Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Sereniteo Investissement contre WhoisGuard Protected, WhoisGuard, Inc. / Lamis Cedric, Sereniteo

Litige No. D2020-0206

1. Les parties

Le Requérant est Sereniteo Investissement, France, représenté par Cabinet D.A., France.

Le Défendeur est WhoisGuard Protected, WhoisGuard, Inc., Panama / Lamis Cedric, Sereniteo, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le nom de domaine litigieux <clients-sereniteo.com> est enregistré auprès de NameCheap, Inc. (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par Sereniteo Investissement auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 27 janvier 2020. En date du 28 janvier 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le même jour, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 31 janvier 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 31 janvier 2020.

L’Unité d’enregistrement a aussi indiqué que la langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine en conflit est l’anglais. La plainte a été déposée en français. Le 31 janvier 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant, l’invitant à fournir la preuve suffisante d’un accord entre les Parties, la plainte traduite en anglais, ou une demande afin que le français soit la langue de la procédure. Le Requérant a déposé une demande afin que le français soit la langue de la procédure le 31 janvier 2020.

Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondent bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 12 février 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur en anglais et en français.

Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 3 mars 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 4 mars 2020, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.

En date du 19 mars 2020, le Centre nommait Fabrice Bircker comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

4. Les faits

Le Requérant est une société française de conseil en gestion de patrimoine active depuis 2010 et qui propose donc notamment des services d’investissements financiers et immobiliers.

Au soutien de cette procédure, le Requérant invoque des droits sur la marque française SERENITEO INVESTISSEMENT déposée le 1er avril 2010 sous le numéro 3726747, enregistrée le 3 septembre 2010 et désignant des services des classes 35, 36 et 42.

En outre, le Requérant exerce également ses activités grâce au site Internet accessible via le nom de domaine <sereniteo.fr>, lequel été réservé le 2 avril 2010.

Le nom de domaine litigieux <clients-sereniteo.com> a été réservé le 23 septembre 2019.

Il résulte du dossier que :

- le nom de domaine litigieux dirigeait initialement vers un site Web permettant de réaliser des opérations financières; et

- des emails ont été envoyés par une personne se présentant comme un gestionnaire de patrimoine proposant ses services sous le signe distinctif SERENITEO et invitant les destinataires de ses messages à se rendre sur le site Web accessible via le nom de domaine litigieux.

Au moment de la présente décision, le nom de domaine litigieux ne redirige plus vers une page active car il a été désactivé après que le Requérant ait adressé une réclamation en ce sens à l’Unité d’enregistrement.

5. Argumentation des parties

A. Requérant

Avant toute demande au fond, le Requérant sollicite que la présente procédure soit conduite en français (notamment parce que le nom de domaine litigieux dirigeait vers un site rédigé en français, parce que les emails invitant leurs destinataires à se rendre sur le site accessible via le nom de domaine litigieux sont eux aussi rédigés en français et parce que selon les informations communiquées par l’Unité d’enregistrement le Défendeur apparait domicilié en France).

Identité ou similitude prêtant à confusion :

Le Requérant fait notamment valoir que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec la marque qu’il invoque car tous deux partagent le même élément distinctif et dominant, à savoir le terme SERENITEO.

Absence de droit ou d’intérêt légitime :

Le Requérant soutient notamment qu’il n’a jamais donné de licence ou d’autorisation de quelque nature que ce soit au Défendeur de faire un usage quelconque de sa marque SERENITEO INVESTISSEMENT.

Le Requérant fait également valoir qu’il n’existe pas d’autre professionnel du secteur financier et en particulier du secteur de l’investissement en Société Civile en Placement Immobilier (“SCPI”) qui utilise un signe distinctif identique ou similaire à SERENITEO.

Le Requérant rajoute qu’il bénéficie d’une certaine ancienneté dans le métier dans la mesure où sa marque et ses noms de domaine sont exploités depuis au moins 2010 en France.

Le Requérant se prévaut également de la notoriété de ses droits.

Le Requérant fait également remarquer que l’activité de conseil en investissement et en placements financiers est une activité règlementée en France et que pour pouvoir l’exercer il faut disposer d’un agrément officiel (numéro Orias ”Organisme pour le registre unique des intermédiaires en assurance, banque et finance”). Or, le site internet accessible via le nom de domaine litigieux ne fait pas mention d’un tel agrément.

Le Requérant soutient également que le défendeur n’est pas connu sous le nom de domaine litigieux ni sous aucun nom identique ou similaire à sa marque.

Le Requérant avance également que le Défendeur n’utilise pas le nom de domaine litigieux en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, et qu’il n’en fait pas un usage loyal dans la mesure où il démarche les clients du Requérant en se faisant passer pour lui.

