WIPO

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Compagnie Gervais Danone contre Sarl Biu

Litige n° D2007-1824

 

1. Les parties

Le Requérant est la Compagnie Gervais Danone, Paris, France, représentée par Cabinet Dreyfus & Associés, France.

Le Défendeur est Sarl Biu, Boumerdes, Algérie.

 

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <danonecup-dz.com> (ci-après désigné le “Nom de Domaine”).

L’unité d’enregistrement auprès de laquelle le Nom de Domaine est enregistré est OVH.

 

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Compagnie Gervais Danone auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 10 décembre 2007.

En date du 13 décembre 2007, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, OVH, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. L’unité d’enregistrement a confirmé l’ensemble des données du litige en date du 13 décembre 2007.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 28 décembre 2007, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 17 janvier 2008. Le défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 18 janvier 2008, le Centre notifiait le défaut du défendeur.

En date du 28 janvier 2008, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique Jacques de Werra. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

 

4. Les faits

Le Requérant est une société qui fait partie du groupe DANONE qui est l’un des leaders mondiaux de l’industrie agroalimentaire. Le Requérant est pour sa part l’un des leaders mondiaux dans le domaine des produits laitiers frais. Il compte plus de 89’000 employés dans le monde. La marque “DANONE” constitue l’une des premières marques mondiales dans le domaine des produits laitiers frais.

Le Requérant est à l’origine d’une compétition de football destinée aux jeunes de moins de 14 ans qui a été créée en 2000 sous le nom de “DANONE NATIONS CUP”. Cette compétition est devenue un événement de référence dans le domaine du football pour les jeunes et a rassemblé plus de 12 millions d’enfants. La Finale mondiale de la “DANONE NATIONS CUP” constitue l’aboutissement d’une année de compétition se déroulant sur le plan national dans les 40 pays participants à cette compétition parmi lesquels figure l’Algérie.

Le Requérant est titulaire de très nombreuses marques enregistrées sur le plan international et national, parmi lesquelles figurent en particulier les marques internationales “DANONE” n° 228,184 enregistrée le 2 février 1960 couvrant divers pays, en particulier l’Algérie, pour divers produits en classes 1,5, 29, 30, 31, 32 et 33 et n° 639,073 enregistrée le 6 janvier 1995 couvrant divers pays, en particulier l’Algérie, pour divers produits et services des classes 1 à 42. Le Requérant est également titulaire d’une marque internationale “DANONE NATIONS CUP” (avec logo) n° 893,131 enregistrée le 16 juin 2006 couvrant divers pays, en particulier l’Algérie, pour divers produits et services des classes 16, 29 et 41.

Le Requérant est en outre titulaire de divers noms de domaine parmi lesquels figurent en particulier <danone.com>, <danone.fr> et <danonecup.com> (ce dernier étant consacré à la “DANONE NATIONS CUP”).

Le Défendeur a enregistré le Nom de Domaine le 18 juin 2007. Le Nom de Domaine n’est pas utilisé activement par le Défendeur, si ce n’est comme page temporaire et statique indiquant la possibilité d’y héberger des sites Internet comme sous-pages du site (par l’indication “This page is a place holder for the home page of your own web site”).

Le Requérant a intimé le Défendeur de radier le Nom de Domaine par courrier rapide daté du 20 août 2007, courrier qui a été réexpédié par voie électronique le 4 septembre 2007. Le Défendeur n’a pas répondu à ces courriers.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le Requérant soutient que le Nom de Domaine reproduit sa marque “DANONE” et que l’adjonction “cup-dz”, qui constitue la combinaison de deux termes génériques (“cup” et “dz” ce dernier représentant l’abréviation de l’Algérie selon les codes pays des standards internationaux ISO 3166), ne suffit pas à écarter tout risque de confusion avec la marque “DANONE”. Au contraire, une telle adjonction accroît le risque de confusion en laissant croire aux utilisateurs que le Nom de Domaine est en lien avec les activités du Requérant, tout particulièrement avec la “DANONE NATIONS CUP”, étant noté que l’Algérie fait partie des 40 pays participants à cette compétition internationale de football pour jeunes joueurs.

Le Requérant indique en outre que le Défendeur n’a aucun droit ni aucun intérêt légitime sur le Nom de Domaine, le Défendeur n’étant en particulier aucunement affilié au Requérant et n’ayant pas été autorisé à enregistrer ou à utiliser un nom de domaine comportant des marques du Requérant.

Le Requérant soutient enfin que le Nom de Domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur. En effet, le Requérant considère que la marque “DANONE” est une marque notoire et que le choix par le Défendeur d’enregistrer le Nom de Domaine ne peut s’expliquer que par la connaissance par le Défendeur des activités du Requérant dans le cadre de la “DANONE NATIONS CUP” et par sa volonté de profiter indûment de ce rapprochement avec les marques du Requérant.

Le Requérant requiert en conséquent la radiation du Nom de Domaine.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a transmis aucune réponse.

