Le Requérant est le Groupe Auchan, Croix, France, représenté par Dreyfus & associés, France.
Le Défendeur est Tryox, Meylan, France.
Le litige concerne le nom de domaine <myauchan.com>.
L'unité d'enregistrement auprès de laquelle le nom de domaine est enregistré est NORDNET.
Une plainte a été déposée par Groupe Auchan auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le "Centre") en date du 14 mars 2011.
En date du 14 mars 2011, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, NORDNET, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par le Requérant. Le 14 mars 2011, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.
Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés "Principes directeurs"), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les "Règles d’application"), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI (ci-après dénommées les "Règles supplémentaires") pour l’application des Principes directeurs précités.
Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 21 mars 2011, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative, a été adressée au défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 10 mars 2011. Le Défendeur n’a fait parvenir aucune réponse. En date du 11 avril 2011, le Centre notifiait le défaut du Défendeur.
En date du 18 avril 2011, le Centre nommait dans le présent litige comme expert-unique André R. Bertrand. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.
Le Requérant est le Groupe Auchan, qui est incontestablement un des leaders mondiaux de l’industrie alimentaire et de la grande distribution.
Le mot “auchan” est non seulement depuis 1961 l’enseigne des magasins et des nombreux hyper-marchés de ce Groupe, mais, depuis il a également été déposé à titre de marques.
Dans le cas de la présente procédure le Requérant revendique le bénéfice de près d’une dizaine de marques AUCHAN. Parmi celles-ci nous citerons notamment :
la marque internationale AUCHAN, n°407814 déposée à l’origine le 22 avril 1974 dans les classes 1 à 42 et régulièrement renouvelée depuis;
la marque française AUCHAN, n°1258515 déposée à l’origine le 25 janvier 1984 dans les classes 1 à 42 et régulièrement renouvelée depuis;
la marque française AUCHAN, n°11381268 déposée à l’origine le 24 novembre 1986 dans les classes 1 à 45 et régulièrement renouvelée depuis;
la marque communautaire AUCHAN, n°1283101 déposée à l’origine le 24 novembre 1986 dans les classes 1 à 45 et régulièrement renouvelée depuis;
la marque française MY AUCHAN, n°3726645 déposée le 7 mai 2010 dans les classes 9, 16, 35 et 38.
Le Défendeur a réservé le nom de domaine <myauchan.com> le 30 mars 2000.
Le Défendeur n’a pas véritablement exploité le nom de domaine <myauchan.com> : à cette adresse il est simplement indiqué que “cette adresse a été réservée par la société Tryox, Meylan, France”.
Selon le Requérant, le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion aux marques du Requérant, le Défendeur n’a aucun droit sur le nom de domaine, et le Défendeur a enregistré le nom de domaine <myauchan.com> de mauvaise foi conformément au paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.
Il n’a pas semblé utile au Défendeur de répondre aux mises en demeure du Requérant ou de présenter ses arguments en réponse, en utilisant notamment le formulaire type, mis à sa disposition sur le site de l’OMPI.
En vertu du paragraphe 4.a) des Principes directeurs, la procédure administrative n'est applicable qu'en ce qui concerne un litige relatif à une accusation d'enregistrement abusif d'un nom de domaine sur la base des critères suivants:
le nom de domaine enregistré par le détenteur est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle le requérant (la personne physique ou morale qui dépose la plainte) a des droits; et
le détenteur du nom de domaine n'a aucun droit sur le nom de domaine ni aucun intérêt légitime qui s'y attache; et
le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi.
Le litige concerne le nom de domaine <myauchan.com>.
Dans la mesure où le ".com" n’est pas appropriable, ce nom de domaine se compose des mots "my" et "auchan".
La marque AUCHAN du Requérant est une marque suggestive ou allusive, donc faiblement distinctive, mais il s’agit d’une marque relativement arbitraire, dont le caractère distinctif intrinsèque est incontestable.
La distinctivité intrinsèque de la marque AUCHAN est accentuée par sa notoriété incontestable, qui découle de durée de son usage (près de 50 ans), du nombre de ses hypermarchés (environ 2000 dans plus de 12 pays) et surtout du nombre de ses clients établis par son chiffre d’affaires de 38,3 milliards d’euros en 2009. Il s’agit incontestablement d’une marque connue d’une large fraction des consommateurs, qui constituent son “public pertinent”.