Enregistrement et usage de mauvaise foi :

Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est exploité dans le but de détourner sa clientèle.

A cet égard, il soutient qu’il existe un risque de confusion entre le nom de domaine litigieux et sa marque antérieure et que ce risque est d’autant plus important que le Requérant est très présent sur Internet de par les nombreuses publicités qu’il lance dans le secteur financier.

Le Requérant argue également que le Défendeur joue sur cette confusion en n’affichant sur le site Internet accessible via le nom de domaine litigieux aucune mention permettant de l’identifier.

Le Requérant avance également que la mauvaise foi du Défendeur est évidente dans la mesure où il a adressé un email (et donc potentiellement des milliers d’autres) de démarchage en se présentant comme la société SERENITEO INVESTISSEMENT et en invitant les prospects à s’inscrire sur le site Web accessible par le nom de domaine litigieux et à y verser des fonds.

Le Requérant estime que les agissements du Défendeur sont constitutifs d’escroquerie, d’usurpation d’identité et d’abus de confiance.

Le Requérant fait également valoir que le Défendeur a renseigné la base de données WhoIs de manière fantaisiste.

En définitive, le Requérant estime qu’en utilisant le nom de domaine litigieux, le Défendeur a sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les internautes sur un site Web lui appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du Requérant en ce qui concerne l’affiliation du site du Défendeur.

B. Défendeur

Le Défendeur n’a pas répondu aux arguments du Requérant.

6. Discussion et conclusions

6.1 Sur la langue de la procédure

Selon le paragraphe 11(a) des Règles d’application, “sauf convention contraire entre les parties ou stipulation contraire du contrat d’enregistrement, la langue de la procédure est la langue du contrat d’enregistrement; toutefois, la commission administrative peut décider qu’il en sera autrement, compte tenu des circonstances de la procédure administrative”.

Les commissions administratives ont ainsi la possibilité d’opter pour une langue de procédure autre que celle définie par le paragraphe 11 des Règles d’application si cela leur paraît approprié, et pour autant qu’elles s’assurent que les deux parties soient traitées sur un même pied d’égalité et qu’il soit donné à chacune une possibilité équitable de présenter son argumentation (voir la Synthèse des avis des commissions administratives de l’OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, troisième édition «Synthèse, version 3.0», section 4.5).

En l’espèce, la Commission administrative relève que la procédure devrait en principe être conduite en anglais, langue du contrat d’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Toutefois, le Requérant sollicite que le français soit la langue de la procédure notamment aux motifs que :

- le site Internet vers lequel le nom de domaine litigieux redirigeait était en français,
- il verse à la procédure un email envoyé par un tiers à la présente procédure mais invitant son destinataire à se rendre sur le site Internet accessible via le nom de domaine litigieux, et lui aussi rédigé en français,
- au vu des informations communiquées par l’Unité d’enregistrement, le Défendeur a renseigné la base de données WhoIs en indiquant être domicilié en France.

Au vu de ces éléments et du fait qu’à aucun moment le Défendeur n’a contesté le choix du français comme langue de la procédure, alors qu’il a eu l’opportunité de le faire, la Commission administrative conclut qu’il est plus que probable que le Défendeur maîtrise la langue française.

Il serait donc inéquitable et contreproductif d’obliger le Requérant à traduire la plainte en anglais.

En conséquence, la Commission administrative accepte la requête du Requérant visant à ce que le français soit la langue de la procédure.

6.2 Sur le fond

Selon le paragraphe 4(a) des Principes directeurs, afin d’obtenir le transfert ou la suppression du nom de domaine litigieux, les requérants doivent apporter la preuve de chacun des trois éléments suivants :

(i) Le nom de domaine litigieux est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle les Requérants ont des droits;

(ii) Le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache;

(iii) Le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.

Par ailleurs, le paragraphe 10(b) des Règles d’application dispose quant à lui que “Dans tous les cas, la commission doit veiller à ce que les parties soient traitées de façon équitable et que chaque partie bénéficie de la même juste chance de présenter son cas”.

En outre, le paragraphe 15(a) des Règles d’application dispose que« La commission statue sur la plainte au vu des écritures et des pièces qui lui ont été soumises et conformément aux Principes directeurs, aux présentes Règles et à tout principe ou règle de droit qu’elle juge applicables”.

La Commission administrative examinera ci-après la position des parties au regard des trois points du paragraphe 4(a) des Principes directeurs.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Aux termes du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs, le Requérant doit d’abord établir ses droits sur la marque invoquée, et ensuite démontrer que le nom de domaine litigieux leur est identique ou semblable au point de prêter à confusion.

En l’espèce, le Requérant fonde son action sur la marque française SERENITEO INVESTISSEMENT déposée le 1er avril 2010 sous le numéro 3726747, enregistrée le 3 septembre 2010 et désignant des services des classes 35, 36 et 42.

