Le Requérant est SAS Euro Pare-Brise, France, représenté par Cabinet Soukouna Intellectual Property Law BC, Suisse.
Le Défendeur est Chedli Sahnine, France, représenté par lui-même.
Le nom de domaine litigieux <europarebriseplus.com> est enregistré auprès de OVH (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par SAS Euro Pare-Brise auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 10 septembre 2019. En date du 10 septembre 2019, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 12 septembre 2019, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige. Suite à la notification d’une irrégularité de la plainte, le Requérant a déposé un amendement à la plainte le 16 septembre 2019 et une plainte amendée le 23 septembre 2019.
Les 16 et 19 septembre 2019, le Défendeur a envoyé plusieurs courriers électroniques au Centre.
Le Centre a vérifié que la plainte, l’amendement à la plainte, et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 25 septembre 2019, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur.
Le 15 octobre 2019, le Défendeur a envoyé un courrier électronique au Centre en demandant une prolongation du délai de réponse de quatre jours supplémentaires, en vertu du paragraphe 5(b) des Règles d’application. Le 18 octobre 2019, le Requérant a versé des pièces complémentaires au dossier par courrier électronique. Le même jour, le Défendeur a envoyé un courrier électronique au Centre. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 19 octobre 2019. Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 18 octobre 2019.
Le 28 octobre 2019, le Requérant a versé des pièces complémentaires au dossier par courrier électronique. Le 29 octobre 2019, le Défendeur a versé des pièces complémentaires au dossier par courrier électronique.
En date du 31 octobre 2019, le Centre nommait Jane Seager comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le 14 novembre 2019, le Centre a reçu des communications supplémentaires des parties. Le 19 novembre 2019, le Requérant a envoyé un courrier électronique supplémentaire au Centre.
Le Requérant est une société française, incorporée le 7 novembre 2018. Le Requérant exerce une activité d’entretien de véhicules spécialisée dans la réparation de pare-brise et dans le service de nettoyage de véhicules. Pour un usage en rapport avec les activités du Requérant, les dirigeants de la société du Requérant ont enregistré les marques suivantes:
- Marque française n° 4487979, O € PARE-BRISE + (et dessin), enregistrée le 3 octobre 2018.
La Commission administrative note par ailleurs que le 19 août 2019, l’un des dirigeants de la société Requérante a fait une demande d’enregistrement de la marque EUROPAREBRISEPLUS.COM en France. Cependant, cette demande d’enregistrement n’a pas donné lieu à l’enregistrement de la marque.
Le nom de domaine litigieux a été enregistré le 18 juin 2017. Il ressort des captures d’écran disponibles sur “https://archive.org” que le 8 août 2018, que le nom de domaine litigieux redirigeait vers un site Internet faisant la promotion des activités du Requérant. Au 1er août 2019, le nom de domaine litigieux redirigeait vers un site Internet faisant la promotion des activités concurrentes du Défendeur1 . Au moment de la présente décision, le nom de domaine litigieux redirige vers un site Internet “www.europarebriseplus.fr” intitulé “Europ à REBRISE PLUS”, prétendant promouvoir une entreprise de nettoyage de plomberie.
