WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

FNAC contre Gille Pilet

Litige n° D2006-1344

 

1. Les parties

Le requérant est FNAC, Clichy, France, représenté par Inlex Conseil, France.

Le défendeur est Gille Pilet, Paris, France.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <sexe-fnac.net>.

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est DomainPeople.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la FNAC auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 18 octobre 2006.

En date du 19 octobre 2006, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, DomainPeople, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 24 octobre 2006.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 7 novembre 2006, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 27 novembre 2006. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 28 novembre 2006, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 13 décembre 2006, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jean-Claude Combaldieu. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

En date du 5 décembre 2006, le requérant a exprimé par courrier électronique le souhait d’ajouter au présent litige une plainte supplémentaire concernant le domaine <sex-fnac.net> omis dans la plainte initiale. Par Ordonnance du 15 décembre 2006, la Commission administrative a refusé d’inclure cette nouvelle plainte dans le présent litige au motif que, trop tardive, elle ne permettait pas d’assurer un équilibre entre les deux parties (article 10(b) des Règles d’application).

Enfin, en application de l’article 11(a) des Règles d’application, la présente décision est rédigée en langue française compte tenu du fait que les deux parties résident en France.

 

4. Les faits

La FNAC est une société de droit français bien connue du grand public. Elle dispose de nombreux points de vente essentiellement en France. Elle est spécialisée dans la vente de produits multimédias (télévision, radio, ordinateurs, photo, téléphonie, logiciels, DVD, etc…) mais aussi de produits ou services culturels tels que livres, organisation de voyages, billetterie pour les spectacles etc.

Le requérant a déposé de très nombreuses marques, verbales, semi-figuratives ou figuratives, françaises, communautaires et internationales, le sigle FNAC étant associé ou non à un autre terme (par exemple music, sports, diffusion, service, jeux etc.).

Pour s’en tenir aux seules marques citées par le requérant dans sa plainte nous retiendrons:

Marques enregistrées en France:

- Marque n° 1392472 en date du 4 février 1987 ;

- Marque n° 1568645 en date du 10 mars 1988 ;

Marque n° 1568645 en date du 10 mars 1988 ;

Marque n° 1568917 en date du 10 mars 1988 ;

Marque n° 1454178 en date du 11 mars 1988 ;

Marque n° 96631714 en date du 26 juin 1996 ;

Marque n° 98747835 en date du 31 août 1998.

Marques communautaires:

- Marque n° 000149708 en date du 1er avril 1996, enregistrée le 28 juillet 1999 ;

- Marque n° 000180885 en date du 1er avril 1996, enregistrée le 24 novembre 1998 .

Marques internationales:

- Marque n° 369818 en date du 8 mai 1970 ;

- Marque n° 434515 en date du 28 septembre 1977 ;

- Marque n° 555525 en date du 28 février 1990 ;

- Marque n° 555526 en date du 28 février 1990 ;

- Marque n° 576874 en date du 10 octobre 1991 ;

- Marque n° 667235 en date du 26 décembre 1996 ;

- Marque n° 706673 du 31 août 1998 ;

- Marque n° 711624 du 23 février 1999 ;

- Marque n° 808821 du 10 avril 2003.

L’ensemble de ces marques vise de nombreux pays et une vaste liste de produits et services.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le requérant articule son argumentation en 3 points:

a) Le nom de domaine litigieux <sexe-fnac.net> enregistré par le défendeur le 7 juin 2006 est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant a des droits:

Après avoir rappelé la nature et l’activité de la FNAC, le requérant cite un certain nombre de marques lui appartenant (voir supra).

Il rappelle ensuite que selon une jurisprudence bien établie, l’extension gTLD “.net” ne doit pas être prise en considération pour déterminer la similarité entre marque et nom de domaine.

