Centre d’arbitrage et de médiation de l’OMPI

DÉCISION DE LA COMMISSION ADMINISTRATIVE

Société Kyung Jin Corporation contre Michaël Massat, Innovacases Noreve

Litige n° D2011-1543

1. Les parties

La Requérante est la Société Kyung Jin Corporation, Seoul, République de Corée, représenté par Jones Day, France.

Le Défendeur est Michaël Massat, Innovacases Noreve, Saint-Tropez, France.

2. Nom de domaine et unité d’enregistrement

Le litige concerne le nom de domaine <zenus-europe.com> enregistré auprès de l’unité d’enregistrement Gandi SARL.

3. Rappel de la procédure

Une plainte a été déposée par la Société Kyung Jin Corporation auprès du Centre d’arbitrage et de médiation de l’Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (ci-après désigné le “Centre”) en date du 14 septembre 2011.

En date du 15 septembre 2011, le Centre a adressé une requête à l’unité d’enregistrement du nom de domaine litigieux, Gandi SARL, aux fins de vérification des éléments du litige, tels que communiqués par la Requérante. A la même date, l’unité d’enregistrement a transmis sa vérification au Centre confirmant l’ensemble des données du litige.

Le 26 septembre 2011, le Centre a envoyé à la Requérante une communication par email constatant des irrégularités dans la plainte, celle-ci n’ayant pas été signée et ne respectant pas le nombre limite de mots exigé par les paragraphes 3b)ix) des règles et 10 des règles supplémentaires de l’OMPI pour l’application des Principes directeurs (ci après dénommés “Règles supplémentaires”). La Requérante a présenté une plainte amendée et a remédié aux irrégularités le jour même.

Le Centre a vérifié que la plainte répond bien aux Principes directeurs régissant le Règlement uniforme des litiges relatifs aux noms de domaine (ci-après dénommés “Principes directeurs”), aux Règles d’application des Principes directeurs (ci-après dénommées les “Règles d’application”), et aux Règles supplémentaires de l’OMPI pour l’application des Principes directeurs précités.

Conformément aux paragraphes 2(a) et 4(a) des Règles d’application, le 27 septembre 2011, une notification de la plainte valant ouverture de la présente procédure administrative a été adressée au Défendeur. Conformément au paragraphe 5(a) des Règles d’application, le dernier délai pour faire parvenir une réponse était le 17 octobre 2011.

Le Défendeur a fait parvenir sa réponse le 27 septembre 2011, auquel il a adjoint des documents le 28 septembre 2011.

En date du 14 octobre 2011, le Centre nommait dans le présent litige comme expert unique Philippe Gilliéron. La Commission administrative constate qu’elle a été constituée conformément aux Principes directeurs et aux Règles d’application. La Commission administrative a adressé au Centre une déclaration d’acceptation et une déclaration d’impartialité et d’indépendance, conformément au paragraphe 7 des Règles d’application.

La langue de la procédure est le français.

4. Les faits

La Requérante est une société de droit coréen immatriculée sous le numéro 651124-2168311 auprès de l’Office de Seong Dong en Corée.

La Requérante est active dans la vente d’accessoires pour matériel électronique tels que des smartphones, tablettes, ordinateurs portables et autres appareils électroniques portables.

La Requérante a déposé de nombreuses marques en Corée, dont la dénomination est soit ZENUS, soit ZENUSCASE, telles que :

- Marque coréenne semi-figurative ZENUS n°4020100035617, déposée le 7 juillet 2010 en classe n° 9 selon la Classification Internationale des Produits et des Services aux Fins de l’Enregistrement des Marques (“Classe de Nice”), qui a été publiée le 11 juillet 2011;

- Marque coréenne semi-figurative ZENUS n°7020100000540, déposée le 3 septembre 2010 en Classe de Nice n° 9;

- Marque coréenne semi-figurative ZENUS n°4020100034629, déposée le 1 juillet 2010 en Classe de Nice n° 18;

- Marque coréenne semi-figurative ZENUS n°4020110038188, déposée le 14 juillet 2011 en Classe de Nice n° 18;

- Marque coréenne semi-figurative ZENUS n°4020110038180, déposée le 14 juillet 2011 en Classe de Nice n° 9;

- Marque coréenne semi-figurative ZENUSCASE n°4020110040300, déposée le 26 juillet 2011 en Classe de Nice n° 18;

- Marque coréenne semi-figurative ZENUSCASE n°4020110040299, déposée le 26 juillet 2011 en Classe de Nice 9;

- Marque verbale coréenne ZENUSCASE n°4020110040077, déposée le 25 juillet 2011 en Classe de Nice 18;

- Marque verbale coréenne ZENUSCASE n°4020110040075, déposée le 25 juillet 2011 en Classe de Nice n° 9.

