Le Requérant est ORPEA, France, représenté par TRIPTYQUE Avocats, France.
Le Défendeur est Nom Anonymisé1 , France.
Le nom de domaine litigieux <orpeagroupe.com> est enregistré auprès de 1&1 IONOS SE (ci-après désigné “l’Unité d’enregistrement”).
Une plainte a été déposée par ORPEA auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 18 novembre 2020. En date du 18 novembre 2020, le Centre a adressé une requête à l’Unité d’enregistrement aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 19 novembre 2020, l’Unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre révélant l’identité du titulaire du nom de domaine litigieux et ses coordonnées, différentes du nom du Défendeur et des coordonnées désignés dans la plainte. Le 20 novembre 2020, le Centre a envoyé un courrier électronique au Requérant avec les données relatives au titulaire du nom de domaine litigieux telles que communiquées par l’Unité d’enregistrement et invitant le Requérant à soumettre un amendement à la plainte. Le Requérant a déposé une plainte amendée le 23 novembre 2020.
Le Centre a vérifié que la plainte et la plainte amendée répondaient bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les “Règles supplémentaires”) pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2 et 4 des Règles d’application, le 30 novembre 2020, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au Défendeur. Le 6 décembre 2020, le Centre a reçu un courrier électronique de “Nom Anonymisé” confirmant avoir reçu l’avis de notification par écrit et indiquant qu’il ne connaissait pas le Requérant ni les adresses indiquées et qu’il ne comprenait pas les faits reprochés. Conformément au paragraphe 5 des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 20 décembre 2020. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse formelle. En date du 21 décembre 2020, le Centre a informé les parties qu’il allait procéder à la nomination de la Commission administrative.
En date du 5 janvier 2021, le Centre nommait Michel Vivant comme expert dans le présent litige. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est Orpéa, société anonyme, dont le siège social est situé en France, à Puteaux. Il a pour objet la prise en charge des situations de dépendance à travers un réseau de structures spécialisées. Il est titulaire de plusieurs marques ORPEA ou intégrant le terme “orpea”, telle qu’une marque de l’Union européenne n° 10337558, déposée le 13 octobre 2011 et enregistrée le 3 septembre 2012 ou une marque française n° 4199520, déposée et enregistrée le 27 juillet 2015, ou encore une autre marque française ORPEA GROUP n° 4639991, déposée et enregistrée le 17 avril 2020.
Le Requérant détient également plusieurs noms de domaine.
Le Défendeur, Nom Anonymisé, a enregistré le nom de domaine litigieux <orpeagroupe.com> le 4 août 2020.
Le Requérant fait valoir que le nom de domaine litigieux <orpeagroupe.com> reprend les marques antérieures ORPEA, ”accompagnées du terme non distinctif “groupe”“, et reprend quasiment à l’identique la marque antérieure ORPEA GROUP, la seule différence résidant ici dans l’adjonction de la lettre ”e”. Aussi, dit-il, il existe un risque de confusion avec les droits antérieurs qu’il détient.
Le Requérant fait encore valoir que le Défendeur n’a pas de droits ou intérêts légitimes à faire valoir, comme ne détenant aucune marque ORPEA, comme n’ayant reçu aucune autorisation du Requérant, comme enfin utilisant “des adresses emails liées au nom de domaine litigieux de manière frauduleuse”, le site associé au nom de domaine litigieux étant par ailleurs inactif.
Enfin, le Requérant fait observer que le nom de domaine litigieux fait l’objet d’une simple détention passive qui, “si elle s’accompagne d’autres circonstances, peut être considérée comme une démonstration de la mauvaise foi”. Il ajoute que le Défendeur a utilisé l’adresse email “[…]@orpeagroupe.com” composée du nom de domaine litigieux et ce pour proposer de fausses offres sous le nom d’Orpéa qui l’ont conduit à “porter plainte contre X pour usurpation d’identité, faux en écriture privée et contrefaçon de sa marque”. Ainsi, pour le Requérant, le Défendeur a enregistré et utilisé le nom de domaine litigieux de mauvaise foi.
Le Défendeur n’a pas répondu formellement aux arguments du Requérant, se bornant à indiquer au Centre qu’il ne connaissait pas ORPEA ni “les adresses mails” mentionnées.
Comme il a été indiqué plus haut, le Requérant est titulaire de plusieurs marques ORPEA ou intégrant le terme “Orpea”, dont une marque française ORPEA GROUP.
Le nom de domaine litigieux <orpeagroupe.com> reprend donc dans son entièreté les marques ORPEA du Requérant, ce qui a toujours été considéré par les commissions administratives de l’OMPI comme la manifestation forte d’une pratique de cybersquatting. Par ailleurs, il est le décalque manifeste de la marque ORPEA GROUP puisqu’il se borne à ajouter une lettre à celle-ci de telle sorte que le risque de confusion est évident.
En conséquence, la Commission administrative considère que le nom de domaine litigieux est semblable aux marques du Requérant au point de prêter à confusion, au sens du paragraphe 4(a)(i) des principes directeurs.
Le Défendeur n’a aucun lien avec le Requérant qui ne l’a pas autorisé à faire usage de ses marques. Qui plus est, comme le note le Requérant, le Défendeur utilise des adresses mails intégrant le nom de domaine litigieux et ce, selon toute apparence, de manière frauduleuse, ce qui, à l’évidence, ne relève pas d’intérêts légitimes.
La Commission administrative observe en outre que, si le Défendeur avait effectivement des droits ou intérêts légitimes à faire valoir, il aurait été bien simple pour lui de ne pas faire défaut et de produire ses arguments.
Aussi la Commission administrative considère-t-elle que le Défendeur n’a aucun droit sur les noms de domaine litigieux ni aucun intérêt légitime qui s’y attache au sens du paragraphe 4(a)(ii) des Principes directeurs.
L’enregistrement d’un nom de domaine litigieux reprenant une marque de pure fantaisie avec laquelle le Défendeur n’a aucun lien, ne peut être que considérée comme faite de mauvaise foi.
L’observation vaut d’autant plus que le nom de domaine litigieux fait l’objet d’une simple détention passive (“passive holding”) dont on sait qu’elle est condamnée par les commissions administratives UDRP.
Bien plus, il semble bien, selon les pièces fournies par le Requérant, que le Défendeur a utilisé une adresse mail “[…]@orpeagroupe.com” incluant le nom de domaine litigieux, pour proposer de fausses offres présentées comme émanant d’ORPEA et faussement signées de pseudo-cadres d’Orpéa qui s’avèrent ne pas exister.
Il est donc clair, pour la Commission administrative, que l’enregistrement et l’usage du nom de domaine litigieux ont été faits de mauvaise foi au sens du paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Pour les raisons exposées ci-dessus, et conformément aux paragraphes 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la Commission administrative ordonne que le nom de domaine litigieux <orpeagroupe.com> soit transféré au Requérant.
Michel Vivant
Expert Unique
Le 19 janvier 2021
1 Est attachée à la présente décision, comme Annexe 1, l’instruction de la Commission administrative donnée à l’Unité d’enregistrement en ce qui concerne le transfert du nom de domaine litigieux, incluant le nom du Défendeur. La Commission administrative a déterminé que le nom de domaine litigieux a été enregistré par un tiers qui a usurpé l’identité d’un tiers. La Commission administrative a autorisé le Centre à transmettre l’Annexe 1 à l’Unité d’enregistrement comme faisant partie du dispositif dans la présente procédure mais a indiqué que l’Annexe 1 de la décision ne doit pas être publiée dû aux circonstances du litige.