin Martin, Vannes, France.
2. Noms de domaine et unité d’enregistrement
Le litige concerne les noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info>.
L’unité d’enregistrement auprès de laquelle les noms de domaine sont enregistrés est Gandi SARL.
3. Rappel de la procédure
Une première plainte a été déposée par Kiloutou, Société Anonyme à Directoire, auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 29 août 2006.
Le 31 août 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 1er septembre 2006.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Or, le Centre a constaté la non-conformité de la plainte aux paragraphes 1 et 3(b)(xiii) des Règles d’application, au motif que le titulaire du nom de domaine n’a pas reconnu, dans son contrat d’enregistrement, la compétence de l’instance judiciaire du lieu où l’unité d’enregistrement a son siège pour le règlement des litiges relatifs à l’utilisation du nom de domaine ou nés de cette utilisation. Le 5 septembre 2006, conformément au paragraphe 4(b) des Règles d’application, le Centre a transmis par mail au représentant du Requérant la notification d’irrégularité de la plainte, demandant au Requérant d’accepter la compétence des tribunaux où le Défendeur a son domicile. Le 8 septembre, le Requérant confirmait son accord régularisant ainsi sa plainte.
Le Centre a vérifié que cette demande régularisée répond bien aux “Principes directeurs”, aux “Règles d’application” et aux “Règles supplémentaires”.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 11 septembre 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 1 octobre 2006. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 2 octobre 2006, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 17 octobre 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Christiane Féral-Schuhl. L’Expert constate qu’il a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
4. Les faits
Le Requérant est la société française Kiloutou, spécialisée dans la location de machines, matériel et équipement aux professionnels et aux particuliers depuis 1980, et exploitant à ce jour plus de 120 enseignes.
Le Requérant justifie de l’enregistrement des marques françaises et communautaires suivantes :
- Marque française KILOUTOU Loue Presque Tout (semi-figurative) n°1221258 du 9 décembre 1982 enregistrée pour les classes de produits et services 6, 7, 8, 9, 10, 11, 12, 16, 20, 28, 37, 39, 40 et 41;
- Marque française KILOUTOU Multi-Location (semi-figurative) n° 94527182 du 1er juillet 1994 pour les classes de produits et services 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 45;
- Marque française KILOUTOU N°1 Multi-Location (semi-figurative) n° 94527183 du 1er juillet 1994 pour les classes de produits et services 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 16, 17, 18, 19, 20, 21, 22, 24, 25, 27, 35, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42 et 45;
- Marque communautaire KILOUTOU n° 003332814 du 21 août 2003 enregistrée pour les classes de produits et services 2, 3, 7, 8, 9, 11, 12, 16, 21, 35, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 et visant notamment le territoire français;
- Marque communautaire KILOUTOU (semi-figurative) n° 003393634 du 21 août 2003 enregistrée pour les classes de produits et services 2, 3, 7, 8, 9, 11, 12, 16, 21, 35, 37, 38, 39, 40, 41, 42, 43, 44 et 45 et visant notamment le territoire français.
Le terme “kiloutou” constitue également la dénomination sociale, le nom commercial ainsi que l’enseigne du Requérant.
Enfin, le Requérant justifie être titulaire des noms de domaine <kiloutou.com> et <kiloutou.fr>.
Le défendeur, Marylin Martin, a enregistré les noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> en date du 4 février 2006.
5. Argumentation des parties
A. Requérant
Conformément au paragraphe 3(b)(ix) des Règles d’application, les éléments de droit et de faits sur lesquels se fonde le Requérant sont les suivants :
Le Requérant constate une parfaite identité phonétique et intellectuelle, et une similarité visuelle entre les noms de domaine en cause et les marques nationales et communautaires antérieures du Requérant, à savoir KILOUTOU, KILOUTOU LOUE PRESQUE TOUT, KILOUTOU MULTI-LOCATION et KILOUTOU N°1 MULTI-LOCATION.
Le Requérant considère que les marques précitées et les noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> doivent en conséquence être considérés comme juridiquement similaires.
Le Requérant soutient par ailleurs que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine, ni aucun intérêt qui s’y attache.
Le Requérant soutient avoir sur le terme “kiloutou” des droits antérieurs, à titre de marque, à l’enregistrement des noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> par le Défendeur.
Le Requérant indique par ailleurs avoir effectué une recherche démontrant que le Défendeur, ne peut justifier d’aucun droit de marque sur les signes “quilouetout” et “quiloutou”, ni même d’une utilisation de ces signes comme nom commercial ou enseigne.
Enfin, le Requérant indique jouir d’une exceptionnelle notoriété auprès des particuliers et des professionnels en tant que société de location de machines, matériel et équipement, notamment par l’exploitation de plus de 120 enseignes KILOUTOU en France en particulier. De ce fait, le Requérant soutient que le Défendeur ne pouvait ignorer l’existence de la marque KILOUTOU qui fait régulièrement l’objet de campagnes publicitaires à la radio et à la télévision notamment.
Le Requérant considère en conséquence que le Défendeur a procédé à l’enregistrement des deux noms de domaine litigieux avec l’intention de tirer profit de l’exceptionnelle notoriété de la marque KILOUTOU dont le Requérant est titulaire, et de priver ce dernier de son droit légitime à utiliser ces signes.