Au vu des documents produits par la Requérante, aucune marque autre que la marque n°4020100035617, publiée le 11 juillet 2011, ne semble toutefois avoir été enregistrée à ce jour.

La Requérante est en outre titulaire des noms de domaine suivants :

- <zenuscase.com>, enregistré le 15 septembre 2006;

- <zenuscaseusa.com>, enregistré le 7 avril 2009;

- <zenususa.com>, enregistré le 7 avril 2009;

- <svczenus.com>, enregistré le 30 juin 2009;

- <zenuscase.co.kr>, enregistré le 20 juillet 2010;

- <with-zenus.co.kr>, enregistré le 8 avril 2011;

- <with-zenus.com>, enregistré le 8 avril 2011;

- <zenuscaseeurope.com>, enregistré le 22 juillet 2011;

- <zenuscaseeu.com>, enregistré le 22 juillet 2011;

- <zenuscasefrance.com>, enregistré le 22 juillet 2011;

- <zenuscasejapan.com>, enregistré le 22 juillet 2011;

- <zenuscasechina.com>, enregistré le 22 juillet 2011.

Le Défendeur est Monsieur Michaël Massat, gérant de la société Innovacases Noreve, domicilié en France.

La Société Innovacases Noreve distribue notamment les produits de la marque NOREVE, également active dans la vente d’accessoires pour matériel électronique tels que smartphones, tablettes, ordinateurs portables et autres appareils électroniques portables.

Les parties ont été partenaires en affaires durant de nombreuses années, le Défendeur ayant importé de nombreux articles de la Requérante qu’il revendait au travers de son site "www.noreve.com".

A la fin de l’année 2010, les parties sont entrées en pourparlers, avec pour objectif de faire du Défendeur un distributeur exclusif des produits de la Requérante pour le territoire français.

Le Défendeur a enregistré le nom de domaine litigieux <zenus-europe.com> le 24 novembre 2010 dans ce cadre, avant de procéder au dépôt des marques suivantes :

- Marque verbale française ZENUS n° 10 3 787 657, déposée le 3 décembre 2010 en Classes de Nice n° 14, 18 et 25 et enregistrée depuis le 24 décembre 2010;

- Marque verbale communautaire ZENUS n°10171627, déposée le 3 août 2011 en Classes de Nice n° 9, 14 et 18.

Par courriel du 30 novembre 2010, le Défendeur informait la Requérante du fait qu’il avait procédé à l’enregistrement du nom de domaine litigieux. A la suite de divers courriels, la Requérante faisait savoir le 9 décembre 2010 au Défendeur que “However, there is no doubt that the Zenus brand itself is Kyunglin’s unique property. As a result, Kyungjin wants to keep the ownership of the website domain. If you want to keep the ownership of the domain, we can understand, as it is a global brand strategy. But, on our side, we cannot develop everything for you in Europe and take the risk that one day, if something goes wrong, ZENUS close the access to the site to us. […]1”. Par courriel du 15 décembre 2010, le Défendeur réitérait que : “[…]. But you need to agree that we own and control the french website. […]2”. Dans un courriel du 17 décembre 2010, la Requérante écrivait: “[…]. OK we agreed. You can go ahead for making your Website in France […]3”.

Aux termes d’une lettre d’engagement du 4 avril 2011, signée par le Défendeur à l’exclusion toutefois de la Requérante, le Défendeur s’engageait néanmoins à renoncer à l’utilisation de tout nom de domaine comportant le signe ZENUS si la lettre prenait fin pour quelque raison que ce soit.

Aucun contrat de distribution n’a finalement jamais été conclu entre les parties. En été 2011, les relations se sont détériorées, suscitant l’envoi de courriels enflammés de la part du Défendeur. Le 8 août 2011, la Requérante a adressé au Défendeur par l’intermédiaire de son conseil une lettre de mise en demeure, l’invitant à cesser l’exploitation du site litigieux sur lequel des propos dénigrants étaient diffusés à l’encontre de la Requérante et de le lui transférer. Le Défendeur y a partiellement fait droit, en suspendant l’exploitation dudit site, sans toutefois le transférer à la Requérante.

Le 1er septembre 2011, la Requérante a dès lors adressé au Défendeur une nouvelle lettre de mise en demeure portant sur le litige commercial entre les parties dans son ensemble et invitant le Défendeur a signé un protocole d’accord portant tant sur le nom de domaine que sur les marques ZENUS déposées par le Défendeur et l’octroi d’un certain montant à titre de dédommagement. Sans y donner suite, le Défendeur y a répondu par courrier du 5 septembre 2011, motivant son refus au regard du cadre dans lequel s’insère le litige entre les parties et formulant divers griefs à l’encontre de la Requérante.

