WIPO

 

Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

 

DÉCISION DE L’EXPERT

Sanutri AG contre Lantec Corporation

Litige n° DFR2007-0011

 

1. Les parties

Le Requérant est Sanutri AG, domicilié à Berne, Suisse, représentée par Laurent Hourquet à Castelnaudary, France.

Le Défendeur est Lantec Corporation, à Neuilly-sur-Seine, France.

 

2. Nom de domaine et prestataire Internet

Le litige concerne le nom de domaine <soy.fr > enregistré le 30 juin 2005.

Le prestataire Internet est la société Safenames Contact.

 

3. Rappel de la procédure

Une demande déposée par le Requérant auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) a été reçue le 25 mars 2007, par courrier électronique et le 28 mars 2007, par courrier postal.

Le 27 mars 2007, le Centre a adressé à l’Association Française pour le Nommage Internet en Coopération (ci-après l’“Afnic”) une demande aux fins de vérification des éléments du litige et de gel des opérations.

Le 28 mars 2007, l’Afnic a confirmé l’ensemble des données du litige.

Le Centre a vérifié que la demande répond bien au Règlement sur la procédure alternative de résolution des litiges du “.fr” et du “.re” par décision technique (ci-après le ”Règlement”) en vigueur depuis le 11 mai 2004, et applicable à l’ensemble des noms de domaine du “.fr” et du “.re” conformément à la Charte de nommage de l’Afnic (ci-après la “Charte”).

Conformément à l’article 14(c) du Règlement, une notification de la demande, valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur le 13 avril 2007. Le dernier délai pour le défendeur pour faire parvenir sa réponse était le 3 mai 2007.

Sur demande du requérant formulée le 9 mai 2007, le Centre a suspendu la procédure par notification du 11 mai 2007 jusqu’au 10 juin 2007.

Les parties ayant rencontrées des complications techniques liées au transfert volontaire du nom de domaine, le requérant a donc demandé la reprise de la procédure en date du 31 mai 2007. Entre temps, l’AFNIC a travaillé à la mise en place d’une nouvelle démarche à suivre par les parties lors de la suspension d’une procédure administrative dans le but d’un transfert volontaire du nom de domaine. Le transfert n’ayant toujours pas abouti, le requérant a confirmé sa demande à ce que la procédure soit reprise en date du 3 juillet 2007.

Le Défendeur n’ayant adressé aucune réponse, le Centre a notifié le défaut du Défendeur en date du 3 juillet 2007.

Le 13 juillet 2007, le Centre nommait M. Jean-Claude Combaldieu comme Expert dans le présent litige. L’Expert constate qu’il a été nommé conformément au Règlement. L’Expert a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément à l’article 4 du Règlement.

 

4. Les faits

Le requérant, Sanutri AG, société de droit suisse, est titulaire :

- de la marque internationale semi-figurative SOY n° 805 267 enregistrée le 17 juin 2003 sous priorité d’une marque suisse n° 511 544 du 21 mai 2003. Elle concerne les classes de produits n° 5, 29, 30 et 32. Les pays désignés sont l’Allemagne, l’Autriche, le Benelux, l’Espagne, la France, l’Italie et le Portugal.

- de la marque communautaire semi figurative SOY déposée le 20 janvier 2005 et enregistrée le 21 mars 2006 dans les classes de produits 5, 29, 30 et 32.

- Il est par ailleurs établi que le défendeur, Lantec Corporation a enregistré le nom de domaine litigieux <soy.fr> le 30 juin 2005.

 

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Le requérant expose qu’il a une position de leader dans le domaine de la diététique alimentaire.

Outre les marques visées dans le chapitre 4 ci-dessus, “Les faits”, il expose aussi :

- qu’il est également titulaire d’une marque nationale française SOY n°93464287 enregistrée le 8 avril 1993 et renouvelée le 8 avril 2003 visant les classes de produits n° 5, 29, 30, 31 et 32,

- qu’il a une filiale française dénommée “Nutrition et Soja SAS” qui distribue des produits sous la marque SOY,

- qu’il a enregistré le nom de domaine <soy.tm.fr>.

Le requérant en déduit que l’enregistrement et l’utilisation du nom de domaine litigieux par le défendeur constituent une atteinte aux droits des tiers et tout particulièrement de ses propres droits.

En effet le nom de domaine contesté <soy.fr> serait la reprise à l’identique de la marque du requérant sur laquelle il détient des droits antérieurs. Cette situation créerait incontestablement une confusion dans l’esprit du public.