Remarquant la complexité des éléments factuels donnant lieu au présent litige, et afin d’assurer la clarté de l’affaire, la Commission administrative a consigné la chronologie des faits de la manière suivante:
Date |
Description |
Juin 2017 |
Les dirigeants de la société Requérante ont engagé la société du Défendeur, A Plus Services, une agence web pour la création de leur site Internet. |
18 juin 2017 |
Le nom de domaine litigieux est enregistré à la demande du Requérant. À la même date, le Défendeur a également enregistré les noms de domaine <europarebriseplus.fr> et <europarebrise.fr>. Le Défendeur, par la suite, a enregistré d’autres noms de domaine reprenant la chaîne “euro-pare-brise”. |
14 décembre 2017 |
Le Défendeur a incorporé la société “ACS Pare-Brise” ayant pour activité principale la réparation et le remplacement de pare-brise. |
Janvier 2018 |
Le Défendeur commence à exercer via la société ACS Pare-Brise. |
28 septembre 2018 |
Le Défendeur établi une facture pour un montant de 36 674 EUR pour les services rendus par le sous-traitant du Défendeur, la société “Octopus”. |
3 octobre 2018 |
Les dirigeants de la société Requérante enregistrent la marque française O € PARE‑BRISE +. |
18 octobre 2018 |
Les dirigeants de la société Requérante demandent la clôture de leur compte avec la société A Plus Services, et payent le montant de 1 008 EUR pour le transfert des noms de domaine détenus par le Défendeur. |
20 octobre 2018 |
Le Défendeur dépose une demande d’enregistrement de la marque française |
7 novembre 2018 |
La société Requérante est incorporée. |
26 décembre 2018 |
Les dirigeants de la société Requérante forment une opposition à la demande d’enregistrement par le Défendeur de la marque €PARE-BRISE. |
3 janvier 2019 |
Le Défendeur prétend avoir transféré la propriété du nom de domaine litigieux à un tiers (“ERP”). |
9 mai 2019 |
La société A Plus Service est supprimée du registre de commerce de Nancy. |
19 juillet 2019 |
L’INPI publie un avis rejetant l’opposition formulée par la société Requérante quant à l’enregistrement de la marque €PARE-BRISE, en se basant sur le fait que les biens et services pour lesquels le Défendeur a enregistré sa marque sont différents de ceux qui font l’objet de la marque O € PARE-BRISE + enregistrée par la société Requérante, évitant de ce fait tout risque de confusion entre les deux marques. |
1er août 2019 |
La société Requérante effectue une demande d’enregistrement pour la marque EUROPAREBRISEPLUS.COM. |
10 septembre 2019 |
La plainte sous les Principes directeurs est déposée, requérant le transfert du nom de domaine litigieux. |
11 septembre 2019 |
La société Requérante dépose une plainte devant l’AFNIC pour récupérer le nom de domaine <europarebriseplus.fr>. |
27 septembre 2019 |
Le Défendeur forme une opposition à la demande de la société Requérante pour l’enregistrement de la marque EUROPAREBRISEPLUS.COM. L’opposition du Défendeur est considérée comme irrecevable car celle-ci appuie ses droits sur le nom de domaine <europarebriseplus.fr> et non pas une marque préexistante comme l’exige la procédure. |
15 octobre 2019 |
Le Défendeur écrit au Requérant en indiquant qu’il ne souhaite pas conserver la propriété du nom de domaine litigieux ou du nom de domaine <europarebriseplus.fr>, mais qu’il réclame le paiement de 36 674 EUR pour les services rendus par Octopus, le sous-traitant du Défendeur. |
25 octobre 2019 |
L’AFNIC publie sa décision rejetant la demande de transfert du nom de domaine <europarebriseplus.fr> du Requérant. |
13 novembre 2019 |
L’AFNIC reçoit une notification indiquant que le Requérant a engagé une action devant le tribunal de grande instance de Nancy par rapport au nom de domaine <europarebriseplus.fr>. Le nom de domaine reste gelé en attendant la décision du tribunal. |
Les parties soutiennent, en ce qui est pertinent, ce qui suit:
Le Requérant affirme ses droits sur les marques O € PARE-BRISE + et EUROPAREBRISEPLUS.COM. Le Requérant affirme que le nom de domaine litigieux est d’une similitude pouvant prêter à confusion avec ses marques O € PARE-BRISE + and EUROPAREBRISEPLUS.COM. Le Requérant affirme qu’il y a une similarité visuelle, phonétique et conceptuelle entre le nom de domaine litigieux et les marques du Requérant.