A ce jour, le site relatif au domaine litigieux ne comporte qu’un message d’avertissement comportant un lien vers le site “www.noreve.com” en raison du litige latent entre les deux parties à la présente procédure administrative.

5. Argumentation des parties

A. Requérante

Tout d’abord, la Requérante constate que le nom de domaine <zenus-europe.com> est semblable au point de prêter à confusion aux marques dont elle allègue être titulaire. L’élément ZENUS constitue l’élément distinctif prédominant des marques. La Requérante ajoute que la dénomination géographique “-europe” est insuffisante pour exclure une confusion dans l’esprit de l’internaute. Elle conclut qu’il existe donc un risque de confusion entre les marques déposées par la Requérante et le nom de domaine <zenus-europe.com>.

Ensuite, la Requérante considère que le Défendeur ne dispose d’aucun droit ou intérêt légitime sur le nom de domaine <zenus-europe.com>. La Requérante expose que le Défendeur n’a jamais utilisé le nom de domaine <zenus-europe.com> afin d’offrir des biens et services, qu’il ne peut être connu sous le nom de domaine dans la mesure où, au 5 septembre 2011, le site rattaché au nom de domaine <zenus-europe.com> n’avait enregistré que 65 visites. Au surplus, la Requérante estime que, compte tenu du contexte dans lequel l’enregistrement du nom de domaine a eu lieu, son utilisation n’a jamais été effectuée de façon loyale et s’inscrit uniquement dans le but de dénigrer la Requérante.

Finalement, la Requérante estime que le Défendeur a enregistré le nom de domaine <zenus-europe.com> de mauvaise foi. Elle considère que le Défendeur a fait usage du nom de domaine <zenus-europe.com> dans le but de perturber les opérations commerciales de la Requérante, pour se venger d’elle en la dénigrant sur le site et de manière à attirer les utilisateurs sur un site concurrent, à savoir "www.noreve.com" auquel renvoyait le site du Défendeur.

En conclusion, la Requérante conclut que le nom de domaine <zenus-europe.com> a non seulement été enregistré mais est également utilisé de mauvaise foi, et requiert de la Commission administrative que le nom de domaine <zenus-europe.com> lui soit transféré.

B. Défendeur

Le Défendeur ne se prononce pas sur le risque de confusion entre le nom de domaine <zenus-europe.com> et les marques de la Requérante dans sa réponse.

Il estime en revanche avoir un droit sur la marque ZENUS, ainsi que sur le nom de domaine <zenus-europe.com>. Par courrier du 28 septembre 2011, le Défendeur a fait parvenir les preuves de dépôt des marques verbales française et communautaire ZENUS pour des classes similaires à celles pour lesquelles la Requérante a déposé ses marques en République de Corée. Le Défendeur considère également être légitimé à enregistrer et utiliser le nom de domaine litigieux et fournit un email de la Requérante du 17 décembre 2010, dans lequel la Requérante autorise le Défendeur à créer un site web en France.

Finalement, le Défendeur expose que les informations divulguées sur le site web “www.zenus-europe.com” sont véridiques et que, partant, l’utilisation du nom de domaine <zenus-europe.com> n’a pas été effectuée de mauvaise foi.

6. Discussion et conclusions

Conformément au paragraphe 4(a) des Principes directeurs, la Commission administrative doit déterminer si sont réunies les trois conditions posées par ceux-ci, à savoir :

(i) si le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion, à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits; et

(ii) si le Défendeur n’a pas un droit ou un intérêt légitime sur le nom de domaine; et

(iii) si le Défendeur a enregistré et utilise le nom de domaine de mauvaise foi.

A. Identité ou similitude prêtant à confusion

Selon le paragraphe 4(a)(i), la Requérante doit démontrer que le nom de domaine est identique ou semblable au point de prêter à confusion à une marque de produits ou de services sur laquelle la Requérante a des droits.