Dès lors que cette marque a été déposée par Grégorie Moulinier, Agissant pour le compte de la société “Sereniteo Investissement” en cours de formation” et qu’il n’est pas fait état de la preuve de l’inscription au Registre National des Marques de la reprise de ce dépôt par la société Sereniteo Investissement une fois celle-ci constituée, l’on pourrait s’interroger sur l’opposabilité aux tiers des droits du Requérant sur la marque qu’il invoque.

Toutefois, le paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs requiert uniquement que le Requérant se prévale d’une marque sur laquelle il “a des droits” sans exiger d’autres conditions, ce qui implique de l’avis de cette Commission administrative qu’il peut être possible de faire preuve d’une certaine souplesse dans l’appréciation de cet élément.

D’ailleurs, il est constant que, dans le cadre d’une procédure UDRP, le Requérant n’est pas nécessairement le propriétaire de la marque invoquée (voir par exemple «Synthèse, version 3.0», section 1.4), et en l’espèce, M. Moulinier s’avère être le gérant du Requérant.

De plus, dans les mêmes circonstances que celles de la présente procédure (mêmes parties, même marque invoquée), une précédente commission administrative a déjà considéré que le Requérant pouvait se prévaloir de droits sur la marque invoquée (SARL Sereniteo Investissement contre WhoisGuard Protected, WhoisGuard.inc / Lamis Cedric, Sereniteo, Litige OMPI No. D2019-2562).

Dans ces circonstances et tout en tenant compte de l’absence de contestation par le Défendeur, cette Commission administrative accepte de prendre en compte la marque invoquée par le Requérant.

Il convient ensuite de comparer le signe de cette marque et le nom de domaine litigieux.

Force est de constater que le nom de domaine litigieux reproduit à l’identique l’élément distinctif et attractif de la marque invoquée par le Requérant, à savoir la dénomination “sereniteo”.

L’ajout du terme “clients” à l’élément distinctif de la marque n’empêche pas de conclure que le nom de domaine est semblable au point de prêter confusion avec la marque invoquée (section 1.8 de la Synthèse 3.0).

De plus, il est constant que la présence de l’extension de premier niveau « .com » constitue un élément technique nécessaire à l’enregistrement d’un nom de domaine, de sorte qu’elle est normalement sans incidence sur l’appréciation du risque de confusion, et qu’elle peut donc être ignorée pour examiner la similarité entre la marque du Requérant et le nom de domaine litigieux (par exemple voir Telstra Corporation Limited c. Nuclear Marshmallows, Litige OMPI No. D2000-0003ouSynthèse, version 3.0, section 1.11).

En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est similaire au point de prêter à confusion avec la marque invoquée par le Requérant.

La première condition du paragraphe 4(a) des Principes directeurs est donc remplie.

B. Droits ou intérêts légitimes

Le paragraphe 4(c) des Principes directeurs énumère de manière non-exhaustive un certain nombre de circonstances de nature à établir les droits ou les intérêts légitimes du défendeur sur le nom de domaine :

(i) avant d’avoir eu connaissance du litige, le défendeur a utilisé le nom de domaine ou un nom correspondant au nom de domaine en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, ou fait des préparatifs sérieux à cet effet,

(ii) le défendeur (individu, entreprise ou autre organisation) est connu sous le nom de domaine considéré, même sans avoir acquis de droits sur une marque de produits ou de services, ou

(iii) le défendeur fait un usage non commercial légitime ou loyal du nom de domaine, sans intention d’en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les utilisateurs ou en ternissant l’image de la marque commerciale ou de la marque de service sur laquelle le Requérant a des droits.

En l’espèce, la Commission administrative relève que le Requérant n’a manifestement pas autorisé le Défendeur à demander l’enregistrement du nom de domaine litigieux.

Par ailleurs, jusqu’à ce que le Requérant intervienne auprès de l’Unité d’enregistrement, le nom de domaine litigieux était exploité.

Ainsi, le Requérant produit un email envoyé par un tiers se présentant comme agissant pour le compte d’une entité dénommée SERENITEO et invitant son destinataire (vraisemblablement un client du Requérant) à se rendre sur le site Internet accessible via le nom de domaine litigieux et sur lequel il était visiblement possible de réaliser des opérations financières (y compris déposer des fonds).

A l’évidence, un tel usage du nom de domaine litigieux est indéniablement susceptible d’engendrer un risque de confusion au préjudice du Requérant.

En outre, le nom de domaine litigieux était exploité en lien avec une activité de gestionnaire de patrimoine, laquelle nécessite, en France, un agrément pour son exercice. Parallèlement, au vu des pièces versées par le Requérant, lesquelles ne sont pas contestées par le Défendeur, ce dernier ne disposait pas d’un tel agrément. Or, l’exercice d’une activité sans en respecter la réglementation constitue nécessairement un agissement déloyal, illégitime et fautif.