Le requérant fait valoir aussi que le défendeur n’a aucun droit sur le terme “soy”, qu’il s’agisse d’une marque, d’une dénomination sociale, d’un nom commercial, d’une enseigne ou d’un droit d’origine contractuelle.

Selon le requérant, les faits montrent que l’enregistrement du nom de domaine litigieux a été fait en vue d’une éventuelle revente puisque ce site “www.soy.fr” se trouve actuellement sur une page parking.

Par ailleurs le requérant prouve qu’il a adressé le 19 février 2007 au défendeur une lettre recommandée avec accusé de réception le mettant en demeure de lui rétrocéder le nom de domaine litigieux. Cette lettre était accompagnée d’un projet de contrat pour concrétiser cette cession. Ce pli recommandé n’a pas été retiré par le défendeur, les services postaux l’ayant retourné le 12 mars 2007 avec la mention “Non réclamé Retour à l’envoyeur”.

Finalement le requérant, estimant avoir démontré qu’il détient des droits sur l’élément objet du litige, demande que le nom de domaine <soy.fr> lui soit transféré.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a adressé aucune réponse au Centre.

 

6. Discussion

Conformément aux dispositions de l’article 20 (c) du Règlement “L’expert fait droit à la demande lorsque l’enregistrement ou l’utilisation du nom de domaine par le défendeur constitue une atteinte aux droits des tiers telle que définie à l’article 1 du présent Règlement et au sein de la Charte et, si la mesure de réparation demandée est la transmission du nom de domaine, lorsque le requérant a justifié de ses droits sur l’élément objet de ladite atteinte et sous réserve de la conformité avec la Charte”.

(i) Enregistrement du nom de domaine litigieux

Le requérant se présente dans la lettre recommandée du 19 juin 2007 qu’il a envoyée au défendeur comme le “leader” sur le marché de la diététique alimentaire.

Aucune pièce versée au dossier ne conforte cette affirmation mais il est de fait que le requérant est titulaire en propre de la marque internationale n° 805267 et de la marque communautaire n° 004248621. Ces deux marques ont été déposées antérieurement à la date de l’enregistrement par le défendeur du nom de domaine <soy.fr> (30 juin 2005).

Il apparaît aussi, au vu des pièces produites, que la filiale française du requérant “Nutrition et Soja SAS”, est titulaire de la marque française SOY déposée le 8 avril 1993 ainsi que du nom de domaine <soy.tm.fr> (pour lequel aucune date d’enregistrement n’est fournie).

Les marques SOY appartenant en propre au requérant sont des marques semi-figuratives comportant dans un carré le terme “soy”, en lettres majuscules, surmonté d’un épi de blé. Tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique lorsque l’on veut évoquer cette marque, il est parfaitement clair que l’élément verbal “soy” est l’élément distinctif principal.

Il nous parait donc incontestable que le nom de domaine litigieux prête à confusion dans l’esprit du public et des internautes en particulier avec les marques SOY précitées.

Il est hautement improbable que le choix du nom de domaine <soy.fr> par le défendeur soit le fruit d’un simple hasard.

Au demeurant il faut rappeler que l’article 19(1) de la Charte de Nommage de l’AFNIC demande au déposant d’un nom de domaine de s’assurer avant l’enregistrement que ce dernier ne porte pas atteinte aux droits des tiers. Une simple consultation des sites de l’INPI (Institut National de la Propriété Industrielle français), de l’OMPI (Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle) ou de l’OHMI (Office pour l’Harmonisation du Marché Intérieur) aurait permis de voir que le mot “soy” avait déjà fait l’objet de marques.

Il est par ailleurs établi que le défendeur n’apparait pas avoir de droit antérieur, de quelque nature que ce soit, sur le terme “soy”.

Enfin le défendeur n’a pas répondu à la lettre recommandée de mise en demeure que lui a adressée le requérant le 22 février 2007 afin de résoudre ce litige de manière amiable.

Pour cet ensemble de raisons nous estimons que l’enregistrement par le défendeur du nom de domaine <soy.fr> porte atteinte aux droits des tiers et singulièrement aux droits du requérant.

(ii) Utilisation du nom de domaine en violation des droits des tiers

L’utilisation du nom de domaine litigieux par le défendeur, même limité à une présence sur un site parking, constitue une violation des droits des tiers et en particulier des droits du requérant qui détient des marques antérieures (voir supra). Ce dernier est donc bien fondé à demander la transmission à son profit du nom de domaine <soy.fr>.

 

7. Décision

Conformément aux articles 20(b) et (c) du Règlement, l’Expert ordonne la transmission au profit du Requérant du nom de domaine <soy.fr>.


Jean-Claude Combaldieu
Expert

Le 23 juillet 2007