Le Requérant soumet que le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes sur le nom de domaine litigieux. Le Requérant déclare avoir engagé la société du Défendeur pour que celle-ci lui fournisse des services afin d’accroître sa visibilité en ligne, et que la relation commerciale entre la société du Défendeur a pris fin en 2018, à la suite de quoi la société du Défendeur a cessé d’exercer et a été retirée du registre de commerce de Nancy. Le Requérant affirme que le Défendeur a ensuite fait un usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux sur une période excédant un an en s’appropriant à tort les activités du Requérant. Le Requérant fait d’autant plus valoir le fait que le Défendeur n’a jamais été généralement connu sous le nom de domaine litigieux. Le Requérant soumet que le Défendeur a fait une utilisation commerciale illégitime dans le but de détourner les consommateurs du Requérant. Le Requérant soutient que le Défendeur n’a pas de droits sur les marques O € PARE-BRISE + and EUROPAREBRISEPLUS.COM qui sont la propriété du Requérant. Le Requérant souligne que le Défendeur s’est lancé dans une activité commerciale similaire à celle du Requérant, dans la même zone géographique. Le Défendeur utilise le même logo et couleurs que ceux utilisés par le Requérant et fait un usage illégitime des marques du Requérant, ce qui ne peut être considéré comme un usage de bonne foi, ni une utilisation non commerciale légitime ou loyale du nom de domaine litigieux.
En ce qui concerne la mauvaise foi, le Requérant explique qu’en 2017, il a engagé la société du Défendeur, A Plus Services, pour créer ses sites Internet. À cet effet, le Requérant a payé de nombreuses factures pour l’enregistrement de plusieurs noms de domaine, y compris le nom de domaine litigieux, ainsi que pour l’administration et l’optimisation de son site Internet. Le 18 octobre 2018, le Requérant a exigé la fermeture de son compte auprès de la société du Défendeur et a payé le solde de 1 008 EUR pour le transfert des noms de domaine enregistrés par le Défendeur. Il a été découvert plus tard que le Défendeur a conservé la propriété du nom de domaine litigieux et l’utilisait illégalement. Le Requérant affirme que le Défendeur s’est présenté, de manière répétée, comme un agent du Requérant et a enregistré des noms de domaine sous son propre nom. Le Requérant affirme d’autant plus que le Défendeur a été jusqu’à ouvrir des centres de réparation de véhicules concurrents en utilisant les marques du Requérant. Le Requérant questionne la légitimité de l’activité du Défendeur et déclare que le véritable but du Défendeur est de perturber l’activité du Requérant. Le Requérant soutient que le Défendeur a utilisé le nom de domaine litigieux, qui est basé sur les marques du Requérant pour lesquelles le Défendeur n’a pas de droits ou d’intérêts légitimes, à des fins commerciales.
Le Requérant a fourni deux communications supplémentaires non sollicités. Dans le premier, le Requérant met en lumière que dans une communication du Défendeur datée du 15 octobre 2019, le Défendeur a admis être un prestataire de service et avoir engagé un sous-traitant pour enregistrer et administrer les noms de domaine du Requérant. Dans le deuxième, le Requérant soulève le fait que le Défendeur indique avoir transféré le nom de domaine litigieux à un tiers (“ERP”) le 3 janvier 2019, sous prétexte de ne pas avoir reçu les paiements du Requérant pour les services fournis par le sous-traitant du Défendeur, Octopus, mais note que les preuves du Défendeur sont incomplètes sur ce point. À ce titre, le Requérant soutient que le Défendeur n’a pas utilisé le nom de domaine litigieux depuis janvier 2019.
Le Défendeur, comparaissant à titre personnel, a déposé plusieurs communications informelles qui peuvent être résumées comme suit:
Le Défendeur prétend être le propriétaire des marques EUROPAREBRISE and €PARE-BRISE. Le Défendeur affirme par ailleurs que le concept de l’activité du Requérant était “son idée”.
Le Défendeur affirme qu’à partir de juin 2017, le Défendeur avait enregistré tous les noms de domaine en son nom propre et non pas au nom de sa société, A Plus Services.
Le Défendeur apporte des éléments de preuves, indiquant qu’il a enregistré la société “ACS Pare-brise” et a commencé à exercer en janvier 2018.
Le Défendeur apporte des éléments de preuve concernant ses marques enregistrées EUROPAREBRISE et €PARE-BRISE.
Le Défendeur note qu’en février 2019, le Requérant a ouvert un établissement concurrent dans la même ville que le centre de réparation de véhicules du Défendeur, ouvert en décembre 2017.