Le requérant ajoute que le suffixe “sexe” est totalement sans impact sur l’impression que donne le nom de domaine par rapport à la partie dominante qui est le mot FNAC. Tout lecteur est induit en confusion et fait nécessairement une relation entre le nom de domaine et le requérant. D’ailleurs le mot “sexe” manque en l’espèce de distinctivité pour donner au nom de domaine litigieux un sens propre lui permettant d’échapper à la confusion.

Enfin le requérant rappelle qu’une décision pratiquement identique a déjà été rendue en sa faveur dans le cas FNAC c/ Domain Administrator pour les noms de domaine <sexe-fnac.com>, <sexefnac.com> et <fnac-sexe .com>, Litige OMPI No. D2004-0476.

Est cité également le cas très proche V&S Vin & Spirit AB c/Canal Prod Ltd, Litige OMPI No. D2002-0437. Pour des noms de domaine contenant les mots “sexe”, “sexo” et “x”.

b) Le défendeur n’a aucun droit ou légitime intérêt sur le nom de domaine:

Le requérant apporte des éléments chiffrés visant à démontrer qu’il est titulaire de marques FNAC qui sont notoires, anciennes et qui ont fait l’objet d’une large promotion. La marque FNAC est connue dans le monde entier. On peut d’ailleurs s’en rendre compte en visitant le site <fnac.com>.

Le défendeur n’a pas de marque FNAC et n’en a jamais fait l’usage auparavant.

Le défendeur n’a reçu aucune licence ou droit lui permettant d’utiliser le mot FNAC.

Le défendeur redirige les usagers du nom de domaine litigieux vers un site pornographique nommé “SEXE FNAC LA VIDEOTHEQUE HARD”. Selon la Commission administrative désignée dans le cas précité N° D2004-0476, un service pornographique ne peut pas être considéré de bona fide lorsqu’il est combiné avec un enregistrement et un usage de mauvaise foi.

Le requérant conclut que l’usage du nom de domaine litigieux par le défendeur est une tentative d’attirer des clients par l’usage de la marque notoire du requérant ce qui ne peut pas être considéré comme une offre de bona fide.

c) Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi:

Le requérant revient sur la grande notoriété des marques FNAC et sur leur ancienneté. Considérant que le site du défendeur est en français et que pratiquement tous les français connaissent la FNAC et ses activités il parait évident que le défendeur connaissait la marque FNAC au moment où il a enregistré le nom de domaine litigieux.

De plus le défendeur, Gille Pilet, n’a pas répondu aux courriers électroniques et aux lettres envoyées les 11 et 13 octobre 2006, le mettant en demeure d’avoir a cesser immédiatement l’utilisation du site <sexe-fnac.net> et de le rétrocéder sans délai au requérant. C’est un élément de preuve de mauvaise foi. L’adresse du défendeur mentionnée sur le WHOIS apparaît comme erronée de sorte qu’une lettre recommandée du 17 octobre 2006 est revenue à l’expéditeur avec la mention “adresse inconnue”. C’est aussi un élément de mauvaise foi.

Enfin le dépôt de la marque litigieuse coïncide avec l’annonce par la FNAC du lancement du projet VOD (Vidéo à la demande). Nul doute que le défendeur a voulu en tirer avantage.

Au total le défendeur a voulu créer une confusion avec les marques FNAC a des fins commerciales, détourner vers lui frauduleusement une clientèle attachée aux dites marques. Ce faisant il a aussi terni la réputation des marques du requérant.

En conclusion le défendeur a fait un enregistrement et un usage de mauvaise foi du nom de domaine <sexe-fnac.net>.

En application de l’article 4(i) des Principes directeurs, le requérant demande à la Commission administrative de prendre une décision lui transférant le nom de domaine <sexe-fnac.net>.

B. Défendeur

Le défendeur n’a pas répondu à la plainte dans le délai qui lui était imparti.

Il y a donc lieu de statuer au vu des seuls arguments du requérant.