En conséquence, force est de constater que le nom de domaine litigieux ne saurait être considéré comme ayant été exploité en relation avec une offre de bonne foi de produits ou de services, et sans intention d’en tirer des profits commerciaux en détournant de façon trompeuse les internautes, bien au contraire même.

Reste le fait que le Défendeur a renseigné la base de données WhoIs en indiquant agir pour le compte d’une entité dénommée Sereniteo.

Compte tenu des agissements décrits ci-dessus, du fait que le Requérant affirme de manière non-contredite être le seul professionnel du secteur financier identifié sous le signe distinctif SERENITEO, et en l’absence d’explications du Défendeur, cette circonstance ne saurait être considérée par la Commission administrative comme conférant au Défendeur un quelconque intérêt légitime sur le nom de domaine au motif qu’il serait connu sous le nom de domaine litigieux.

Au contraire, la Commission administrative est d’avis que le fait de renseigner la base de données WhoIs de la sorte participe à la recherche active d’un risque de confusion vis-à-vis du Requérant.

Enfin, le Défendeur n’a présenté aucun argument permettant de justifier ses agissements.

Dans ces circonstances, la Commission administrative considère que le Défendeur ne dispose ni de droits, ni d’un intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux au sens des dispositions des paragraphes 4(c)(i) et 4(c)(iii) des Principes directeurs.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Aux termes du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs, le Requérant doit démontrer que le nom de domaine litigieux a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi par le Défendeur.

La Commission administrative relève que:

- la marque invoquée par le Requérant est antérieure de près de 10 ans au nom de domaine litigieux et bénéficie au surplus, au vu des pièces versées, d’une connaissance sur le marché,

- le Défendeur a réservé le nom de domaine litigieux en s’identifiant dans la base de données WhoIs en utilisant l’élément distinctif de la marque du Requérant et en communiquant des coordonnées apparemment fantaisistes,

- l’email produit par le Requérant et aux termes duquel son destinataire était invité à se rendre sur le site Web accessible via le nom de domaine litigieux, contient un lien vers un profil LinkedIn que la Commission administrative a consulté dans l’exercice de sa capacité à réaliser certaines recherches indépendantes et impartiales (voir en ce sens Synthèse, version 3.0, section 4.8). Il s’avère que parmi les centres d’intérêt mentionnés sur ce profil figure le Requérant,

- au vu des pièces produites par le Requérant, lesquelles ne sont pas contestées par le Défendeur, ce dernier a visiblement cherché à engendrer un risque de confusion vis-à-vis du Requérant afin de conduire les internautes (vraisemblablement des clients du Requérant) à se rendre sur le site Web accessible via le nom de domaine litigieux pour y réaliser des opérations financières, y compris pour y verser des fonds (ce site contenant une rubrique dénommée “Déposer des fonds”),

- le site Internet accessible via le nom de domaine litigieux ne respecte selon toute apparence pas la réglementation applicable en matière de services financiers dans la mesure où, au vu des pièces versées par le Requérant et qui ne sont pas contestées, il n’apparaît pas autorisé par l’Orias,

- le Défendeur a déjà été impliqué dans au moins une autre procédure UDRP ayant concerné un nom de domaine similaire au nom de domaine litigieux, exploité dans des conditions comparables et ayant abouti à son transfert au profit du Requérant (SARL Sereniteo Investissement contre WhoisGuard Protected, WhoisGuard.inc / Lamis Cedric, Sereniteo, Litige OMPI No. D2019-2562).

Dans ces conditions, la Commission administrative ne peut que constater que les agissements du Défendeur révèlent qu’il a réservé le nom de domaine litigieux en parfaite connaissance des droits du Requérant et qu’il l’a sciemment exploité illégitimement, en cherchant à détourner des sommes qui auraient dues être versées au Requérant.

Pareils agissements relèvent parfaitement des dispositions du paragraphe 4(b)(iv) des Principes directeur, à savoir : “en utilisant [le] nom de domaine [litigieux], [le Défendeur a] sciemment tenté d’attirer, à des fins lucratives, les utilisateurs de l’Internet sur un site Web ou autre espace en ligne [lui] appartenant, en créant une probabilité de confusion avec la marque du requérant en ce qui concerne la source, le commanditaire, l’affiliation ou l’approbation [du] site ou espace Web [du Défendeur] (…)”.

En conclusion, la Commission administrative estime que la condition d’enregistrement et d’usage de mauvaise foi du nom de domaine litigieux est remplie.

7. Décision

Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <clients-sereniteo.com> soit transféré au Requérant.

Fabrice Bircker
Expert Unique
Le 30 mars 2020