Le Défendeur prétend que le Requérant a enregistré sa marque O € PARE BRISE + en réponse à la croissance de l’activité du Défendeur. Le Défendeur soutient d’avantage que le Requérant a fait la demande d’enregistrement de la marque “EUROPAREBRISEPLUS.COM” afin de récupérer le nom de domaine litigieux sans avoir à payer les factures dues au sous-traitant du Défendeur, Octopus. Compte tenu du défaut de paiement des factures d’Octopus, le Défendeur et son sous-traitant ont décidé de vendre le nom de domaine litigieux à une société tierce “ERP”, qui opère dans un domaine radicalement différent.
Le Défendeur soumet avoir essayé de contacter les dirigeants de la société Requérante à maintes reprises dans le but de résoudre le présent litige. Le Défendeur incite le Requérant à faire usage d’un nom de domaine alternatif afin de se distinguer et ainsi de s’identifier séparément des marques du Défendeur.
Dans un dépôt complémentaire non sollicité, le Défendeur a mis en avant la décision de l’AFNIC concernant le nom de domaine <europarebriseplus.fr>, dans laquelle l’AFNIC a rejeté la demande de transfert du nom de domaine au Requérant.
6.1. Question de procédure: admissibilité des pièces supplémentaires
La Commission administrative note que les deux parties ont présenté des documents supplémentaires non sollicités. Le paragraphe 10 des Règles d’application confère à la Commission administrative le pouvoir de déterminer l’admissibilité, la pertinence, l’importance relative et le poids de la preuve présentée, avec l’obligation de veiller à ce que la procédure se déroule avec diligence.
Les pièces supplémentaires contiennent des documents concernant des événements survenus après le dépôt de la plainte, c’est-à-dire des documents qui n’étaient pas raisonnablement accessibles aux parties au moment du dépôt de la plainte ou de la réponse. Par conséquent, afin de fournir un compte rendu complet et exact du présent litige entre les parties, la Commission administrative a décidé d’admettre les pièces supplémentaires.
6.2. Sur le fond
En vertu du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, le Requérant est tenu de démontrer que les trois conditions suivantes sont réunies:
(i) le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion avec une marque de produits ou de services sur laquelle le Requérant a des droits;
(ii) le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache; et
(iii) le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le Paragraphe 15(a) des Règles d’application prévoit qu’une commission administrative devra décider d’une plainte en se basant sur les déclarations et les documents présentés par les parties et conformément aux Principes directeurs, aux Règles d’application, et à toute règle et principe juridique réputés applicables, tandis que le paragraphe 15(e) des Règles d’application prévoit que si la commission administrative estime que le litige n’entre pas dans la portée du paragraphe 4(a) des Principes directeurs, elle devra l’indiquer ainsi.
La Commission administrative estime que le Requérant est titulaire de droits sur la marque O € PARE BRISE + (et dessin) en raison de l’enregistrement et l’usage de la marque, dont les détails sont fournis dans la section sur les faits ci-dessus. En ce qui concerne les revendications du Requérant pour EUROPAREBRISEPLUS.COM, la Commission administrative note que la demande d’enregistrement de cette marque est encore en cours. Des commissions administratives précédentes ont soutenu qu’une marque en attente d’enregistrement ne pouvait pas en elle-même permettre l’établissement de droits de marques, au sens du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, (“Synthèse OMPI 3.0”), section 1.1.4. En conséquence, les conclusions de la Commission administrative ne feront référence qu’à la marque enregistrée O € PARE BRISE + (et dessin) du Requérant.
La composante textuelle de la marque du Requérant O € PARE BRISE + (et dessin) est constituée du symbole de l’Euro, du terme “pare-brise” et d’un signe plus. Notant que ni le symbole de l’Euro ni celui d’un signe plus ne peuvent pas être représentes en eux-mêmes dans un nom de domaine, le nom de domaine litigieux reproduit effectivement tous les éléments individuels séparé comprenant la marque du Requérant en remplaçant le symbole “€” par le terme “euro” et le signe “+” par le terme “plus”. La Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec la marque du Requérant, voir Synthèse OMPI 3.0, section 1.7.
Le Requérant a satisfait les conditions exigées par le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs.