Le Requérant sollicite en conséquent la transmission des noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> à son profit.
B. Défendeur
Le Défendeur n’a transmis aucune réponse.
6. Discussion et conclusions
Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, l’Expert s’est attaché à rechercher, si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir : A) si le nom de domaine est identique à une marque de produit ou de service appartenant au Requérant ou suffisamment proche pour engendrer la confusion ; et
B) si le Défendeur n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du nom de domaine ; et
C) si le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine avec mauvaise foi.
A. Identité ou similitude prêtant à confusion
L’Expert rappelle que l’identité ou la similitude pouvant engendrer un risque de confusion doit porter sur une marque ou une dénomination sur laquelle le Requérant a des droits.
Le Requérant a rapporté la preuve de ce qu’il est titulaire des marques françaises et/ou communautaires KILOUTOU, KILOUTOU LOUE PRESQUE TOUT, KILOUTOU MULTI-LOCATION et KILOUTOU N°1 MULTI-LOCATION. Le Requérant est en outre titulaire des noms de domaine <kiloutou.com> et <kiloutou.fr>.
L’Expert constate, que les noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> sont phonétiquement identiques aux marques du Requérant, sur lesquelles ce dernier dispose de droits de propriété antérieurs à l’enregistrement des noms de domaine, objet de la présente procédure.
La différence dans l’orthographe entre le terme “kiloutou” d’une part sur lequel le Requérant justifie d’un droit de marque, et les signes “quilouetout” et “quiloutou” d’autre part ne tient qu’à quelques lettres, et ne permet pas de les différencier oralement en langue française tout particulièrement. D’autant qu’en langue française, le terme “qui” s’écrit naturellement avec les lettres “q” et “u” et non “k”. En conséquence, il est manifeste qu’il existe une similitude entre les noms de domaine objet de la présente procédure, et les marques du Requérant susceptible de prêter à confusion dans l’esprit des internautes.
Dans ces conditions, l’Expert considère que la première condition visée aux Principes directeurs est remplie.
B. Droits ou légitimes intérêts
L’Expert constate tout d’abord que le Défendeur n’a pas transmis de Réponse aux fins de contester les affirmations du Requérant, et de fournir des informations de nature à démontrer son intérêt légitime à l’utilisation des noms de domaine litigieux.
L’Expert relève ainsi :
(i) le Défendeur ne dispose d’aucun droit de marque sur les dénominations “quilouetout” ou “quiloutou”, et il n’existe aucun élément tangible permettant d’affirmer qu’il utilise cette dénomination dans son activité;
(ii) la marque du Requérant étant notoire, notamment en France, pays de résidence du Défendeur, l’utilisation de cette marque par le Défendeur au travers de noms de domaine susceptibles de prêter à confusion dans l’esprit du public, en raison de leur similarité flagrante et qui ne peut être fortuite dans le cas présent, ne peut être considérée comme une utilisation en relation avec une offre de bonne foi de produits ou services.
L’Expert estime en conséquence que la seconde condition visée aux Principes directeurs est également remplie.
C. Enregistrement et usage de mauvaise foi
L’Expert rappelle que la mauvaise foi du Défendeur doit être établie concernant l’enregistrement du nom de domaine ainsi que son usage.
L’Expert constate que du fait de la renommée certaine, notamment en France, pays de résidence du Défendeur, de la marque KILOUTOU, le Défendeur ne pouvait pas ignorer l’existence de cette marque au moment de l’enregistrement des noms de domaine, objet de la présente procédure, ni même méconnaître le risque de confusion que cela pouvait engendrer.
La ressemblance phonétique, si ce n’est visuelle au regard de l’orthographe française, entre les noms de domaine litigieux et les marques du Requérant ne peut être considérée comme une ressemblance fortuite, d’autant que les marques du Requérant ne sont pas purement descriptives et génériques.
L’Expert considère en conséquence que le Défendeur a enregistré de mauvaise foi les noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info>.
Concernant l’utilisation de ces noms de domaine par le Défendeur, l’Expert rappelle que le fait que ces noms de domaine renvoient à une page web inactive à ce jour ne signifie pas pour autant qu’il n’y a pas utilisation desdits noms de domaine par le Défendeur au sens des Principes directeurs et qu’une telle utilisation passive ne puisse être considérée comme de mauvaise foi (Telstra Corporation Limited v. Nuclear Marshmallows, OMPI Litige N° D2000-0003 (18 février 2000). Cette mauvaise foi est notamment caractérisée en présence d’éléments tels que la renommée de la marque du Requérant, ainsi que la non fourniture par le Défendeur, d’éléments de nature à démontrer l’utilisation de bonne foi des noms de domaine, ces éléments étant réunis en l’espèce.
De ce fait, l’Expert considère que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi les noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> et que la troisième condition visée aux Principes directeurs doit donc être considérée comme remplie.
7. Décision
Conformément au principe des paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 14 des Règles d’application, l’Expert ordonne la transmission des noms de domaine <quilouetout.info> et <quiloutou.info> au profit du Requérant.
Christiane Féral-Schuhl
Expert Unique
Dated : Le 31 octobre 2006