 

6. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 4.a. des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par celui-ci, à savoir: A) si le Nom de Domaine est identique à une marque de produit ou de service appartenant au Requérant ou suffisamment proche pour engendrer la confusion, B) si le Défendeur n’a pas un droit ou un intérêt légitime à l’utilisation du Nom de Domaine et C) si le Défendeur a enregistré et utilise le Nom de Domaine avec mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

La Commission administrative constate que le Requérant est titulaire de diverses marques internationales portant sur le terme “DANONE” et qu’il est titulaire d’une marque internationale (avec logo) comportant les termes “DANONE NATIONS CUP”, ces marques couvrant en particulier l’Algérie, Etat de domicile du Défendeur. Sur cette base, la Commission administrative peut conclure que le Nom de Domaine est très fortement similaire aux marques du Requérant, en considérant que les adjonctions figurant dans le Nom de Domaine, soit “cup” et “dz”, n’atténuent pas cette similitude. En effet, pour ce qui concerne la première (“cup”), celle-ci est présente dans la marque “DANONE NATIONS CUP” du Requérant, et, pour ce qui concerne la seconde (“dz”), celle-ci est de nature descriptive, de sorte que ces adjonctions ne suffisent pas à écarter le risque de confusion.

Dans ces circonstances, la Commission administrative considère que la première condition est remplie.

B. Droits ou légitimes intérêts

La Commission administrative constate tout d’abord que le Défendeur n’a pas contesté les affirmations du Requérant ni fourni d’informations de nature à démontrer un quelconque droit ou intérêt légitime à l’utilisation du Nom de Domaine.

La Commission administrative relève en outre que:

(i) la marque “DANONE” du Requérant est une marque largement reconnue sur le plan international, qui fait de surcroît l’objet de divers enregistrements de marques internationales couvrant l’Algérie, Etat de domicile du Défendeur;

(ii) le Défendeur n’est pas affilié au Requérant et n’a pas été autorisé par ce dernier à enregistrer un nom de domaine comportant une quelconque marque du Requérant, en particulier les marques “DANONE” ou “DANONE NATIONS CUP”, ou une variation de celles-ci (comme l’est le Nom de Domaine);

(iii) le Requérant organise depuis plusieurs années la “DANONE NATIONS CUP”, compétition internationale de football destinée aux joueurs de moins de 14 ans, dont des phases préliminaires ont lieu notamment en Algérie et est ainsi connue d’au moins une partie du public dans ce pays ainsi que dans les 39 autres pays dans laquelle cette compétition est organisée;

(iv) l’enregistrement par le Défendeur du Nom de Domaine, qui comprend deux éléments verbaux de la marque “DANONE NATIONS CUP”, soit la marque largement connue “DANONE” et le terme “cup”, ainsi que l’abréviation géographique “dz” désignant l’Algérie (selon les normes internationales ISO), ne semble pouvoir s’expliquer que par la volonté du Défendeur de créer un rapprochement avec la “DANONE NATIONS CUP” organisée par le Requérant sans que le Défendeur n’ait démontré une quelconque légitimité d’un tel usage de ces termes.

La Commission administrative estime sur ce fondement que le Défendeur n’a pas de droit ni d’intérêt légitime sur le Nom de Domaine et que, partant, la seconde condition figurant dans les Principes directeurs est également remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

La Commission administrative constate qu’en raison du caractère distinctif de la marque “DANONE” et de la large renommée acquise par cette dernière sur le plan international (étant de surcroît noté que l’enregistrement des marques “DANONE” a été effectué et que la renommée a été acquise avant que le Nom de Domaine ait été enregistré), le Défendeur ne pouvait pas l’ignorer au moment de l’enregistrement du Nom de Domaine dont l’élément distinctif essentiel est la marque “DANONE”.

De plus, la Commission administrative considère que le choix des termes et abréviations figurant dans le Nom de Domaine, soit “cup” et “dz”, ne peut s’expliquer que par la volonté du Défendeur de créer un rapprochement avec la “DANONE NATIONS CUP” organisée par le Requérant, ce qui confirme la volonté du Défendeur de profiter de la réputation des marques et de l’événement sportif “DANONE NATIONS CUP” du Requérant, ce qui permet de considérer un tel comportement comme de mauvaise foi. En effet, l’enregistrement sans motifs légitimes d’un nom de domaine correspondant à une marque notoire appartenant à un tiers doit être considéré comme ayant été effectué de mauvaise foi. De plus, force est de rappeler que l’usage passif d’un nom de domaine n’empêche pas de considérer qu’il s’agit d’un usage de mauvaise foi en particulier lorsque la marque du Requérant est largement connue, lorsque le Défendeur n’a pas soumis de réponse dans la procédure ou lorsqu’on ne peut pas concevoir un usage de bonne foi du nom de domaine concerné, hypothèses qui sont toutes trois remplies en l’espèce. Voir ch. 3.2 du WIPO Overview of WIPO Panel Views on Selected UDRP Questions; voir aussi Jupiters Limited c. Aaron Hall, Litige OMPI No. D2000-0574.

La Commission administrative considère ainsi que le Défendeur a enregistré et utilise le Nom de Domaine de manière à profiter de la reconnaissance large des marque “DANONE” et “DANONE NATIONS CUP” (et de l’événement sportif international qui est associé à cette dernière marque) qui appartiennent au Requérant.

La Commission administrative estime dès lors que le Défendeur a enregistré et utilise de mauvaise foi le Nom de Domaine et que la troisième condition figurant dans les Principes directeurs est ainsi remplie.

 

7. Décision

Pour les motifs ci-dessus exposés, la Commission administrative décide que le Nom de Domaine enregistré par le Défendeur présente une similarité propre à créer une confusion avec différentes marques dont le Requérant est titulaire, que le Défendeur n’a aucun intérêt légitime sur le Nom de Domaine, et que ce dernier a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

Conformément au principe des paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne la radiation du nom de domaine <danonecup-dz.com>.


Jacques de Werra
Expert Unique

Le 11 février 2008