 

6. Discussion et conclusions

Le paragraphe 15(a) de Règles indique à la Commission administrative les principes de base à utiliser pour se déterminer à l’occasion d’une plainte : la Commission doit décider sur la base des exposés et documents soumis selon les Principes directeurs et Règles d’application ainsi que toutes les règles ou principes légaux qui lui semblent applicables.

Appliqué à ce cas, le paragraphe 4(a) des Principes directeurs indique que le requérant doit prouver chacun des points suivants :

(i) Le nom de domaine enregistré par le défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec la marque invoquée par le requérant ; et

(ii) Le défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine enregistré ; et

(iii) Le nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Le requérant a démontré qu’il détenait les droits sur la marque FNAC.

Il est constant que l’extension gTLD, notamment “.net” n’a pas à être prise en considération pour apprécier l’identité ou la similitude entre une marque et un nom de domaine.

La Commission administrative est d’accord avec le requérant pour estimer que l’addition du mot “sexe” est sans effet sur l’impression d’ensemble que donne le nom de domaine. Cette addition manque de distinctivité et ne peut donner un sens propre au nom de domaine. Il en est d’autant plus ainsi que le mot FNAC est notoire et focalise l’attention de l’usager.

Sur ces bases nous estimons que le nom de domaine litigieux est similaire aux marques sur lesquelles le requérant a des droits et prête à confusion.

B. Droits ou légitimes intérêts

Le défendeur n’a jamais utilisé ou enregistré le mot FNAC préalablement à l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Il n’a reçu aucune licence ou droit du requérant concernant l’utilisation du mot FNAC.

En conséquence le défendeur fait une utilisation illégitime du mot FNAC en l’incorporant dans son nom de domaine <sexe-fnac.net>.

La Commission administrative estime, comme le requérant, que le défendeur n’a ni droit ni intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Les marques FNAC sont bien connues non seulement en France mais aussi à l’étranger. Le requérant a apporté à cet égard des éléments chiffrés qui sont probants. Ces marques sont anciennes et les magasins FNAC sont largement connus dans le public.

Il est donc tout à fait improbable que le défendeur qui habite à Paris (à quelques dizaines de mètres d’un grand magasin FNAC sur les Champs Elysées) ne connaissait pas le mot FNAC au moment ou il procédé à l’enregistrement du nom de domaine <sexe-fnac.net> le 7 juin 2006. C’est un premier élément de mauvaise foi.

L’usage du mot FNAC dans le nom de domaine du défendeur ne peut répondre qu’à la volonté de se servir à des fins commerciales de la notoriété des marques du requérant pour attirer une clientèle qui peut imaginer qu’il existe un lien entre la FNAC et le site Internet du défendeur. Ce faisant le défendeur se livre ainsi à un acte illégitime qui ternit de surcroît l’image de la FNAC. Cet usage nous apparaît de mauvaise foi.

Au demeurant le défendeur, Monsieur Gille Pilet, n’a pas répondu aux lettres et courriers électroniques que lui a adressés le requérant les 11 et 13 octobre 2006, pas plus qu’il n’a répondu à la plainte dans le cadre de la présente procédure.

Pour l’ensemble de ces raisons la Commission administrative estime que l’enregistrement et l’usage du nom de domaine <sexe-fnac.net> a été fait de mauvaise foi.

 

7. Décision

Vu les paragraphes 4)i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application,

La Commission administrative décide:

a) que le nom de domaine <sexe-fnac.net> enregistré par Monsieur Gille Pilet est identique ou du moins similaire au point de prêter à confusion avec les marques du requérant;

b) que Monsieur Gille Pilet n’a aucun droit ni intérêt légitime à disposer du nom de domaine <sexe-fnac.net>;

c) que ce nom de domaine a été enregistré et utilisé de mauvaise foi.

En conséquence, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine <sexe-fnac.net> soit transféré au requérant.


Jean-Claude Combaldieu
Expert Unique

Le 27 décembre 2006