En l’espèce, la Requérante a déposé de nombreuses marques en République de Corée. A ce jour, seule l’une d’entre elles a toutefois été publiée (n°4020100035617), le 11 juillet 2011, à l’exclusion des autres marques dont elle cherche à se prévaloir. La titularité d’une seule marque suffit néanmoins. C’est également le lieu de rappeler que, conformément à l’opinion majoritaire des commissions administratives, l’enregistrement d’un nom de domaine avant que la Requérante n’acquiert des droits à la marque n’empêche pas pour autant la réalisation d’un risque de confusion au sens des Principes directeurs, dans la mesure où il n’est fait aucune mention de la date à laquelle la marque doit avoir été enregistrée; c’est alors bien plutôt sous l’angle de la mauvaise que la preuve sera plus difficile à rapporter (Synthèse des avis des commissions administratives de l'OMPI sur certaines questions relatives aux principes UDRP, deuxième édition ("WIPO Overview 2.0"), paragraphe. 1.4 et les décisions référencées).

Le fait que le nom de domaine litigieux ait été enregistré le 24 novembre 2010, soit avant la marque de la Requérante publiée le 11 juillet 2011 n’est donc pas décisif sous l’angle du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs. Etant dès lors admis que la Requérante dispose d’une marque susceptible d’être invoquée dans le cadre de la procédure, seule demeure ouverte la question de savoir si le nom de domaine litigieux y est identique ou similaire au point de prêter à confusion.

A cet égard, la Commission administrative relève qu’il est communément admis que le fait d’inclure une marque dans un nom de domaine est suffisant pour considérer que le nom de domaine est identique ou prête à confusion avec la marque de la Requérante, à teneur des règles contenues dans les Principes directeurs (voir par exemple Uniroyal Engineered Products, Inc. v. Nauga Network Services, Litige OMPI No. D2000-0503; Thaigem Global Marketing Limited v. Sanchai Aree, Litige OMPI No. D2002-0358; Consorzio del Formaggio Parmigiano Reggiano v. La casa del Latte di Bibulic Adriano, Litige OMPI No. D2003-0661).

Il est au surplus couramment admis que l’adjonction d’une dénomination géographique à une marque est insuffisante pour écarter l’existence d’un risque de confusion, dès lors qu’il s’agit d’un élément purement descriptif (voir par exemple Playboy Entreprises International, Inc. v. Zeynel Demirtas, Litige OMPI No. D2007-0768; Inter-IKEA Systems B.V. v. Evezon Co. Ltd, Litige OMPI No. D2000-0437; Dell Computer Corporation .v. MTO C.A. and Diabetes Education Long Life, Litige OMPI No. D2002-0363).

En l’espèce, le nom de domaine est constitué par la marque de la Requérante, à laquelle la dénomination “- europe” a été ajoutée. En tant que telle, cette dénomination géographique ne suffit dès lors pas à écarter le risque de confusion.

Il en résulte que la condition du paragraphe 4(a)(i) des Principes directeurs est remplie.

B. Droits ou légitimes intérêts

Selon les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(ii), la Requérante doit démontrer que le défendeur n’a pas de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine.

En l’espèce, il ressort aussi bien de l’argumentation de la Requérante que de celle du Défendeur que les deux parties entretenaient des rapports contractuels à tout le moins jusqu’à la fin de l’année 2010.

Fin 2010, les deux parties sont entrées dans une phase de négociations afin que le Défendeur devienne un distributeur ou un revendeur exclusif des produits de la Requérante sur le territoire français, ce sous la marque ZENUS.

Lors de ces négociations, le Défendeur a déposé une marque verbale française et communautaire ZENUS dans les Classes de Nice n° 14, 18 et 25 ainsi que le nom de domaine litigieux; alors que la procédure communautaire demeure pendante, la marque française est enregistrée depuis le 24 décembre 2010.

Bien que la Requérante allègue le fait que les marques en question aient été déposées de manière frauduleuse, il n’appartient pas à la Commission administrative de démêler la situation complexe contractuelle entre les parties et les conséquences qui peuvent en résulter quant à la validité, respectivement l’invalidité des marques du Défendeur. Partant, la Commission administrative n’a d’autre choix dans le cadre de la procédure administrative sommaire qu’est celle-ci de considérer, en l’absence d’un jugement définitif et exécutoire prononçant la nullité de ladite marque, qu’elle a été valablement déposée.

Si les commissions administratives ont tendance à considérer que l’enregistrement d’une marque par le défendeur correspondant au nom de domaine litigieux reflète un droit ou un intérêt légitime de ce dernier, tel n’est pas forcément le cas, et les circonstances du cas d’espèce seront ainsi déterminantes (WIPO Overview 2.0, paragraphe 2.7 et les décisions référencées).