Tel que précisé dans Synthèse OMPI 3.0, section 2.11, les commissions administratives ont eu tendance à évaluer les droits ou les intérêts légitimes du défendeur avec une vision des circonstances qui prévalaient au moment du dépôt de la plainte.
La Commission administrative note que le nom de domaine litigieux redirige vers “www.europarebriseplus.fr” un site Internet intitulé:
“Europ à REBRISE PLUS
ERP vous garantie pendant 20 ans notre travail
Prévoir l’engorgement des canalisations de calcaire et de chlore à long terme […]”
Il n’y figure aucune information concernant les coordonnées du propriétaire du site Internet. Par ailleurs, le nom de domaine <europarebriseplus.fr> a également fait l’objet d’un litige entre les parties devant l’AFNIC et fait désormais l’objet d’une action devant le tribunal de grande instance de Nancy. La Commission administrative note aussi qu’une recherche sur Google pour les termes “europ à rebrise plus” ne renvoie à aucun résultat autre que ceux qui font référence au nom de domaine <europarebriseplus.fr>. La Commission administrative estime donc qu’il est plus que probable qu’il n’existe pas une telle entreprise, et que le site Internet rattaché au nom de domaine <europarebriseplus.fr> est une tentative du Défendeur d’éluder sa responsabilité en ce qui concerne sa propriété du nom de domaine litigieux2 . Dans tous les cas, malgré les affirmations du Défendeur qu’il a transféré le nom de domaine litigieux à un tiers, l’Unité d’enregistrement a confirmé que le nom de domaine litigieux était enregistré sous le nom du Défendeur. En conséquence, la Commission administrative considère que l’utilisation actuelle du nom de domaine litigieux par le Défendeur ne constitue pas une utilisation de bonne foi dans le cadre d’une offre de biens ou de services tel que prévue par le paragraphe 4(c)(i) des Principes directeurs.
Cela pose la question de savoir si le Défendeur peut raisonnablement être considéré comme généralement connu par le nom de domaine litigieux tel que compris dans le paragraphe 4(c)(ii) des Principes directeurs. Le Défendeur a démontré qu’il a enregistré une entreprise, “ACS Pare-brise” et a commencé à exercer avec ce nom commercial dès janvier 2018. Au même moment, le Défendeur a dûment procédé à l’enregistrement des marques €PARE-BRISE et EUROPAREBRISE. Bien que la demande d’enregistrement pour la marque €PARE-BRISE a fait l’objet d’une opposition formulée par le Requérant, l’INPI a déterminé que la marque du Défendeur pouvait être enregistrée. Ce n’est pas le rôle de la Commission administrative de porter un jugement sur la validité de la marque du Défendeur. En même temps, la Commission administrative estime que toute réclamation de droit ou d’intérêt légitime dans un nom de domaine basé sur le fait que le défendeur est à la tête d’une entreprise sous le même nom, devrait en principe être appuyée par une utilisation simultanée d’un tel nom de domaine dans le cadre de l’activité du défendeur. Dans le litige en cours, le Défendeur prétend avoir transféré la propriété (ou à tout le moins le contrôle) du nom de domaine litigieux à une société tierce (dont la Commission administrative doute fortement de l’existence) pour l’utilisation de celui-ci sans lien avec les activités précédentes. En effet, le Défendeur a rejeté la propriété du nom de domaine litigieux. Dès lors, la Commission administrative ne considère pas que les faits du présent litige permettent d’établir que le Défendeur est généralement connu par le nom de domaine litigieux.
Nonobstant ce qui précède, la Commission administrative note que le nom de domaine litigieux a été enregistré dans le cadre d’une relation commerciale entre les parties qui a par la suite évoluée en litige. Comme noté dans la section ci-après, il apparait que la nature du litige entre les parties dépasse largement le cadre du nom de domaine lui-même, et le champ d’application des Principes directeurs. Prenant note des éléments dans la section ci-après, la Commission administrative a considéré qu’il n’était pas nécessaire d’arriver à une conclusion en vertu du deuxième élément des Principes directeurs.