Par ailleurs, le Requérant est également propriétaire de la marque française MY AUCHAN, n° 3726645 déposée le 7 mai 2010 dans les classes 9, 16, 35 et 38, donc déposée il est vrai, après l’enregistrement du nom de domaine objet du présent litige.
En conséquence, le nom de domaine <myauchan.com>, enregistré par le Défendeur est identique ou semblable au point de prêter à confusion à l’enseigne et aux marques sur lesquelles le Requérant a des droits.
Le Défendeur n’ayant pas répondu aux mises en demeure qui lui ont été adressées, et n’ayant pas jugé utile de présenter une réponse pour exposer des arguments de manière à justifier des droits ou intérêts légitimes sur le nom de domaine <myauchan.com>, la Commission administrative se doit d’analyser les éléments du dossier en sa possession.
Dès lors que le Requérant est depuis près de 50 ans titulaire de droits sur la dénomination sociale, l’enseigne et la marque AUCHAN, il semble peu probable que le Défendeur, qui n’est pas affilié au Groupe Auchan, puisse légitimement bénéficier de droits privatifs sur ceux-ci.
On ne peut qu’en conclure que le Défendeur n'a aucun droit sur le nom de domaine <myauchan.com> ni aucun intérêt légitime qui s'y attache.
Se pose la question de savoir si le nom de domaine objet du litige, à savoir <myauchan.com> a été enregistré ou utilisé de mauvaise foi.
A titre liminaire force est de constater qu’il n’existe pas de définition légale de la “mauvaise foi”, même si on peut en citer un certain nombre d’exemples à titres illustratifs.
Le concept de “mauvaise foi”, qui existe dans tous les systèmes juridiques, se définit essentiellement en ce qu’il est le contraire de la “bonne foi”.
Celle-ci est caractérisée par un comportement, une attitude ou par des agissements, conformes à ceux que suivrait un “bon père de famille”.
En conséquence, la “mauvaise foi”, peut également être définie comme des comportements ou des agissements :
que n’adopterait pas un bon père de famille,
qui ont lieu en connaissance de cause et
d’une manière répétée.
Dans le cas d’espèce on constate que :
- lorsque le Défendeur a enregistré le nom de domaine <myauchan.com>, objet du présent litige il ne pouvait raisonnablement, compte tenu de sa notoriété, ignorer la marque et l’enseigne AUCHAN;.
- le nom de domaine <myauchan.com> a été enregistré au nom de "Tryox", Meylan, France. Or, cette seule indication ne permet pas d’identifier précisément le Défendeur dont on ne sait s’il s’agit d’une personne physique ou morale. Mais, il résulte de la “tracking information” émis le 21 mars 2011 par la société UPS lors de la délivrance de la plainte par l’OMPI, que "Tryox", est en réalité une Sarl spécialisée dans les services et conseils informatiques sise à Echirolles;
- le Défendeur n’a jamais répondu aux mises en demeure qui lui ont été adressées et il n’a pas accepté de restituer le nom de domaine litigieux;
- il résulte également de la “tracking information” émis le 21 mars 2011 par la société UPS, que lors de la délivrance de la plainte par l’OMPI, "Tryox" a refusé d’accepter copie de ladite plainte;
- Enfin, le Défendeur n’a pas daigné répondre aux arguments du Requérant, alors qu’il existe sur le site web de l’OMPI un formulaire de réponse type que l’on peut compléter en ligne ou que l’on peut compléter après l’avoir téléchargé. Ce document contient un certain nombre de réponse types, et il permet à toute personne qui sait lire et écrire, même si elle ne dispose pas d’une culture juridique, de répondre facilement et précisément aux arguments du Requérant.
Les agissements répétés, en connaissance de cause, contraires à ceux d’un bon père de famille, du Défendeur sont établis et caractérisés.
En conséquence de ce qui précède, on peut affirmer que l’enregistrement et usage du nom de domaine <myauchan.com> a été fait de mauvaise foi.
En conclusion de ce qui précède et par application des paragraphes 4.i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, il convient d’ordonner le transfert du nom de domaine <myauchan.com> au Requérant.
André R. Bertrand
Expert Unique
Le 29 avril 2011