En l’espèce, il résulte de l’échange de courriels intervenus entre les parties au mois de décembre 2010 et de la lettre d’engagement du 4 avril 2011, rédigée et signée par le Défendeur, que ce dernier s’engageait à cesser d’utiliser le nom de domaine à l’expiration de la lettre d’engagement. Indépendamment de la question de la validité de ladite lettre, elle reflète la volonté unilatérale du Défendeur, qui n’avait pas d’intérêt à poursuivre l’utilisation du nom de domaine en l’absence de la conclusion d’un accord de distribution entre les parties; partant, aucun accord n’ayant abouti, la Commission administrative est d’avis qu’au vu des échanges de correspondance entre les parties et de la lettre du 4 avril 2011, le Défendeur n’a aujourd’hui plus de droit ou d’intérêt légitime sur le nom de domaine litigieux.

En conséquence, eu égard à ce qui précède, la Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(ii) est remplie.

C. Enregistrement et usage de mauvaise foi

Finalement, la Requérante doit encore démontrer qu’aussi bien l’enregistrement que l’utilisation qui est faite du nom de domaine litigieux l’est de mauvaise foi, selon le paragraphe 4(a)(iii) des Principes directeurs.

En l’espèce, il ne fait aucun doute que l’enregistrement du nom de domaine <zenus-europe.com> est au contraire survenue de bonne foi, dans le cadre des négociations précontractuelles entre la Requérante et le Défendeur. La Requérante elle-même a du reste donné son accord à cet enregistrement, puisqu’elle écrivait dans son courriel du 17 décembre 2010 : “[…]. OK we agreed. You can go ahead for making your Website in France […]” (cf voir traduction ci-dessus).

A partir du moment où cet enregistrement a eu lieu avec l’accord de la Requérante, la Commission administrative ne peut considérer qu’il l’a été de mauvaise foi. Or, c’est le lieu de rappeler que, conformément à l’opinion majoritaire des commissions administratives, ici reflétée par Mile, Inc. v. Michael Burg, Litige OMPI No. D2010-2011:

“The Policy, paragraph 4(a)(iii), obliges the Complainant to establish that the Domain Name “has been registered and is being used in bad faith.” The consensus view since the Policy was implemented in 1999 has been that the conjunctive “and” indicates that there must be bad faith both at the time of registration and subsequently. Apart from unusual cases of a respondent’s advance knowledge of a trademark, it is not logically possible for a respondent to register a domain name in bad faith contemplation of a mark that does not yet exist or of which the respondent is not aware4”.

L’objectif des Principes directeurs consistant à lutter contre les enregistrements abusifs effectués de mauvaise foi, la Commission administrative estimerait contraire au but poursuivi par cette procédure d’admettre le caractère alternatif de ces exigences. Elle est d’avis que le litige contractuel opposant les parties relève d’une situation complexe qui dépasse le cadre de la présente procédure, qu’il n’appartient pas à la Commission administrative de démêler dans le cadre d’une procédure administrative sommaire destinée à des cas de cybersquatting, et qui devrait faire l’objet d’une action judiciaire.

Dès lors que la Requérante succombe sur cette condition, il n’y a pas lieu d’examiner si l’usage du nom de domaine <zenus-europe.com> a été fait de mauvaise foi.

La Commission administrative considère que la condition du paragraphe 4(a)(iii) n’est pas remplie.

7. Décision

Pour les raisons précédentes et conformément au paragraphe 4(i) des Principes directeurs et 15 des Règles d’application, la plainte est rejetée.

Philippe Gilliéron
Expert Unique
Le 24 octobre 2011


1 Traduction informelle des emails) "Toutefois, il n’y a aucun doute que la marque Zenus es la propriété unique de Kyunglin. Et de ce fait, Kyunglin veut conserver sa propriété sur le nom de domaine. Si vous voulez conserver la propriété du nom de domaine, nous pouvons comprendre, en tant que stratégie globale. Mais de notre côté nous ne pouvons pas tout développer pour vous en Europe et prendre le risque qu’un jour, si jamais quelque chose tourne mal, Zenus nous ferme l’accès au site".

2 " […] mais vous devez être d’accord que nous détenons et contrôlons le site Internet français".

3 "[…] OK nous sommes d’accord. Vous pouvez continuer la création du site Internet en France".

4 Les Principes directeurs, paragraphe 4(a)(iii) oblige le requérant à démontrer que le nom de domaine a été enregistré et est utilisé de mauvaise foi. L’opinion majoritaire depuis que les Principes directeurs s’appliquent est que le terme "et" exige qu’il doit y avoir une mauvaise foi lors de l’enregistrement ainsi que postérieurement. Sauf les cas peu usuels où le défendeur avait connaissance de la marque avant qu’elle soit enregistrée, il est donc logiquement impossible pour le défendeur d’enregistrer un nom de domaine de mauvaise foi lorsque ladite marque n’existait pas encore".