Selon le Requérant, la société du Défendeur, A Plus Services, a été engagée par le Requérant pour enregistrer le nom de domaine litigieux (ainsi que d’autres noms de domaine) et pour développer le site Internet du Requérant. Le Requérant prétend que le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux en son nom propre et s’est présenté comme un agent du Requérant, sans l’autorisation de le faire. À l’inverse, dans ses communications informelles, le Défendeur a toujours affirmé qu’il était titulaire du nom de domaine litigieux en son nom propre et qu’il a développé l’activité ainsi que son concept par lui-même.
Des captures d’écran du site Internet rattaché au nom de domaine litigieux disponibles sur « http://archive.org » indiquent que pour un temps en 2018, le nom de domaine litigieux renvoyait vers un site faisant la promotion de l’activité du Requérant, ce qui correspond à la chronologie mise en avant par le Requérant que la société du Défendeur a été engagée par le Requérant pour faire enregistrer ses noms de domaine et créer son site Internet. La nature précise de ces arrangements commerciaux entre le Requérant et le Défendeur reste cependant obscure. Aucune des parties n’a mis à disposition des éléments de preuves d’un quelconque accord commercial justifiant que la société du Défendeur fournisse des services au Requérant, et le Défendeur n’a pas rapporté de preuves justifiant sa demande de 36 674 EUR prétendument dus par le Requérant au sous-traitant du Défendeur, Octopus.
La connaissance du Défendeur quant au concept et l’activité du Requérant ne peut être ignorée, cependant, le Défendeur a également rapporté la preuve de l’utilisation du nom “Euro Pare-Brise” dans le cadre d’un usage de bonne foi d’une offre de biens ou de services en compétition directe avec les activités commerciales du Requérant. Notamment, le Défendeur a produit des éléments de preuves concernant la création de l’entreprise et des factures réelles de son activité antérieure à la date d’incorporation de la société du Requérant ainsi qu’à l’enregistrement des marques O € PARE BRISE + (et dessin).
La Commission administrative note que le litige existant entre les parties relève d’un litige contractuel concernant les sommes dues au sous-traitant du Défendeur, et que les deux parties se sont engagées dans des procédures d’oppositions de marques l’une contre l’autre. La Commission administrative soulève que le Requérant a engagé une procédure judiciaire contre le Défendeur en rapport avec le nom de domaine <europarebriseplus.fr> et que cette procédure est toujours en cours. Face à ce contexte, les preuves du Défendeur laissent suggérer que le Défendeur a dans les faits créé une véritable société en utilisant ses marques EUROPAREBRISE et €PARE-BRISE dûment enregistrées.
Tel que noté dans le Rapport final du Premier Processus de l'OMPI sur les noms de domaine de l'Internet du 30 Avril 1999, la procédure mise en place par les Principes directeurs a pour but de fournir un moyen rapide et économique afin de résoudre des cas évidents d’enregistrement abusifs de noms de domaine. La Commission administrative conclut que le présent litige porte sur des conflits commerciaux, contractuels, et de marques qui vont bien au-delà de la portée des Principes directeurs, et que le litige entre les parties ne prendra pas fin avec le transfert du nom de domaine litigieux au Requérant. La Commission administrative considère que le litige ayant lieu entre les parties sera mieux traité devant un tribunal compétent qui serait mieux adapté pour déterminer le présent litige. La Commission administrative refuse donc de se prononcer sur le fond du troisième élément.
Pour les raisons qui précèdent, la Commission administrative conclut que le présent litige n’est pas tranché de façon appropriée dans le cadre des Principes directeurs et la plainte est donc rejetée. Les conclusions de la Commission administrative dans la présente instance sont sans préjudice de l’issue de tout contentieux futur entre les parties.
Pour les raisons exposées ci-dessus, la Commission administrative rejette la plainte.
Jane Seager
Expert Unique
Le 27 novembre 2019
1 Tel que mentionné dans la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition, (“Synthèse OMPI 3.0”), section 4.8, il a été admis qu'une commission administrative puisse effectuer des recherches factuelles limitées sur des questions relevant du domaine public, si elle considère que ces informations sont utiles pour évaluer le fond du litige et pour prendre une décision.
2 Ibid.